Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, sur l'aide au développement, la coopération culturelle et la francophonie, à Paris le 29 août 2006.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Brigitte Girardin - Ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie

Circonstance : Ouverture de la XIVeme conférence des ambassadeurs, à Paris du 28 au 30 août 2006

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Madame la Ministre,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs, chers Amis

Depuis un an, nous mettons en oeuvre ensemble une réforme ambitieuse de notre politique de coopération dont vous assurez sur place le pilotage stratégique.
Depuis un an, la France prend des initiatives innovantes en matière de financement du développement qu'il vous est demandé de défendre avec énergie.
Depuis un an, la France s'est engagée avec ses partenaires dans une profonde restructuration des institutions de la francophonie qui devient, avec votre soutien, une force de plus en plus attractive.
Soyez donc remerciés ainsi que vos collaborateurs, pour tous les efforts contribuant à la réussite de ces différentes réformes qui permettent à notre pays d'avoir une politique plus visible, plus rayonnante et plus efficace dans l'utilisation de l'argent public.
Soyez également persuadés que nous allons devoir être encore plus actifs et plus réactifs car l'actualité nous l'impose.
En effet, coopération, développement et francophonie sont des sujets situés au coeur des grandes problématiques mondiales, qu'il s'agisse des questions migratoires, des grandes pandémies, de la préservation de l'environnement ou du rôle de la diversité culturelle dans l'établissement d'un monde multipolaire.


I - Vous le savez, le développement des pays du Sud est une priorité affichée clairement par le président de la République, car c'est la clef de toute politique efficace pour lutter contre l'immigration clandestine, le terrorisme ou les grandes pandémies.

- La question des migrations constitue sans aucun doute le principal défi humain auquel nous avons à répondre. La communauté internationale a pris acte du lien qu'il nous faut établir de manière plus étroite entre le développement et le fait migratoire : c'était le sujet de la Conférence de Rabat qui s'est tenue début juillet, et qui a réuni pour la première fois l'Europe et l'Afrique. C'est en effet en s'attaquant à la pauvreté, dont on sait qu'elle est la première motivation à quitter son pays d'origine, que l'on parviendra à agir le plus efficacement sur les flux migratoires. Je vous demande donc de veiller à ce que notre coopération intègre cette exigence dans les actions de coopération avec vos pays de résidence respectifs. Nous devons en effet faire en sorte qu'à "l'immigration choisie" dans les pays d'arrivée, puisse correspondre une " émigration choisie " dans les pays de départ.

C'est pourquoi le dernier Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement a validé un plan d'action en trois points :

  • d'abord, un soutien accru aux projets de terrain initiés par les migrants en faveur de leur pays d'origine ;
  • ensuite, la facilitation de leurs transferts de fonds ;
  • et enfin, la mobilisation des compétences acquises en France.

Je voudrais particulièrement insister sur ce dernier aspect des compétences. La France ne ménage pas ses efforts en faveur de la formation : elle y consacre déjà plus d'un milliard d'euros chaque année en bourses, appuis aux systèmes éducatifs ou accueil gratuit d'étudiants dans ses universités. Il vous appartient de veiller à ce que notre pays puisse apporter toute sa contribution à cette formation, en particulier dans le secteur de la santé, qui souffre encore plus que les autres d'un grave déficit dans de nombreux pays en développement.
Nous aurons l'occasion de débattre de ces questions dans une table-ronde et préciser notre politique de co-développement qui est désormais connue, reconnue et même imitée.

- Au-delà des questions migratoires, nous avons à relever de nouveaux défis, à l'échelle de la planète toute entière, avec la protection de ce que les économistes appellent les biens publics mondiaux.
Trois grandes priorités, représentatives de ces enjeux planétaires, ont été définies :

  • la lutte contre les maladies transmissibles,
  • la lutte contre le changement climatique,
  • et la préservation de la biodiversité.

Ces nouvelles orientations nous amènent notamment à mettre un accent particulier sur les grands pays émergents, en particulier la Chine, l'Inde et le Brésil, qui représentent un enjeu essentiel à plusieurs titres :

  • Tout d'abord, comme vous le constatez, ces pays sont de plus en plus présents partout dans le monde, au niveau diplomatique comme dans leurs actions de terrain.
  • Ensuite, ils sont de plus en plus influents au niveau multilatéral.
  • Enfin, leur politique intérieure a aussi un impact sur l'équilibre planétaire, notamment en matière d'environnement. Pour ne prendre qu'un exemple, les pays les plus pauvres, en particulier africains, seront les plus durement touchés par le réchauffement climatique.

