Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, sur l'importance des dispositifs "défense deuxième chance" et du service civil volontaire, pour l'intégration professionnelle des jeunes, Montlhéry le 13 septembre 2006.

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Circonstance : Visite du Centre Défense deuxième chance à Montlhéry (Essonne), le 13 septembre 2006

Texte intégral

Chère Michèle, cher Azouz, chère Catherine,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs, chers amis,
Je me réjouis d'être parmi vous aujourd'hui. Vous le savez, l'emploi, et en particulier celui des jeunes, est au coeur de l'action du gouvernement. Depuis 14 mois, nous avons réussi à marquer des points dans cette bataille : le taux de chômage est passé de 10,2 % à 8,9 %.
Ce résultat, est d'abord le fruit d'une mobilisation sans précédent, celle du gouvernement tout entier, celle du service public de l'emploi, celle des entreprises et de tous les Français.
C'est le fruit des nouveaux outils que nous avons créés, le contrat nouvelles embauches, et de toutes les mesures que nous avons prises. Et parmi ces mesures, il y a bien sûr la création du dispositif "défense deuxième chance".
Il y a bientôt un an, j'inaugurais, avec Michèle ALLIOT-MARIE, le premier centre "défense deuxième chance" à Montry. Ce que je vois ici avec vous, dans ce centre de Montlhéry, cela nous montre tout le chemin parcouru. Cela nous encourage à poursuivre nos efforts.
D'ici la fin de l'année 2006, plus de 3 000 jeunes en difficulté auront bénéficié du dispositif "défense deuxième chance", et les deux tiers d'entre eux se verront proposer un emploi ou une formation à l'issue de cette expérience. D'ici la fin de l'année 2006, une vingtaine de centres seront ouverts dans toute la France et offriront une capacité d'accueil de plus de 5 000 places. A terme, ce sont plus de 60 sites qui accueilleront des jeunes dans tout le pays.
Ce que nous voulons, c'est permettre à tous les jeunes, même à ceux qui n'ont pas de diplôme, même à ceux qui ont le sentiment que tout est joué et qu'il ne leur reste aucune perspective, de trouver leur place sur le marché du travail.
C'est tout le sens du dispositif "défense deuxième chance".
Nous le savons, dans notre pays, tout le monde ne part pas avec les mêmes atouts ni avec les mêmes espoirs. Sur 800 000 jeunes Françaises et Français qui participent chaque année à la Journée d'Appel et de Préparation à la Défense (JAPD), près de 60 000 quittent l'école sans diplôme ni qualification. Pour tous ces jeunes qui ont souvent suivi un parcours chaotique, où les redoublements se conjuguent aux problèmes familiaux, c'est un profond sentiment d'échec. Cela veut dire des difficultés particulières pour trouver un emploi et démarrer dans la vie. Cela veut dire aussi beaucoup de déceptions et d'amertume.
Face à cette situation, la première exigence, c'est d'offrir à chaque enfant, à chaque jeune, la meilleure éducation possible. C'est tout le rôle de l'école de la République, qui doit continuer à être le moteur de l'égalité des chances. Avec Gilles de ROBIEN, nous avons décidé de concentrer les moyens là où il y avait le plus de besoins : c'est l'objectif des 249 collèges "ambition-réussite".
Nous avons fait également le choix d'un accompagnement personnalisé des élèves qui en ont le plus besoin, à travers le tutorat, les programmes personnalisés de réussite éducative, les classes relais, ou encore grâce aux auxiliaires de vie scolaire.
Mais tout ne doit pas être joué à un moment donné de l'existence. Quitter l'école sans diplôme, rater son bac, cela ne doit pas être un échec à vie. Chacun avance, à son rythme, certains développent très tôt le goût des études, d'autres, s'épanouissent un peu plus tard. D'autres encore ne découvrent leurs capacités et leurs talents qu'une fois entrés dans la vie active. Pour tous ces jeunes, il doit y avoir une seconde chance, la possibilité de repartir d'un bon pied.
C'est pour cela que nous avons voulu créer le dispositif « défense deuxième chance », pour tendre la main à ceux qui veulent s'en sortir et donner un véritable espoir. J'ai pu le constater aujourd'hui : le dispositif marche. C'est une réponse efficace que nous apportons à des jeunes à qui, jusqu'à maintenant, on ne proposait que peu de choses, ou rien.
"Défense deuxième chance", c'est la possibilité de trouver des repères, de combler ses lacunes en matière de lecture, d'écriture, de calcul, d'accéder à une formation, on l'a vu tout à l'heure en matière informatique, qui débouche rapidement sur un emploi.
