Texte intégral
Chers Camarades,
Contrairement à bien des idées reçues, quel bonheur que d'être Premier secrétaire du Parti socialiste ! D'abord parce que cela me permet de conclure nos travaux. Il n'y a là d'ailleurs aucun privilège, mais simplement la récompense de l'effort depuis tant d'années. J'ai conclu tous les chantiers du Pas-de-Calais, celui-là aussi. Mais, le bonheur n'est pas là, seulement là. Il est d'avoir assisté à un débat au sein du Parti socialiste qui fait honneur d'abord aux participants et aux militants du PS.
Il s'est trouvé que vous êtes nombreux, sans doute encore un peu plus nombreux à nous voir. Et beaucoup de posaient la question : serions-nous suffisamment responsables, conscients de l'enjeu, dignes de nos responsabilités pour porter un débat tel que celui-là ? Nous l'avons fait. Nous l'avons fait parce que nous avons une haute idée de nous-même, mais surtout une haute idée de la France. Et que nous considérons qu'avant de désigner celui ou celle qui sera d'abord notre candidat, celui du Parti socialiste, puis ensuite, au second tour, le candidat de toute la gauche et demain, si les électeurs le veulent -et ils le voudront-, le prochain ou la prochaine Chef de l'Etat, il faut consacrer à ce débat toute sa place, tout son rang et toute sa qualité. Nous savons que ce débat sera maîtrisé parce que ce seront les adhérentes et les adhérents du Parti socialiste qui voteront sereinement, tranquillement, expérience faite du parcours des uns et des autres, des orientations qu'ils auront portées dans ces débats. Ces militants ne demanderont qu'une chose -et j'y veillerai : au terme de ce vote, tous les socialistes doivent se rassembler derrière le candidat ou la candidate qui aura été choisie ainsi démocratiquement par tous les militants et personne ne pourra s'en défaire, s'en soustraire, s'en dégager.
Nous devons mesurer l'enjeu. Il ne s'agit pas simplement de désigner l'un ou l'une d'entre nous. Nous avons des ambitions, elles sont légitimes. Nous avons des talents, ils sont mêmes plus nombreux que les prétendants. Il s'agit de donner à la gauche une victoire en 2007 ; il s'agit de donner à la France une espérance, celle de la réussite partagée ; il s'agit de donner à l'Europe une relance vers son projet politique et au monde une stabilité. Rendez-vous compte de ce que va être votre choix d'abord comme socialistes, ensuite comme citoyens : donner un nouveau Président à la France, donner une nouvelle majorité à la France. Nous sommes les militants du changement ; et l'on retiendra sans doute dans l'histoire de cette campagne que le changement a commencé ici, à Lens, et qu'il ne s'arrêtera pas jusqu'au mois de mai prochain. C'est le combat que nous partageons, désormais, ensemble.
Nous connaissons aussi la force de l'adversaire. Il ne faut tout de même pas exagérer son talent. Pour détruire, sans doute ; mais pour construire, assez peu. Epargnez-vous de ces compliments inutiles en la circonstance. Prenez simplement conscience que l'adversaire, c'est la droite, toute la droite et pas simplement son champion. Une droite qui n'aura jamais été autant identifiée aux forces de l'argent. C'est vrai que ce n'est pas tout à fait un hasard si, pour conclure l'université du MEDEF, c'est le Président de l'UMP qui s'est chargé de la besogne. C'est leur candidat. Plus que jamais, le candidat de la droite est le candidat des forces de l'argent.
Nous affronterons une droite qui a décidé d'être plus à droite encore. Et, en même temps, elle sera en continuité par rapport à 2002. Ne laissons pas penser qu'il y aurait une rupture au sein de la droite. C'est la même droite, sauf que celle-là veut continuer en amplifiant. Nicolas Sarkozy est le digne (ou l'indigne) héritier de Jacques Chirac. Il a été associé à toutes les décisions de 2002. Ministre d'Etat, il l'est. Ministre de l'Intérieur, il l'est encore. Ministre de l'Economie et des Finances, il l'a été. Président de l'UMP, il l'est. Depuis 2002 donc, il est responsable de la situation que la droite a créée dans le pays. Il sera donc jugé là-dessus, sur son bilan, celui de la droite et pas simplement sur ses promesses.
Il est d'ailleurs, en matière de promesses et pas simplement en cela, un « continuateur » de Jacques Chirac. Il est aussi un « continuateur » de promesses non tenues. Regardez l'exemple d'EDF. Comme Ministre de l'Economie et des Finances, il avait promis que pour EDF et GDF, foi de Nicolas Sarkozy (il aurait dû dire foi de Jacques Chirac, su été la même chose), il ne sera jamais question de baisser la participation de l'Etat en dessous du seuil fatidique de 70 %. Et là, en ce moment même, le gouvernement dans lequel il figure avec Jacques Chirac comme Président de la République, présente, discute un projet qui ne vise qu'à descendre la participation de l'Etat de 70 % à 30 % ! Voilà ce qu'est une promesse de Nicolas Sarkozy : elle ne vaut pas deux ans.
Mais, en 2004, il avait, pour convaincre les syndicats des deux entreprises de sa bonne foi, fait une nouvelle promesse : jamais il ne sera touché aux régimes de retraite de GDF et d'EDF. C'était la condition même de son projet d'ouverture du capital. Il l'avait même fait inscrire dans les principes de la loi. Regardez. Aujourd'hui, c'est le même qui, par provocation, par calcul, pour mobiliser ce qu'il croit être son électorat, annonce qu'il va y avoir la destruction des régimes spéciaux des retraites. Non pas qu'il ne faille pas revoir ces régimes, non pas qu'il ne faille pas harmoniser, mais pas ainsi, sans le dialogue, avec la provocation, l'injustice, en considérant que les privilégiés de la société seraient là, alors qu'ils sont au sommet du pouvoir, au sommet des entreprises ! Mais, selon la droite, les privilèges seraient tout en bas.
Nous avons donc là un « continuateur » ; et la seule rupture qu'il a engagée est celle à l'égard du gaullisme. Aurait-on vu le Général De Gaulle dans le bureau du Président américain se plaindre de l'arrogance française et demander pardon pour les décisions courageuses qui avaient été prises par rapport à la guerre en Irak ?!
Nous mesurons l'enjeu, nous connaissons la force de l'adversaire. Mais, nous savons aussi les conditions de la réussite. Pas de victoire possible sans l'unité des socialistes. Pas de succès sans le rassemblement de la gauche. Pas d'adhésion populaire sans incarner une volonté de changement. Pas de participation civique sans réhabiliter la politique.
