Texte intégral
Comme ce sont les dernières Journées parlementaires de cette législature, je voudrais profiter de ce dernier discours pour, à la fois, faire un bilan et en tirer quelques leçons pour l'avenir.
D'abord - je m'adresse aux députés - dire un sentiment de fierté pour la qualité du groupe que nous avons à l'Assemblée - la qualité est inversement proportionnelle au nombre. J'ai vécu des réunions hebdomadaires absolument passionnantes, où nous avons privilégié les débats, la confrontation, alors que les journalistes nous disaient "tout est réglé, vous êtes d'accord à l'avance".
Les plus anciens parlementaires peuvent se rappeler des réunions consternantes que nous tenions avant 2002 !
Notre petite équipe vaut largement les multinationales d'à côté. S'il fallait citer deux exemples, puisque ce sont les deux débats à venir qui vont occuper l'essentiel du Parlement dans ce dernier trimestre : la loi de finances et la loi de financement de la Sécurité sociale. Personne au Parlement, que dis-je, à l'Assemblée nationale, pour ne pas vexer les sénateurs et les parlementaires européens, ne pourrait contester le fait que nos deux porte-parole - Charles de Courson et Jean-Luc Préel - font partie des meilleurs spécialistes sur ces questions. Quand ils parlent, l'ensemble de l'hémicycle se tait, ce qui est rare, et leur voix n'est pas contestée.
Nous avons su porter notre message dans un environnement difficile et hostile. Difficile et hostile sur notre droite, comme sur notre gauche, mais grâce à la qualité de nos porte-parole, nous avons su être entendus.
André Santini disait hier "tant que tu n'as pas honte en te couchant, c'est que tu n'en as pas fait assez !" Et pourtant, je pense que depuis quatre ans, nous nous sommes rarement trompés.
Nous ne nous sommes pas trompés sur l'analyse faite, dès 2002, de la crise du régime, de la crise profonde que traverse la démocratie française, sur le déséquilibre de nos institutions qui engendre une profonde crise de confiance de nos compatriotes à l'égard de la politique et du politique.
Dès 2002, nous disions à l'Assemblée nationale que la Ve République ne pourrait pas durer comme cela. Crise de représentativité - l'Assemblée nationale ne représente qu'un peu plus de la moitié du corps électoral ; crise et surtout erreur majeure, fondamentale, l'analyse selon laquelle l'efficacité du système politique et sa capacité à réformer le pays reposeraient sur une double concentration : concentration et confusion des pouvoirs dans les mains du président de la République liées à l'évolution institutionnelle de la Ve République, et concentration de l'ensemble des pouvoirs dans les mains d'un parti politique.
On nous expliquait qu'il fallait concentrer les pouvoirs pour garantir la mise en oeuvre de l'ensemble des réformes. Nous avons expliqué que ce n'était pas ça, que ça reposait sur une analyse préhistorique des sociétés modernes.
Les sociétés modernes ne sont pas structurées selon un système pyramidal, vertical mais sont désormais horizontales. Toute la société, les entreprises se construisent selon un système horizontal, où l'on cherche à faire partager, à convaincre, pour créer une dynamique. On cherche à faire adhérer les gens.
On est resté sur l'idée que le système politique resterait à l'écart de cette évolution du monde. C'est là l'erreur fondamentale de 2002, que nous avons été les premiers à dénoncer.
Nous avons constamment dénoncé la crise des institutions politiques. La démocratie ce n'est pas seulement l'élection de femmes et d'hommes au suffrage universel, mais un système de pouvoirs et de contre-pouvoirs, un système qui par des mécanismes de contrôle ou de régulation des pouvoirs, donne confiance aux concitoyens ; parce que ces moyens de contrôle sont indispensables pour donner de la transparence, de la limpidité au système politique pour qu'en quelque sorte nos compatriotes s'accaparent la démocratie ; et l'exercice de ce pouvoir de contrôle est indispensable si l'on veut obliger au changement et à la réforme, Jean Arthuis le disait ce matin.
