Interview de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à "France 2" le 24 août 2006, sur l'augmentation de la croissance économique et de l'emploi et sur certaines mesures d'aide économique, notamment le chèque transport, en réponse à la hausse du prix du pétrole.

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Média : France 2

Texte intégral

Q- Beaucoup de Français rentrent de vacances et ceux qui rentrent en vacances en voiture ont un peu une mauvaise surprise en passant à la pompe à essence : ils constatent que l'essence atteint des sommets. Hier, on parlait d'un chèque transport qui serait réservé aux salariés pour un petit peu amortir cette hausse. Est-ce que vous confirmez la mesure ?
R- Le Premier ministre a souhaité que la rentrée se fasse sous l'angle de la consommation et du pouvoir d'achat. C'est vrai que l'économie va mieux, on l'a dit cet été, la croissance est là, elle est solidement installée dans notre pays, mais par ailleurs, nos concitoyens, nos compatriotes ont l'impression que finalement, ils ne voient pas toujours l'impact de cette augmentation de la croissance sur leur pouvoir d'achat. On le voit sur l'emploi parce que l'emploi va beaucoup mieux dans le pays, et on a vu que la croissance crée l'emploi. Par contre, c'est vrai que, sur le pouvoir d'achat, moi, en tant que ministre de l'Economie et des Finances, alors j'ai les chiffres qui sont à ma disposition et puis après ça, eh bien il y a nous tous, il y a vous, il y a moi, il y a ma famille, il y a la vôtre, et on voit bien que le pouvoir d'achat on aimerait qu'il soit un peu plus robuste.
Q- C'est vrai que les Français quand on leur dit que le pouvoir d'achat augmente, ils disent : "moi, à la fin du mois, j'ai toujours plus de mal".
R- Voilà. Alors, moi, je vois qu'en tant que ministre des Finances le pouvoir d'achat augmente et je le redis puisque nous attendons cette année une augmentation de 2,4 % du pouvoir d'achat des Français, ce qui est bien, ce qui est même pas mal parce que la moyenne des 25 dernières années, elle est à 1,9 %, la moyenne des pays européens, elle est à +1,5 %, vous voyez, nous on est à 2,4, l'année dernière on était à 1,3. Cela veut donc dire qu'on progresse plus vite que les autres.
Q- Mais pourquoi les Français ont-ils cette impression ?
R- Effectivement, on a l'impression que dans son porte-monnaie, on en a un peu moins. Une fois le passage à l'euro digéré, il y a le fait que nos compatriotes consomment différemment. Il y a beaucoup de dépenses aujourd'hui et c'est ce qui me préoccupe, moi, ministre des Finances, qui sont des dépenses à travers lesquelles les Français ont l'impression d'être liées. Prenez des exemples, le téléphone, le téléphone portable, la télévision, Internet, les contrats d'assurance, tout ce qui fait que finalement le 1er de chaque mois, eh bien par prélèvements, on vient vous retirer une petite part de votre pouvoir d'achat.
Q- Et on a du mal à résilier l'abonnement.
R- Et c'est la raison pour laquelle je souhaite que nous ayons la possibilité très vite, à l'automne, de présenter une grande loi consommation qui permettra de protéger les consommateurs contre précisément tous ces abus et qui leur redonnera de la liberté pour leur redonner du pouvoir d'achat. Alors, derrière ça, il y a effectivement l'énergie - on en reparlera peut-être tout à l'heure sur Gaz de France -, l'énergie, le pétrole, l'essence, c'est vrai que le baril augmente.
Q- Alors, sur l'essence, qu'est-ce que vous faites ?
R- Alors, heureusement, le baril augmente mais la répercussion, parce que nous contrôlons cela de très très près avec mes services, ne va pas aussi fortement frapper la poche des consommateurs qu'on la voit sur le baril de pétrole. Donc, heureusement, ça se tient plutôt bien, mais je suis très vigilant.
Q- Ils ont quand même l'impression que cela augmente beaucoup.
R- Je suis très vigilant. C'est la raison pour laquelle je vais convoquer l'ensemble des compagnies pétrolières pour voir avec elles les dispositifs et les mécanismes que nous voulons mettre pour que ces répercussions ne se fassent pas trop rapidement et que le consommateur soit protégé. Par ailleurs, c'est exact, et je vous le confirme ce matin, avec le Premier ministre nous réfléchissons à la mise en oeuvre d'une facilité qui permettrait d'accompagner nos compatriotes qui utilisent beaucoup les transports pour se rendre à leur lieu de travail et alléger un peu leurs factures pour se rendre à leur lieu de travail. C'est le Premier ministre, bien sûr, qui annoncera les mesures que nous sommes en train de finaliser avec J.-L. Borloo, avec lui, avec D. Perben et avec moi-même.
Q- Concrètement, ce sera quoi ? Un chèque comme le chèque déjeuner ?
R- Concrètement, ce sera une mesure très précise, une mesure qui ira directement dans la poche des consommateurs, qui allègera leurs factures transport mais je laisse au Premier ministre le soin de vous l'annoncer très prochainement.
Q- Et qui va payer ? Les entreprises ?
R- Ce sera l'ensemble des acteurs, on est en train de finaliser tout ça.
Q- Certains, notamment les associations de consommateurs, disent il faudrait taxer les compagnies pétrolières parce qu'elles profitent beaucoup de la hausse du pétrole.