Dans ce combat-là, nous disposons d'atouts solides : d'abord le socle de nos réussites communes depuis 1981 avec François Mitterrand puis avec Lionel Jospin. Personne n'a oublié. Ni ce que nous avons fait, ni ce que nous n'avons pas fait. Personne n'a oublié. Et, en même temps, tout le monde reconnaît qu'il y a une différence entre la gauche et la droite ; que la gauche construit, que la gauche avance ; que la droite détruit, que la droite régresse. C'est le premier atout.
Il y a aussi la solidité du Parti, ce Parti qui a résisté à tant de victoires -car il faut savoir les maîtriser- mais aussi à des défaites ; et nous avons, comme le disait François Mitterrand, en toutes circonstances tenu bon. Nous avons eu des élections éclatantes avec les élections régionales, européennes qui, finalement, ont redonné confiance dans le Parti socialiste et dans la gauche.
Et il y a le projet des socialistes, ce projet que je porte toujours sur moi. Voilà sur quoi nous nous engageons, nous les socialistes. Il y aura un candidat ou une candidate. Mais, il y aura un projet des socialistes et ce candidat ou cette candidate sera lié(e) par ce projet. Et ce projet des socialistes sera, demain, le programme de gouvernement du pays en 2007.
C'est pourquoi nous avons trois choses encore ?? faire d'ici 2007, au-delà de la désignation de notre candidat(e) :
Nous devons d'abord promouvoir nos propositions. Le projet n'est pas simplement un acte politique, militant. Il ne vaut pas parce que nous l'avons adopté à l'unanimité -encore que je ne m'en plains pas ; nous avons été capables de nous rassembler autour de lui, après la synthèse du Mans. Le projet est un contrat avec le pays ; faut-il encore que ce contrat soit validé, regardé comme étant une perspective d'avenir. Nous posons ce principe : le projet des socialistes, c'est la réussite pour tous et pas simplement pour quelques-uns. La réussite du pays, mais avec l'Europe. La réussite de l'Europe, enfin, mais dans un monde régulé, dominé par la démocratie. Ce projet a vocation à répondre à l'urgence, et il faut répondre à l'urgence :
* Le pouvoir d'achat, le SMIC avec une grande négociation salariale pour, qu'au-delà du SMIC, tous les salariés trouvent dividende dans la croissance retrouvée. Peut-on accepter aujourd'hui qu'un salarié sur deux soit payé à 1 ou 1,5 SMIC seulement. Cette conférence salariale que nous appelons de nos voeux comme mode de négociation annuelle est une grande proposition. Le gouvernement en a retenu le principe. La conférence des revenus, a dit Dominique de Villepin, établira seulement un diagnostic. Ce que nous ferons, nous, n'est pas un diagnostic, mais l'ouverture d'une grande négociation sur le partage de la richesse produite dans notre pays.
* Lutte contre la précarité : on se gargarise, là encore, au sommet du gouvernement de la baisse du chômage. Mais, lorsque l'on regarde le nombre de créations d'emplois, tellement faibles par rapport à la période où nous étions nous-mêmes aux responsabilités, et ce qu'ils sont -emplois aidés pour certains et l'intérim dans les emplois marchands, CDD c'est-à-dire rien de durable, rien de stable- on se dit que le seul projet de la droite, c'est le développement de la précarité dans le travail.
* L'urgence du logement avec le bouclier logement
* La sécurité professionnelle : couverture professionnelle...
Mais, nous ne sommes pas là uniquement pour répondre aux revendications immédiates. Nous ne sommes pas une organisation syndicale, même si nous les respectons. Nous sommes un grand parti politique, capable de répondre comme il pourra, dans le monde tel qu'il est et avec des marges de manoeuvre qui ne seront pas considérables, mais avec la volonté qui sera la nôtre d'apaiser les souffrances, de redonner espoir et confiance. Nous avons aussi comme obligation politique de préparer l'avenir. L'avenir, c'est l'Education, la Recherche. C'est la formation, c'est l'environnement qu'il faut préserver. C'est le territoire qu'il faut aménager. C'est l'écologie qu'il faut organiser. Et, nous n'aurons qu'une méthode : la démocratie.
Prenez conscience qu'il ne s'agit pas là simplement d'une précaution, d'une formule. S'il n'y a pas un changement démocratique dans notre pays pour les institutions, pour la décentralisation, pour le dialogue social, pour la démocratie sociale -y compris dans sa version citoyenne, participative-, il n'y a pas de succès possible, même pour la gauche. Car la gauche ne peut pas se loger dans les institutions telles qu'elles sont de la Ve République. Elle a besoin de s'ouvrir, de faire participer, de faire confiance, de partager.
C'est pourquoi nous sommes pour un changement profond des règles de la démocratie sociale. Les syndicats doivent trouver toute leur place ; n'en ayons pas peur ; ils ne seront pas nos alliés, mais ils seront co-responsables du changement que nous engagerons au lendemain de 2007.
Nous devons imposer les thèmes de confrontation avec la droite. Ce que la droite voudra introduire, comme en 2002, comme toujours, sera : insécurité, immigration, déclin... Tels seront les terrains sur lesquels la droite entendra prospérer.
Nous devons poser 4 confrontations majeures avec la droite :
* Le rôle de la France, la France elle-même. Nous voulons une France qui soit capable de s'ouvrir, de s'ouvrir au monde. Si nous sommes socialistes, c'est parce que nous sommes internationalistes. C'est pourquoi, le grand enjeu du prochain Président de la République et de la majorité qui le soutiendra c'est d'engager un grand programme pour le développement avec le Sud, c'est d'être capable, avec des institutions comme l'ONU, institutions responsables, de fixer les normes internationales et les règles pour préserver la paix et ne pas laisser une seule puissance en décider à notre place.
Internationalistes, parce qu'il faudra aussi sur la question des échanges, du commerce, poser nous aussi les normes de droit du travail, de sécurité, d'environnement sans lesquelles il n'y aura pas de saine concurrence -concurrence que nous acceptons parce que nous sommes capables en France de relever le défi de la mondialisation ; non pas en nous abaissant, en réduisant, mais en étant dans l'excellence.
