Texte intégral
François Chérèque
RTL
29 août 2006
Jean-Michel Aphatie : Bonjour François Chérèque. Vous réclamiez une conférence sur les revenus. Dominique de Villepin, lundi soir, a annoncé que, d'ici à la fin de l'année, se tiendrait une conférence sur les revenus et l'emploi. On imagine que vous êtes content. Mais à quoi sert une conférence sur les revenus et l'emploi ?
François Chérèque : Cela sert à réunir les partenaires sociaux, le gouvernement, pour essayer de trouver des solutions au problème du pouvoir d'achat : c'était notre priorité dans cette conférence. Le Premier ministre a rajouté le problème de l'emploi. Bien sûr, ils sont liés. Depuis un an, nous réclamons cette conférence. Nous avons proposé cette conférence pour parler des problèmes du coût des transports et, déjà, à l'époque, on proposait un chèque-transport. Pour parler du problème du coût des loyers : on sait très bien que cela pèse beaucoup sur le pouvoir d'achat. Donc, comment peut-on maîtriser cette évolution ? Problème de l'assurance-maladie complémentaire. Par exemple, de plus en plus, la santé est un coût direct des ménages. Et puis, débattre des 23 milliards d'allègements de charges qui sont données aux entreprises, pratiquement sans contrepartie. Et on veut savoir quelles sont les contreparties d'emplois, ou de salaires, qu'on peut demander aux entreprises. Donc, voilà nos propositions depuis un an. Le Premier ministre y accède : au bout d'un an, je pense que c'est une bonne démarche. Maintenant, il faut faire du concret.
Jean-Michel Aphatie : Mais cette conférence va se tenir à quelques semaines de l'élection présidentielle. Le gouvernement qui va la diriger n'aura pas beaucoup de légitimité pour décider de choses importantes.
François Chérèque : On nous a répété, lorsqu'on est passé au quinquennat, qu'il fallait un rythme plus rapide des institutions, pour être efficace pendant les cinq années de gouvernement. J'espère qu'on ne va pas avoir un pays qui ne fonctionne que sur quatre ans. Les salariés attendent des résultats sur le pouvoir d'achat maintenant. On voit bien que la croissance repart, qu'il y a une augmentation des richesses. On veut une répartition différente des richesses : il faut que l'on en débatte. Et il peut y avoir des décisions maintenant, d'autres peuvent préparer des décisions pour demain.
Jean-Michel Aphatie : Alors, Dominique de Villepin a déjà pris des décisions. Il a annoncé la création du chèque-transport à partir du 1er janvier 2007 sur un mode facultatif pour les entreprises. Vous êtes satisfait, François Chérèque ?
François Chérèque : Tout d'abord, c'était une demande depuis un an - je le répète - donc, c'est bien d'y aller. Mais vous avez dit facultatif.
Jean-Michel Aphatie : C'est le Premier ministre qui l'a dit.
François Chérèque : Vous avez repris ce mot "facultatif" : c'est ce qui pose problème. Si on va sur une démarche facultative, on va arriver, encore une fois, avec des inégalités entre les salariés. Les entreprises qui font du social, et qui ont les moyens de le faire, le feront. Celles qui ont plus de difficultés, en particulier les petites entreprises, ne le feront pas, et on va accroître les inégalités. Donc, c'est bien d'aller dans cette démarche et de favoriser les transports en commun. Je crois que la méthode n'est pas la bonne et on veut en débattre dans cette conférence, bien évidemment.
Jean-Michel Aphatie : Mais si la conférence est à la fin de l'année et si le chèque-transport doit rentrer en vigueur le 1er janvier 2007.
François Chérèque : A ce moment-là, il faut en débattre dès maintenant, et il faut que le gouvernement réunisse les partenaires sociaux pour en débattre dans les jours qui viennent.
Jean-Michel Aphatie : Il y a une marche de négociations, d'après vous ?
François Chérèque : Je le souhaite parce qu'autrement...
Jean-Michel Aphatie : Parce qu'on a eu l'impression, lundi, que le Premier ministre présentait quelque chose qui était arrêté, décidé.
François Chérèque : Regardez en Ile-de-France. En Ile-de-France, les personnes qui prennent les transports en commun, sont remboursées 50% du coût des transports en commun. Je ne vois pas pourquoi on mettrait en place des systèmes différents. Donc, il faut trouver, bien évidemment, des financements, des méthodes pour aider les entreprises pour le faire. Mais il n'y a pas de raison que ce coût des transports, qui devient prohibitif pour certains, sanctionne les salariés d'une partie de la France, alors que d'autres ont des accès plus faciles aux transports en commun et aux transports.
