Interview de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement à RTL le 28 juillet 2006, sur les chiffres du chômage, la politique de l'emploi et le développement des services à la personne.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Jean-Louis Borloo
RTL
28 juillet 2006
Richard Arzt : Bonjour, Jean-Louis Borloo. C'est grave, pour vous, que le vainqueur du tour de France, Floyd Landis, soit accusé de s'être dopé ?
Jean-Louis Borloo : C'est la troisième manifestation sportive au monde, après le foot, la Coupe du Monde, les Jeux Olympiques et le Tour de France. Alors, évidemment, pour l'instant, le vieil avocat que j'étais - ou je suis - doute de tout au bénéficier. J'attends la contre-expertise. Mais si ça se révélait exact, ça serait un drame absolu parce que c'est le maillot jaune, parce que cette année, en plus, on avait vraiment le sentiment que c'était un tour ouvert, que, justement, les dopés n'étaient pas au départ. Alors, s'ils ne sont pas au départ, mais qu'ils sont à l'arrivée, c'est compliqué !
Richard Arzt : Venons-en aux questions de votre ministère. Le chômage du mois de juin est descendu à 9%. A entendre les commentaires que vous avez fait jeudi, ce chiffre ne vous surprend pas : il est conforme à vos analyses. Vous voulez dire que l'amélioration de l'emploi est totalement sous contrôle de votre ministère ?
Jean-Louis Borloo : Sous contrôle, non. Mais j'ai eu l'occasion, ici, de vous en faire l'analyse, il y a un an et demi. Le marché de l'emploi, ou le taux de chômage, n'est pas simplement l'enfant de la croissance ou, plus exactement, il faut en permanence plus de 3% de croissance pour avoir un taux de chômage normal. En revanche, notre organisation était inacceptable. On avait laissé filé l'apprentissage, l'alternance, les contrats de professionnalisation, il y avait une crise du logement, on ne recrutait pas dans ce secteur-là.
Richard Arzt : Et c'est en réformant tout ça qu'on obtient les chiffres ?
Jean-Louis Borloo : Oui. C'est une politique générale d'emploi : ce n'est pas une mesure, évidemment. Le fond de l'histoire, c'est qu'il n'y a aucune raison, Monsieur Arzt, que vous, demain matin, si vous quittiez RTL - sans le vouloir - spontanément, vous retrouviez immédiatement un job. Parce que la probabilité que l'offre et la demande se conjuguent est très faible. C'est pour cela qu'on a fait une réforme, enfin, U.N.E.D.I.C, A.N.P.E, mission locale, formation professionnelle.
Richard Arzt : Je veux bien, mais je vais vous prendre le point de vue du Parti Socialiste.
Jean-Louis Borloo : Si vous me laissez parler une seconde, juste un tout petit peu ! Parce qu'après, je vais commenter le commentaire. Parce que c'est très important : le demandeur d'emploi, c'est la principale richesse du pays. On laissait les gens dans une gestion administrative. On allait à l'A.N.P.E et on allait voir s'il n'y avait pas un job qui correspondait à ce que l'on savait faire. Et puis après, on se disait : "Alors, qu'est-ce que je peux faire ?". On allait voir s'il n'y avait pas une formation disponible.
Richard Arzt : Jean-Louis Borloo, on sait bien que vous avez réformé. Vous, vous pensez donc que cette façon de faire un tri, ça suffit ?
Jean-Louis Borloo : L'accueil personnalisé, c'est crucial. Les services à la personne, qui est un énorme champ d'activité, c'est crucial.
Richard Arzt : Quand le Parti Socialiste parle de baisse optique du chômage - qui vient d'une augmentation des départs à la retraite et des radiations sur les fichiers de l'A.N.P.E - que répondez-vous ? Le côté démographique des choses existe oui ou non ?
Jean-Louis Borloo : Je trouve ça affligeant qu'un grand parti, pour lequel j'ai le plus grand respect, soit attristé qu'il y ait plus de gens au travail et moins de gens au chômage. Il n'y a qu'une façon de regarder : combien y a-t-il de gens qui cotisent, aujourd'hui, à l'U.N.E.D.I.C ou à l'U.R.S.S.A.F ? Y en a-t-il vraiment beaucoup plus ou pas ? Il y en a 286.000 de plus. Il y a 286.000 personnes sur le territoire nationale qui cotisent à l'U.N.E.D.I.C ou à l'U.R.S.S.A.F de plus qu'il y a 18 mois. Et il se trouve - imaginez-vous, Monsieur Arzt, parce que, c'est quand même un miracle absolu - c'est exactement le chiffre de la baisse du chômage. Alors, il y a plus de personnes en activité, toutes activités confondues. C'est vrai que ça change de nature d'entreprise : c'est plutôt des plus petites que des très grosses. C'est plutôt des services à la personne que de la métallurgie : tout cela, c'est évident. Mais il y a plus de personnes en activité. Voilà ! Ca, c'est la vérité. Quant aux radiations, Monsieur Arzt, parce que j'en ai un peu plein le dos d'entendre toujours les mêmes billevesées.
Richard Arzt : Radiations sur les fichiers.
