Texte intégral
J'ai vu ou je verrai aujourd'hui Mme Gebhardt, le président Borrell, M. Brok et M. Poettering, dans le cadre du déplacement que j'effectue à Strasbourg à l'occasion de la rentrée parlementaire, pour la session plénière de septembre. Pour ce qui est des sujets évoqués, il s'agit d'un certain nombre de dossiers législatifs qui se présentent dans les semaines ou les mois à venir. Certains sont importants, tout particulièrement aux yeux de la France. Je pense à la proposition de directive sur les services pour laquelle nous sommes proches, maintenant, de la finalisation mais il y aura une deuxième lecture au Parlement européen. Il y a également REACH. Nous avons aussi évoqué d'autres dossiers, notamment des dossiers internationaux. J'en ai parlé avec le président Borrell. Le Proche-Orient bien sûr, dont la situation au Liban. Ainsi que d'autres rendez-vous que nous aurons également au cours de l'automne : la poursuite du processus d'élargissement, avec un certain nombre de rapports de la Commission sur lesquels il faudra prendre des décisions ensuite au Conseil.
Q - Un certain nombre de ces dossiers ont déjà trouvé un accord, même REACH a bien avancé aussi ?
R - Oui, tout ça avance bien. D'ailleurs, c'est intéressant de voir qu'au fil des mois et je dirais même qu'au fil des années, il est clair maintenant que le Parlement européen devient l'une des institutions de la décision européenne et même, pour dire les choses plus simplement, l'un des acteurs de la démocratie européenne. On l'a vu d'ailleurs sur ces grands dossiers législatifs, où le rôle du Parlement était majeur et utile. Les deux à la fois, ce qui est mieux.
Q - Sur la directive services, pouvez-vous détailler votre position ?
R - L'essentiel, je crois, a été fait avec le vote du Parlement européen au mois de février puis l'accord politique qui s'est fait au Conseil le 29 mai. Nous avons maintenant un texte qui est équilibré et qui répond à nos préoccupations. L'équilibre est le bon, en tout cas c'est ce qui nous semble et c'est ce que nous avions dit au mois de mai. J'ai parlé de façon plus détaillée avec Mme Gebhardt de certains amendements auxquels elle songe. Le calendrier devrait être celui d'un vote en commission "marché intérieur" en octobre et puis en plénière, au mois de novembre. En novembre, ce dossier devrait donc enfin être bouclé.
Q - Mais justement, là, il n'y a que des queues de comètes ? Ce n'est pas très intéressant, on s'ennuie.
R - Quand vous êtes dans la queue de comète, cela peut être intéressant ! La définition précise d'un service d'intérêt général économique n'est pas sans intérêt, par exemple.
Q - On a l'impression que c'est le vide en ce moment.
R - Comment pouvez-vous dire cela ? Il y a à l'agenda des grands textes, dont le plus souvent, c'est vrai, il faut finaliser la négociation plus qu'il ne faut la lancer. Mais on a besoin de conclure sur un certain nombre de dossiers. Par exemple, sur la directive sur les services, on a besoin de conclure. Nous avons intérêt à ce qu'il y ait un texte et une directive qui permette une unification du marché intérieur des services. Nos économies ont à y gagner puisque plus d'échanges pour nous, c'est plus d'activité et plus d'emplois. Même si c'est la fin d'une partie engagée depuis longtemps, il faut aussi savoir faire cette fin-là. Je ne partage pas votre appréciation.
Q - Quel autre grand texte est aussi à venir ?
R - Il y a REACH aussi. Ce sont les deux textes à nos yeux qui sont importants et qu'il faut bien boucler. Leurs enjeux, dans un cas comme dans l'autre, sont réels, d'ailleurs sur le plan économique.
Q - Plus globalement sur le fonctionnement de l'Union, vous avez dit récemment que celui-ci vous paraissait préoccupant... D'autres en ont parlé ce matin...
R - Je suis partie d'un constat, qui est un diagnostic à la fois lucide et partagé, croyez-moi par tous, pour faire des propositions. Je n'ai pas fait un constat pour m'y arrêter, ni pour baisser les bras, mais pour souhaiter que les Européens aient plus d'ambition pour l'Europe. J'ai fait quelques propositions et souhaité que d'autres le fasse également. Vous me dîtes que l'on recommence à parler d'Europe, eh bien tant mieux ! Ne serait-ce que ça, c'est un bon signe.
Q - Avez-vous une position sur le siège du Parlement européen à Strasbourg ? L'état a nommé un médiateur, ou un facilitateur...