Jean-Michel Aphatie : La prime pour l'emploi va aussi augmenter dans des proportions plus importantes que ce qui était prévu. Cela fait un peu "cadeau de Noël". On n'est que fin août, mais quand même, il y en a pour tout le monde.
François Chérèque : De toute façon, cela fait un an que l'on réclame des mesures sur le pouvoir d'achat. Peu importe ! Si l'occasion nous permet d'avancer sur certains points, profitons-en ! Mais, en même temps, cette augmentation de la prime pour l'emploi, c'est bien pour ceux qui vont en bénéficier. Cela fait pratiquement un treizième mois pour les smicards. Mais maintenant, il faut avoir une réflexion beaucoup plus large, parce qu'on a un transfert des charges salariales qui commence à aller sur l'Etat, petit à petit. Donc, on a des entreprises qui commencent à avoir une attitude en disant : "pourquoi augmenter les salaires puisque l'Etat augmente avec la prime pour l'emploi ?". Il va falloir que l'on réfléchisse un peu plus sérieusement à cette utilisation importante, et ses conséquences sur l'augmentation des salaires dans les entreprises et, éventuellement, voir si cela a vraiment des conséquences sur l'emploi. Donc : oui à cette augmentation qui est bien évidemment importante pour les gens qui en bénéficient. Mais regardons les conséquences réelles sur les politiques salariales des entreprises.
Jean-Michel Aphatie : Toutes ces annonces, François Chérèque, ne vous paraissent pas résoudre le débat qui commençait à monter sur le pouvoir d'achat ? Cela ne règle pas ce problème-là ?
François Chérèque : Ca donne des pistes de solution, et j'ai donné d'autres sujets sur lesquels ont peut discuter. Mais ça n'enlève pas la grande responsabilité qui est celle des entreprises, et cela n'enlève pas le débat sur le problème des bas salaires et des salaires moyens. Le Premier ministre l'a dit lui-même : "entre ce que je dis ce soir et ce que ressentent les salariés, il y a un écart". Donc, c'est un voeu de modestie du Premier ministre qui n'est pas habituel de sa part. Donc, ce qui veut dire qu'il faut que l'on commence à regarder comment on peut créer de vrais déroulements de carrières dans les entreprises, et comment ces allègements de charges importantes pour les entreprises - cadeau aux entreprises qui sont importantes : Madame Parisot doit l'entendre, elle qui n'est pas d'accord sur cette prime des transports. On donne beaucoup aux entreprises. Comment on maintient les salariés sur des bas salaires. 40% des salariés sont sur la zone du S.M.I.C, à 1,5% du S.M.I.C : ils sont de plus en plus nombreux. Donc, comment on permet à ces salariés d'avoir un déroulement de carrière pour sortir du S.M.I.C, et de ne pas rester au S.M.I.C toute sa vie.
Jean-Michel Aphatie : 2007, l'élection présidentielle. Est-ce que la C.F.D.T est toujours une organisation qui se dit à gauche, François Chérèque ?
François Chérèque : La C.F.D.T est une organisation syndicale qui réunit beaucoup de militants qui sont de sensibilité de gauche.
Jean-Michel Aphatie : Alors, est-ce indifférent ou pas à la C.F.D.T que le prochain président de la République soit de gauche ou de droite ?
François Chérèque : La C.F.D.T, comme elle le fait maintenant depuis 1981, ne prendra pas position pour tel ou tel candidat, qu'il soit de droite ou de gauche - sauf dans une situation exceptionnelle qu'on a eu au deuxième tour, en 2002, qu'on espère, bien évidemment, ne pas revivre. Par contre, on agira et on rencontrera les candidats aux élections présidentielles pour leur proposer nos démarches, nos solutions, nos orientations pour la vie des entreprises, pour la situation des salariés, pour l'évolution, particulièrement l'évolution de l'emploi. Nous le ferons. Nous participerons à ce débat-là, sans prendre position pour tel ou tel candidat.
Jean-Michel Aphatie : Donc, c'est indifférent qu'un nouveau candidat soit de droite ou de gauche ?
François Chérèque : C'est aux Français de décider, et la C.F.D.T respecte le choix des Français, dans tous les cas, et luttera contre le choix des Français, éventuellement, s'il va sur des choix qui ne sont pas des choix démocratiques avec des partis qui ne sont pas acceptables.
Jean-Michel Aphatie : Vous aimez Johnny Hallyday, François Chérèque ?
François Chérèque : Oui, mais... Je l'aime bien, bien évidemment.
Jean-Michel Aphatie : Mais Johnny Hallyday vient d'adhérer à l'U.M.P !