Le rôle de la France est aussi de relancer l'Europe. Ici, comme dans toute la gauche et au-delà, il y a eu le débat sur le Traité. Il a été repoussé par les Français à une majorité de 54 %. Il ne peut donc plus y avoir de Traité constitutionnel européen tel qu'il avait été rédigé. Mais, nous avons l'obligation, parce que nous sommes la France et parce que nous sommes socialistes, de relancer les bases d'une nouvelle institution européenne, d'un nouveau projet européen. Il y aura sans doute, parce que nous sommes socialistes, l'objectif d'emploi, la priorité à la Recherche, les coopérations industrielles. Mais, il faudra aussi engager la grande bataille de l'Europe politique pour que, dans le Proche-Orient, dans toutes les zones de conflits, ce soit l'Europe qui soit à la manoeuvre et non une autre puissance avec d'autres intentions. L'Europe politique est née ici, dans le Nord/Pas-de-Calais. Il y a l'héritage que nous assumons différemment de la SFIO. Nous sommes le grand Parti socialiste qui a repris cet héritage, au moins sur le plan de la construction de l'Europe. Soyons dignes de cet engagement de l'Europe et soyons capables de lancer la France dans de nouveaux projets. Il en va de même pour la France dans ses valeurs. Les principes de la République, qui devraient rassembler l'ensemble des citoyens, au-delà de nous, sont aujourd'hui un élément de confrontation avec la droite. Il est vrai que sur la question de la laïcité, sur celle des communautés, sur celle de l'école, nous devons rappeler les valeurs de la République. Non pas par une espèce de nostalgie, mais parce que ce sont des valeurs profondément modernes, actuelles, qui permettront justement de vivre ensemble. Tout l'enjeu de la campagne de 2007 est de savoir si nous vivons ensemble dans l'harmonie ou dans le conflit, dans la confrontation avec nous-mêmes. La droite n'aura de cesse de diviser, de stigmatiser, de montrer du doigt les jeunes, les moins jeunes, ceux qui sont nés ici, ceux qui sont nés là-bas, les quartiers et d'autres cités... Nous devons rassembler tout en ignorant rien des conflits qui travaillent la société et qui restent des conflits fondés sur les privilèges et ceux qui veulent les supprimer. Vieille affaire qui fait que nous sommes socialistes !
* Le partage entre l'Etat et le marché. Nous avons, depuis longtemps, accepté le marché. Nous savons qu'il n'y a pas d'économie forte sans qu'il y ait concurrence, dynamisme des entreprises et même... profits. Tout l'enjeu donc, c'est la redistribution. Mais, en même temps, il faut que l'Etat ait sa place dans des domaines qui doivent échapper aux règles du marché. C'est pourquoi, sur la santé, sur l'Education, sur l'environnement et sur l'énergie, nous affirmons la nécessité d'un secteur public, collectif, parfois étatique, parfois local. Ces biens-là doivent échapper à la logique marchande, ils doivent être collectifs. Et, être socialiste, c'est considérer qu'il y a des biens, des entreprises qui ne peuvent pas être soumis aux règles du marché. On le dira autant de fois qu'il sera nécessaire de le dire.
* L'égalité. Cette confrontation a commencé.Aujourd'hui, le privilège serait d'être fonctionnaire, d'avoir une retraite, un emploi et il faudrait que ceux qui ont une retraite, un emploi, une sécurité fassent maintenant quelque effort pour les autres. Ce n'est pas notre conception de l'égalité. Notre conception de l'égalité est d'abord fiscale. Il est normal qu'il y ait un impôt qui permette la redistribution. Il faudra là aussi dire la vérité aux Français : il n'y aura pas de baisse d'impôt pendant la période où nous serons en responsabilité. Mais, l'égalité n'est pas simplement dans la redistribution. Elle l'est également dans l'Education, dans la formation, dans ce qui fait que finalement on ait des chances de réussir sa vie. L'égalité est dans la condition même de logement, de présence sur le territoire... Bref, nous porterons toutes les valeurs de l'égalité dans cette confrontation.
* L'exercice du pouvoir. C'est la conception même du pouvoir qui est en cause. Nous refusons une présidence de la République solitaire, autoritaire, arbitraire. Nous refusons qu'un seul d'entre nous puisse décider de tout (nominations, propositions de lois, négociations internationales, orientations européennes...) ; ce temps-là est terminé. Non pas qu'il ne faille pas un chef, il en faut. Une direction, une vision, une conception ; mais il faut d'abord faire prévaloir le principe de démocratie et de responsabilité. La démocratie, c'est le partage des pouvoirs, l'équilibre des pouvoirs. C'est pourquoi, dans notre projet, nous prônons la responsabilité du Parlement, le renforcement de l'initiative des citoyens, la capacité des collectivités locales pour agir, le non-cumul des mandats... Bref, tout ce qui fait une démocratie vivante. Nous aurons effectivement un référendum institutionnel dans l'année qui suivra l'élection présidentielle pour réorganiser le pouvoir. Mais, il s'agit aussi de fixer le principe de responsabilité. Qu'en est-il, et depuis trop longtemps, de la fuite devant toutes les responsabilités : responsabilité devant les décisions prises, responsabilité devant les élections, devant la Justice où l'on a vu -il y a quelques jours- le Président de la République qui dispose déjà d'une immunité de droit être capable par la nomination d'un procureur général à Paris de se constituer une immunité de fait après la fin de son mandat. Peut-on accepter plus longtemps l'absence de statut pénal du Chef de l'Etat ? Peut-on accepter l'impression qui s'installe -au risque de faire progresser l'extrême droite- qu'il y aurait ceux pour lesquels la Justice ordinaire n'aurait pas de prise ? Il ne s'agit pas de questions subalternes.
Nous aurons à définir une autre présidence. Une présidence socialiste, disais-je, mais elle ne suffira pas : une présidence différente, évitant la concentration des pouvoirs, la confusion des responsabilités, la captation de l'esprit public par l'un ou l'une d'entre nous.
Voilà ce qui doit être la confrontation majeure.
Pour gagner, nous l'avons tous dit, il faut un rassemblement de la gauche et un Parti uni. Le rassemblement de la gauche n'est pas nécessaire pour préparer la victoire, il est nécessaire pour diriger et pour gouverner. Le rassemblement de la gauche que nous voulons engager avec tous nos partenaires n'est pas simplement une coalition d'un jour, un arrangement de places ; c'est la capacité pour nous tous, tous ceux qui le voudront, sur la base d'un accord de gouvernement, de travailler durablement à la responsabilité du pays. C'est la condition de la victoire, c'est aussi celle de la durée. Chaque fois que la gauche se défait, la droite gagne dans notre pays. Pour ne pas en avoir tiré toutes les leçons, nous avons subi les échecs injustes. Pour ne pas rater la victoire, il va falloir rassembler la gauche.
Comment faire ? Elle n'est pas facile cette gauche. Ce serait tellement simple s'il n'y avait que des socialistes... Encore que ! Même s'il n'y avait que des socialistes, ce ne serait pas si simple. Mais, rassembler la gauche suppose d'abord de faire un premier cercle ; commencer par les partis qui sont les plus proches de nous pour qu'ils ne présentent pas de candidat à l'élection présidentielle, car il vaut mieux faire le meilleur résultat possible au premier tour. Cela crée la dynamique pour le second. Alors, avec les Radicaux de gauche, avec le Parti de Jean-Pierre Chevènement, faisons en sorte de présenter un même ou une même candidate -il ou elle sera socialiste, ce qui suppose de faire quelques concessions en termes de circonscriptions.
