Texte intégral
Je suis particulièrement heureux d'ouvrir le Congrès mondial de droit du travail, qui se tient cette année à Paris, et de vous souhaiter, à tous, la bienvenue au nom de la France.
Je tiens à remercier vivement le professeur Kazuo SUGENO, Président de la société Internationale de droit du travail et de la sécurité sociale, d'avoir choisi la France pour organiser ce congrès. Monsieur le Président, je voudrais exprimer toute la fierté qui est la nôtre de vous accueillir à la Sorbonne, « Référence » de l'Université française.
Mes remerciements vont également au Professeur Antoine LYON-CAEN, Président du comité d'organisation et au Professeur Antoine Jeammaud, Président de l'Association française de droit du travail et de la sécurité sociale, à qui reviennent le mérite d'avoir réuni, ici, des praticiens et juristes éminents venus de plus de 70 pays.
Je suis d'autant plus heureux d'être parmi vous que je crois que l'échange ne peut être que fructueux entre « le politique » et « le juriste », que les projets du gouvernement gagnent à être éclairés par la recherche doctrinale qui met en perspective les débats d'actualité et que, de la même façon, les difficultés auxquelles se heurtent les actions menées par les pouvoirs publics doivent enrichir les analyses de la doctrine.
Il ne s'agit pas de verser dans la caricature d'une opposition entre ces deux mondes qui, dans la réalité, pratiquent depuis déjà longtemps un dialogue nourri.
Mais il me semble que ce dialogue pourrait être développé. C'est d'ailleurs en ce sens que j'ai souvent souhaité m'entretenir avec plusieurs d'entre vous à la veille de réformes importantes concernant le droit du travail en France pour connaître vos avis, recevoir vos conseils et comprendre vos analyses. Et il m'arrive assez fréquemment de confier à tel ou tel expert de droit du travail une réflexion, un rapport, un avis, sur une question délicate d'évolution de notre droit.
A titre d'exemple, j'ai commandé récemment un rapport à un universitaire et un juriste d'entreprise sur l'impact des codes d'éthique et des procédures d'alerte (whistleblowing) sur le droit du travail.
Aujourd'hui, en France comme dans vos pays, la mutation des économies, la mondialisation de la production et des échanges, la transformation des sociétés industrielles en sociétés de services génèrent un débat « riche » sur l'évolution des relations du travail tant individuelles que collectives et donc sur le droit qui les régit.
Ministre français du travail, je suis confronté quotidiennement aux conséquences sociales de ces évolutions. Je ne suis donc pas venu ici apporter des réponses simples à ces problèmes considérables. Plus modestement, je voudrais devant vous faire état de mes interrogations et réfléchir aux perspectives et aux défis auxquels sont confrontés aujourd'hui, dans un monde profondément bouleversé, la protection du salarié, la compétitivité des entreprises et le droit du travail.
Le droit du travail régit et protège ce facteur fondamental de la production des biens et services qu'est le facteur humain.
Droit social mais aussi éminemment économique, il se trouve profondément affecté par les bouleversements que je viens de mentionner. Pour remplir pleinement sa fonction, c'est-à-dire protéger le travailleur dans des entreprises qui doivent prospérer, il va devoir répondre à un triple défi d'adaptation à ce nouvel environnement productif :
- celui de son application effective sinon il serait vide de sens
- celui de son mode d'élaboration sinon il deviendrait un droit inadapté
- celui de l'ouverture mondiale des marchés sinon il est menacé dans son existence même.
Je crois que le premier défi du droit du travail est celui de son effectivité et donc de la réduction du décalage entre le contenu de la norme et son application.
La complexité du droit du travail est à l'origine de profondes inégalités. Elle peut aboutir à ce qu'on trouve presque inévitable que ce « droit du quotidien » s'applique mal ou pas du tout à des milliers de salariés.
Le droit du travail n'a de sens que s'il est appliqué effectivement et, s'il est inapplicable ou s'il ne répond pas au but visé, une réflexion doit être conduite sur son adéquation pour faire évoluer la règle.
Si les conditions d'élaboration et le contenu de la règle de droit sont des questions évidemment passionnantes et font l'objet d'analyses multiples, je m'étonne parfois que la question des conditions d'application de cette norme ne soit pas plus souvent étudiée par la doctrine.
Bien entendu, les entreprises et les partenaires sociaux ont, dans ce domaine, une responsabilité particulière.
Mais, je n'oublie pas non plus le rôle de l'Etat.
