Texte intégral
Merci Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs,
En ce jour de deuil national au Liban après la tragédie de Cana, je suis d'abord venu exprimer la condamnation, la solidarité et les condoléances des autorités françaises aux familles des victimes de Cana.
Je veux dire au peuple libanais tout entier, notre profonde solidarité, notre indéfectible amitié aux parents et aux proches de ces enfants, de ces femmes, de toutes ces personnes innocentes, fauchées par un acte terrible et injustifiable que la France a immédiatement condamné.
Je suis venu leur dire que la France, comme en 1996, se tient à leur côté pour partager leur immense douleur mais aussi pour tout faire afin que de tels malheurs ne se reproduisent plus. Si la France avait été écoutée à Rome, le massacre de Cana n'aurait pas eu lieu. Le cessez-le-feu pour la France, c'est aujourd'hui une priorité et une urgence, avec le cessez-le-feu immédiat, la levée du blocus et le retour des personnes déplacées dans leur maison et dans leur village. C'est un message très clair, c'est le message du Président de la République, c'est le message que j'ai porté à Rome.
Le drame d'hier nous montre une fois de plus, j'allais dire une fois de trop, que les armes doivent enfin se taire. La provocation entraîne la riposte. La riposte entraîne l'escalade infernale. Je demande l'arrêt immédiat des hostilités. Je demande aux parties concernées de véritablement faire preuve de courage et de responsabilité en cessant les combats.
Ce message a été en partie entendu, puisque le Conseil de sécurité hier soir a appelé pour la première fois à la cessation de la violence et a souligné l'urgence d'un cessez-le-feu durable, permanent et viable.
Le Conseil de sécurité a ainsi montré sa détermination. Nous aurions bien sûr préféré un texte plus fort, appelant à un cessez-le-feu immédiat, mais aussi à une condamnation ferme de ce qui s'est passé à Cana, mais le texte adopté permet, j'en suis persuadé, d'avancer. J'appelle donc l'ensemble des parties à respecter cet appel du Conseil de sécurité et à cesser immédiatement la violence. J'appelle donc à une désescalade immédiate.
Il n'en reste pas moins vrai, Mesdames, Messieurs, qu'il existe aujourd'hui un risque réel d'osciller entre les dimensions humanitaires et militaires, en laissant peu à peu de côté l'aspect politique, qui est pourtant le coeur de toute solution.
Oui, nous devons trouver un règlement politique. C'est le message de la France. Pour la première fois, le Conseil de sécurité se déclare déterminé à travailler sans plus tarder à l'adoption d'une résolution pour régler durablement la crise. Il faut aller vite. La France a proposé un plan pour un règlement équilibré et durable. Elle a rédigé et fait circuler un projet de résolution à New York qui devrait être examiné dans les prochains jours. Ce plan inclut les éléments suivants : d'abord la cessation immédiate des hostilités, ensuite la mise en place d'un accord politique pour le règlement de la crise, la libération des prisonniers et des détenus libanais et israéliens, la mise en oeuvre de l'accord de Taëf et l'extension de l'autorité du gouvernement libanais sur tout son territoire, le règlement de la question des fermes de Chebaa dont les frontières doivent être délimitées et qui pourraient être placées dans l'intervalle sous juridiction des Nations unies, le respect de la souveraineté du Liban et d'Israël.
Enfin ce plan envisage également la perspective de créer une force de stabilisation internationale mais uniquement - et c'est là très important à nos yeux - avec l'accord des deux parties, et dans l'objectif de les aider à mettre en oeuvre l'accord politique passé entre elles.
Je tiens ici à rendre hommage à l'unité nationale libanaise au lendemain du drame de Cana et à la force des déclarations du président Nabih Berry et du Premier ministre Fouad Siniora. Je salue la position unie et déterminée, adoptée par le gouvernement libanais dans son ensemble avec le plan en sept points présenté par le Premier ministre à Rome. Il existe aujourd'hui une convergence forte entre le plan du gouvernement libanais et celui qui est porté par la France. Il y a une opportunité à saisir sur ces bases pour sortir de la crise. Oui, je le dis ici de Beyrouth : la situation militaire est à nos yeux une impasse. Les questions politiques appellent des solutions politiques. Il revient désormais à chacun de faire preuve de responsabilité et de choisir la voie de la paix. C'est le message et l'espoir que je suis venu porter ici aujourd'hui. Je vous remercie.
Q - Pourquoi les Etats-Unis s'opposent au plan français qui est proposé au Conseil de Sécurité ? Quels sont les points que les Etats-Unis ne veulent pas dans ce plan ?