François Chérèque : Je n'attends pas d'idole sportive, ou du théâtre, qui prenne position dans les élections. Je préfère écouter le contenu de ses chansons.
source : Premier ministre, service d'information du Gouvernement, le 29 août 2006
RTL
29 août 2006
Jean-Michel Aphatie : Bonjour François Chérèque. Vous réclamiez une conférence sur les revenus. Dominique de Villepin, lundi soir, a annoncé que, d'ici à la fin de l'année, se tiendrait une conférence sur les revenus et l'emploi. On imagine que vous êtes content. Mais à quoi sert une conférence sur les revenus et l'emploi ?
François Chérèque : Cela sert à réunir les partenaires sociaux, le gouvernement, pour essayer de trouver des solutions au problème du pouvoir d'achat : c'était notre priorité dans cette conférence. Le Premier ministre a rajouté le problème de l'emploi. Bien sûr, ils sont liés. Depuis un an, nous réclamons cette conférence. Nous avons proposé cette conférence pour parler des problèmes du coût des transports et, déjà, à l'époque, on proposait un chèque-transport. Pour parler du problème du coût des loyers : on sait très bien que cela pèse beaucoup sur le pouvoir d'achat. Donc, comment peut-on maîtriser cette évolution ? Problème de l'assurance-maladie complémentaire. Par exemple, de plus en plus, la santé est un coût direct des ménages. Et puis, débattre des 23 milliards d'allègements de charges qui sont données aux entreprises, pratiquement sans contrepartie. Et on veut savoir quelles sont les contreparties d'emplois, ou de salaires, qu'on peut demander aux entreprises. Donc, voilà nos propositions depuis un an. Le Premier ministre y accède : au bout d'un an, je pense que c'est une bonne démarche. Maintenant, il faut faire du concret.
Jean-Michel Aphatie : Mais cette conférence va se tenir à quelques semaines de l'élection présidentielle. Le gouvernement qui va la diriger n'aura pas beaucoup de légitimité pour décider de choses importantes.
François Chérèque : On nous a répété, lorsqu'on est passé au quinquennat, qu'il fallait un rythme plus rapide des institutions, pour être efficace pendant les cinq années de gouvernement. J'espère qu'on ne va pas avoir un pays qui ne fonctionne que sur quatre ans. Les salariés attendent des résultats sur le pouvoir d'achat maintenant. On voit bien que la croissance repart, qu'il y a une augmentation des richesses. On veut une répartition différente des richesses : il faut que l'on en débatte. Et il peut y avoir des décisions maintenant, d'autres peuvent préparer des décisions pour demain.
Jean-Michel Aphatie : Alors, Dominique de Villepin a déjà pris des décisions. Il a annoncé la création du chèque-transport à partir du 1er janvier 2007 sur un mode facultatif pour les entreprises. Vous êtes satisfait, François Chérèque ?
François Chérèque : Tout d'abord, c'était une demande depuis un an - je le répète - donc, c'est bien d'y aller. Mais vous avez dit facultatif.
Jean-Michel Aphatie : C'est le Premier ministre qui l'a dit.
François Chérèque : Vous avez repris ce mot "facultatif" : c'est ce qui pose problème. Si on va sur une démarche facultative, on va arriver, encore une fois, avec des inégalités entre les salariés. Les entreprises qui font du social, et qui ont les moyens de le faire, le feront. Celles qui ont plus de difficultés, en particulier les petites entreprises, ne le feront pas, et on va accroître les inégalités. Donc, c'est bien d'aller dans cette démarche et de favoriser les transports en commun. Je crois que la méthode n'est pas la bonne et on veut en débattre dans cette conférence, bien évidemment.
Jean-Michel Aphatie : Mais si la conférence est à la fin de l'année et si le chèque-transport doit rentrer en vigueur le 1er janvier 2007.
François Chérèque : A ce moment-là, il faut en débattre dès maintenant, et il faut que le gouvernement réunisse les partenaires sociaux pour en débattre dans les jours qui viennent.
Jean-Michel Aphatie : Il y a une marche de négociations, d'après vous ?
François Chérèque : Je le souhaite parce qu'autrement...
Jean-Michel Aphatie : Parce qu'on a eu l'impression, lundi, que le Premier ministre présentait quelque chose qui était arrêté, décidé.
François Chérèque : Regardez en Ile-de-France. En Ile-de-France, les personnes qui prennent les transports en commun, sont remboursées 50% du coût des transports en commun. Je ne vois pas pourquoi on mettrait en place des systèmes différents. Donc, il faut trouver, bien évidemment, des financements, des méthodes pour aider les entreprises pour le faire. Mais il n'y a pas de raison que ce coût des transports, qui devient prohibitif pour certains, sanctionne les salariés d'une partie de la France, alors que d'autres ont des accès plus faciles aux transports en commun et aux transports.
