Texte intégral
G. Morin - C'est une journée importance parce qu'on a voté hier dans les chambres d'agriculture. Nous allons aussi parler des conséquences en Europe du problème de la vache folle. Il y a eu une bonne participation aux élections des chambres d'agriculture : comment commentez-vous ces résultats ?
- "Ce sont des élections très importantes. Les chambres d'agriculture sont des établissements publics qui ont des missions de service public sous tutelle de l'Etat. Elles ont vocation à représenter l'ensemble des intérêts agricoles et à gérer tous les crédits de développement agricole. Ces établissements ne sont donc pas négligeables. Ces élections sont un vrai exercice de démocratie sociale puisqu'il y avait dans 10 collèges différents près de 3 millions d'inscrits - 2 976 000. Le taux de participation qui a été hier de plus de 60 % est le plus fort de toutes les élections professionnelles. C'est vraiment considérable et je m'en réjouis beaucoup."
Pourquoi, d'après vous, ce taux est-il plus fort que d'habitude ?
- "Je ne sais. Je pense qu'il y a eu un vrai débat public entre des organisations professionnelles différentes, et l'expression de ce pluralisme a montré un débat public sur les grands enjeux de l'agriculture française et européenne et c'est peut-être ce débat public qui a mobilisé. En tout cas, je m'en réjouis beaucoup. Ce pluralisme n'existe pas depuis très longtemps dans la vie agricole française. Pendant longtemps, on a vécu sur le mythe d'une représentation unique. Le pluralisme de la représentation professionnelle agricole dans les conseils d'administration des chambres d'agriculture notamment, n'est reconnu et protégé par la loi que depuis 1999. C'est cette majorité qui l'a mis en oeuvre."
C'est un pluralisme avec toujours une majorité pour la FNSEA associée au CNJA, qui ont plus de 50 % des voix aux élections d'hier, même s'ils reculent un peu devant la Confédération paysanne qui passe de 20 à 26 %.
- "Grosso modo, les uns perdent 6 % : on passe de 60 à 53,5 ; les autres gagnent 6 % en passant en gros de 20 à 26 %."
Commentaires sur le succès de l'un et le recul de l'autre ?
- "Je ne fais pas de commentaires. Pendant toute cette campagne électorale, je me suis tenu à un grand devoir de réserve et de neutralité. Je n'ai pas à porter de jugement sur les actes et les propositions des organisations professionnelles, même si je dois reconnaître qu'à plusieurs reprises, cela m'a démangé parce que j'étais attaqué, mis en cause et parfois insulté. Je me suis tenu à ce devoir de réserve et je continue. Je prends ces résultats comme ils sont et je travaillerai avec ces organisations professionnelles, conformément à ces résultats, c'est-à-dire en respectant le verdict des urnes, en respectant le pluralisme, les minorités mais en respectant aussi le fait majoritaire."
Le rééquilibrage des forces vous plaît quand même ?
- "Je n'ai pas à dire que cela me plaît ou que cela me déplaît, je prends acte et j'en tiendrai compte."
La FNSEA et le CNJA sont toujours majoritaires en pourcentage, mais ont-ils toujours la grande partie des chambres d'agriculture ?
- "Du fait du scrutin majoritaire, ils vont avoir une grande partie voire la quasi-totalité des chambres d'agriculture."
Combien en auront-ils sur 94 ?
- "Je n'en sais rien, les conseils d'administration ont été élus hier. Il faut maintenant voir comment cela se traduira dans les votes dans les conseils d'administration des chambres. Ils les auront toutes, sauf quelques unes."
Le traitement de la crise de la vache folle va coûter très cher au niveau européen. Comment trouverez-vous les moyens financiers pour affronter ce problème au niveau européen ?
- "C'est une vraie question qui n'est pas encore tranchée. Le problème est de savoir ce que nous faisons, si cette crise dure encore longtemps et que, durant plus longtemps et étant plus profonde que nous pourrions le souhaiter, c'est-à-dire si la reprise de la consommation ne reprend pas aussi vite et ne reprend pas au même niveau qu'antérieurement à la crise, s'il ne faut pas prendre de nouvelles mesures de soutien du marché et de soutien des éleveurs. Des aides directes aux éleveurs, en tout cas me paraissent souhaitables. Comme avec les premières mesures, nous avons épuisé les crédits de la PAC - il n'y a plus d'argent dans la caisse de la PAC, tout est affecté... "
Et vous souhaitez en mettre plus ?