On nous ricanait au nez, "ce n'est pas le sujet" !
Et maintenant, PS et UMP annoncent chacun une réforme des institutions !
Premier exemple : prenons l'actualité. Il y a eu les déclarations de François Fillon sur la disparition des régimes spéciaux d'EDF, de la SNCF et des autres, et sur le fait que si Nicolas Sarkozy était élu, on les ferait disparaître. Eh bien, dès 2003, lors du débat sur la réforme des retraites, nous sommes les seuls qui avions demandé, non la disparition mais l'extinction des régimes spéciaux, selon un système simple : celles et ceux qui sont dans ces entreprises bénéficient du maintien du régime de retraite actuel, en considérant qu'il s'agit d'un élément de leur contrat de travail. En quelque sorte on est rentré à EDF/GDF ou à la SNCF parce qu'il y avait ce régime de retraite - et donc on le maintient - mais on prévoit que pour tous les salariés entrant dans ces entreprises, le régime général est en vigueur. Nous avons défendu en 2003 cette idée, et François Fillon nous faisait appeler pour dire que ce n'était pas possible, que ce serait explosif, que c'étaient des régimes d'entreprise qui devaient vivre comme régimes d'entreprise.
Nous avions ajouté qu'il fallait que les régimes de retraite reposent sur le principe de l'égalité et de la justice, et que les départs à la retraite anticipée devraient reposer sur deux principes : la pénibilité du travail et l'espérance de vie. En clair, si on est un maçon, qu'on a une espérance de vie est plus courte, on peut partir à la retraite plus tôt.
Je suis estomaqué que celui qui, en 2003, avait ces affaires en main, dise qu'il faut faire aujourd'hui ce qu'il ne fallait pas faire hier.
Second exemple : les 35 heures. Lors d'un de ses derniers discours, Nicolas Sarkozy a souhaité libérer le travail et en libérant le travail, restaurer la valeur travail. Il a proposé le maintien de la durée légale à 35 heures, de 35 à 39 heures, en dehors du contingent des heures supplémentaires, majoration de 25% pour que les salariés y trouvent avantage et améliorent leur pouvoir d'achat, et réduction à due proportion des cotisations sociales pour que cela ne coûte pas plus cher à l'entreprise.
À la suite d'une interview donnée dans Les Echos où j'avais expliqué que la soi-disant réforme Fillon sur les 35 heures était un coup d'épée dans l'eau, j'avais eu immédiatement un coup de fil de Jean-Louis Debré qui m'a dit "ce n'est pas juste", et m'a invité à déjeuner à l'Hôtel de Lassay avec le même ministre des Affaires sociales, qui m'avait expliqué qu'aller plus loin ne serait en aucun cas accepté par la société française. J'ai même reçu une lettre que je peux vous transmettre, où sur deux pages il m'explique que je n'ai rien compris.
Et je découvre que le Président de l'UMP, futur candidat à l'élection présidentielle, reprend mot pour mot les propositions de François Bayrou en 2002 et les amendements que nous avons défendus avec Nicolas Perruchot dans l'hémicycle.
Troisième exemple : le service civique universel. Nous avons eu raison avant les autres : dès 2003 nous avons déposé des amendements discutés en séance, le PS et l'UMP nous avaient dit que ce n'était pas possible. C'est aujourd'hui dans le programme de Ségolène Royal et de Nicolas Sarkozy.
Quatrième exemple : l'égalité des chances et des banlieues. Vous me direz que je ne suis pas modeste, mais à de nombreuses reprises j'ai plaidé, bien avant la crise des banlieues, pour une véritable politique d'égalité des chances. J'avais indiqué au Premier ministre, le 5 juillet 2005, bien avant les émeutes des banlieuses, que c'était une question majeure. Francis Vercamer avait défendu le CV anonyme et se faisait répondre que bien entendu ce n'était pas possible... avant qu'il ne soit adopté, quelques mois plus tard après la crise des banlieues, disposition qui n'est d'ailleurs toujours pas appliquée puisque nous attendons les décrets d'application.
