Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis heureux d'ouvrir ce colloque, consacré à la prévention de la douleur chronique, organisé à l'occasion de la Journée mondiale de la Douleur et de la première Journée nationale de prévention de la douleur. Je remercie la Société d'Etude de Traitement de la Douleur, et tout particulièrement son président, le Docteur Alain Serrie pour cette initiative.
I- Le soulagement de la douleur est devenu progressivement une exigence de la société en matière éthique et de qualité des soins
Il n'y a pas si longtemps, la douleur était considérée comme un symptôme « normal », parfois même qualifié de précieux pour le diagnostic et le suivi de l'évolution de la maladie. Pouvoir supporter la douleur était considéré comme une marque de dignité et de courage.
En moins de dix ans années, cette vision de la douleur est devenue inacceptable. L'évolution des mentalités et des professionnels de santé a permis de donner à la douleur sa juste valeur de symptôme « alarme » qu'il faut combattre. Une enquête récente montre que le soulagement de la douleur est la première préoccupation et revendication des personnes atteintes de maladie chronique. Avec la fièvre et la fatigue, la douleur est l'un des premiers motifs de consultation médicale dans notre pays.
La lutte contre la douleur est devenue un véritable enjeu de santé publique et un critère de qualité et d'évolution d'un système de santé. En 2002, la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé reconnaît le soulagement de la douleur comme un droit fondamental de toute personne. En 2004, le rapport annexé à la loi relative à la santé publique inscrit la lutte contre la douleur parmi les 100 objectifs des 5 prochaines années. Enfin la loi du 22 avril 2005 relative au droit des malades et à la fin de vie et ses décrets publiés en février 2006 font du soulagement de la douleur une priorité de l'accompagnement de la fin de vie.
C'est cet objectif à la fois éthique et de dignité de l'homme que se sont fixés les pouvoirs publics ces dernières années. La prise en charge de la douleur vient ainsi redonner à la médecine cette dimension humaine face à des soins de plus en plus
techniques.
II- Les douleurs chroniques sévères, par définition celles qui évoluent depuis plus de 3 mois, touchent plus de 15 % de la population générale et pour 4,5 millions d'entre eux, la douleur est permanente et dure en moyenne 6 ans.
Autant dire qu'il s'agit d'un problème quotidien pour beaucoup de Françaises et Français, en particulier lorsqu'il s'agit de personnes âgées.
Eviter l'installation de la douleur et sa chronicisation nécessite avant tout de prévenir et de mieux prendre en charge, à tous les âges de la vie, les douleurs aiguës. Mais les enjeux d'une politique nationale en faveur de la lutte contre la douleur sont aussi socio-économiques. Les douleurs dès lors qu'elles évoluent vers la chronicité et plus encore lorsqu'elles sont dites rebelles sont de véritables maladies sources d'incapacités, d'altérations majeures de la qualité de vie et de handicaps. Elles induisent une consommation importante de soins et d'arrêts de travail.
Ainsi les douleurs de l'arthrose représentent dans notre pays près de 40 millions de consultations par an. Cette pathologie constitue même la première source de handicap liée à l'appareil locomoteur et la deuxième cause d'invalidité après les maladies cardiovasculaires.
De même, la lombalgie constitue le deuxième motif de consultation en médecine générale. 80 % des Français en souffrent ou en ont déjà souffert. Son impact socio-économique est considérable : le mal de dos est à l'origine de 110 000 arrêts de travail [3,5 millions de journées]. C'est la première cause d'arrêt de travail et d'invalidité.
III- C'est pourquoi j'ai souhaité poursuivre et renforcer la politique engagée depuis plus de 10 ans pour améliorer la prise en charge de la douleur et présenté en mars dernier un nouveau Plan d'amélioration de la prise en charge de la douleur pour la période 2006-2010.
Les nouvelles orientations de ce plan ont été élaborées en collaborations avec les professionnels de santé et les associations de malades. Je remercie les sociétés savantes ici présentes pour leur engagement de tous les jours dans ce domaine.
Ce plan, dont le coût approche 27 millions d'euros, repose sur quatre axes :
. l'amélioration de la prise en charge des personnes les plus vulnérables (enfants, personnes âgées et en fin de vie) ;
. la formation renforcée des professionnels de santé ;
. une meilleure utilisation des traitements médicamenteux et des méthodes non pharmacologiques ;
. la structuration de la filière de soins.
