Entretien de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, avec France 3 le 2 août 2006, sur l'exigence d'une solution politique avant tout déploiement d'une force internationale au Liban et sur le rôle de l'Iran dans la stabilisation de la région.

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Média : France 3

Texte intégral

Q - La réunion de demain de l'ONU, on vient de le voir, a été annulée. Est-ce que c'est parce que la France n'y participe pas ?
R - En tout cas, la France ne souhaite pas y participer parce que - ainsi que le président de la République l'a dit depuis le début - on ne peut pas mettre en place une force internationale, même sous mandat de l'ONU, tant qu'il n'y a pas de cessez-le-feu. Ce serait mettre le doigt dans un engrenage. On l'a vu en Irak. Qu'irait faire une force étrangère militaire au Sud-Liban, quand on voit aujourd'hui que même les Israéliens, qui connaissent chaque mètre carré de cette région, n'arrivent pas à régler le problème du Hezbollah. Une solution purement militaire ne peut pas régler la question.

Q - Et en plus, on sent bien que les Israéliens veulent attirer l'Europe sur le terrain militaire parce que ni les Américains, ni les Allemands, ni les Britanniques ne veulent y aller ?
R - Oui, les Américains nous ont fait savoir qu'ils ne viendraient pas sur le terrain, tout comme les Britanniques, et les Allemands. Donc, en définitive, aujourd'hui, il nécessaire d'établir le triptyque, le calendrier très précis que nous avions défini depuis le début. D'abord une cessation immédiate des hostilités. J'ai vu avec plaisir que l'ensemble de l'Union européenne a adopté notre position. Ensuite un accord politique. Oui, il faut parler des deux prisonniers israéliens, mais aussi du règlement de la question des prisonniers libanais. Il faut parler des fermes de Chebaa. Il faut parler du désarmement du Hezbollah par des voies politiques et non militaires. Ces conditions politiques une fois réunies, il y aura alors un cessez-le-feu durable et, uniquement ensuite, une force internationale sera envisageable.

Q - Visiblement, on en est loin. Il y a quelques mois, vous aviez été très virulent sur l'Iran et son programme nucléaire et aujourd'hui, vous souhaitez que Téhéran participe au règlement de la situation au liban. C'est un peu paradoxal.
R - Il y a deux dossiers différents. Il y a le dossier nucléaire iranien. Il faut faire preuve d'une très grande fermeté et, le 31 juillet, sous présidence française, le Conseil de sécurité a décidé qu'il y aurait des sanctions, placées sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies, article 41, contre l'Iran s'il n'accepte pas les propositions qu'on lui a faites aux côtés des Chinois, des Américains, des Anglais et des Russes.
Mais il y a un deuxième sujet aujourd'hui. Ce sont ces morts : je vous signale que cette guerre fait plus morts parmi les enfants que parmi les militaires. Il faut l'arrêter le plus vite possible. On sait que l'Iran joue un rôle. J'ai dit au ministre des Affaires étrangères iranien "vous avez là la possibilité de montrer que l'Iran peut jouer un rôle positif et non pas un rôle négatif". S'il ne le fait pas, alors ce sera, nous l'avons dit, au Conseil de sécurité, de s'exprimer.

Q - Quel est l'état d'esprit de votre homologue iranien ?
R - Nous devons y croire, parce que la diplomatie c'est obligatoirement toujours croire à une sortie de crise durable. Il n'y aura pas de sortie de crise durable si on ne parvient pas à un accord politique, à un accord de paix. Ce n'est pas avec des mitraillettes, avec des tanks ou des roquettes que l'on y parviendra. Par conséquent, la seule solution, c'est de parler à toutes les parties. Nous nous sommes entretenus avec les Iraniens. Ils nous ont dit : "notre pays veut jouer un grand rôle stabilisateur dans la région ". Et bien, maintenant à eux de le prouver. S'ils ne le font pas, ils seront isolés du reste de la communauté internationale et je me devais de le leur dire.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 août 2006