Là aussi, nous avons eu raison.
Je n'évoque pas non plus le débat sur la Turquie, plutôt l'absence de débat et de vote sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, débat qui concentre la totalité des maux que nous avons dénoncés depuis quatre ans : un Parlement asservi qui refuse de se prononcer au nom du peuple français alors qu'il est majoritairement hostile à l'élargissement de l'Europe à la Turquie, et problème de la crédibilité du discours politique, lorsqu'on entend désormais les réserves appuyées ou les oppositions franches des futurs candidats à l'élection présidentielle.
Je propose qu'on fasse voter un amendement sur les droits d'auteur : que ceux qui nous piquent une proposition nous versent une redevance !
De ces quatre ans de bilan, je voudrais seulement tirer quelques conclusions pour l'avenir.
La première est une réforme des institutions, qui remette l'éthique, l'impartialité de l'État, pour que le Parlement redevienne ce qu'il est.
J'ai été frappé hier lorsque j'ai vu les affiches d'une exposition qui commence à l'Assemblée nationale. Le titre de l'affiche c'est : « l'Assemblée nationale, lieux de pouvoirs et de citoyenneté ». La réalité, c'est que le Parlement en France n'est pas un lieu de pouvoirs, et qu'il n'est même pas un vrai lieu de citoyenneté, puisque près de la moitié des citoyens n'y sont pas représentés.
Il est d'ailleurs curieux de constater à quel point les Français s'accommodent de cette situation, comme si nous n'avions pas cette culture démocratique qu'ont par exemple les Britanniques ; notre pays est celui de la Révolution française et de la Déclaration des Droits de l'Homme, déclaration qui a affirmé probablement sans aucune force équivalente les principes qui gouvernent une démocratie - Article 16 - « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. »
Et il a la culture du chef, de la recherche de l'homme providentiel : il n'y a pas, sauf à l'UDF, la culture de la démocratie comme système de séparation des pouvoirs, de contrôle des pouvoirs.
Comment réformer au cours d'une législature ?
Il y a d'abord les réformes immédiates liées aux engagements pris lors de la campagne présidentielle, et que le gouvernement lance pendant l'état de grâce. Comme en 1981 ou en 1986, le Parlement siège jour et nuit pour les faire aboutir. L'une des plus grandes erreurs de 2002 a été de ne pas profiter du choc du 21 avril et de l'état de grâce pour engager les réformes les plus lourdes.
Il y a ensuite les réformes qui peuvent se décider sans débat préalable par le politique, car sa légitimité est suffisamment importante sur ces sujets : une simplification de l'organisation administrative française, par exemple.
Et il y a enfin les réformes qui nécessitent une large période de consultation, de discussions et d'élaboration : celles qui touchent aux grands problèmes économiques et sociaux. C'est dans ce cadre que peut s'effectuer une simplification ou une homogénéisation du code du travail. Cela ne peut se faire avec une fausse concertation où les partenaires sociaux sont invités à discuter un jour et apprennent lendemain ce qui a déjà été décidé.
On ne peut accepter que les réformes soient annoncées au journal de 20 heures comme si elles seraient effectives le lendemain.
Je voudrais vous faire partager un troisième principe : la stabilité de la norme, notamment de la norme fiscale.
Les magistrats ont subi en dix ans, 11 modifications des règles de la détention provisoire ! On fait des réformes dont on nous annonce qu'il faudra éventuellement les revoir après 2007 !
Les déclarations du ministre de l'Intérieur sur le fonctionnement du tribunal de Bobigny sont un mauvais service rendu à la loi. Qui doit être soucieux de la séparation des pouvoirs ? Le gouvernement, notamment le ministre de l'Intérieur. Ce serait inacceptable dans toute autre démocratie.
