Interview de M. Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA à France 2 le 7 août 2006, sur la sécheresse et la canicule, les aides à l'agriculture en cas de calamités naturelles et la consommation d'eau pour l'agriculture.

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Média : France 2

Texte intégral

J.- M. Lemétayer
(pdt de la
FNSEA)
France 2
7h50
R. Sicard
le 7 août 2006
Q- On va parler de la sécheresse qui s'est aggravée en France depuis le début de l'été. Il y a eu quelques pluies la semaine dernière ; est-ce que ces pluies ont changé la donne ?
R- Un tout petit peu. Mais cela ne rattrape pas, de toute façon, la récolte qui est terminée, qui a été moins bonne qu'espérée, parce que l'on s'attendait à une très bonne année. La récolte en céréale est moins bonne et même...
Q- Y a-t-il déjà des chiffres sur cette récolte ? Sait-on quel est le manque à gagner ?
R- On a une baisse qui peut aller jusqu'à 20 à 30 % dans certaines régions, c'est très hétérogène. On a des régions où [inaud.], et puis d'autres où c'est moins bon, je pense au Centre de la France, notamment, ou même le Nord-Est de notre pays. Et puis on a les effets de la canicule, terrible, sur la production de fourrage pour nos animaux et là, on va, une nouvelle fois, avoir un énorme déficit fourrager. La majorité des éleveurs de notre pays aujourd'hui sont en train de puiser dans leur stock d'hiver. Maintenant, ce qui est important, c'est que pour faire face à tout cela, on organise l'approvisionnement qui sera nécessaire pour faire face à l'hiver prochain.
Q- On se rappelle qu'en 2003, il y avait eu de grands transports de fourrage dans toute la France, pour apporter le fourrage là où n'y en avait pas ; est-ce qu'on peut assister à la même chose cette année ?
R- Non, parce d'abord, il est trop tard. Lorsque nous avions lancé l'énorme opération - nous avions transporté 400 000 tonnes de paille en 2003, on avait pu agir suffisamment en amont. Là, la canicule est arrivée, elle a frappée d'un seul coup. Du coup, la récolte s'est accélérée, et c'est maintenant que nos éleveurs font le bilan de ce qu'il va leur manquer pour l'hiver prochain. Donc, il va falloir organiser l'approvisionnement en matière première, en fourrage, pour l'hiver prochain.
Q- Comment va-t-on faire si on n'en a pas ?
R- Il y a un marché qui n'est forcément que français, pour satisfaire aux besoins. On va voir les problèmes de transports dans les semaines et les mois à venir, et là, peut-être faudra-t-il une nouvelle fois, en appeler à la solidarité nationale pour une aide au transport. Mais je dois dire quand même que dès les premières semaines de juillet, nombre des éleveurs ont cherché à s'approvisionner au plus près, cela coûte le moins cher possible malgré tout. Maintenant, l'heure est à faire le bilan dans les départements. Il faut que rapidement, tous les départements touchés réunissent ce que nous appelons la commission départementale de calamité, de façon à ce que, comme je l'ai demandé et je le edemande à nouveau parce que je n'ai pas la réponse, la commission nationale ne se réunisse pas fin septembre mais bien début septembre, de façon à avoir un bilan national au plus tôt.
Q- Cette commission des calamités, c'est celle qui donne de l'argent aux agriculteurs quand il en faut, quand ils en manquent, quand il y a de véritables calamités, c'est le Gouvernement qui met en partie l'argent dans cette caisse des calamités ; combien demandez-vous aujourd'hui au Gouvernement, est-ce que le Gouvernement doit mettre la main à la poche ?
R- Il y a un fonds national des calamités. Il faut donc que chaque agriculteur puisse entrer dans cette procédure et ce fonds est alimenté à la fois, pour moitié par nous les producteurs et pour moitié par le Gouvernement. Chaque année le Gouvernement spécule sur le fait qu'il n'y aura pas de difficulté, et ce n'est donc pas prévu au budget. Ce que je demande, c'est que le Gouvernement puisse tenir ses engagements en matière d'abondement du fonds de calamité. Et quel que soit le chiffre, il faudra bien que le Gouvernement satisfasse les besoins.
Q- Donc, ce matin, vous lui demandez clairement de passer à la caisse ?
R- Je n'aime pas bien l'expression "passer à la caisse". Je dis "tenir ces engagement en matière de fonds des calamités".
Q- Pas question d'impôt sécheresse pour autant ?