Un des objectifs de ce plan est d'améliorer la qualité de vie de toutes celles et ceux qui souffrent d'une maladie chronique. Je me réjouis que cette approche de la douleur soit au coeur des préoccupations de cette journée, car les douleurs associées aux maladies chroniques sont encore trop souvent méconnues et mal évaluées.
C'est en renforçant les connaissances, en élargissant les compétences des professionnels de santé dans la prise en charge de la douleur chronique, et dans l'évaluation de l'intensité de la douleur, que nous leur donnerons les moyens de mieux prévenir le passage de la douleur aiguë à la douleur chronique.
Si la détermination de l'ensemble des soignants à lutter contre la douleur est incontestable, il apparaît essentiel qu'elle repose sur une connaissance partagée, permettant un langage commun, des attitudes professionnelles cohérentes et une communication homogène avec les patients.
Un effort particulier en direction des professionnels de santé sera fait afin de leurs permettre de mieux repérer les facteurs de risque de passage à la chronicité de la douleur. Ainsi retenu comme un axe de formation prioritaire pour les personnels de la fonction publique hospitalière une formation nationale sous l'égide le l'ANFH débutera en 2007 sur le thème de la prise en charge de la douleur et des situations palliatives chez les personnes âgées.
Une « formation-action » sur la prise en charge de la douleur et des soins palliatifs en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et établissements médico-sociaux a débuté en 2006 par deux régions pilotes (Picardie et Auvergne). Elle sera étendue à tout le territoire national au cours de l'année 2007.
Afin de renforcer la reconnaissance universitaire de ces disciplines, nous mettons en place, avec mon collègue, François Goulard, un diplôme spécialisé d'études complémentaires « Médecine de la douleur, médecine palliative ».
C'est en structurant la filière de soins de la douleur, en particulier pour la prise en charge des douleurs chroniques rebelles, que nous rendrons plus efficace le dispositif actuel.
Le plan 2006-2010 prévoit ainsi :
. de valoriser le mode de financement des activités de prise en charge de la douleur chronique rebelle, au travers de la tarification à l'activité. J'ai donc demandé qu'un nouveau GHS, « douleur chronique rebelle » soit créé [5 millions d'euros] ;
. de renforcer en personnel les structures de prise en charge de la douleur chronique rebelle. Le plan prévoit 100 postes de médecins attachés, 26 praticiens hospitaliers, 30 psychologues, 38 infirmières [9 millions d'euros] ;
. d'améliorer les conditions d'accueil des patients [4 millions d'euros] ;
. de développer les réseaux de santé de prise en charge de la douleur [5 millions d'euros].
En 5 ans, le nombre de structures de prise en charge de la douleur chronique a plus que doublé [Plus de 200 en 2006 contre moins de 100 en 2001]. Je sais que nous devons encore faire mieux. Je me réjouis que la Société française d'évaluation et de traitement de la douleur ait réalisé un annuaire des structures d'évaluation et de traitement de la douleur de France, qui contribuera - j'en suis certain - à mieux faire connaître l'existence de ces prises en charge.
Nous voulons aussi encourager la recherche dans des directions nouvelles comme les stratégies non médicamenteuses de prise en charge de la douleur chronique rebelle - et je sais combien votre société savante y est attachée. Ces études ont débuté afin de permettre une meilleure prise en charge de la souffrance physique et psychique des patients et des familles concernées.
Conclusion
La lutte contre la douleur nécessite un changement des mentalités, une évolution des comportements et des pratiques, le décloisonnement du système de santé ; la modernisation du système de santé que nous entreprenons poursuit ce but de qualité, au service du patient.
S'il est illusoire de penser que toute douleur peut être supprimée, si la prise en charge de la douleur aiguë peu paraître évidente, tous les moyens de prévention de la douleur chronique doivent être mis en oeuvre. L'engagement, la mobilisation et la coordination de l'ensemble des professionnels constitue l'élément majeur de la réussite de cette démarche à laquelle je suis tout particulièrement attaché.
Enfin, je souhaite que la traçabilité de la prise en charge de la douleur devienne un indicateur de qualité dans l'évaluation des établissements de santé, au même titre que l'indicateur ICALIN pour les infections nosocomiales.
La lutte contre la douleur est liée par définition à la pratique quotidienne de tout soignant. Au-delà du soin, elle doit devenir une culture partagée dans notre pays, entre patients, professionnels de santé et pouvoirs publics.