Jean-Michel Aphatie : La prime pour l'emploi va aussi augmenter dans des proportions plus importantes que ce qui était prévu. Cela fait un peu "cadeau de Noël". On n'est que fin août, mais quand même, il y en a pour tout le monde.
François Chérèque : De toute façon, cela fait un an que l'on réclame des mesures sur le pouvoir d'achat. Peu importe ! Si l'occasion nous permet d'avancer sur certains points, profitons-en ! Mais, en même temps, cette augmentation de la prime pour l'emploi, c'est bien pour ceux qui vont en bénéficier. Cela fait pratiquement un treizième mois pour les smicards. Mais maintenant, il faut avoir une réflexion beaucoup plus large, parce qu'on a un transfert des charges salariales qui commence à aller sur l'Etat, petit à petit. Donc, on a des entreprises qui commencent à avoir une attitude en disant : "pourquoi augmenter les salaires puisque l'Etat augmente avec la prime pour l'emploi ?". Il va falloir que l'on réfléchisse un peu plus sérieusement à cette utilisation importante, et ses conséquences sur l'augmentation des salaires dans les entreprises et, éventuellement, voir si cela a vraiment des conséquences sur l'emploi. Donc : oui à cette augmentation qui est bien évidemment importante pour les gens qui en bénéficient. Mais regardons les conséquences réelles sur les politiques salariales des entreprises.
Jean-Michel Aphatie : Toutes ces annonces, François Chérèque, ne vous paraissent pas résoudre le débat qui commençait à monter sur le pouvoir d'achat ? Cela ne règle pas ce problème-là ?
François Chérèque : Ca donne des pistes de solution, et j'ai donné d'autres sujets sur lesquels ont peut discuter. Mais ça n'enlève pas la grande responsabilité qui est celle des entreprises, et cela n'enlève pas le débat sur le problème des bas salaires et des salaires moyens. Le Premier ministre l'a dit lui-même : "entre ce que je dis ce soir et ce que ressentent les salariés, il y a un écart". Donc, c'est un voeu de modestie du Premier ministre qui n'est pas habituel de sa part. Donc, ce qui veut dire qu'il faut que l'on commence à regarder comment on peut créer de vrais déroulements de carrières dans les entreprises, et comment ces allègements de charges importantes pour les entreprises - cadeau aux entreprises qui sont importantes : Madame Parisot doit l'entendre, elle qui n'est pas d'accord sur cette prime des transports. On donne beaucoup aux entreprises. Comment on maintient les salariés sur des bas salaires. 40% des salariés sont sur la zone du S.M.I.C, à 1,5% du S.M.I.C : ils sont de plus en plus nombreux. Donc, comment on permet à ces salariés d'avoir un déroulement de carrière pour sortir du S.M.I.C, et de ne pas rester au S.M.I.C toute sa vie.
Jean-Michel Aphatie : 2007, l'élection présidentielle. Est-ce que la C.F.D.T est toujours une organisation qui se dit à gauche, François Chérèque ?
François Chérèque : La C.F.D.T est une organisation syndicale qui réunit beaucoup de militants qui sont de sensibilité de gauche.
Jean-Michel Aphatie : Alors, est-ce indifférent ou pas à la C.F.D.T que le prochain président de la République soit de gauche ou de droite ?
François Chérèque : La C.F.D.T, comme elle le fait maintenant depuis 1981, ne prendra pas position pour tel ou tel candidat, qu'il soit de droite ou de gauche - sauf dans une situation exceptionnelle qu'on a eu au deuxième tour, en 2002, qu'on espère, bien évidemment, ne pas revivre. Par contre, on agira et on rencontrera les candidats aux élections présidentielles pour leur proposer nos démarches, nos solutions, nos orientations pour la vie des entreprises, pour la situation des salariés, pour l'évolution, particulièrement l'évolution de l'emploi. Nous le ferons. Nous participerons à ce débat-là, sans prendre position pour tel ou tel candidat.
Jean-Michel Aphatie : Donc, c'est indifférent qu'un nouveau candidat soit de droite ou de gauche ?
François Chérèque : C'est aux Français de décider, et la C.F.D.T respecte le choix des Français, dans tous les cas, et luttera contre le choix des Français, éventuellement, s'il va sur des choix qui ne sont pas des choix démocratiques avec des partis qui ne sont pas acceptables.
Jean-Michel Aphatie : Vous aimez Johnny Hallyday, François Chérèque ?
François Chérèque : Oui, mais... Je l'aime bien, bien évidemment.
Jean-Michel Aphatie : Mais Johnny Hallyday vient d'adhérer à l'U.M.P !
François Chérèque : Je n'attends pas d'idole sportive, ou du théâtre, qui prenne position dans les élections. Je préfère écouter le contenu de ses chansons.
source : Premier ministre, service d'information du Gouvernement, le 29 août 2006