Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Monsieur le Directeur général,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis heureuse d'ouvrir les Journées 2006 de la Coopération internationale française, et de pouvoir m'exprimer devant toutes celles et tous ceux qui, à travers le monde, contribuent à faire de notre pays un acteur clé de l'aide au développement et du dialogue culturel.
154 services de coopération d'ambassade, 45 agences françaises de développement, 153 établissements culturels, 283 Alliances françaises, 27 centres de recherche, une assistance technique forte de 2.000 experts : notre réseau est à bien des égards "unique". Unique par sa densité ; unique par son adaptation à la diversité des réalités locales. Il est, dit-on, la plus grande entreprise multiculturelle du monde. Il constitue un outil irremplaçable, qui donne à nos discours une traduction en actes sur le terrain.
Aujourd'hui, votre rassemblement annuel à Paris me donne l'occasion de vous préciser les dernières orientations de notre politique d'aide au développement et de nos actions en faveur de la francophonie, voulues par le gouvernement.
J'évoquerai pour cela, tout d'abord, les principaux défis auxquels nous devons répondre, puis, les moyens que nous mettons en oeuvre pour atteindre nos objectifs.
En premier lieu, nous devons apporter une réponse à trois types de défis qui concernent l'être humain, sa planète et sa culture.
S'agissant des défis humains, vous ne serez pas étonnés que j'insiste devant vous sur le rôle spécifique des femmes dans le développement. C'est en effet par elles que passe le développement, par leur éducation, par leur participation aux processus de production. Leur promotion est une question éthique et politique, mais aussi économique. J'ai marqué plusieurs fois mon engagement personnel sur ce sujet, notamment lors de la dernière journée internationale de la femme, en recevant la première présidente élue du continent africain, Mme Johnson-Sirleaf. Il importe à présent de mieux intégrer cette problématique dans nos politiques, dans nos programmes, dans nos projets de coopération. Je me réjouis à cet égard de la création d'une cellule de coordination sur cette question au sein de mon ministère, et de la réunion à la rentrée prochaine d'une plate-forme "genre et développement" qui rassemblera la société civile, les instituts de recherche et les institutionnels concernés.
Au-delà, c'est évidemment toute la question des migrations qui constitue le principal défi humain auquel nous avons à répondre. Vous le savez, la communauté internationale a pris acte du lien qu'il nous faut établir plus étroitement entre le développement et le fait migratoire : c'était le sujet de la Conférence de Rabat qui s'est tenue la semaine dernière, et qui a réuni pour la première fois l'Europe et l'Afrique pour aborder ensemble la question des flux migratoires. C'est en effet en s'attaquant à la pauvreté, dont on sait bien qu'elle est la première motivation à quitter son pays d'origine, que l'on parviendra à agir le plus efficacement sur les flux migratoires. Il faut donc aider les pays de départ à créer les conditions leur permettant de retenir leurs populations sur place. Je vous demande donc de veiller à orienter nos projets de coopération vers les régions source d'immigration et d'y mettre en place des projets créateurs d'emplois pour fixer les populations. Nous devons en effet faire en sorte qu'à "l'immigration choisie" dans les pays d'arrivée, puisse correspondre une "émigration choisie" dans les pays de départ.
Pour ce faire, j'ai eu l'occasion de mettre en avant le modèle français de co-développement, qui vise à faire participer les migrants au développement de leur pays d'origine. Cette idée originale, portée par notre pays, est désormais connue, reconnue et même imitée.
Mais il faut aller au-delà, et procéder à la réévaluation de toutes les politiques de développement sous l'angle des migrations internationales. Pour ce faire, le dernier Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement présidé par le Premier ministre, a validé un plan d'action en trois axes :
- D'abord, un soutien accru aux projets de terrain initiés par les migrants en faveur de leur pays d'origine ;
- Ensuite, la facilitation de leurs transferts de fonds ;
- Et enfin, la mobilisation des compétences acquises en France.
Je voudrais particulièrement insister sur ce dernier aspect de la "mobilisation des compétences", alors que de nombreux pays en développement connaissent une grave crise des ressources humaines.
D'ores et déjà, la France ne ménage pas ses efforts en faveur de la formation : par les bourses qu'elle octroie, par les appuis qu'elle apporte aux systèmes éducatifs du Sud, par l'accueil gratuit d'étudiants dans ses universités, c'est plus d'un milliard d'euros qu'elle consacre chaque année à ces différentes formations.
Mais il faut aller plus loin, et particulièrement dans le secteur de la santé, qui souffre d'un grave déficit quantitatif et qualitatif, dont les effets sont dramatiques dans une soixantaine de pays. La situation de l'Afrique est particulièrement préoccupante : il est des régions où, faute de médecins, on ne parvient pas à administrer les vaccins qui sauveraient des vies.