- "On est au fond devant trois solutions : ou bien on ne fait pas ce qu'on a à faire. Après tout, on peut dire, comme tout agent économique, privé ou public : "je voudrais faire cela, mais je n'ai pas d'argent, donc je ne le fais pas." A ce moment-là, cela risque d'être un véritable désastre pour la filière bovine et, à titre personnel et avec le Gouvernement français, nous écartons cette possibilité. Mais il faudra convaincre les autres pays d'Europe. Ou bien on demande aux Chefs d'Etat et de Gouvernement de nous donner plus de crédits. Mais ce sont là des décisions en matière financière qui se prennent à l'unanimité au niveau européen."
Donc ce n'est pas facile ?
- "Ce ne sera pas facile voire difficile, voire impossible, dans la mesure où les pays qui, aujourd'hui, sont les plus rigoureux budgétairement, malheureusement ou comme par hasard, ce sont ceux qui ne sont pas touchés par l'ESB aujourd'hui. Puis, troisième solution, c'est de dire : on a un crédit de la PAC, aujourd'hui ; comment redéploie-t-on à l'intérieur de la PAC. A ce moment-là, il faudra choisir : ou on fait un coup ponctuel si j'ose dire, un redéploiement ponctuel pour faire face à la crise, ou bien on en profite pour réorienter à moyen ou long terme les crédits de cette PAC. Ce sont les débats que nous allons avoir maintenant."
A la mi février, vous allez commencer à parler sérieusement de tout cela ?
- "Nous serons saisis dans la deuxième quinzaine de février des propositions de la Commission. J'insiste auprès d'elle pour que notamment des aides directes aux éleveurs soient bien prévues dans ce plan."
Un mot de politique pour conclure. Les municipales sont dans moins de six semaines. Vous suivez cela évidemment comme tous les membres du Gouvernement et comme tous les citoyens. Avez-vous une situation qui vous intéresse particulièrement ? Est-ce que Paris, par exemple, vous le voyez passer à gauche ? Vous regardez cela avec délectation ou est-ce qu'il y a d'autres choses qui vous paraissent plus importantes ?
- "D'abord, je pense que ce sont des élections fondamentales, parce que les choix politiques locaux sont très importantes pour la démocratie. La démocratie locale, cela compte dans notre pays. Les élections municipales et cantonales qui ont eu lieu en mars sont de vrais et beaux enjeux politiques. Après, il y a les combats symboliques, celui de Paris l'est. J'entendais, il y a quelques jours, Mme Alliot-Marie dire dans une émission de radio qu'elle faisait confiance à P. Séguin - cela n'était pas un scoop - pour garder, disait-elle, Paris au RPR. Je pense que ce mot-là est terrible de symbolique : "Garder au RPR !." Je pense qu'ils n'ont toujours pas compris que justement, ce qu'on reproche aux partis politiques et à celui-là en particulier, c'est de s'être accaparé des villes, des appareils, d'avoir eu un comportement de clan, de caste très accapareur. Je pense que B. Delanoë lui fait passer l'idée qu'il faut rendre Paris aux Parisiens. Il y a un souffle de démocratie et de liberté qui souffle sur Paris. J'espère que ce souffle ira jusqu'au bout."
Vous avez failli être candidat à Toulouse, si je ne m'abuse.
- "Non, je n'ai pas failli, on me l'a demandé, on me l'a proposé et j'ai dit "non", pour une raison simple qui est l'inverse de celle qu'a faite Douste-Blazy, à savoir que je me sentais incapable de dire à mes électeurs des Hautes-Pyrénées avec qui je travaille, avec qui je suis en confiance depuis une quinzaine d'années : "salut, les gars, vous m'avez bien aidé à devenir ministre ou à devenir quelqu'un au niveau national. Mais maintenant, je vous laisse tomber....""
Parce que ce n'était pas gagnable aussi ?
- "Non, non, non, ce n'était pas la question. Vous verrez d'ailleurs que Douste-Blazy aura beaucoup de mal à gagner, et je crois même que justement parce qu'il a eu cette attitude vis-à-vis de l'électorat, qu'il a montré qu'il se servait de ses électeurs pour faire carrière, il peut avoir une très mauvaise surprise et une très bonne pour la gauche à Toulouse."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 2 février 2001)