Source http://www.sante.gouv.fr, le 14 septembre 2006
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis heureux d'ouvrir ce colloque, consacré à la prévention de la douleur chronique, organisé à l'occasion de la Journée mondiale de la Douleur et de la première Journée nationale de prévention de la douleur. Je remercie la Société d'Etude de Traitement de la Douleur, et tout particulièrement son président, le Docteur Alain Serrie pour cette initiative.
I- Le soulagement de la douleur est devenu progressivement une exigence de la société en matière éthique et de qualité des soins
Il n'y a pas si longtemps, la douleur était considérée comme un symptôme « normal », parfois même qualifié de précieux pour le diagnostic et le suivi de l'évolution de la maladie. Pouvoir supporter la douleur était considéré comme une marque de dignité et de courage.
En moins de dix ans années, cette vision de la douleur est devenue inacceptable. L'évolution des mentalités et des professionnels de santé a permis de donner à la douleur sa juste valeur de symptôme « alarme » qu'il faut combattre. Une enquête récente montre que le soulagement de la douleur est la première préoccupation et revendication des personnes atteintes de maladie chronique. Avec la fièvre et la fatigue, la douleur est l'un des premiers motifs de consultation médicale dans notre pays.
La lutte contre la douleur est devenue un véritable enjeu de santé publique et un critère de qualité et d'évolution d'un système de santé. En 2002, la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé reconnaît le soulagement de la douleur comme un droit fondamental de toute personne. En 2004, le rapport annexé à la loi relative à la santé publique inscrit la lutte contre la douleur parmi les 100 objectifs des 5 prochaines années. Enfin la loi du 22 avril 2005 relative au droit des malades et à la fin de vie et ses décrets publiés en février 2006 font du soulagement de la douleur une priorité de l'accompagnement de la fin de vie.
C'est cet objectif à la fois éthique et de dignité de l'homme que se sont fixés les pouvoirs publics ces dernières années. La prise en charge de la douleur vient ainsi redonner à la médecine cette dimension humaine face à des soins de plus en plus
techniques.
II- Les douleurs chroniques sévères, par définition celles qui évoluent depuis plus de 3 mois, touchent plus de 15 % de la population générale et pour 4,5 millions d'entre eux, la douleur est permanente et dure en moyenne 6 ans.
Autant dire qu'il s'agit d'un problème quotidien pour beaucoup de Françaises et Français, en particulier lorsqu'il s'agit de personnes âgées.
Eviter l'installation de la douleur et sa chronicisation nécessite avant tout de prévenir et de mieux prendre en charge, à tous les âges de la vie, les douleurs aiguës. Mais les enjeux d'une politique nationale en faveur de la lutte contre la douleur sont aussi socio-économiques. Les douleurs dès lors qu'elles évoluent vers la chronicité et plus encore lorsqu'elles sont dites rebelles sont de véritables maladies sources d'incapacités, d'altérations majeures de la qualité de vie et de handicaps. Elles induisent une consommation importante de soins et d'arrêts de travail.
Ainsi les douleurs de l'arthrose représentent dans notre pays près de 40 millions de consultations par an. Cette pathologie constitue même la première source de handicap liée à l'appareil locomoteur et la deuxième cause d'invalidité après les maladies cardiovasculaires.
De même, la lombalgie constitue le deuxième motif de consultation en médecine générale. 80 % des Français en souffrent ou en ont déjà souffert. Son impact socio-économique est considérable : le mal de dos est à l'origine de 110 000 arrêts de travail [3,5 millions de journées]. C'est la première cause d'arrêt de travail et d'invalidité.
III- C'est pourquoi j'ai souhaité poursuivre et renforcer la politique engagée depuis plus de 10 ans pour améliorer la prise en charge de la douleur et présenté en mars dernier un nouveau Plan d'amélioration de la prise en charge de la douleur pour la période 2006-2010.
Les nouvelles orientations de ce plan ont été élaborées en collaborations avec les professionnels de santé et les associations de malades. Je remercie les sociétés savantes ici présentes pour leur engagement de tous les jours dans ce domaine.
Ce plan, dont le coût approche 27 millions d'euros, repose sur quatre axes :
. l'amélioration de la prise en charge des personnes les plus vulnérables (enfants, personnes âgées et en fin de vie) ;
. la formation renforcée des professionnels de santé ;
. une meilleure utilisation des traitements médicamenteux et des méthodes non pharmacologiques ;
. la structuration de la filière de soins.