Lorsque j'ai pris les responsabilités ministérielles qui sont les miennes aujourd'hui, j'ai souhaité relancer une véritable politique du travail dans une administration dominée depuis plus de deux décennies par la politique de l'emploi. Il ne s'agissait pas de substituer l'une à l'autre mais de rétablir au plus haut niveau des responsabilités de mon ministère la valeur d'une politique orientée vers les droits des salariés.
Des priorités ont été établies
- * d'abord, une politique renouvelée de santé et de sécurité au travail sans laquelle les salariés courent des risques pour leur intégrité physique ;
- * ensuite une action coordonnée de lutte contre le travail illégal parce qu'il prive le salarié de ses droits sociaux élémentaires et pénalise les entreprises victime de dumping social ;
- * enfin une action de modernisation et de développement des corps de contrôle de l'inspection du travail. Leur tâche est fondamentale. Elle s'exerce de plus en plus dans un contexte rendu difficile par les tensions économiques.
Comme vous le savez sans doute, ceci n'est pas un débat purement académique : il y a deux ans, presque jour pour jour, dans le sud de la France, deux agents de l'inspection du travail ont été abattus lors d'un contrôle, payant de leur vie le fait d'avoir voulu vérifier l'application de la règle de droit sur le lieu du travail. Je voudrais aujourd'hui saluer, à nouveau, la mémoire de ces contrôleurs et rendre hommage à leur sens du service public et de leur mission.
L'équilibre, entre effort productif et protection sociale est déterminant pour l'application effective du droit du travail. Le mode d'élaboration de la règle est donc un enjeu majeur.
Cette question m'amène naturellement à évoquer le point - que vous aborderez demain après midi - qui est celui de la source de la règle de droit et plus précisément les rapports entre la loi et le contrat - collectif ou individuel - en droit du travail.
Cette question est au centre de nombreuses discussions plus générales de la doctrine qui s'interroge sur les avantages et mérites respectifs de la norme législative, négociée, unilatérale, sur la « hard » et la « soft law », sur un droit du travail centralisé au niveau de l'Etat ou décentralisé au niveau des entreprises.
Ces questions institutionnelles sont certes importantes mais elles ne doivent surtout pas être détachées de la question primordiale que doit se poser le responsable politique : quelle est la procédure d'élaboration qui garantit le mieux la qualité de la norme et son effectivité ?
Autrement dit, un responsable politique n'a pas dans mon esprit à se demander de façon abstraite s'il préfère la « soft law » à la règle législative, mais bien de se poser la question de savoir quelle est la méthode la mieux adaptée à l'objectif visé.
Au-delà, il ne faut pas selon moi opposer les différentes sources de droit que je viens d'évoquer. Il nous faut au contraire trouver un cadre harmonieux dans lequel elles puissent s'articuler les unes avec les autres.
D'ailleurs, le droit étatique, essentiellement législatif, s'accompagne de phases formelles ou informelles de concertation avec les partenaires sociaux, à l'instar de ce qui se passe dans le cadre de l'Union européenne et qui, d'ailleurs, nourrit nos réflexions actuelles sur le développement du dialogue social en France, j'y reviendrai dans un instant.
Je crois en effet qu'il est devenu évident que le droit législatif ne pouvait avoir la prétention de tout régir et qu'il devait renvoyer à la négociation collective.
Il importe toutefois que chacun puisse trouver sa place car parfois il existe une confusion des genres. Il arrive que les partenaires sociaux entendent se substituer au législateur qui s'autorise lui-même souvent à aller trop loin dans le détail des normes qu'il pose.
En la matière, il est important de se fonder sur quelques principes simples.
Le premier est que les partenaires sociaux ne sont pas les « gardiens » de l'intérêt général et que cette fonction essentielle incombe au législateur.
Le deuxième principe est que l'Etat ne doit pas mettre en place une législation tellement détaillée qu'elle en devient inadaptée par nature à la diversité du monde du travail.
Une fois ces principes posés, l'exigence de qualité et d'effectivité de la norme implique une phase préalable de concertation entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux.
Vous le savez sûrement, nous sommes actuellement en France en train de réfléchir à une réforme du dialogue social qui - s'inspirant de la procédure communautaire - permettrait une concertation préalable des partenaires sociaux avant les projets de réformes touchant au droit du travail. La réforme du dialogue social dans notre pays nécessite de se poser un certain nombre de questions telles que :
- par quel mécanisme le gouvernement pourrait demander aux partenaires sociaux s'ils souhaitent au préalable se saisir d'un sujet visant à réformer le droit du travail ?