R - Nous avons, comme toujours, présenté la voie de l'arrêt immédiat des hostilités et nous avons exprimé notre souhait de ne pas participer à une force multinationale tant qu'il n'y aura pas un accord politique entre toutes les parties. Je vois avec plaisir que les positions de nos partenaires évoluent vers les nôtres. Je vois avec plaisir que pour la première fois hier à New York, on parle de cessation de la violence. Je vois avec plaisir que l'idée d'un accord politique préalable à la mise en place d'une force multinationale commence à faire son chemin. La France est prête à parler avec ses partenaires, y compris bien sûr les Américains, puisque nous avons avec eux un langage de vérité, comme tout partenaire qui se respecte. Nous souhaitons parler rapidement de ces deux sujets avec eux à New York.
Q - Le message français que vous venez de déclarer peut-il être entendu chez les Israéliens ?
R - Ce message est un message de paix. C'est un message politique. On voit bien aujourd'hui, depuis le 12 juillet, que ce n'est pas par une solution purement militaire que l'on arrivera, ou qu'Israël, arrivera à ses fins. Nous le disons depuis le début. Cela est confirmé aujourd'hui. Ce qui s'est passé à Cana, il y a quelques heures, me confirme l'importance de la cessation immédiate des hostilités et me confirme aussi qu'une cessation immédiate des hostilités est une condition pour les uns et les autres de se parler, de négocier et d'aboutir à un accord politique donc à un cessez-le feu durable et donc ensuite aux conditions pour lesquelles une force internationale peut se déployer dans le Sud et mettre en place la résolution 1680, c'est à dire le déploiement de l'armée libanaise au Sud Liban.
Q - On a l'impression que la Communauté internationale et le propre gouvernement libanais n'ont pas réellement de prise sur la résolution de ce conflit. Qu'est-ce que vous en pensez ?
R - Tout doit être fait pour placer le gouvernement libanais au coeur de la négociation politique. Cet accord politique ne peut se faire qu'avec l'accord évidemment du gouvernement israélien et du gouvernement libanais, j'ai envie de dire essentiellement du gouvernement libanais. Tout ce qui va fragiliser le gouvernement libanais va contre la paix . Nous avons au contraire besoin plus que jamais, nous, la communauté internationale, la France en particulier, amie séculaire et historique du Liban, de garantir la souveraineté, l'indépendance, la liberté du Liban. C'est le message du président de la République, comme il l'a toujours fait partout dans le monde, dans cette région en particulier. Souvenez-vous de l'Irak. Il n'est pas question de participer à une force internationale sans accord politique.
Q - Vous parlez de la force de stabilisation et vous dites qu'il faut avoir l'accord des deux parties pour pouvoir avoir cette force de stabilisation. Les deux parties sont le gouvernement libanais et le gouvernement israélien ? Ou le gouvernement israélien et le Hezbollah ? De qui parlez-vous quand vous dites les parties ?
R - Les parties pour nous, c'est d'un côté le gouvernement libanais et le Hezbollah et de l'autre évidemment Israël, le Liban et la communauté internationale, tel que le Président Chirac l'a récemment défini, dans un entretien qu'il a donné.
Q - On a appris que le ministre iranien des Affaires Etrangères arrivait cet après-midi, est-ce que vous pouvez le rencontrer ?
R - Il est évident que nous ne devons pas accepter une déstabilisation du Liban qui pourrait entraîner une déstabilisation de la région. Dans la région il y a bien sûr un pays comme l'Iran, un grand pays, avec un grand peuple, une grande civilisation, qui est respecté et qui joue un rôle de stabilisation de la région. Il est donc tout à fait normal que les responsables politiques qui veulent un accord politique puissent rencontrer les uns et les autres. Je me suis déjà exprimé sur ce sujet. Nous avons un dossier sur lequel nous parlons avec les Iraniens, c'est le dossier nucléaire iranien. Nous avons tendu une main aux Iraniens avec le développement d'une énergie nucléaire, civile, pacifique à des fins non militaires, avec des propositions politiques, économiques. Et nous avons dit que s'ils ne prenaient pas cette main, nous pourrions alors aller devant le Conseil de sécurité des Nations unies. C'est le dossier iranien, mais nous pensons plus que jamais que les Iraniens sont un acteur respecté, important de la région et donc je vous ai répondu là-dessus.
Q - Est-ce que vous vous affirmez qu'un cessez-le-feu pourrait intervenir dès cette semaine et sinon à ce moment là est-ce qu'on ne risquerait pas une sorte d'enlisement ?
R - C'est tout le risque. Je pense que si en effet, il n'y a pas une cessation immédiate de la violence ni les conditions pour trouver un accord politique, le risque d'enlisement est fort. Ce n'est pas uniquement le risque d'enlisement entre deux pays, le Liban et Israël ; c'est un risque d'enlisement qui me paraît extrêmement dangereux, au-delà même de la région.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 août 2006