Le deuxième cercle, c'est celui des objectifs communs avec nos amis communistes et nos amis Verts. Ils présenteront sans doute un candidat à l'élection présidentielle. Ils en ont le droit, mais qu'au moins, avant la campagne présidentielle, on se mette d'accord sur des propositions communes que nous porterions ensemble. Sans doute que le projet socialiste n'est pas le projet communiste ; mais il y a des propositions du Parti communiste et des propositions des Verts qui peuvent faire le rassemblement et nous devrons donc les défendre ensemble. Cela facilitera les reports au second tour de l'élection présidentielle. Car, au second tour de l'élection présidentielle, il devra y avoir un socialiste ou une socialiste ; il faudra donc bien que les autres se joignent au mouvement.
Reste la question de « l'autre gauche », ceux qui se veulent encore plus à gauche que nous. Je suis sceptique sur la posture, même si je reconnais que dans la protestation, la radicalité, il n'est pas facile d'être plus à gauche qu'eux. Mais, être à gauche, c'est changer le pays, c'est réformer, transformer. Comment ? Par la révolution ? Chacun peut prendre ce chemin ; il est long -on peut même y passer sa vie sans la voir. Nous, nous faisons la réforme, c'est-à-dire la participation aux élections pour gagner, diriger et gouverner le pays et non pour se compter au premier tour.
Ils nous disent qu'il faut qu'il y ait une candidature unique à la gauche du Parti socialiste. C'est leur choix, mais que l'on se mette d'accord sur ce principe simple : au second tour de l'élection, la règle c'est le désistement républicain. Que le Parti qui soit arrivé en tête au soir du premier tour rassemble toutes les voix de gauche et même celles de l'autre gauche. Mais qu'au moins, si l'autre gauche ne veut pas gouverner -elle en a le droit- qu'elle ne nous empêche pas de prendre notre responsabilité, de gouverner et de répondre à l'urgence, aux demandes, à l'exaspération de notre peuple qui n'en peut plus, qui ne veut plus attendre et qui exige une issue à travers l'élection de 2007.
Et, il y a nous. Et de nous, tout dépend. Si nous sommes capables, comme nous l'avons fait depuis des années, de débattre et de nous rassembler. Si nous sommes capables de faire comprendre aux Français que là est la Force, mais aussi l'unité, rien ne nous arrêtera. C'est pourquoi, dans le moment qui est le nôtre : le choix, la désignation de notre candidat(e), il faut être exemplaires.
D'abord être en cohérence politique ; chaque candidat à la candidature est l'héritier d'une tradition, d'une histoire, est porteur de valeurs communes. Le candidat ou la candidate socialiste sera non pas un homme ou une femme s'inspirant simplement du renouvellement ou de la nouveauté. Il ou elle sera le porteur de nos valeurs communes depuis tant d'années, tant de décennies. Il ou elle accomplira ce que d'autres ont fait avant lui ou elle, ce travail obscur, patient, de changement de notre pays. Nous citons souvent, et nous avons raison, nos grands personnages de la gauche (Jaurès, Blum, Mitterrand), mais nous sommes aussi comptables vis-à-vis d'eux. Le beau combat qui a été engagé il y a plus d'un siècle est encore le nôtre aujourd'hui, il n'a rien perdu de sa valeur, de sa force. La cohérence politique, c'est de faire du neuf, sûrement, mais avec l'héritage, avec l'Histoire, avec les valeurs qui nous rassemblent tous.
Ensuite la solidarité politique : nous allons porter le même projet et, en même temps, il faut débattre. Mais débattre de quoi ? Débattre de nos conceptions de la présidence de la République, de nos conceptions du changement, de l'Etat, des enjeux... Tout cela est digne et mérite d'être poursuivi. Nous allons débattre parce que nous avons voulu le vote militant. Une autre procédure aurait pu exister avec les congrès qui pouvaient désigner, à travers le Premier secrétaire, forcément le candidat. Nous avons voulu, et depuis longtemps, que le choix des adhérents soit celui qui vaille pour désigner notre candidat(e). Il ne faut pas avoir peur de ce vote ; il faut au contraire faire en sorte qu'il puisse rehausser même le prestige du Parti socialiste et la valeur de celui ou celle qui sera désigné(e) par nous ; à la condition, bien sûr, que nous fassions en sorte de ne rien abaisser, de ne rien disqualifier. Tous les arguments qui seront utilisés et qui ne seront pas sur le débat, sur les idées mais sur les personnes seront un jour utilisés par la droite contre le candidat une fois qu'il sera choisi. Nous devons tous avoir la volonté commune que notre débat grandisse celui ou celle qui sortira de notre vote et qu'en aucune manière nous puissions dire, devant les Français qui nous regardent, que nos discussions, que nos délibérations auraient à un moment fait perdre une chance, ne serait-ce qu'une chance, à la candidature socialiste.
Voilà le devoir qui est le nôtre : faire en sorte que nous puissions, à travers le vote, préparer la victoire.
Parce que la droite, elle, malgré ses querelles fera bloc. Elle trouvera toujours les arrangements pour garder ce qui est pour elle l'essentiel : le pouvoir, rien que le pouvoir.
Nous devons faire le meilleur usage de cet exercice démocratique. J'ai confiance. J'ai confiance dans ce que j'ai vu ici, à Lens, dans le Pas-de-Calais. J'ai confiance parce que notre victoire sera collective. Ce ne sera pas simplement un homme ou une femme, mais une équipe, une coalition, un Parti. Et le Parti jouera le rôle majeur dans cette élection. Le Parti, parce qu'il aura décidé de son projet. Le Parti, parce qu'il aura décidé avec vous du candidat ou de la candidate socialiste. C'est le Parti, avec le ou la candidate et ensuite l'ensemble des élus du Parti socialiste, qui jouera le rôle majeur dans cette campagne. Soyez en fiers.
Comme Premier secrétaire, dans cette campagne et au-delà du rôle que l'on peut jouer, tout ceci sera ma tâche. Et, au terme du 16 novembre, nous avons besoin de toutes et de tous. De toutes celles et de tous ceux qui sont intervenus aujourd'hui ; de toutes et de tous ceux qui ont participé et assisté à cette journée ; de toutes celles et de tous ceux qui nous regardent et qui espèrent.
Il n'y aura de victoire que si elle est collective. Il n'y aura de victoire que si les socialistes comprennent que ce qui est attendu d'eux n'est pas simplement la victoire d'une formation politique, pas simplement même la victoire de la gauche, mais la victoire de la France.
Le débat que nous avons entamé ici se poursuivra jusqu'au mois de mai 2007. Et, tant que la victoire n'est pas là, soyons vigilants, militants et fiers.