- comment et selon quel calendrier les partenaires sociaux donneraient leur réponse au gouvernement ? Ce point est essentiel pour éviter les risques de blocage des réformes
- à l'issue des négociations, si un accord intervenait, quelles suites législatives seraient données ?
Voici succinctement les questions que nous sommes en train d'examiner avec les partenaires sociaux et qui je l'espère aboutiront rapidement à une réforme du dialogue social dans notre pays.
Mais, je voudrais aussi vous dire un mot sur les pratiques volontaires des entreprises. J'y suis pour ma part favorable.
C'est un facteur indéniable de progrès à la condition qu'elle implique un changement effectif des comportements de l'entreprise vis-à-vis des salariés et vis à vis de l'environnement et qu'elle ne soit pas un concept vague permettant une valorisation publicitaire de l'entreprise sur le marché mondial.
Par ailleurs, ces pratiques volontaires en matière de responsabilité sociale doivent s'inscrire dans des logiques d'accompagnement des règles qui régissent l'ordre public social et non de substitution.
Il y a enfin une quatrième source de droit du travail dont on ne parle pas suffisamment, c'est le façonnement du monde du travail par des droits autres que le droit du travail : droit boursier, droit de la concurrence, droit de l'environnement pour n'en citer que quelques uns.
Non seulement ces droits ont une incidence directe sur ces relations du travail mais s'opposent parfois aux principes du droit du travail. Ainsi, par exemple :
- comment concilier le droit d'information des salariés, développé par le droit du travail, avec un droit boursier qui vise, dans les premières phases d'une opération boursière à protéger la confidentialité des informations ?
- comment concilier une norme très favorable négociée au niveau d'une branche avec le droit de la concurrence lorsqu'il apparaît que cette norme sociale à un effet d'éviction du marché pour certaines entreprises ?
Aux professeurs de droit du travail et de la sécurité sociale, je soumets à votre réflexion la question d'une meilleure articulation entre les différentes branches du droit et la nécessité pour les « travaillistes » d'investir le champ de ces autres droits.
Au coeur de vos réflexions, le thème de la libéralisation des échanges et son impact sur les législations sociales pose la question récurrente de l'évolution du droit du travail face à la mondialisation.
Je vous le disais en introduction, la question de l'effectivité du droit du travail et celle de l'élaboration de la norme se posent avec une vigueur toute particulière dans le contexte de l'ouverture des marchés.
De fait, il nous faut constater qu'au cours du dernier quart du 20ème siècle, l'environnement économique dans lequel se régulaient les questions sociales a basculé.
Lorsque l'industrialisation s'est imposée dans nos pays, tous les paramètres s'inscrivaient dans un cadre national : le marché des biens et du travail, l'Etat et le Parlement fixaient souverainement les règles économiques et sociales du marché. Nous avons, alors, pu parvenir à un équilibre dont l'expression la plus accomplie couvre la période des Trente Glorieuses, ces années où viennent à maturité les réformes sociales issues des malheurs de la crise économique et de la guerre. A la fin des Trente Glorieuses, dans tous les Etats industrialisés, les salariés bénéficient de la plus grande part de la production nationale qu'ils n'ont jamais eue, leurs organisations syndicales sont au faîte de leur puissance, le marché du travail leur est favorable.
Mais, la mondialisation des économies a changé la donne. L'ouverture progressive des marchés à partir des années 50, la disparition des barrières douanières, la transformation des moyens de communication et de transport, la révolution du conteneur et d'internet, ont ouvert aux entreprises comme aux consommateurs, un véritable marché planétaire.
Les implications sociales de ces mutations sont considérables. Mouvements de capitaux à la recherche parfois de rémunérations spéculatives, délocalisations, désindustrialisation, sous-traitance, choix des nouveaux sites d'implantations, déstabilisent des modes de production jusqu'ici socialement régulés par l'Etat nation.
Aujourd'hui le pouvoir des Etats n'est plus adapté à un marché qui dépasse leur propre territoire. Ce rôle n'a pas été repris jusqu'ici par les instances internationales qui ne sont pas investies de la même légitimité. Comment reconstruire les lieux et les moyens de la nouvelle régulation sociale : voilà où doit s'exercer notre réflexion.
L'évolution de l'Union européenne est à cet égard tout à fait intéressante.
Dans un marché commun européen désormais largement achevé, où les biens, les capitaux, les services et les travailleurs circulent librement, il convient de ne pas oublier un principe fondateur de l'Europe, celui de l'harmonisation dans le progrès social. Je voudrais y insister parce que parfois certains l'oublient : ce principe est toujours au coeur des traités européens. Il guide le gouvernement français dans sa politique sociale européenne.