C'est pourquoi une mobilisation accrue de notre coopération sera engagée avec ces pays émergents, qu'il s'agisse des échanges en matière de formation ou de recherche, ou de projets concrets de l'Agence française de développement.

- S'agissant des moyens dont nous disposons pour mener notre politique de développement, vous le savez, la France s'est engagée depuis 2002 à augmenter son aide publique au développement, qui dépassera 9 Mdeuros en 2007, soit le double par rapport au montant de 2001. L'Afrique est et restera notre priorité.
Sachez également que dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons, je ne ménage aucun effort pour préserver la capacité de notre action bilatérale, qui est essentielle pour notre visibilité.
Dans le nouveau régime budgétaire mis en oeuvre le 1er janvier dernier nous disposons d'une plus grande souplesse de gestion entre les différentes lignes. J'évoquais ainsi l'an dernier devant vous l'importance de traiter de manière conjointe les questions humanitaires et de développement, prenant en exemple la crise alimentaire au Niger. Cette année, nous avons à nouveau eu des craintes pour la situation humanitaire de ce pays, mais la vigilance accrue des bailleurs de fonds et des autorités a permis d'éviter la reproduction de la crise. Le cas nigérien met en lumière la qualité de l'action des hommes et des femmes engagés dans la coopération française, qui font au quotidien un travail essentiel, indépendamment de l'attention des médias.
Mais au-delà des ressources budgétaires, soumises aux aléas que l'on connaît et qui ne sauraient suffire, nous devons poursuivre assidûment la recherche de nouveaux types de financements du développement. Nous devons continuer à promouvoir des mécanismes internationaux innovants, sur le modèle de la contribution de solidarité sur les billets d'avion instaurée en France depuis deux mois. Les quelque 200 millions d'euros qu'elle rapportera seront entièrement consacrés au secteur de la santé. Je compte sur vous pour amener le plus grand nombre de pays à rejoindre les 17 qui se sont déjà engagés à mettre en place ce type de contribution. Et en disant cela, je m'adresse particulièrement à ceux d'entre vous qui sont en poste dans des pays développés, à commencer bien sûr, par l'Union européenne.

- S'agissant enfin de notre mode d'organisation pour mener cette politique de développement, j'ai pu constater au cours de mes nombreux déplacements que la mise en oeuvre de la réforme de notre système de coopération se déroulait globalement dans de bonnes conditions.
Le rôle de l'ambassadeur est central dans cette réforme, et votre engagement personnel est donc essentiel. De la même manière que j'assume à Paris le rôle de chef de file gouvernemental de l'aide au développement, c'est à vous, mesdames et messieurs les ambassadeurs, que revient cette tâche de coordination et d'impulsion sur le terrain.
Votre action passe par une authentique relation de partenariat avec les pays où nous intervenons. J'attache donc la plus grande importance aux documents-cadres de partenariats, les DCP, qui permettent de définir nos orientations en plein accord avec nos partenaires bilatéraux, mais aussi de renforcer la cohérence de notre action et la prévisibilité de notre aide. A ce jour seize DCP ont été signés et plus d'une vingtaine d'autres sont en cours d'élaboration ou de finalisation. Je vous remercie d'avoir rendu, comme je le souhaitais, ces documents très opérationnels. Je vous demande d'intégrer, lorsque cela se justifie, la problématique migratoire et les actions de coopération militaire, dont je ne vois aucune raison de les séparer des actions de la coopération civile, alors qu'elles sont le plus souvent fortement intégrées, dans le domaine humanitaire par exemple.
Surtout, je vous demande de veiller à faire vivre tous ces DCP, en organisant sur place chaque année, sous votre présidence personnelle, une réunion de suivi et de bilan, et de me faire rapport sur les difficultés que vous rencontrez. J'attache la plus grande importance à cet exercice annuel d'évaluation, car c'est la crédibilité de notre aide qui est en jeu. Enfin, je vous demande de veiller à une meilleure coordination avec les autres bailleurs européens et internationaux, ainsi que les acteurs non étatiques, les collectivités territoriales, les entreprises et les ONG, dont les atouts sont considérables en termes d'expertise, de proximité et de conduite de projets.
Je voudrais mettre un accent particulier sur la coopération avec les entreprises. Les mentalités à cet égard ont bien évolué, mais il subsiste parfois, ne nous le cachons pas, une certaine réticence à s'engager dans de véritables relations de partenariat avec elles. Il revient à l'ambassadeur d'éviter le cloisonnement entre les services : coopération ; établissements culturels et d'enseignement ; services consulaires ; mission militaire ; attachés sectoriels divers ; et missions économiques et commerciales. A cet égard, une plus grande implication des entreprises françaises dans nos actions de coopération permet de mobiliser des moyens supplémentaires pour démultiplier nos actions. En termes de visibilité, le rayonnement de notre pays repose également sur la qualité et le dynamisme de ses entreprises.