La communauté internationale a mis en place de nombreuses initiatives sectorielles, que la France soutient avec conviction. Mais il nous faut veiller en même temps à renforcer les moyens humains des systèmes de santé du Sud. C'est ce que j'ai plaidé en novembre 2005, lors du Forum de haut-niveau pour la santé qui s'est tenu à Paris. Je constate avec satisfaction une mobilisation de la communauté internationale, l'année 2006 ayant notamment été intitulée "année des ressources humaines" par l'OMS.
Je vous demande, dans les postes concernés, de relayer cet effort. Nous devons aider nos partenaires à former, à retenir et même à organiser le retour de leurs personnels de santé. Pour cela, nous devons travailler avec les Etats, mais aussi avec le secteur privé, le monde associatif, les collectivités territoriales, du Sud comme du Nord.
Au-delà de ces différents enjeux humains, le dernier CICID a également voulu élargir les objectifs assignés à notre politique d'aide au développement, en mettant en avant le concept des "Biens publics mondiaux", au côté des Objectifs du Millénaire pour le développement.
Ce nouveau concept permet d'inscrire notre solidarité vis-à-vis des pays pauvres dans un cadre plus global, intégrant l'ensemble des attentes essentielles des populations. A cet égard, je vous encourage à mener des actions de plaidoyer en faveur de ce nouveau concept, dans votre pays de résidence.
Trois grandes priorités ont été définies :
- la lutte contre les maladies transmissibles,
- la lutte contre le changement climatique,
- la préservation de la biodiversité.
Sur ces questions, nous devons bien sûr faire en sorte que la recherche, en France comme en Europe, s'intéresse davantage aux questions de développement.
Notre pays bénéficie d'une tradition dans ce domaine, qui doit être revivifiée. Le gouvernement a donc décidé d'élaborer une stratégie pour développer ce secteur de la recherche. Nous le ferons avec le ministère de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, en nous appuyant largement sur l'Institut de recherche pour le développement (IRD), qui vient d'être doté d'une nouvelle fonction d'agence d'objectifs, de programmation et de moyens. Il s'agira naturellement pour l'IRD de consulter l'ensemble des institutions scientifiques concernées, mais aussi les acteurs du développement et nos partenaires du Sud.
Enfin, le troisième objectif sur lequel je souhaite mettre l'accent, est celui de la diversité culturelle.
Cette année 2006 est en effet particulièrement porteuse pour la Francophonie, avec la célébration, à Paris et sur tout le territoire national, de la richesse et de la diversité des cultures francophones. Le Festival Francofffonies, qui associe les 63 pays membres ou observateurs de l'OIF, constitue d'ores et déjà un succès remarquable. J'espère qu'il aura contribué à faire évoluer le regard de nos compatriotes sur la diversité francophone, en faisant notamment percevoir combien la langue française est bien plus que la langue des Français.
L'année 2006 est aussi l'année du Sommet de la Francophonie à Bucarest. Ce Sommet revêt à mes yeux une double importance.
D'abord, il sera celui d'une Organisation internationale rénovée, et bien décidée sous l'autorité de son secrétaire général, le président Abdou Diouf, à mener une action politique plus affirmée sur la scène internationale.
Et puis Bucarest sera aussi l'occasion de mettre l'accent sur la francophonie européenne : sur nos actions communes, avec l'OIF, pour former au français les fonctionnaires européens, pour renforcer l'enseignement bilingue francophone. Pour faire du français une des langues de l'intégration européenne.
Mesdames et Messieurs, si nous voulons répondre de façon pertinente à ces différents défis, il nous faut des moyens adaptés dont je soulignerai trois aspects essentiels : des moyens financiers accrus, un dispositif plus efficace et des partenariats à intensifier.
Tout d'abord, les moyens. La France s'est engagée depuis 2002 à augmenter son aide publique au développement, qui dépassera 9 milliards d'euros en 2007, soit plus du double qu'en 2001. Dans ce cadre, l'Afrique est et restera notre priorité.
Sachez également que dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons, je fais tout pour préserver la capacité de notre action bilatérale, qui est essentielle pour notre visibilité.
Au-delà des ressources budgétaires, soumises aux aléas que l'on connaît, nous devons poursuivre assidûment la recherche de nouveaux types de financements du développement. La France a mené une action diplomatique intense pour promouvoir des mécanismes internationaux innovants, susceptibles d'apporter des ressources additionnelles. Depuis le 1er juillet, une contribution de solidarité sur les billets d'avion a été instaurée en France. Les quelques 200 millions d'euros qu'elle rapportera seront entièrement consacrés au secteur de la santé. Je compte sur votre mobilisation pour que le plus grand nombre de pays rejoigne les 17 qui se sont déjà engagés à mettre en place ce type de contribution.