Cette politique sociale européenne se base sur trois piliers complémentaires
- * d'abord, un socle juridique commun fondé sur le dialogue social et des directives. Ces directives sont les normes obligatoires de l'Union. Elles régissent : la libre circulation des personnes, la prestation de services, l'égalité professionnelle, les durées maximales de travail et le régime des congés, l'interdiction du travail des enfants, la réglementation des contrats de travail, la protection de la santé et sécurité, etc... Ces normes sont guidées par le même objectif : garantir aux salariés une protection minimale décente.
- * le deuxième pilier est la solidarité financière en faveur des pays membres ou des régions moins avancées ou en difficulté pour cause de reconversion. C'est le rôle du fonds social européen et des fonds structurels.
- * le troisième pilier est les politiques de coordination qui s'appliquent à des secteurs de plus en plus nombreux (santé, immigration, emploi). La stratégie de Lisbonne donne une nouvelle dimension à cette coordination.
Cependant cette construction est aujourd'hui soumise aux pressions qu'impose l'élargissement de l'espace européen à des pays dont les situations économiques et sociales contrastent énormément avec celle des anciens Etats membres. Ces pressions font ressurgir les craintes liées aux délocalisations d'entreprises et au développement du travail illégal.
L'enjeu consistant à faire de l'Europe à 25 un espace de solidarité et de progrès est aujourd'hui plus important que jamais. Je suis confiant dans notre capacité à relever ce défi.
Pour cela nous devons poursuivre l'objectif d'affirmation d'un ordre public social européen et de consolidation de ce système de normes sociales communes.
Cet objectif, qui est le mien comme celui du gouvernement français, éclaire les positions que la France a défendues dans la période récente sur plusieurs dossiers importants :
- * celui de la révision de la directive sur le temps de travail qui divise le conseil européen sur la question de l'opt-out, c'est-à-dire la possibilité de s'exonérer des règles de durée maximale hebdomadaire du temps de travail. Cette question assez technique est devenue un symbole du débat sur l'Europe sociale jusqu'au niveau du Conseil européen.
- * celui de la mise en oeuvre de la libre circulation des travailleurs et de la libre prestation de services en raison de leur impact en matière d'emploi et de droit du travail.
La France a montré, en prenant une décision d'ouverture de son marché du travail aux ressortissants des nouveaux pays membres d'Europe centrale et orientale, qu'elle était prête à la création de ce grand marché à 25. Mais cela implique l'application de règles du jeu claires en matière de droit du travail. J'en citerai trois au moins sur lesquelles nous progressons :
- * Le projet de directive sur les services qui désormais, après la bataille que vous savez, reconnaît l'application du droit du travail du lieu où se déroule la prestation.
- * La clarification des textes sur le détachement qui découle du principe précédent. Si le droit du travail du pays d'accueil est la règle encore faut-il que ce pays soit en mesure de le faire appliquer aux travailleurs détachés par une entreprise étrangère travaillant en France.
- * Enfin, la coordination indispensable pour freiner les tentatives de fraudes transnationales et l'emploi irrégulier de travailleurs européens. Nous menons actuellement des concertations en vue de la conclusion d'arrangements administratifs avec plusieurs pays européens : la Pologne, l'Espagne, la République tchèque, le Portugal et bientôt la Hongrie.
Sans vouloir minimiser ici les difficultés et les lacunes des politiques sociales européennes ni les ériger en modèle, je voudrais faire une brève réflexion sur une approche qui, en conjuguant logique sociale et logique économique, a abouti à des résultats remarquables.
Ces politiques ont en effet permis aux Etats membres les moins avancés au moment de leur adhésion des rattrapages spectaculaires. Qui ne pense aux progrès historiques accomplis au cours des 15 dernières années, par exemple par l'Espagne, le Portugal et surtout l'Irlande dont le revenu par tête est aujourd'hui l'un des plus élevés d'Europe. Ces progrès ont été réalisés sans régression dans les Etats membres qui étaient à l'époque les plus avancés par un resserrement vers le haut.
Laissez-moi comparer l'Union européenne avec l'ALENA, l'accord de libre échange nord américain, qui, lui, n'incorpore pas dans son système d'échanges la construction de règles sociales. Depuis plus de dix ans que l'ALENA est en vigueur, la convergence de développement économique est restée faible. Que l'on prenne les salaires américains et mexicains ou le PIB par habitant, les écarts entre sont pratiquement aussi élevés aujourd'hui qu'ils l'étaient il y a dix ans. Le déséquilibre économique entre les Etats qui composent cette zone a pour conséquence le maintien de flux élevés d'immigration du sud vers le nord dans des conditions sociales non maîtrisées alors qu'entre les 15 Etats les plus anciens de l'Union ces flux migratoires massifs se sont taris en quelques années et sont remplacés par des mouvements plus équilibrés.
