Interview de M. Alain Madelin, président de Démocratie libérale, à RTL le 21 mars 2001, sur le bilan des élections municipales, le non-cumul des mandats et sa candidature à l'élection présidentielle en 2002.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

O. Mazerolle Beaucoup tirent comme conclusion des élections municipales que les électeurs veulent une autre pratique politique. Pour un homme de droite, qu'est-ce que cela veut dire ?
- "Nous l'avons vu avec le non-cumul des mandats. Jospin en avait parlé et les électeurs l'ont pris au mot. M. Blois est sans doute victime de son absence. Les électeurs demandent des élus plus présents. Je l'ai d'ailleurs constaté moi-même : c'est la raison pour laquelle je ne me suis pas représenté à Redon et que j'ai passé la mairie que j'avais gagnée en 1995 à une excellente équipe, parce que je savais bien qu'il y avait une attente, non pas seulement d'animation d'équipe mais aussi de disponibilité au jour le jour, que je n'étais pas capable de donner."
Le non-cumul strict est-il une règle que la droite devrait appliquer si elle revenait au pouvoir ?
- "Oui, il me semble qu'aujourd'hui, il y a des attentes nouvelles des électeurs. Il y a eu un besoin d'union et un besoin ..."
... de renouvellement. Il faut appliquer le non-cumul.
- "Le non-cumul des mandats, et surtout des fonctions, doit être appliqué."
Quelles caractéristiques a l'électorat de droite ? On dit beaucoup qu'à Lyon, par exemple, il a montré une certaine modération en refusant C. Millon qui avait fréquenté un peu l'extrême-droite.
- "Vous me permettrez de dire d'un mot que c'est globalement une belle victoire pour l'opposition, s'il n'y avait pas effectivement Lyon et Paris. C'est une belle victoire de l'union, les trois familles de l'opposition - libérale, gaulliste et centriste - se sont unies, on l'a oublié, dans 92 % des villes de plus de 30 000 habitants. C'est enfin une belle victoire pour les libéraux, puisque nous avons zéro perte et que nous avons des gains dans une quinzaine de grandes villes. Les seuls gains de Démocratie libérale dans les villes de plus de 30 000 habitants sont égaux aux gains du RPR et de l'UDF cumulés."
Y a-t-il modération de l'électorat de droite ou non ?
- "On a entretenu artificiellement à Lyon une querelle qui n'avait plus de raison d'être et on en a payé la facture. Reconnaissez qu'il y a un certain paradoxe à avoir entretenu la vieille querelle des électeurs du Front national qui s'étaient reportés sur Millon en 1998, alors qu'à Strasbourg ou à Blois, la droite gagne ces villes avec le report massif et l'appel des électeurs du Front national à faire barrage à la gauche. Vraiment, c'est une querelle d'une autre époque que l'on a eu tort de ne pas savoir refermer à temps."
L'électorat semble ne pas vouloir la refermer...
- "Lorsque vous avez des hommes ou des femmes politiques qui entretiennent cette querelle au-delà de la date de péremption, on en paie la facture."
On lit aussi beaucoup que la droite est quand même à la recherche d'un leader, parce que finalement, les pertes de Paris et de Lyon seraient imputables à J. Chirac.
- "Sur les trois grandes villes - Paris, Lyon, Marseille -, nous avons fait, dans le souci d'union de l'opposition, le choix d'une stratégie qui consistait à dire que nous désignions comme chef de file quelqu'un de même couleur que le maire sortant. A Marseille, cela n'a pas posé de problème, c'était J.-C. Gaudin, qui a bien su faire l'union et qui a bien su donner une fierté d'être Marseillais et gagner la ville. Il y a eu un problème à Lyon et à Paris. A Lyon, nous avons choisi de donner le chef de file à Mercier et à Paris, nous avons choisi de donner le chef de file à P. Séguin, que le RPR avait désigné. Malheureusement, M. Tiberi s'est maintenu et il y a eu un vote-sanction : sanction de la litanie des affaires, sanction du maintien de Tiberi, sanction de notre incapacité à tourner la page. S'il n'y avait pas eu cette dualité de candidature, l'opposition aurait conservé Paris."