S'il faut faire une réforme fiscale favorisant par exemple les PME ou l'actionnariat salarié, faisons-la, mais faisons-la une fois pour toute et laissons-la vivre ; et ce n'est qu'après une large période d'expérimentation et de mise en oeuvre qu'il faut éventuellement la modifier. Mais ne faisons pas des modifications législatives permanentes à effet rétroactif, comme on vient de le faire sur les titres de participation en revenant sur la réforme Gaymard de 2004 ...
Il faut que l'UDF porte, inscrive dans une loi organique, la notion d'équilibre budgétaire, imposant un budget équilibré en fonctionnement.
Le président de la République, le lundi matin, dit le coeur sur la main que les déficits publics ce n'est pas bien, car ce sont les générations futures qui vont payer. De qui se moque-t-on ? En cinq ans, le gouvernement aura réussi à accroître l'endettement du pays d'un tiers, de 300 milliards d'euros. Le budget 2007 est le contraire des priorités annoncées. Nous continuons à provoquer du déficit sans que d'ailleurs ça ne chagrine personne. On a passé le taux de prélèvements obligatoires de 43 à 44%, on a augmenté la dépense publique de 52 à 54% du PIB. On a été élu en 2002 en disant qu'on réduirait les déficits et les prélèvements, on a fait exactement le contraire.
Il faut enfin un cadre européen au lieu de prétendre qu'on peut faire ce qu'on veut en France et qu'on peut s'asseoir sur le cadre européen, la règle européenne.
Le gouvernement doit avoir au contraire pour vision de bâtir un projet européen.
Heureusement que nous avons été là pour clairement afficher les erreurs commises, et à partir de ces cinq ans d'expérience, faire que cette vérité si souvent sortie de notre bouche, on puisse la mettre en oeuvre à partir de 2007. Disons maintenant aux Français : "faites-nous confiance pour mettre en oeuvre tout ça !"
Source http://www.udf.org, 27 septembre 2006
D'abord - je m'adresse aux députés - dire un sentiment de fierté pour la qualité du groupe que nous avons à l'Assemblée - la qualité est inversement proportionnelle au nombre. J'ai vécu des réunions hebdomadaires absolument passionnantes, où nous avons privilégié les débats, la confrontation, alors que les journalistes nous disaient "tout est réglé, vous êtes d'accord à l'avance".
Les plus anciens parlementaires peuvent se rappeler des réunions consternantes que nous tenions avant 2002 !
Notre petite équipe vaut largement les multinationales d'à côté. S'il fallait citer deux exemples, puisque ce sont les deux débats à venir qui vont occuper l'essentiel du Parlement dans ce dernier trimestre : la loi de finances et la loi de financement de la Sécurité sociale. Personne au Parlement, que dis-je, à l'Assemblée nationale, pour ne pas vexer les sénateurs et les parlementaires européens, ne pourrait contester le fait que nos deux porte-parole - Charles de Courson et Jean-Luc Préel - font partie des meilleurs spécialistes sur ces questions. Quand ils parlent, l'ensemble de l'hémicycle se tait, ce qui est rare, et leur voix n'est pas contestée.
Nous avons su porter notre message dans un environnement difficile et hostile. Difficile et hostile sur notre droite, comme sur notre gauche, mais grâce à la qualité de nos porte-parole, nous avons su être entendus.
André Santini disait hier "tant que tu n'as pas honte en te couchant, c'est que tu n'en as pas fait assez !" Et pourtant, je pense que depuis quatre ans, nous nous sommes rarement trompés.
Nous ne nous sommes pas trompés sur l'analyse faite, dès 2002, de la crise du régime, de la crise profonde que traverse la démocratie française, sur le déséquilibre de nos institutions qui engendre une profonde crise de confiance de nos compatriotes à l'égard de la politique et du politique.