"Défense deuxième chance", c'est aussi un vrai passeport pour la réussite. Je l'ai vu à travers les échanges que nous avons pu avoir avec les jeunes, des jeunes ambitieux, déterminés à se battre et fiers de leur parcours. Vous savez que cette expérience vous permettra, aux uns et aux autres, d'acquérir une formation de qualité et vous offrira de véritables perspectives. Vous savez que pour accéder à la réussite, il n'y a pas seulement qu'une voie qui passerait par les filières générales ou les grandes écoles. Il y a des parcours rectilignes, des parcours tout droit, il y a ceux, au contraire, qui empruntent des chemins de traverses. C'est ce qui fait leur originalité et leur richesse et c'est pour cela qu'il est essentiel de permettre à chacun de choisir sa voie en fonction de son parcours, de son tempérament et de ses aspirations.
La réussite de "défense deuxième chance", elle n'aurait pas été possible sans l'engagement de tous.
Celui du gouvernement, d'abord et je voudrais profiter de cette occasion pour remercier en particulier Michèle ALLIOT-MARIE et Jean-Louis BORLOO, et avec eux tous les agents de l'Etat, qui se sont dépensés sans compter au service de ce projet.
Engagement des cadres et des enseignants de "l'Etablissement Public d'Insertion de la Défense" ensuite, qui se sont pleinement mobilisés en faveur des jeunes en difficulté et pour garantir la cohésion de notre pays. Je les en félicite chaleureusement.
Engagement de tous les acteurs locaux, enfin, au-delà des préférences partisanes et des aspirations personnelles, au-delà des habitudes et des intérêts individuels. Je pense aux collectivités territoriales et aux élus. Sans leur soutien, aucune implantation n'aurait été possible. Je pense aussi aux acteurs économiques locaux, qui ont pris une part essentielle dans la formation des jeunes et dans leur insertion dans le monde du travail.
Je pense enfin à vous tous, aux jeunes, qui n'ont pas hésité à saisir cette nouvelle chance qui leur était offerte.
A vous, les jeunes, je veux dire bravo. Vous avez montré que vous étiez prêts à vous battre pour vous en sortir. Je veux vous dire aujourd'hui que vous avez fait le meilleur choix : 90 % d'entre vous ont obtenu le "certificat de formation générale", 80 % détiennent désormais un certificat ou un diplôme de formation professionnelle. Je sais que tout n'est pas facile au quotidien. Je sais que rien n'est gagné d'avance. Mais ma conviction, c'est que le travail, l'effort, la volonté sont les clés qui vous permettront de réussir. Nous voulons vous donner toutes les cartes pour que vous soyez les mieux armés dans la vie, c'est à vous de vous battre pour construire votre parcours, c'est à vous de vous engager pour bâtir un avenir à la hauteur de vos talents et de vos ambitions. Cette conviction est au coeur du dispositif "défense deuxième chance".
Elle est aussi au coeur du service civil volontaire que nous avons créé et au sein duquel « défense deuxième chance » trouve sa place.
Notre objectif, c'est de favoriser l'engagement des jeunes et leur adhésion aux valeurs de notre République et d'aider ceux qui rencontrent des difficultés à préparer leur entrée dans la vie active.
Certains proposent un service civil obligatoire pour tous les jeunes. C'est une idée qui peut paraître séduisante, parce qu'elle se rapproche de ce qui a été, pendant longtemps, le ferment de la République : le service militaire obligatoire. C'est une idée, en tout cas, qui mérite d'être débattue et qui apporte au débat. Mais il y a aujourd'hui un certain nombre de réalités que nous devons prendre en compte. Une classe d'âge entière, cela représente en France environ 800 000 jeunes.
Prendre en charge tous ces jeunes, garçons et filles, les héberger, les nourrir, leur proposer des activités, cela supposerait un dispositif administratif extrêmement complexe. Aujourd'hui, le pays qui offre le service civil le plus abouti, c'est l'Allemagne : il ne concerne que 150 000 jeunes par an, ce qui est déjà un résultat très significatif. Par ailleurs, prendre en charge toute une classe d'âge, cela supposerait aussi des moyens financiers considérables. Entre 3 et 5 milliards d'euros pour un service d'une durée de 6 mois, sans compter les infrastructures qu'il faudrait construire.
Enfin, et c'est peut-être là, la question essentielle, je ne suis pas certain qu'un service obligatoire corresponde aux aspirations des jeunes d'aujourd'hui. Je ne suis pas certain que cela corresponde à l'esprit de notre société aujourd'hui. Les jeunes veulent s'engager, oui. Ils veulent exercer une activité utile à la collectivité, oui, et vous en êtes la preuve. Mais ils veulent le faire à leur rythme, selon leur propre calendrier et en cohérence avec leurs choix professionnels. Et ma conviction c'est que les résultats sont d'autant meilleurs, que ce choix d'un service civil est un choix volontaire, voulu, fruit d'un engagement, fruit d'une réflexion, fruit d'une ambition.