Un des objectifs de ce plan est d'améliorer la qualité de vie de toutes celles et ceux qui souffrent d'une maladie chronique. Je me réjouis que cette approche de la douleur soit au coeur des préoccupations de cette journée, car les douleurs associées aux maladies chroniques sont encore trop souvent méconnues et mal évaluées.
C'est en renforçant les connaissances, en élargissant les compétences des professionnels de santé dans la prise en charge de la douleur chronique, et dans l'évaluation de l'intensité de la douleur, que nous leur donnerons les moyens de mieux prévenir le passage de la douleur aiguë à la douleur chronique.
Si la détermination de l'ensemble des soignants à lutter contre la douleur est incontestable, il apparaît essentiel qu'elle repose sur une connaissance partagée, permettant un langage commun, des attitudes professionnelles cohérentes et une communication homogène avec les patients.
Un effort particulier en direction des professionnels de santé sera fait afin de leurs permettre de mieux repérer les facteurs de risque de passage à la chronicité de la douleur. Ainsi retenu comme un axe de formation prioritaire pour les personnels de la fonction publique hospitalière une formation nationale sous l'égide le l'ANFH débutera en 2007 sur le thème de la prise en charge de la douleur et des situations palliatives chez les personnes âgées.
Une « formation-action » sur la prise en charge de la douleur et des soins palliatifs en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et établissements médico-sociaux a débuté en 2006 par deux régions pilotes (Picardie et Auvergne). Elle sera étendue à tout le territoire national au cours de l'année 2007.
Afin de renforcer la reconnaissance universitaire de ces disciplines, nous mettons en place, avec mon collègue, François Goulard, un diplôme spécialisé d'études complémentaires « Médecine de la douleur, médecine palliative ».
C'est en structurant la filière de soins de la douleur, en particulier pour la prise en charge des douleurs chroniques rebelles, que nous rendrons plus efficace le dispositif actuel.
Le plan 2006-2010 prévoit ainsi :
. de valoriser le mode de financement des activités de prise en charge de la douleur chronique rebelle, au travers de la tarification à l'activité. J'ai donc demandé qu'un nouveau GHS, « douleur chronique rebelle » soit créé [5 millions d'euros] ;
. de renforcer en personnel les structures de prise en charge de la douleur chronique rebelle. Le plan prévoit 100 postes de médecins attachés, 26 praticiens hospitaliers, 30 psychologues, 38 infirmières [9 millions d'euros] ;
. d'améliorer les conditions d'accueil des patients [4 millions d'euros] ;
. de développer les réseaux de santé de prise en charge de la douleur [5 millions d'euros].
En 5 ans, le nombre de structures de prise en charge de la douleur chronique a plus que doublé [Plus de 200 en 2006 contre moins de 100 en 2001]. Je sais que nous devons encore faire mieux. Je me réjouis que la Société française d'évaluation et de traitement de la douleur ait réalisé un annuaire des structures d'évaluation et de traitement de la douleur de France, qui contribuera - j'en suis certain - à mieux faire connaître l'existence de ces prises en charge.
Nous voulons aussi encourager la recherche dans des directions nouvelles comme les stratégies non médicamenteuses de prise en charge de la douleur chronique rebelle - et je sais combien votre société savante y est attachée. Ces études ont débuté afin de permettre une meilleure prise en charge de la souffrance physique et psychique des patients et des familles concernées.
Conclusion
La lutte contre la douleur nécessite un changement des mentalités, une évolution des comportements et des pratiques, le décloisonnement du système de santé ; la modernisation du système de santé que nous entreprenons poursuit ce but de qualité, au service du patient.
S'il est illusoire de penser que toute douleur peut être supprimée, si la prise en charge de la douleur aiguë peu paraître évidente, tous les moyens de prévention de la douleur chronique doivent être mis en oeuvre. L'engagement, la mobilisation et la coordination de l'ensemble des professionnels constitue l'élément majeur de la réussite de cette démarche à laquelle je suis tout particulièrement attaché.
Enfin, je souhaite que la traçabilité de la prise en charge de la douleur devienne un indicateur de qualité dans l'évaluation des établissements de santé, au même titre que l'indicateur ICALIN pour les infections nosocomiales.
La lutte contre la douleur est liée par définition à la pratique quotidienne de tout soignant. Au-delà du soin, elle doit devenir une culture partagée dans notre pays, entre patients, professionnels de santé et pouvoirs publics.
Source http://www.sante.gouv.fr, le 14 septembre 2006