Dès 2002, nous disions à l'Assemblée nationale que la Ve République ne pourrait pas durer comme cela. Crise de représentativité - l'Assemblée nationale ne représente qu'un peu plus de la moitié du corps électoral ; crise et surtout erreur majeure, fondamentale, l'analyse selon laquelle l'efficacité du système politique et sa capacité à réformer le pays reposeraient sur une double concentration : concentration et confusion des pouvoirs dans les mains du président de la République liées à l'évolution institutionnelle de la Ve République, et concentration de l'ensemble des pouvoirs dans les mains d'un parti politique.
On nous expliquait qu'il fallait concentrer les pouvoirs pour garantir la mise en oeuvre de l'ensemble des réformes. Nous avons expliqué que ce n'était pas ça, que ça reposait sur une analyse préhistorique des sociétés modernes.
Les sociétés modernes ne sont pas structurées selon un système pyramidal, vertical mais sont désormais horizontales. Toute la société, les entreprises se construisent selon un système horizontal, où l'on cherche à faire partager, à convaincre, pour créer une dynamique. On cherche à faire adhérer les gens.
On est resté sur l'idée que le système politique resterait à l'écart de cette évolution du monde. C'est là l'erreur fondamentale de 2002, que nous avons été les premiers à dénoncer.
Nous avons constamment dénoncé la crise des institutions politiques. La démocratie ce n'est pas seulement l'élection de femmes et d'hommes au suffrage universel, mais un système de pouvoirs et de contre-pouvoirs, un système qui par des mécanismes de contrôle ou de régulation des pouvoirs, donne confiance aux concitoyens ; parce que ces moyens de contrôle sont indispensables pour donner de la transparence, de la limpidité au système politique pour qu'en quelque sorte nos compatriotes s'accaparent la démocratie ; et l'exercice de ce pouvoir de contrôle est indispensable si l'on veut obliger au changement et à la réforme, Jean Arthuis le disait ce matin.
On nous ricanait au nez, "ce n'est pas le sujet" !
Et maintenant, PS et UMP annoncent chacun une réforme des institutions !
Premier exemple : prenons l'actualité. Il y a eu les déclarations de François Fillon sur la disparition des régimes spéciaux d'EDF, de la SNCF et des autres, et sur le fait que si Nicolas Sarkozy était élu, on les ferait disparaître. Eh bien, dès 2003, lors du débat sur la réforme des retraites, nous sommes les seuls qui avions demandé, non la disparition mais l'extinction des régimes spéciaux, selon un système simple : celles et ceux qui sont dans ces entreprises bénéficient du maintien du régime de retraite actuel, en considérant qu'il s'agit d'un élément de leur contrat de travail. En quelque sorte on est rentré à EDF/GDF ou à la SNCF parce qu'il y avait ce régime de retraite - et donc on le maintient - mais on prévoit que pour tous les salariés entrant dans ces entreprises, le régime général est en vigueur. Nous avons défendu en 2003 cette idée, et François Fillon nous faisait appeler pour dire que ce n'était pas possible, que ce serait explosif, que c'étaient des régimes d'entreprise qui devaient vivre comme régimes d'entreprise.
Nous avions ajouté qu'il fallait que les régimes de retraite reposent sur le principe de l'égalité et de la justice, et que les départs à la retraite anticipée devraient reposer sur deux principes : la pénibilité du travail et l'espérance de vie. En clair, si on est un maçon, qu'on a une espérance de vie est plus courte, on peut partir à la retraite plus tôt.
Je suis estomaqué que celui qui, en 2003, avait ces affaires en main, dise qu'il faut faire aujourd'hui ce qu'il ne fallait pas faire hier.