Cette dimension sociale qui joue un rôle fondamental dans l'équilibre du marché, devrait être une source de réflexion pour les juristes du monde entier qui sont rassemblés ici.
Mais, ce marché est aujourd'hui ouvert sur un espace plus vaste que l'Europe. L'emprise du marché mondial est un problème de plus grande ampleur qui doit mobiliser notre réflexion.
L'Europe n'est plus un marché protégé. Elle se fond désormais dans un marché plus vaste qui, lui, non seulement ne connaît pas de régulation sociale mais souvent la refuse.
Car le marché est mondial, il est de plus en plus ouvert. Il concerne tous les secteurs, aussi bien celui des industries traditionnelles que celui des nouvelles technologies (les restructurations de Hewlett-Packard ou de STMicroelectronics sont là pour nous le rappeler), aussi bien les services à faible valeur ajoutée que la banque ou la finance. Il concerne tous les pays. La Chine vient d'entrer dans l'OMC et elle est aujourd'hui « l'atelier du monde ». Les mains d'oeuvre de pays à niveau économique et social très différents sont mises en concurrence directe.
La régulation sociale de la mondialisation est donc un enjeu crucial. Il n'y aura pas, en Europe comme dans tous nos pays, d'harmonisation vers le haut des politiques sociales si le marché mondial les tire vers le bas.
Quels moyens avons-nous pour intervenir ?
Sans chercher à répondre exhaustivement à cette question complexe, je me contenterai de vous livrer quelques pistes de réflexion tirées du rapport de la commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation, créée sous l'égide du Bureau international du travail qui me paraissent particulièrement pertinentes.
Je voudrais en relever trois.
- * La première orientation est d'appliquer les normes fondamentales du travail avec plus de détermination. Comment ?
D'abord promouvoir et rénover les conventions de l'OIT. Laissez-moi mentionner un exemple : celui de la convention du travail maritime qui a été adoptée en février 2006 à Genève et qui crée un cadre global pour la protection de plus d'un million de marins dans le monde, soit l'un des secteurs les plus mondialisés qui soient.
Ensuite, investir activement le champ de la santé et de la sécurité au travail. Ce domaine ne fait pas encore partie des normes fondamentales mais notre communauté internationale devrait sérieusement l'envisager.
A cet égard, la résolution votée lors de la dernière conférence internationale et visant à une interdiction totale de l'amiante à terme est un développement encourageant.
Enfin, nous devons être attentifs aux démarches volontaires des entreprises en matière sociale ou à travers les accords cadres internationaux (ACI) négociés avec les fédérations syndicales internationales. Il est souhaitable que ces initiatives gardent un lien avec les normes de l'OIT.
- * La deuxième direction pour réduire les déséquilibres générés par ce marché mondialisé est de mobiliser davantage de ressources internationales afin d'atteindre les objectifs mondiaux de développement.
- * Enfin, les principales recommandations du rapport visent à rendre le système multilatéral, y compris les institutions de Bretton Woods (Banque Mondiale et FMI), plus démocratique et plus responsable.
Nous retrouvons, dans ces trois propositions, les trois piliers du système européen : instruments juridiques d'une régulation sociale minimale du marché, solidarité financière pour le développement, coordination des politiques. Il n'y a là aucune formule miraculeuse mais une démarche volontariste que nous devrions promouvoir.
Les réformes que nous impose l'évolution des économies et de nos sociétés ne doivent pas nous conduire dans une course au moins disant social. Elles doivent au contraire, pour relever ce défi d'un monde ouvert, nous inciter à l'action.
- à un devoir d'effort et de rigueur pour faire vivre notre droit du travail dans nos pays
- à plus d'imagination, de volontarisme et de solidarité au niveau international.
Avant de conclure, je tenais à remercier une nouvelle fois l'Association internationale de droit du travail et de la sécurité sociale et son président le Professeur SUGENO d'avoir choisi la France pour organiser un congrès de cette ampleur.
J'espère par mon intervention avoir ouvert quelques pistes de réflexion pour vos travaux que j'escompte fructueux.
Je vous remercie et je vous souhaite de très bons travaux en espérant toutefois que l'assiduité nécessaire qu'ils impliquent ne vous empêchera d'apprécier la France et sa capitale.
Source http://www.cohesionsociale.gouv.fr, le 7 septembre 2006