Source http://www.parti-socialiste.fr, le 19 septembre 2006
Contrairement à bien des idées reçues, quel bonheur que d'être Premier secrétaire du Parti socialiste ! D'abord parce que cela me permet de conclure nos travaux. Il n'y a là d'ailleurs aucun privilège, mais simplement la récompense de l'effort depuis tant d'années. J'ai conclu tous les chantiers du Pas-de-Calais, celui-là aussi. Mais, le bonheur n'est pas là, seulement là. Il est d'avoir assisté à un débat au sein du Parti socialiste qui fait honneur d'abord aux participants et aux militants du PS.
Il s'est trouvé que vous êtes nombreux, sans doute encore un peu plus nombreux à nous voir. Et beaucoup de posaient la question : serions-nous suffisamment responsables, conscients de l'enjeu, dignes de nos responsabilités pour porter un débat tel que celui-là ? Nous l'avons fait. Nous l'avons fait parce que nous avons une haute idée de nous-même, mais surtout une haute idée de la France. Et que nous considérons qu'avant de désigner celui ou celle qui sera d'abord notre candidat, celui du Parti socialiste, puis ensuite, au second tour, le candidat de toute la gauche et demain, si les électeurs le veulent -et ils le voudront-, le prochain ou la prochaine Chef de l'Etat, il faut consacrer à ce débat toute sa place, tout son rang et toute sa qualité. Nous savons que ce débat sera maîtrisé parce que ce seront les adhérentes et les adhérents du Parti socialiste qui voteront sereinement, tranquillement, expérience faite du parcours des uns et des autres, des orientations qu'ils auront portées dans ces débats. Ces militants ne demanderont qu'une chose -et j'y veillerai : au terme de ce vote, tous les socialistes doivent se rassembler derrière le candidat ou la candidate qui aura été choisie ainsi démocratiquement par tous les militants et personne ne pourra s'en défaire, s'en soustraire, s'en dégager.
Nous devons mesurer l'enjeu. Il ne s'agit pas simplement de désigner l'un ou l'une d'entre nous. Nous avons des ambitions, elles sont légitimes. Nous avons des talents, ils sont mêmes plus nombreux que les prétendants. Il s'agit de donner à la gauche une victoire en 2007 ; il s'agit de donner à la France une espérance, celle de la réussite partagée ; il s'agit de donner à l'Europe une relance vers son projet politique et au monde une stabilité. Rendez-vous compte de ce que va être votre choix d'abord comme socialistes, ensuite comme citoyens : donner un nouveau Président à la France, donner une nouvelle majorité à la France. Nous sommes les militants du changement ; et l'on retiendra sans doute dans l'histoire de cette campagne que le changement a commencé ici, à Lens, et qu'il ne s'arrêtera pas jusqu'au mois de mai prochain. C'est le combat que nous partageons, désormais, ensemble.
Nous connaissons aussi la force de l'adversaire. Il ne faut tout de même pas exagérer son talent. Pour détruire, sans doute ; mais pour construire, assez peu. Epargnez-vous de ces compliments inutiles en la circonstance. Prenez simplement conscience que l'adversaire, c'est la droite, toute la droite et pas simplement son champion. Une droite qui n'aura jamais été autant identifiée aux forces de l'argent. C'est vrai que ce n'est pas tout à fait un hasard si, pour conclure l'université du MEDEF, c'est le Président de l'UMP qui s'est chargé de la besogne. C'est leur candidat. Plus que jamais, le candidat de la droite est le candidat des forces de l'argent.
Nous affronterons une droite qui a décidé d'être plus à droite encore. Et, en même temps, elle sera en continuité par rapport à 2002. Ne laissons pas penser qu'il y aurait une rupture au sein de la droite. C'est la même droite, sauf que celle-là veut continuer en amplifiant. Nicolas Sarkozy est le digne (ou l'indigne) héritier de Jacques Chirac. Il a été associé à toutes les décisions de 2002. Ministre d'Etat, il l'est. Ministre de l'Intérieur, il l'est encore. Ministre de l'Economie et des Finances, il l'a été. Président de l'UMP, il l'est. Depuis 2002 donc, il est responsable de la situation que la droite a créée dans le pays. Il sera donc jugé là-dessus, sur son bilan, celui de la droite et pas simplement sur ses promesses.
Il est d'ailleurs, en matière de promesses et pas simplement en cela, un « continuateur » de Jacques Chirac. Il est aussi un « continuateur » de promesses non tenues. Regardez l'exemple d'EDF. Comme Ministre de l'Economie et des Finances, il avait promis que pour EDF et GDF, foi de Nicolas Sarkozy (il aurait dû dire foi de Jacques Chirac, su été la même chose), il ne sera jamais question de baisser la participation de l'Etat en dessous du seuil fatidique de 70 %. Et là, en ce moment même, le gouvernement dans lequel il figure avec Jacques Chirac comme Président de la République, présente, discute un projet qui ne vise qu'à descendre la participation de l'Etat de 70 % à 30 % ! Voilà ce qu'est une promesse de Nicolas Sarkozy : elle ne vaut pas deux ans.
Mais, en 2004, il avait, pour convaincre les syndicats des deux entreprises de sa bonne foi, fait une nouvelle promesse : jamais il ne sera touché aux régimes de retraite de GDF et d'EDF. C'était la condition même de son projet d'ouverture du capital. Il l'avait même fait inscrire dans les principes de la loi. Regardez. Aujourd'hui, c'est le même qui, par provocation, par calcul, pour mobiliser ce qu'il croit être son électorat, annonce qu'il va y avoir la destruction des régimes spéciaux des retraites. Non pas qu'il ne faille pas revoir ces régimes, non pas qu'il ne faille pas harmoniser, mais pas ainsi, sans le dialogue, avec la provocation, l'injustice, en considérant que les privilégiés de la société seraient là, alors qu'ils sont au sommet du pouvoir, au sommet des entreprises ! Mais, selon la droite, les privilèges seraient tout en bas.
Nous avons donc là un « continuateur » ; et la seule rupture qu'il a engagée est celle à l'égard du gaullisme. Aurait-on vu le Général De Gaulle dans le bureau du Président américain se plaindre de l'arrogance française et demander pardon pour les décisions courageuses qui avaient été prises par rapport à la guerre en Irak ?!
Nous mesurons l'enjeu, nous connaissons la force de l'adversaire. Mais, nous savons aussi les conditions de la réussite. Pas de victoire possible sans l'unité des socialistes. Pas de succès sans le rassemblement de la gauche. Pas d'adhésion populaire sans incarner une volonté de changement. Pas de participation civique sans réhabiliter la politique.