Second exemple : les 35 heures. Lors d'un de ses derniers discours, Nicolas Sarkozy a souhaité libérer le travail et en libérant le travail, restaurer la valeur travail. Il a proposé le maintien de la durée légale à 35 heures, de 35 à 39 heures, en dehors du contingent des heures supplémentaires, majoration de 25% pour que les salariés y trouvent avantage et améliorent leur pouvoir d'achat, et réduction à due proportion des cotisations sociales pour que cela ne coûte pas plus cher à l'entreprise.
À la suite d'une interview donnée dans Les Echos où j'avais expliqué que la soi-disant réforme Fillon sur les 35 heures était un coup d'épée dans l'eau, j'avais eu immédiatement un coup de fil de Jean-Louis Debré qui m'a dit "ce n'est pas juste", et m'a invité à déjeuner à l'Hôtel de Lassay avec le même ministre des Affaires sociales, qui m'avait expliqué qu'aller plus loin ne serait en aucun cas accepté par la société française. J'ai même reçu une lettre que je peux vous transmettre, où sur deux pages il m'explique que je n'ai rien compris.
Et je découvre que le Président de l'UMP, futur candidat à l'élection présidentielle, reprend mot pour mot les propositions de François Bayrou en 2002 et les amendements que nous avons défendus avec Nicolas Perruchot dans l'hémicycle.
Troisième exemple : le service civique universel. Nous avons eu raison avant les autres : dès 2003 nous avons déposé des amendements discutés en séance, le PS et l'UMP nous avaient dit que ce n'était pas possible. C'est aujourd'hui dans le programme de Ségolène Royal et de Nicolas Sarkozy.
Quatrième exemple : l'égalité des chances et des banlieues. Vous me direz que je ne suis pas modeste, mais à de nombreuses reprises j'ai plaidé, bien avant la crise des banlieues, pour une véritable politique d'égalité des chances. J'avais indiqué au Premier ministre, le 5 juillet 2005, bien avant les émeutes des banlieuses, que c'était une question majeure. Francis Vercamer avait défendu le CV anonyme et se faisait répondre que bien entendu ce n'était pas possible... avant qu'il ne soit adopté, quelques mois plus tard après la crise des banlieues, disposition qui n'est d'ailleurs toujours pas appliquée puisque nous attendons les décrets d'application.
Là aussi, nous avons eu raison.
Je n'évoque pas non plus le débat sur la Turquie, plutôt l'absence de débat et de vote sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, débat qui concentre la totalité des maux que nous avons dénoncés depuis quatre ans : un Parlement asservi qui refuse de se prononcer au nom du peuple français alors qu'il est majoritairement hostile à l'élargissement de l'Europe à la Turquie, et problème de la crédibilité du discours politique, lorsqu'on entend désormais les réserves appuyées ou les oppositions franches des futurs candidats à l'élection présidentielle.
Je propose qu'on fasse voter un amendement sur les droits d'auteur : que ceux qui nous piquent une proposition nous versent une redevance !
De ces quatre ans de bilan, je voudrais seulement tirer quelques conclusions pour l'avenir.
La première est une réforme des institutions, qui remette l'éthique, l'impartialité de l'État, pour que le Parlement redevienne ce qu'il est.
J'ai été frappé hier lorsque j'ai vu les affiches d'une exposition qui commence à l'Assemblée nationale. Le titre de l'affiche c'est : « l'Assemblée nationale, lieux de pouvoirs et de citoyenneté ». La réalité, c'est que le Parlement en France n'est pas un lieu de pouvoirs, et qu'il n'est même pas un vrai lieu de citoyenneté, puisque près de la moitié des citoyens n'y sont pas représentés.
Il est d'ailleurs curieux de constater à quel point les Français s'accommodent de cette situation, comme si nous n'avions pas cette culture démocratique qu'ont par exemple les Britanniques ; notre pays est celui de la Révolution française et de la Déclaration des Droits de l'Homme, déclaration qui a affirmé probablement sans aucune force équivalente les principes qui gouvernent une démocratie - Article 16 - « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. »
Et il a la culture du chef, de la recherche de l'homme providentiel : il n'y a pas, sauf à l'UDF, la culture de la démocratie comme système de séparation des pouvoirs, de contrôle des pouvoirs.