C'est pour cela que je crois davantage à un service civil volontaire.
Un service civil facultatif, d'abord. Parce que j'ai une conviction : tout ce qui repose sur l'engagement est plus fort que ce qui repose sur la contrainte. En revanche, ce service civil doit être fortement incitatif. Il doit pouvoir bénéficier à des jeunes de tous les horizons, qu'ils soient très diplômés ou sans qualification, qu'ils viennent d'un milieu aisé ou d'une famille modeste. C'est pour cela que nous avons voulu l'ouvrir largement dès sa création.
Il doit avoir une valeur de diplôme et occuper une place à part entière dans les cursus universitaires.
Enfin, il doit proposer les expériences les plus diverses, de l'engagement associatif à l'action humanitaire, de l'apprentissage d'un métier à la mission dans une entreprise à l'étranger. Parce que chaque jeune qui souhaite s'engager doit pouvoir trouver ce qui lui convient le mieux, le mieux à sa situation, à ses aspirations, à ses projets de vie.
Pour mettre en oeuvre le service civil volontaire, nous avons agi avec pragmatisme.
D'abord, nous sommes partis des expériences existantes. Je pense notamment à l'opération "cadets de la république", que j'avais lancée en tant que ministre de l'Intérieur, ou encore au dispositif "défense deuxième chance". Aujourd'hui, ils s'inscrivent pleinement dans le cadre du service civil volontaire.
Ensuite, nous avons fait le choix d'une montée en puissance progressive. Grâce à l'action de Catherine VAUTRIN, l'agence nationale de cohésion sociale et pour l'égalité des chances a déjà délivré les premiers agréments pour des missions de service civil. D'ici le mois de janvier, 10 000 jeunes effectueront un service civil volontaire et ce seront 50 000 d'entre eux qui auront pu s'engager à la fin de l'année 2007. Ce n'est qu'un début, mais c'est déjà considérable.
Car l'enjeu, c'est bien de permettre au plus grand nombre de jeunes possibles d'accomplir leur formidable volonté d'action et d'ouverture. A nous de leur donner les perspectives d'échange et de découverte qu'ils attendent.
Mesdames, Messieurs, chers amis,
De quoi s'agit-il, ici à Montlhéry ? De quoi s'agit-il avec le service civil volontaire ?
Il s'agit d'abord de justice sociale. Ce que nous voulons, c'est que chacun, quelle que soit son origine, quelle que soit sa formation, quelles que soient ses qualités, ait la possibilité de trouver sa place dans notre société. Il y a des jeunes dont les parents n'ont pas été suffisamment présents pour les accompagner dans leur scolarité. Il y a des jeunes qui n'ont pas eu la chance de rencontrer les professeurs dont ils auraient eu besoin. Nous devons leur donner les mêmes chances qu'aux autres. C'est notre responsabilité, c'est la responsabilité de l'Etat. Ici, à Montlhéry, il s'agit aussi d'imagination et d'innovation. Aujourd'hui plus que jamais, la France veut inventer son avenir. Elle veut relever le défi de l'unité et de la cohésion sociale. Elle veut le faire avec des instruments modernes adaptés aux réalités du temps. "Défense deuxième chance", le service civil volontaire, voilà des idées neuves, des idées ambitieuses, des idées d'avenir. Il s'agit enfin d'égalité des chances. C'est un thème auquel, avec Azouz BEGAG, nous croyons profondément. Ce que nous voulons construire, ce que je veux construire c'est une société qui donne sa chance à chacun tout au long de la vie, une société où la réussite ne suit pas un modèle particulier mais est le reflet de la diversité des parcours et des talents de chacun. Nous voulons construire une société de toutes les chances et vous êtes ceux qui aujourd'hui ouvrez la voie pour tout ce que vous faites, pour l'esprit qui est le votre, pour l'engagement qui est le votre, pour ce dynamisme et cet enthousiasme. Nous voulons vous remercier, convaincus que nous sommes, que derrière vous beaucoup d'autres, jeunes garçons, jeunes filles auront à coeur de relever ce défi pour eux-mêmes, pour la société française. Car derrière l'histoire de chacun et de chacune d'entre vous c'est un peu notre histoire collective, notre pacte républicain qui se joue et cela croyez-moi, nous ne l'oublions jamais.
Je vous remercie.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 3 octobre 2006