Dans ce combat-là, nous disposons d'atouts solides : d'abord le socle de nos réussites communes depuis 1981 avec François Mitterrand puis avec Lionel Jospin. Personne n'a oublié. Ni ce que nous avons fait, ni ce que nous n'avons pas fait. Personne n'a oublié. Et, en même temps, tout le monde reconnaît qu'il y a une différence entre la gauche et la droite ; que la gauche construit, que la gauche avance ; que la droite détruit, que la droite régresse. C'est le premier atout.
Il y a aussi la solidité du Parti, ce Parti qui a résisté à tant de victoires -car il faut savoir les maîtriser- mais aussi à des défaites ; et nous avons, comme le disait François Mitterrand, en toutes circonstances tenu bon. Nous avons eu des élections éclatantes avec les élections régionales, européennes qui, finalement, ont redonné confiance dans le Parti socialiste et dans la gauche.
Et il y a le projet des socialistes, ce projet que je porte toujours sur moi. Voilà sur quoi nous nous engageons, nous les socialistes. Il y aura un candidat ou une candidate. Mais, il y aura un projet des socialistes et ce candidat ou cette candidate sera lié(e) par ce projet. Et ce projet des socialistes sera, demain, le programme de gouvernement du pays en 2007.
C'est pourquoi nous avons trois choses encore ?? faire d'ici 2007, au-delà de la désignation de notre candidat(e) :
Nous devons d'abord promouvoir nos propositions. Le projet n'est pas simplement un acte politique, militant. Il ne vaut pas parce que nous l'avons adopté à l'unanimité -encore que je ne m'en plains pas ; nous avons été capables de nous rassembler autour de lui, après la synthèse du Mans. Le projet est un contrat avec le pays ; faut-il encore que ce contrat soit validé, regardé comme étant une perspective d'avenir. Nous posons ce principe : le projet des socialistes, c'est la réussite pour tous et pas simplement pour quelques-uns. La réussite du pays, mais avec l'Europe. La réussite de l'Europe, enfin, mais dans un monde régulé, dominé par la démocratie. Ce projet a vocation à répondre à l'urgence, et il faut répondre à l'urgence :
* Le pouvoir d'achat, le SMIC avec une grande négociation salariale pour, qu'au-delà du SMIC, tous les salariés trouvent dividende dans la croissance retrouvée. Peut-on accepter aujourd'hui qu'un salarié sur deux soit payé à 1 ou 1,5 SMIC seulement. Cette conférence salariale que nous appelons de nos voeux comme mode de négociation annuelle est une grande proposition. Le gouvernement en a retenu le principe. La conférence des revenus, a dit Dominique de Villepin, établira seulement un diagnostic. Ce que nous ferons, nous, n'est pas un diagnostic, mais l'ouverture d'une grande négociation sur le partage de la richesse produite dans notre pays.
* Lutte contre la précarité : on se gargarise, là encore, au sommet du gouvernement de la baisse du chômage. Mais, lorsque l'on regarde le nombre de créations d'emplois, tellement faibles par rapport à la période où nous étions nous-mêmes aux responsabilités, et ce qu'ils sont -emplois aidés pour certains et l'intérim dans les emplois marchands, CDD c'est-à-dire rien de durable, rien de stable- on se dit que le seul projet de la droite, c'est le développement de la précarité dans le travail.
* L'urgence du logement avec le bouclier logement
* La sécurité professionnelle : couverture professionnelle...
Mais, nous ne sommes pas là uniquement pour répondre aux revendications immédiates. Nous ne sommes pas une organisation syndicale, même si nous les respectons. Nous sommes un grand parti politique, capable de répondre comme il pourra, dans le monde tel qu'il est et avec des marges de manoeuvre qui ne seront pas considérables, mais avec la volonté qui sera la nôtre d'apaiser les souffrances, de redonner espoir et confiance. Nous avons aussi comme obligation politique de préparer l'avenir. L'avenir, c'est l'Education, la Recherche. C'est la formation, c'est l'environnement qu'il faut préserver. C'est le territoire qu'il faut aménager. C'est l'écologie qu'il faut organiser. Et, nous n'aurons qu'une méthode : la démocratie.
Prenez conscience qu'il ne s'agit pas là simplement d'une précaution, d'une formule. S'il n'y a pas un changement démocratique dans notre pays pour les institutions, pour la décentralisation, pour le dialogue social, pour la démocratie sociale -y compris dans sa version citoyenne, participative-, il n'y a pas de succès possible, même pour la gauche. Car la gauche ne peut pas se loger dans les institutions telles qu'elles sont de la Ve République. Elle a besoin de s'ouvrir, de faire participer, de faire confiance, de partager.
C'est pourquoi nous sommes pour un changement profond des règles de la démocratie sociale. Les syndicats doivent trouver toute leur place ; n'en ayons pas peur ; ils ne seront pas nos alliés, mais ils seront co-responsables du changement que nous engagerons au lendemain de 2007.
Nous devons imposer les thèmes de confrontation avec la droite. Ce que la droite voudra introduire, comme en 2002, comme toujours, sera : insécurité, immigration, déclin... Tels seront les terrains sur lesquels la droite entendra prospérer.
Nous devons poser 4 confrontations majeures avec la droite :
* Le rôle de la France, la France elle-même. Nous voulons une France qui soit capable de s'ouvrir, de s'ouvrir au monde. Si nous sommes socialistes, c'est parce que nous sommes internationalistes. C'est pourquoi, le grand enjeu du prochain Président de la République et de la majorité qui le soutiendra c'est d'engager un grand programme pour le développement avec le Sud, c'est d'être capable, avec des institutions comme l'ONU, institutions responsables, de fixer les normes internationales et les règles pour préserver la paix et ne pas laisser une seule puissance en décider à notre place.
Internationalistes, parce qu'il faudra aussi sur la question des échanges, du commerce, poser nous aussi les normes de droit du travail, de sécurité, d'environnement sans lesquelles il n'y aura pas de saine concurrence -concurrence que nous acceptons parce que nous sommes capables en France de relever le défi de la mondialisation ; non pas en nous abaissant, en réduisant, mais en étant dans l'excellence.