R- Vous savez, moi, ce que je souhaite c'est que les compagnies pétrolières réinvestissent massivement leurs profits pour notre pays, pour la France, faire en sorte que nous puissions avoir des investissements considérables dans le domaine de l'énergie de façon à garantir les prix les plus bas à nos consommateurs, à nos compatriotes, parce que c'est comme ça, in fine, qu'on pourra le faire.
Q- Vous parliez de la hausse de la croissance. Pour 2006, on va arriver à combien ?
R- Pour 2006, j'ai toujours indiqué que nous serions entre 2 et 2,5 de croissance, après les chiffres qui ont été publiés et confirmés du reste, hier, par l'INSEE en ce qui concerne le premier semestre... le premier semestre où je rappelle quand même que la France a réalisé la meilleure performance européenne, on peut le dire parce que c'est vrai qu'on avait plutôt l'habitude de dire que la France est un peu à la traîne, eh bien non, depuis maintenant plusieurs trimestres, la France fait la course en tête au niveau européen.
Q- Et pour 2006 alors ?
R- Et donc, je confirme bien volontiers que nous serons entre 2 et 2,5, plutôt dans la fourchette haute, donc sur 2006 et quant à 2007, j'avais exprimé que je garderais la même fourchette de 2 à 2,5 pour le budget 2007, je suis en train de finir aujourd'hui et demain - on en discute beaucoup avec le Premier ministre - les arbitrages du budget 2007. Je n'ai aucune raison évidemment de changer cette fourchette puisque je vois que cette croissance est durable.
Q- Quand il y a de la croissance, cela attise les convoitises. Beaucoup demandent des baisses d'impôts, et notamment à droite la baisse de l'impôt sur les successions.
R- Je voudrais là-dessus revenir un instant, il y a eu et j'ai vu quelques discussions, voire quelques polémiques. Vous savez, moi, en tant que ministre des Finances, j'ai beaucoup d'équipes qui travaillent à Bercy et on fait travailler beaucoup d'équipes pour réfléchir, notamment quand on construit un budget. Et c'est vrai qu'au début de l'été j'ai demandé à certaines de mes équipes de réfléchir à un certain nombre d'éléments concernant en particulier la succession, mais après, vous savez, c'est une grande organisation, Bercy, très disciplinée et très organisée. On travaille, et puis après ça, quand on a des propositions on les soumet au ministre, si le ministre, moi-même, estime que ce sont des bonnes propositions, je vais les soumettre au Premier ministre. Pour l'instant, on ne m'en a pas soumises, donc je ne les ai pas arbitrées, donc elles n'existent pas. Et puis quand on va me les soumettre, il y a peut-être eu des fuites ici ou là, c'est normal, j'ai pris des mesures pour que ceci ne se reproduise plus, quand ces mesures...
Q- ...mais vous êtes pour ou vous êtes contre ?
R- Quand ces mesures me seront soumises, je verrai ce qu'elles valent vraiment, je verrai si c'est opportun de les faire cette année, je verrai cela dans la globalité des problèmes de succession, et puis j'en parlerai ensuite avec le Premier ministre. On n'en est pas là. Maintenant, à titre personnel, je pense que ceci est un peu rapide, a été fait un peu rapidement, donc ça ne sera certainement pas, si jamais j'en parle avec le Premier ministre, tel que ça a été présenté.
Q- La hausse de la croissance, ça va se traduire de quelle manière pour l'emploi ?
R- De façon très claire, vous avez vu que les estimations que nous avons sur la création d'emplois, parce que c'est la croissance qui crée l'emploi, pour 2006, c'est plus de 200.000 créations nettes d'emplois, et je vous le confirme ce matin, donc c'est vraiment un montant très significatif, on en avait +50.000 au deuxième trimestre, donc on est vraiment sur une dynamique très forte, dont 80 % dans le secteur marchand. Ça, c'est la réalité des chiffres, donc oui, la croissance française crée de l'emploi, oui elle crée massivement de l'emploi dans le secteur marchand. Nous sommes redevenus un pays compétitif en matière de créations d'emplois. L'objectif que nous a fixé le Président de la République, à savoir d'atteindre la barre des 8,5 % rapidement sera atteint, et puis peut-être même en 2007...
Q- ... 8,5 % de chômeurs.
R- ... de chômeurs...oui, bien sûr, 8,5 %, vous avez raison, de chômeurs. Et peut-être même que son souhait de 8 % en 2007 sera atteint. En tout cas, tous les indicateurs qui sont à ma disposition me démontrent que c'est faisable.
Q- Le dernier dossier, c'est la fusion entre GDF et Suez. La Commission de Bruxelles fait des réserves. Il va falloir réviser la copie ?
R- J'ai passé beaucoup de temps cet été à dialoguer, à discuter avec les uns et les autres. Je le redis très clairement ce matin : le Gouvernement et la majorité - et notamment j'en parle beaucoup avec N. Sarkozy, qui est le président de mon parti - le Gouvernement et la majorité seront prêts pour le débat parlementaire et seront unis pour ce débat parlementaire qui aura lieu le 7 septembre. Par ailleurs, la Commission européenne, comme c'est normal, a indiqué un certain nombre de réserves. Les entreprises ont tous les arguments pour y répondre et j'ai confiance dans le succès de ce projet qui est important pour les entreprises mais surtout, je le dis, pour la France et pour nos compatriotes.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 24 août 2006