L'UDF dit que c'est Chirac le responsable.
- "Je ne sais pas qui est le responsable. On ne va pas chercher à se repasser le mistigri de la responsabilité de la perte de Paris. Simplement, est-ce que M. Tiberi pouvait raisonnablement penser qu'il pouvait faire l'union et gagner la mairie de Paris ? La réponse est non. Est-ce que M. Séguin - ou un ou une autre - aurait pu gagner la mairie de Paris ? La réponse est oui. Mais Séguin plus Tiberi, on n'a pas su, on n'a pas pu, on n'a pas voulu enlever Tiberi ; eh bien, on en paie la facture !"
Pari tenu : l'union va se faire ? Parce que maintenant, on voit P. Séguin et F. de Panafieu qui se disputent le leadership de l'opposition !
- "Je ne comprends pas : Séguin nous avait assuré que s'il n'était pas maire, il ne serait pas conseiller de Paris. Il semble vouloir rester. Il va prendre aujourd'hui le risque de compter ses amis au sein du RPR."
Démocratie libérale votera pour lui ?
- "Vous savez qu'il n'y a pas de groupe unique."
Mais n'est-ce pas la figure de l'opposition ?
- "C'est encore une affaire à l'intérieur du RPR. Nous ne participons pas à ce vote, puisque bien évidemment, il y aura un groupe UDF, sans doute présidé par mon ami C. Goasguen."
Vous vantez les mérites de J.-C. Gaudin qui a donc été réélu à Marseille, mais il s'adresse à vous, comme aux autres chefs de parti de la droite, en disant qu'il faut faire l'union car il en a marre des écuries présidentielles !
- "J'ai dîné avec J.-C. Gaudin et un certain nombre d'amis lundi soir pour les féliciter les uns et les autres de leurs victoires. Nous avons fait le point : toutes les initiatives pour l'union sont bonnes. Pour gagner les prochaines élections législatives, je souhaite un sigle commun, des candidats communs et un projet commun. S'agissant des échéances de 2002, nous avons certes les législatives, qui nécessitent l'union et le renouvellement, mais nous avons aussi les élections présidentielles. Et on n'arrêtera pas le besoin de renouvellement à la porte des élections présidentielles ! Les présidentielles sont un grand débat, il y a plusieurs visions de l'avenir de la France et je souhaite bien évidemment présenter un projet audacieux, une politique vraiment nouvelle, pour faire autrement non seulement que Jospin, mais faire autrement que les politiques technocratiquement correctes d'hier."
Quelles différences avec J. Chirac ? Pourquoi vous présenter contre lui ?
- "Nous allons faire campagne. Il y a des différences. L'enjeu essentiel de 2002, l'élection présidentielle et l'alternance, se jouera sur la modernisation de la France. Je pense pouvoir présenter des idées crédibles en phase avec le monde. Il y aurait beaucoup d'erreur de la part de l'opposition et beaucoup d'électeurs qui ne se dérangeraient pas, s'ils n'avaient pas le sentiment qu'on a la volonté d'appeler un chat "un chat", un blocage "un blocage", une bureaucratie corporatiste "une bureaucratie corporatiste", et qu'on ne présente pas des solutions fortes, que jusqu'à présent on a refusées."
Après la demande d'union envoyée par les électeurs de la droite au moment des municipales, ces multiplications de candidatures aux présidentielles ne vont-elles pas brouiller le paysage ?
"Il y a un besoin d'union et un besoin de renouvellement. L'un et l'autre sont nécessaires dans l'une et l'autre élection. Les présidentielles, traditionnellement sous la Vème République, sont l'occasion de bousculer un peu les frontières, de faire germer des idées nouvelles, de faire du neuf. Qui ne peut nier qu'il y a quand même besoin de faire bouger un peu la politique ? S'il y a bien un moment où on peut le faire, où on peut essayer d'entraîner une majorité de Français vers des frontières un peu nouvelles, c'est l'élection présidentielle. Si vous réduisiez l'élection présidentielle à un duel Chirac-Jospin, il y aurait beaucoup d'électeurs qui resteraient chez eux."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 21 mars 2001)