R - "Facilitateur", le mot est important parce qu'il s'agit de relations de droit privé et d'un litige de nature commerciale qui est apparu. Les négociations se déroulent par définition entre les parties. L'Etat étant, bien sûr, vous le savez, très attaché à Strasbourg et à "Strasbourg - ville siège". Mais il ne faut pas confondre les responsabilités qui sont les siennes et celles qui sont celles des parties. Je comprends que les choses ont avancé et c'est d'ailleurs parce que nous avons un intérêt pour le sujet que ce facilitateur a été chargé de faire le rapport qu'il vient de rendre. J'espère que la solution maintenant est proche. J'ai quelques raisons de vous dire ça aujourd'hui. Cette semaine sera importante. La ville aura des décisions à prendre aussi mais, en tout cas, nous avons fait ce qu'il fallait pour faciliter, autant que possible, le bon déroulement et surtout l'achèvement de ces négociations. J'espère vraiment qu'une issue positive est proche. Mais je ne peux pas vous en dire plus à ce stade, puisque les choses sont encore en discussion.
Q - Issue proche, cela veut dire fin d'année ?
R - J'espère vraiment avant. Le plus rapidement possible.
Q - Est-ce envisageable que la France accepte un jour un siège unique du Parlement ?
R - Nous respectons les traités et nous continuerons à les respecter. Il n'y a pas de débat sur ce point. Ne comptez pas sur la France pour changer cela. Et, de plus, on aide Strasbourg. J'ai parlé du TGV tout à l'heure, je parle de ce dossier maintenant et on continuera à le faire, croyez-moi.
Q - Et la France accepterait-elle que les traités restent inchangés mais qu'il n'y ait plus qu'une session par an à Strasbourg ?
R - Non, c'est inenvisageable pour nous. Je ne suis pas la première à le dire. Le président de la République le fait chaque fois qu'il est interrogé. Et, là-dessus, vous le savez, nos positions sont plus que claires.
Q - Vous allez rencontrer M. Brok, de quoi allez-vous parler ?
R - Je voudrais avoir son sentiment sur l'un des rendez-vous important que l'Union aura en 2006, sans doute au cours du mois d'octobre, pour faire le point sur la mise en oeuvre de ce que l'Europe a demandé à la Turquie il y a un an. Le Conseil en débattra plus tard, mais l'avis du Parlement européen est important aussi. Je souhaiterais donc avoir son point de vue sur cela ainsi que sur l'élargissement d'une façon générale.
Q - Que pensez-vous du rapport de la Commission sur la Turquie ?
R - Justement, je voudrais en parler avec lui. Les négociations sont engagées. On a pu ouvrir et fermer un chapitre, mais un seul, en réalité. La Turquie devra donner des signes de sa disposition à mettre en oeuvre ses propres engagements. Je pense au protocole additionnel à l'accord d'Ankara. Il y a toujours le problème des ports et des aéroports, de l'accès des navires pas seulement chypriotes, mais tout navire européen étant passé par les ports ou les aéroports chypriotes. Tous ces problèmes devront être réglés pour avancer. La déclaration des 25 du mois de septembre 2005 rappelait - et c'est la position de tous les Européens -, que le rythme des négociations était susceptible d'être affecté par l'attitude de la Turquie sur tous ces points.
Il y aura aussi des décisions à prendre cet automne pour la Roumanie et la Bulgarie. Sur la problématique de l'élargissement en général, je souhaitais également rencontrer M. Brok car il avait fait un rapport remarqué à la fin de l'année dernière, donc son point de vue et celui du Parlement européen comptent.
Q - Si Ankara ne respecte pas ses obligations d'ici la fin de cette année, les choses vont-elles rester en l'état ? Est-ce une réaction légitime ?
R - A ce stade, je dirais simplement que les 25 ont un rendez-vous important sur les bases de la déclaration européenne du 21 septembre 2005. Ils sont convenus de se retrouver pour regarder dans quelle mesure ce qui avait été demandé avait été réalisé ou non. Ce rendez-vous est devant nous. Il est important. Et donc le message utile à l'heure où je vous parle, c'est-à-dire avant ce rendez-vous, est de souhaiter et de dire publiquement que la Turquie fasse des gestes nécessaires pour démontrer sa volonté d'aller de l'avant et de respecter ses engagements. Voilà pour le moment les choses les plus utiles que je puisse vous dire. Nous avons encore un peu de temps avant ce rendez-vous et j'espère que, d'ici ce rendez-vous, les choses auront évolué.
Merci et bonne rentrée.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 septembre 2006