R- Je crois que c'est loin, c'était en 1976. Trente ans après, heureusement, on ne parle plus d'impôt sécheresse. On doit pouvoir régler nos problèmes de calamité par les procédures...
Q- Pour vous, en tout cas aujourd'hui, on peut parler de calamité ? Le terme est le bon ?
R- Bien sûr. On a trente-deux départements qui ont déjà ou qui vont faire les démarches de procédure calamité. Vous savez qu'il doit d'abord y avoir une décision du préfet du département pour que la commission nationale statue - et je l'espère - dès début septembre.
Q- On sait que les agriculteurs sont de très gros consommateurs d'eau ; on dit qu'ils consomment 70 % de l'eau utilisée en France. De leur côté, ne faut-il pas qu'ils fassent un effort pour avoir des cultures un peu moins gourmandes en eau ?
R- Ils ont déjà fait beaucoup d'effort.
Q- Pas assez.
R- Les surfaces en maïs, qui sont accusées, ont baissé de 8 % une nouvelle fois cette année par rapport à l'an dernier. Et l'an dernier, cela avait déjà régressé. Un agriculteur a besoin de faire sur son exploitation ce qui lui permettra d'avoir du revenu. Donc, il n'a pas de raison d'engager des productions pour se dire, finalement, c'est le fonds des calamités qui va me régler mes problèmes, mon revenu. Je crois qu'on n'est pas dans cette démarche. De l'eau, il y en a ; il va y avoir débat dans quelques semaines, à la rentrée, sur la loi sur l'eau, au Sénat. Et parmi les dossiers qu'il nous faut régler, c'est notamment celui de la gestion de la ressource parce que je pense que de l'eau il y en a, il y a même des zones qui peuvent continuer d'irriguer, Dieu merci. Mais c'est surtout qu'il faut savoir la stocker quand il en tombe.
Q- Donc, finalement, vous n'êtes pas prêt à ce que les agriculteurs fassent de gros efforts, par exemple abandonnent le maïs comme certains le souhaitent, le maïs qui est un gros consommateur d'eau, comme vous le disiez ?
R- Il n'y a aucune raison d'abandonner la production de maïs, pas plus dans [inaud.] Il y a à ne pas produire de maïs là où les conditions agronomiques et climatiques ne le permettent pas, mais est-ce que l'on imaginerait dans d'autres pays de l'Europe ou du monde que l'on arrête telle ou telle production ? Non, je crois que ce n'est pas comme cela. Je pense que le maïs est une production qu'il faut qu'on continue de faire, sinon, vous savez, on l'importera. Faut-il importer ou produire chez nous ?
Q- Passons à un autre dossier du maïs, avec les OGM. J. Bové et ses amis les faucheurs sont passés à l'action, la semaine dernière ; vous êtes contre ces actions anti-OGM ?
R- Absolument, parce que je pense que le feuilleton du fauchage du maïs ne règle rien. Je crois simplement qu'il faut que le projet de loi qui est en attente...
Q- Vous voulez que le Gouvernement clarifie la situation ?
R- Il a le devoir de le faire. C'est une exigence européenne, l'Etat français pourrait même être condamné pour ne pas avoir statué sur le dossier des OGM. Il y a eu un projet de loi déposé en Conseil des ministres, qu'attend le Gouvernement pour en faire en sorte que le Parlement en débatte ? C'est d'autant plus nécessaire que les produits OGM...la vraie réponse, elle doit être dans les rayons pour le consommateur. On peut détruire tout ce que l'on veut dans notre pays, cela n'empêchera pas d'avoir des produits OGM dans les rayons puisqu'il y a des importations de ces produits. Ce qui est important pour le consommateur, c'est qu'il soit éclairé. Si les Français ne veulent pas consommer d'OGM, ils doivent pouvoir le faire en ayant un étiquetage extrêmement précis qui leur permet de dire "je n'achète pas OGM parce que j'ai cet éclairage dans le rayon". Et cela réglera davantage le problème.
Q- Pour vous, les fauchages de J. Bové, c'est d'abord la campagne électorale de J. Bové ?
R- C'est une possibilité de faire beaucoup de médiatisation. Je ne sais pas
si c'est pour sa prochaine campagne présidentielle, il est libre de ses
actes.
Q- Est-ce que ce sera un bon candidat ?
R- Vous savez, il y a tellement de candidat que je ne sais pas lequel sera le
bon.
Q- Voterez-vous pour lui ?
R- La question ne se pose pas comme ça. D'abord, il est candidat à la
candidature, si j'ai bien compris, à la gauche de la gauche. C'est son
problème, ce n'est pas celui du président de la FNSEA.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 août 2006