Jean-Louis Borloo : Les radiations, qu'est-ce que c'est ? Ce sont des régularisations administratives de gens qui, ayant retrouvé un emploi, n'ont pas spontanément déclaré, à l'A.N.P.E ou à l'U.N.E.D.I.C, qu'ils avaient retrouvé un emploi. Au bout de trois relances, on constate. Le chiffre, depuis dix ans, bouge de 1.500 à 2.000 par mois. Un coup, c'est 2.000 de plus. Un coup, c'est 2.000 de moins : c'est toujours entre 33.000 et 38.000. Voilà ! C'est cela la réalité. Mais ça agace tout le monde !
Richard Arzt : Moi, ça ne m'agace pas !
Jean-Louis Borloo : Non, mais je parle des commentaires.
Richard Arzt : J'essaie de vous poser une autre question !
Jean-Louis Borloo : Qu'il y ait 286.000 personnes qui cotisent en plus, aujourd'hui, par rapport au jour du lancement de plan de cohésion sociale, irrite. Je suis surpris des irrités.
Richard Arzt : Lorsque, jeudi, Dominique de Villepin a annoncé le chiffre de 9% avant qu'il soit officiel, ça vous a irrité ?
Jean-Louis Borloo : Non. J'ai pris ça comme un hommage, une forme d'impatience d'annoncer les bons chiffres. Cela lui faisait très plaisir : il l'a fait. Et je considère que c'est un hommage qu'il rend au travail du ministère de l'Emploi.
Richard Arzt : Cela peut-il politiquement lui être favorable à Dominique de Villepin qui a l'air de le croire ?
Jean-Louis Borloo : Moi qui étais candidat souvent à Valenciennes, dans des tas de circonstances, l'élection est toujours un phénomène, dans la politique, où il y a un peu d'alchimie. C'est beaucoup plus, vous savez, votre attitude, le fait de mouiller le maillot, de vous donner du mal, mais, en vrai, c'est le fait de vraiment faire le boulot pour lequel vous êtes payé que les gens jugent au moment des grandes échéances. Sur le fond et maintenant sur le reste, nous avions un sentiment terrible : cela faisait six ans que, inexorablement, tous les mois, il y avait 25.000 chômeurs de plus. Et on avait le sentiment, jusqu'au lancement du plan de cohésion sociale, que c'était irrémédiable. Parce que la grande théorie économique des gens biens élevés c'était qu'il fallait 3% de croissance, pendant plusieurs années, pour créer de l'emploi.
Richard Arzt : Là, vous parlez à l'imparfait. Mais parlons donc, si vous le voulez bien, un peu au futur. Jean-Louis Borloo, vraiment, dans un an, on en sera où, au moment de la campagne ?
Jean-Louis Borloo : Mécaniquement, les dix programmes que l'on a lancés : les services à la personne se développent de plus en plus vite. On double quasiment la production de logement. On recrute dans le logement. On augmente les contrats d'apprentissage, de professionnalisation, on reçoit mieux les demandeurs d'emploi, on fait des maisons de l'emploi. Donc, toutes ces mesures concourent à une amélioration, à mon avis, assez forte. Je crois qu'on est vraiment rentré dans un cercle vertueux. Cela ne nous empêchera pas d'avoir un mois, de temps en temps, mauvais - parce que, sur 30 jours, on peut avoir de mauvais chiffres. Mais je pense qu'on va clairement, à terme, vers les 7%. C'est ce que j'ai annoncé quand j'ai lancé le plan de cohésion sociale.
Richard Arzt : A terme, cela veut dire quand ?
Jean-Louis Borloo : J'avais annoncé sur cinq ans, à l'époque, quand j'ai présenté le plan de cohésion sociale : il y a donc 18 mois. Il n'y a aucune raison que l'on ne soit pas mieux que la moyenne européenne : strictement aucune. Donc, on y sera. Je pense qu'on sera vers 8,6 à la fin de l'année, comme je l'avais annoncé et puis, un peu mieux l'année prochaine.
Richard Arzt : Une question sur le C.I.V.I.S, ce contrat d'insertion dans la vie sociale, en Nord-Pas-de-Calais, 600 jeunes - un peu plus, même - qui avaient signé un C.I.V.I.S, ne toucheront plus l'allocation prévue parce qu'il n'y a pas assez d'argent : on a fait un sujet là-dessus, à 7h30.
Jean-Louis Borloo : C'est formidable et je vous remercie de m'alerter. Le C.I.V.I.S, qui a été lancé dans le plan de cohésion sociale, est un succès monstrueux. 210.000 ont été signés en 18 mois. De quoi s'agit-il ? D'une aide pour des jeunes, pour les accompagner vers l'emploi : pouvoir passer le permis de conduire, etc.
Richard Arzt : N'y a-t-il plus d'argent, donc, dans ce cas-là ?
Jean-Louis Borloo : Non, pas du tout ! Il se trouve que, dans le Nord-Pas-de-Calais, ça explose complètement et qu'on n'a pas été alerté qu'il fallait mettre une rallonge tout de suite. Cela a été fait jeudi soir. Voilà, tout simplement ! C'est la preuve d'un succès, Monsieur Arzt.Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 28 juillet 2006