Comment réformer au cours d'une législature ?
Il y a d'abord les réformes immédiates liées aux engagements pris lors de la campagne présidentielle, et que le gouvernement lance pendant l'état de grâce. Comme en 1981 ou en 1986, le Parlement siège jour et nuit pour les faire aboutir. L'une des plus grandes erreurs de 2002 a été de ne pas profiter du choc du 21 avril et de l'état de grâce pour engager les réformes les plus lourdes.
Il y a ensuite les réformes qui peuvent se décider sans débat préalable par le politique, car sa légitimité est suffisamment importante sur ces sujets : une simplification de l'organisation administrative française, par exemple.
Et il y a enfin les réformes qui nécessitent une large période de consultation, de discussions et d'élaboration : celles qui touchent aux grands problèmes économiques et sociaux. C'est dans ce cadre que peut s'effectuer une simplification ou une homogénéisation du code du travail. Cela ne peut se faire avec une fausse concertation où les partenaires sociaux sont invités à discuter un jour et apprennent lendemain ce qui a déjà été décidé.
On ne peut accepter que les réformes soient annoncées au journal de 20 heures comme si elles seraient effectives le lendemain.
Je voudrais vous faire partager un troisième principe : la stabilité de la norme, notamment de la norme fiscale.
Les magistrats ont subi en dix ans, 11 modifications des règles de la détention provisoire ! On fait des réformes dont on nous annonce qu'il faudra éventuellement les revoir après 2007 !
Les déclarations du ministre de l'Intérieur sur le fonctionnement du tribunal de Bobigny sont un mauvais service rendu à la loi. Qui doit être soucieux de la séparation des pouvoirs ? Le gouvernement, notamment le ministre de l'Intérieur. Ce serait inacceptable dans toute autre démocratie.
S'il faut faire une réforme fiscale favorisant par exemple les PME ou l'actionnariat salarié, faisons-la, mais faisons-la une fois pour toute et laissons-la vivre ; et ce n'est qu'après une large période d'expérimentation et de mise en oeuvre qu'il faut éventuellement la modifier. Mais ne faisons pas des modifications législatives permanentes à effet rétroactif, comme on vient de le faire sur les titres de participation en revenant sur la réforme Gaymard de 2004 ...
Il faut que l'UDF porte, inscrive dans une loi organique, la notion d'équilibre budgétaire, imposant un budget équilibré en fonctionnement.
Le président de la République, le lundi matin, dit le coeur sur la main que les déficits publics ce n'est pas bien, car ce sont les générations futures qui vont payer. De qui se moque-t-on ? En cinq ans, le gouvernement aura réussi à accroître l'endettement du pays d'un tiers, de 300 milliards d'euros. Le budget 2007 est le contraire des priorités annoncées. Nous continuons à provoquer du déficit sans que d'ailleurs ça ne chagrine personne. On a passé le taux de prélèvements obligatoires de 43 à 44%, on a augmenté la dépense publique de 52 à 54% du PIB. On a été élu en 2002 en disant qu'on réduirait les déficits et les prélèvements, on a fait exactement le contraire.
Il faut enfin un cadre européen au lieu de prétendre qu'on peut faire ce qu'on veut en France et qu'on peut s'asseoir sur le cadre européen, la règle européenne.
Le gouvernement doit avoir au contraire pour vision de bâtir un projet européen.
Heureusement que nous avons été là pour clairement afficher les erreurs commises, et à partir de ces cinq ans d'expérience, faire que cette vérité si souvent sortie de notre bouche, on puisse la mettre en oeuvre à partir de 2007. Disons maintenant aux Français : "faites-nous confiance pour mettre en oeuvre tout ça !"
Source http://www.udf.org, 27 septembre 2006