Le rôle de la France est aussi de relancer l'Europe. Ici, comme dans toute la gauche et au-delà, il y a eu le débat sur le Traité. Il a été repoussé par les Français à une majorité de 54 %. Il ne peut donc plus y avoir de Traité constitutionnel européen tel qu'il avait été rédigé. Mais, nous avons l'obligation, parce que nous sommes la France et parce que nous sommes socialistes, de relancer les bases d'une nouvelle institution européenne, d'un nouveau projet européen. Il y aura sans doute, parce que nous sommes socialistes, l'objectif d'emploi, la priorité à la Recherche, les coopérations industrielles. Mais, il faudra aussi engager la grande bataille de l'Europe politique pour que, dans le Proche-Orient, dans toutes les zones de conflits, ce soit l'Europe qui soit à la manoeuvre et non une autre puissance avec d'autres intentions. L'Europe politique est née ici, dans le Nord/Pas-de-Calais. Il y a l'héritage que nous assumons différemment de la SFIO. Nous sommes le grand Parti socialiste qui a repris cet héritage, au moins sur le plan de la construction de l'Europe. Soyons dignes de cet engagement de l'Europe et soyons capables de lancer la France dans de nouveaux projets. Il en va de même pour la France dans ses valeurs. Les principes de la République, qui devraient rassembler l'ensemble des citoyens, au-delà de nous, sont aujourd'hui un élément de confrontation avec la droite. Il est vrai que sur la question de la laïcité, sur celle des communautés, sur celle de l'école, nous devons rappeler les valeurs de la République. Non pas par une espèce de nostalgie, mais parce que ce sont des valeurs profondément modernes, actuelles, qui permettront justement de vivre ensemble. Tout l'enjeu de la campagne de 2007 est de savoir si nous vivons ensemble dans l'harmonie ou dans le conflit, dans la confrontation avec nous-mêmes. La droite n'aura de cesse de diviser, de stigmatiser, de montrer du doigt les jeunes, les moins jeunes, ceux qui sont nés ici, ceux qui sont nés là-bas, les quartiers et d'autres cités... Nous devons rassembler tout en ignorant rien des conflits qui travaillent la société et qui restent des conflits fondés sur les privilèges et ceux qui veulent les supprimer. Vieille affaire qui fait que nous sommes socialistes !
* Le partage entre l'Etat et le marché. Nous avons, depuis longtemps, accepté le marché. Nous savons qu'il n'y a pas d'économie forte sans qu'il y ait concurrence, dynamisme des entreprises et même... profits. Tout l'enjeu donc, c'est la redistribution. Mais, en même temps, il faut que l'Etat ait sa place dans des domaines qui doivent échapper aux règles du marché. C'est pourquoi, sur la santé, sur l'Education, sur l'environnement et sur l'énergie, nous affirmons la nécessité d'un secteur public, collectif, parfois étatique, parfois local. Ces biens-là doivent échapper à la logique marchande, ils doivent être collectifs. Et, être socialiste, c'est considérer qu'il y a des biens, des entreprises qui ne peuvent pas être soumis aux règles du marché. On le dira autant de fois qu'il sera nécessaire de le dire.
* L'égalité. Cette confrontation a commencé.Aujourd'hui, le privilège serait d'être fonctionnaire, d'avoir une retraite, un emploi et il faudrait que ceux qui ont une retraite, un emploi, une sécurité fassent maintenant quelque effort pour les autres. Ce n'est pas notre conception de l'égalité. Notre conception de l'égalité est d'abord fiscale. Il est normal qu'il y ait un impôt qui permette la redistribution. Il faudra là aussi dire la vérité aux Français : il n'y aura pas de baisse d'impôt pendant la période où nous serons en responsabilité. Mais, l'égalité n'est pas simplement dans la redistribution. Elle l'est également dans l'Education, dans la formation, dans ce qui fait que finalement on ait des chances de réussir sa vie. L'égalité est dans la condition même de logement, de présence sur le territoire... Bref, nous porterons toutes les valeurs de l'égalité dans cette confrontation.
* L'exercice du pouvoir. C'est la conception même du pouvoir qui est en cause. Nous refusons une présidence de la République solitaire, autoritaire, arbitraire. Nous refusons qu'un seul d'entre nous puisse décider de tout (nominations, propositions de lois, négociations internationales, orientations européennes...) ; ce temps-là est terminé. Non pas qu'il ne faille pas un chef, il en faut. Une direction, une vision, une conception ; mais il faut d'abord faire prévaloir le principe de démocratie et de responsabilité. La démocratie, c'est le partage des pouvoirs, l'équilibre des pouvoirs. C'est pourquoi, dans notre projet, nous prônons la responsabilité du Parlement, le renforcement de l'initiative des citoyens, la capacité des collectivités locales pour agir, le non-cumul des mandats... Bref, tout ce qui fait une démocratie vivante. Nous aurons effectivement un référendum institutionnel dans l'année qui suivra l'élection présidentielle pour réorganiser le pouvoir. Mais, il s'agit aussi de fixer le principe de responsabilité. Qu'en est-il, et depuis trop longtemps, de la fuite devant toutes les responsabilités : responsabilité devant les décisions prises, responsabilité devant les élections, devant la Justice où l'on a vu -il y a quelques jours- le Président de la République qui dispose déjà d'une immunité de droit être capable par la nomination d'un procureur général à Paris de se constituer une immunité de fait après la fin de son mandat. Peut-on accepter plus longtemps l'absence de statut pénal du Chef de l'Etat ? Peut-on accepter l'impression qui s'installe -au risque de faire progresser l'extrême droite- qu'il y aurait ceux pour lesquels la Justice ordinaire n'aurait pas de prise ? Il ne s'agit pas de questions subalternes.
Nous aurons à définir une autre présidence. Une présidence socialiste, disais-je, mais elle ne suffira pas : une présidence différente, évitant la concentration des pouvoirs, la confusion des responsabilités, la captation de l'esprit public par l'un ou l'une d'entre nous.
Voilà ce qui doit être la confrontation majeure.
Pour gagner, nous l'avons tous dit, il faut un rassemblement de la gauche et un Parti uni. Le rassemblement de la gauche n'est pas nécessaire pour préparer la victoire, il est nécessaire pour diriger et pour gouverner. Le rassemblement de la gauche que nous voulons engager avec tous nos partenaires n'est pas simplement une coalition d'un jour, un arrangement de places ; c'est la capacité pour nous tous, tous ceux qui le voudront, sur la base d'un accord de gouvernement, de travailler durablement à la responsabilité du pays. C'est la condition de la victoire, c'est aussi celle de la durée. Chaque fois que la gauche se défait, la droite gagne dans notre pays. Pour ne pas en avoir tiré toutes les leçons, nous avons subi les échecs injustes. Pour ne pas rater la victoire, il va falloir rassembler la gauche.
Comment faire ? Elle n'est pas facile cette gauche. Ce serait tellement simple s'il n'y avait que des socialistes... Encore que ! Même s'il n'y avait que des socialistes, ce ne serait pas si simple. Mais, rassembler la gauche suppose d'abord de faire un premier cercle ; commencer par les partis qui sont les plus proches de nous pour qu'ils ne présentent pas de candidat à l'élection présidentielle, car il vaut mieux faire le meilleur résultat possible au premier tour. Cela crée la dynamique pour le second. Alors, avec les Radicaux de gauche, avec le Parti de Jean-Pierre Chevènement, faisons en sorte de présenter un même ou une même candidate -il ou elle sera socialiste, ce qui suppose de faire quelques concessions en termes de circonscriptions.