II - Avant de conclure, je voudrais vous dire un mot sur la coopération culturelle et la francophonie.
Cette année 2006 est particulièrement porteuse pour la Francophonie, avec la célébration, sur tout le territoire national, de la richesse et de la diversité des cultures francophones. Le Festival Francofffonies, qui associe les 63 pays membres ou observateurs de l'OIF, est d'ores et déjà un succès remarquable. J'espère qu'il aura contribué à faire évoluer le regard de nos compatriotes sur la diversité francophone, en leur montrant combien la langue française est bien plus que la langue des seuls Français.
L'année 2006 est aussi l'année du Sommet de la Francophonie à Bucarest. Ce Sommet revêt à mes yeux une double importance.
D'abord, il sera celui d'une Organisation internationale rénovée, et bien décidée sous l'autorité de son secrétaire général, le président Abdou Diouf, à mener une action politique plus affirmée sur la scène internationale.
Et puis Bucarest sera aussi l'occasion de mettre l'accent sur la francophonie européenne : sur nos actions communes, avec l'OIF, pour former au français les fonctionnaires européens, pour renforcer l'enseignement bilingue francophone. Pour faire du français une des langues de l'intégration européenne. Car l'Union européenne élargie doit offrir l'exemple d'une diversité culturelle et linguistique assumée, en particulier dans le fonctionnement de ses institutions.
S'agissant plus précisément des moyens consacrés à la langue française, j'ai présenté en conseil des ministres, en février dernier, un plan en faveur de l'enseignement du français à l'étranger. Doté de 50 millions d'euros, il permettra de soutenir la diffusion de notre langue en Europe et en Afrique surtout, ainsi que dans les pays émergents.
Ce plan répond avant tout à la forte demande de français qui s'exprime un peu partout dans le monde, et que j'observe notamment dans mes différents déplacements. J'en retire le sentiment que notre langue se porte plutôt bien, contrairement à la rhétorique pessimiste que l'on entend trop souvent. La réalité, c'est que le français demeure la 2ème langue la plus enseignée dans le monde, et qu'en 10 ans, le nombre d'apprenants a augmenté de plus de 16 millions de personnes.
Enfin, s'agissant de l'organisation de notre dispositif de coopération, nous avons entamé, après celle de l'aide au développement, une réforme de notre dispositif en matière culturelle et d'enseignement supérieur - Phillippe Douste-Blazy vous en a dit un mot à l'instant. Là aussi, je compte sur votre mobilisation pour qu'elle soit un succès.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Je terminerai en insistant fortement sur le rôle central qui est le vôtre en matière de coopération. Je vous invite à prendre pleinement en main vos prérogatives, à faire travailler entre elles toutes vos équipes, à négocier et à agir avec les autorités de votre pays de résidence autour des grands chantiers que j'ai évoqués. Je sais aussi, d'expérience, que ce sont les qualités professionnelles et surtout humaines des agents qui permettent de conduire une action. A vous de galvaniser les énergies et la motivation de tous vos collaborateurs. La tâche n'est pas toujours simple, j'en conviens, mais j'ai vu au fil de mes visites sur le terrain depuis plus d'un an combien vous aviez à coeur de donner le meilleur de vous-même. Je tiens à vous redire ma détermination à agir à vos côtés pour la réussite de notre politique.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 août 2006