Enfin, s'agissant spécifiquement des moyens consacrés à la langue française, j'ai présenté en conseil des ministres, en février dernier, un plan en faveur de l'enseignement du français à l'étranger. Doté de 50 millions d'euros, il permettra de soutenir la diffusion de notre langue en Europe, en Afrique et dans les pays émergents.
Ce plan répond avant tout à la forte demande de français qui s'exprime un peu partout dans le monde, et que j'observe notamment dans mes différents déplacements. J'en retire le sentiment que notre langue ne se porte pas si mal, contrairement à un discours pessimiste que l'on entend souvent. La réalité, c'est que le français demeure la 2ème langue la plus enseignée dans le monde, et qu'en 10 ans, le nombre d'apprenants a augmenté de plus de 16 millions de personnes.
Mais la recherche de moyens nouveaux serait vaine si elle ne s'accompagnait d'une recherche tout aussi résolue d'une plus grande efficacité de notre action.
C'est ce souci d'efficacité, vous le savez, qui a motivé la réforme de notre dispositif de coopération au développement depuis 2004. J'ai pu constater depuis mon arrivée il y a un an les progrès importants qui ont été accomplis dans sa mise en oeuvre, et je tiens à vous remercier pour les efforts accomplis en ce sens. A ce jour, la nouvelle répartition des compétences entre le Département et l'AFD est une réalité.
Mais cette réforme a surtout été celle du renforcement de la coordination de notre dispositif, sous mon autorité, en tant que chef de file gouvernemental de l'aide au développement de la France. A cet égard, je souhaite saluer ici la réorganisation de la DGCID, en particulier la mise en place de la direction des politiques de développement, qui permet au Département d'assumer au mieux sa nouvelle tâche.
Je tiens aussi à rappeler que l'ambassadeur est le garant de la cohérence et de la coordination de l'ensemble des actions menées par la France dans son pays de résidence. J'insiste donc, en termes clairs : l'ambassadeur doit aussi être sur place le véritable pilote de l'ensemble de nos actions de coopération.
L'efficacité de notre action suppose enfin, vous le savez, l'établissement d'une authentique relation de partenariat avec les pays où nous intervenons. J'attache donc la plus grande importance aux documents-cadres de partenariats (DCP), qui permettent de définir nos orientations en plein accord avec nos partenaires bilatéraux, mais aussi de renforcer la cohérence de notre action et la prévisibilité de notre aide. Une quinzaine de DCP sont aujourd'hui signés. L'effort doit être poursuivi. Surtout, je vous demande de veiller à faire vivre tous ces DCP, en organisant sur place chaque année une réunion de suivi et de bilan. Dans leur contenu, je vous demande également d'intégrer pleinement, dans tous les pays où cela se justifie, la problématique migratoire - c'est-à-dire l'effort que nous devons consacrer à une meilleure régulation des flux migratoires. Je vous demande aussi d'intégrer notre coopération militaire, lorsqu'elle existe, car je ne vois pas pourquoi il faudrait continuer à faire cette distinction avec la coopération civile alors que dans de nombreux domaines, l'humanitaire, par exemple, nous agissons ensemble.
Ces DCP sont l'occasion d'une meilleure coordination avec nos partenaires européens, et plus généralement avec les autres bailleurs de fonds internationaux. Ils sont aussi l'occasion de mieux associer les acteurs non étatiques, notamment les collectivités territoriales, les entreprises et les ONG, dont les atouts sont considérables en termes d'expertise, de coopération de proximité, de plaidoyer.
Je voudrais mettre un accent particulier sur la coopération avec les entreprises. D'importants progrès ont été réalisés. Mais il subsiste aussi souvent, ne nous le cachons pas, une certaine retenue à avoir de véritables relations de partenariat avec elles. Je souhaite donc vous dire qu'il s'agit pour moi d'un axe essentiel de notre coopération, et je salue à cet égard la mise en place d'un chargé de mission auprès du DGCID sur ce sujet. Par une plus grande implication des entreprises dans nos actions de coopération, il s'agit bien entendu d'obtenir des moyens supplémentaires pour démultiplier nos actions. Mais, plus fondamentalement, il s'agit aussi de reconnaître que la visibilité internationale de notre pays repose en grande partie sur les qualités et sur la puissance de nos entreprises.
Mesdames et Messieurs,
Pour conclure, je voudrais vous inviter à relayer autour de vous les différents messages délivrés au cours de ces Journées de la coopération internationale. Vous inviter aussi à mobiliser vos équipes autour des grands chantiers que j'ai évoqués.
Au total, il s'agit bien d'agir collectivement pour une coopération française ambitieuse, efficace, et innovante. Une coopération française qui soit à la hauteur de notre ambition, celle de donner le meilleur de nous, pour un monde meilleur.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 juillet 2006