Le deuxième cercle, c'est celui des objectifs communs avec nos amis communistes et nos amis Verts. Ils présenteront sans doute un candidat à l'élection présidentielle. Ils en ont le droit, mais qu'au moins, avant la campagne présidentielle, on se mette d'accord sur des propositions communes que nous porterions ensemble. Sans doute que le projet socialiste n'est pas le projet communiste ; mais il y a des propositions du Parti communiste et des propositions des Verts qui peuvent faire le rassemblement et nous devrons donc les défendre ensemble. Cela facilitera les reports au second tour de l'élection présidentielle. Car, au second tour de l'élection présidentielle, il devra y avoir un socialiste ou une socialiste ; il faudra donc bien que les autres se joignent au mouvement.
Reste la question de « l'autre gauche », ceux qui se veulent encore plus à gauche que nous. Je suis sceptique sur la posture, même si je reconnais que dans la protestation, la radicalité, il n'est pas facile d'être plus à gauche qu'eux. Mais, être à gauche, c'est changer le pays, c'est réformer, transformer. Comment ? Par la révolution ? Chacun peut prendre ce chemin ; il est long -on peut même y passer sa vie sans la voir. Nous, nous faisons la réforme, c'est-à-dire la participation aux élections pour gagner, diriger et gouverner le pays et non pour se compter au premier tour.
Ils nous disent qu'il faut qu'il y ait une candidature unique à la gauche du Parti socialiste. C'est leur choix, mais que l'on se mette d'accord sur ce principe simple : au second tour de l'élection, la règle c'est le désistement républicain. Que le Parti qui soit arrivé en tête au soir du premier tour rassemble toutes les voix de gauche et même celles de l'autre gauche. Mais qu'au moins, si l'autre gauche ne veut pas gouverner -elle en a le droit- qu'elle ne nous empêche pas de prendre notre responsabilité, de gouverner et de répondre à l'urgence, aux demandes, à l'exaspération de notre peuple qui n'en peut plus, qui ne veut plus attendre et qui exige une issue à travers l'élection de 2007.
Et, il y a nous. Et de nous, tout dépend. Si nous sommes capables, comme nous l'avons fait depuis des années, de débattre et de nous rassembler. Si nous sommes capables de faire comprendre aux Français que là est la Force, mais aussi l'unité, rien ne nous arrêtera. C'est pourquoi, dans le moment qui est le nôtre : le choix, la désignation de notre candidat(e), il faut être exemplaires.
D'abord être en cohérence politique ; chaque candidat à la candidature est l'héritier d'une tradition, d'une histoire, est porteur de valeurs communes. Le candidat ou la candidate socialiste sera non pas un homme ou une femme s'inspirant simplement du renouvellement ou de la nouveauté. Il ou elle sera le porteur de nos valeurs communes depuis tant d'années, tant de décennies. Il ou elle accomplira ce que d'autres ont fait avant lui ou elle, ce travail obscur, patient, de changement de notre pays. Nous citons souvent, et nous avons raison, nos grands personnages de la gauche (Jaurès, Blum, Mitterrand), mais nous sommes aussi comptables vis-à-vis d'eux. Le beau combat qui a été engagé il y a plus d'un siècle est encore le nôtre aujourd'hui, il n'a rien perdu de sa valeur, de sa force. La cohérence politique, c'est de faire du neuf, sûrement, mais avec l'héritage, avec l'Histoire, avec les valeurs qui nous rassemblent tous.
Ensuite la solidarité politique : nous allons porter le même projet et, en même temps, il faut débattre. Mais débattre de quoi ? Débattre de nos conceptions de la présidence de la République, de nos conceptions du changement, de l'Etat, des enjeux... Tout cela est digne et mérite d'être poursuivi. Nous allons débattre parce que nous avons voulu le vote militant. Une autre procédure aurait pu exister avec les congrès qui pouvaient désigner, à travers le Premier secrétaire, forcément le candidat. Nous avons voulu, et depuis longtemps, que le choix des adhérents soit celui qui vaille pour désigner notre candidat(e). Il ne faut pas avoir peur de ce vote ; il faut au contraire faire en sorte qu'il puisse rehausser même le prestige du Parti socialiste et la valeur de celui ou celle qui sera désigné(e) par nous ; à la condition, bien sûr, que nous fassions en sorte de ne rien abaisser, de ne rien disqualifier. Tous les arguments qui seront utilisés et qui ne seront pas sur le débat, sur les idées mais sur les personnes seront un jour utilisés par la droite contre le candidat une fois qu'il sera choisi. Nous devons tous avoir la volonté commune que notre débat grandisse celui ou celle qui sortira de notre vote et qu'en aucune manière nous puissions dire, devant les Français qui nous regardent, que nos discussions, que nos délibérations auraient à un moment fait perdre une chance, ne serait-ce qu'une chance, à la candidature socialiste.
Voilà le devoir qui est le nôtre : faire en sorte que nous puissions, à travers le vote, préparer la victoire.
Parce que la droite, elle, malgré ses querelles fera bloc. Elle trouvera toujours les arrangements pour garder ce qui est pour elle l'essentiel : le pouvoir, rien que le pouvoir.
Nous devons faire le meilleur usage de cet exercice démocratique. J'ai confiance. J'ai confiance dans ce que j'ai vu ici, à Lens, dans le Pas-de-Calais. J'ai confiance parce que notre victoire sera collective. Ce ne sera pas simplement un homme ou une femme, mais une équipe, une coalition, un Parti. Et le Parti jouera le rôle majeur dans cette élection. Le Parti, parce qu'il aura décidé de son projet. Le Parti, parce qu'il aura décidé avec vous du candidat ou de la candidate socialiste. C'est le Parti, avec le ou la candidate et ensuite l'ensemble des élus du Parti socialiste, qui jouera le rôle majeur dans cette campagne. Soyez en fiers.
Comme Premier secrétaire, dans cette campagne et au-delà du rôle que l'on peut jouer, tout ceci sera ma tâche. Et, au terme du 16 novembre, nous avons besoin de toutes et de tous. De toutes celles et de tous ceux qui sont intervenus aujourd'hui ; de toutes et de tous ceux qui ont participé et assisté à cette journée ; de toutes celles et de tous ceux qui nous regardent et qui espèrent.
Il n'y aura de victoire que si elle est collective. Il n'y aura de victoire que si les socialistes comprennent que ce qui est attendu d'eux n'est pas simplement la victoire d'une formation politique, pas simplement même la victoire de la gauche, mais la victoire de la France.
Le débat que nous avons entamé ici se poursuivra jusqu'au mois de mai 2007. Et, tant que la victoire n'est pas là, soyons vigilants, militants et fiers.
Source http://www.parti-socialiste.fr, le 19 septembre 2006