Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, sur l'épidémiologie, les maladies professionnelles et la politique de prévention des risques professionnels, Paris le 5 septembre 2006.

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Circonstance : Conférence internationale d'épidémiologie et d'exposition environnementale à Paris le 5 septembre 2006

Texte intégral


Je tenais à être parmi vous aujourd'hui pour vous dire combien je suis sensible aux travaux scientifiques que vous menez et à l'organisation de cette conférence internationale qui rassemble toute une communauté de chercheurs du monde entier. Les informations apportées par vos travaux sur l'épidémiologie et l'analyse des expositions sont en effet essentielles. En tant que ministre du travail, je peux vous dire que, dans mon domaine de compétence, celui des risques professionnels, je fonde mes décisions sur ces connaissances.
Il est vital de développer nos connaissances scientifiques en épidémiologie et exposition environnementale.
La démonstration en a malheureusement été apportée par le drame de l'amiante. C'est l'accumulation des données épidémiologiques qui a permis d'aboutir, enfin, à une vraie prise de conscience dans les années 1990 et aux premières interdictions notamment en France en 1996 et pour l'ensemble des pays de l'Union européenne. Il est frappant de constater que les systèmes de sécurité sanitaire se construisent à la faveur de crises sanitaires successives. En France, les crises de l'amiante, de la vache folle, du sang contaminé ont permis de prendre conscience qu'il était urgent de se doter d'une capacité d'expertise, de haut niveau et indépendante. Ce système construit à partir de 1998, est en perpétuelle amélioration avec l'intégration de la santé au travail dans ce dispositif en 2005.
Les défis qui se présentent à ces agences, aux équipes de recherche fondamentale, aux pouvoirs publics, en France et partout dans le monde, sont considérables. On constate une augmentation très importante de maladies, le déficit de connaissances à combler demeure colossal, le champ est extrêmement large et complexe, enfin, il nous faut faire face à l'apparition de nouveaux risques. Dans un contexte de mondialisation des échanges, la rapidité des mutations technologiques soulève chaque jour de nouvelles questions : OGM, nanotechnologies, téléphones portables, ...
Si nous voulons éviter de nouvelles catastrophes sanitaires, nous avons le devoir de nous donner les moyens d'identifier et d'anticiper les risques. Car la connaissance est la base de l'action. L'expertise est nécessaire pour que les politiques publiques soient plus pertinentes et plus efficaces, pour que les pouvoirs publics puissent prendre à temps les mesures appropriées pour réduire les risques. Vous avez devant vous un ministre pour lequel les données de l'expologie, de l'épidémiologie, de la toxicologie et de la génétique sont indispensables. Récemment, elles m'ont par exemple permis de prendre des décisions sur le formaldéhyde et sur les fibres céramiques réfractaires.
La coordination internationale est indispensable
Il nous appartient de stimuler des échanges de savoirs au niveau européen et international, de mutualiser nos efforts, de partager nos résultats et de prendre des décisions communes. Tout d'abord, parce que les ressources sont rares, les experts ne sont pas nombreux et les moyens financiers consacrés à ces recherches limités. En second lieu, alors que les pays occidentaux font face aux mêmes problèmes environnementaux ou professionnels, certains pays sont plus en avance que d'autres dans la prévention de certains risques. Enfin, les règlementations sanitaires engendrent des distorsions de concurrence indéniables. La France est un des rares pays européens à avoir dernièrement renforcé les règles de prévention pour le formaldéhyde classé cancérigène par l'organisation mondiale de la santé en 2004 malgré un lobbying intense des industriels et en l'absence à ce jour de mesure prise au niveau de l'Union européenne que j'avais pourtant alertée.
C'est pourquoi, je milite pour une élévation générale des normes internationales de protection des travailleurs au sein de l'Organisation internationale du travail. Je souhaite en particulier obtenir des avancées sur l'amiante, car sur 180 pays dans le monde, seuls 35 l'ont interdit. La résolution de l'OIT du 14 juin en faveur d'une interdiction mondiale de l'amiante est une première étape. Je suis convaincu du rôle moteur que l'Europe peut jouer dans ce domaine. Lors du dernier Conseil européen des ministres de l'emploi, j'ai demandé au gouvernement finlandais, qui exerce la Présidence de l'Union européenne, d'en faire un des chantiers prioritaires.
Une politique active de prévention, globale et décloisonnée, est nécessaire.
La coordination est indispensable, il ne faut cependant pas tout attendre de l'Europe ou des organisations internationales. Chaque Etat doit prendre ses responsabilités et tout faire pour acquérir une expertise nationale forte et mettre en place une politique active de prévention. En France, ces trois dernières années, plusieurs plans d'action interministériels ont été adoptés en matière de prévention des risques sanitaires : plan cancer, plan national santé environnement et plan santé au travail. Ces plans ont ceci de remarquable qu'ils abordent les problématiques de façon transversale ce qui est fondamental pour mieux être en mesure d'identifier et d'évaluer des risques complexes et les nouveaux risques à venir. Ces plans sont aussi intéressants par leur contenu.
Ainsi le Plan Santé au Travail adopté en février 2005 vise à renforcer les connaissances scientifiques sur les risques par la création de l'AFSSET en septembre 2005. J'ai veillé à ce qu'elle dispose de moyens significatifs pour constituer un pôle d'expertise sur les risques professionnels. Ce plan vise également à renforcer les contrôles dans les entreprises pour améliorer l'application de la réglementation, avec une augmentation des effectifs d'inspecteurs et des campagnes de contrôles ciblées, par exemple sur les chantiers de désamiantage ou sur les produits cancérogènes et reprotoxiques. Une campagne de contrôle débute dans les jours à venir dans les 25 pays de l'Union européenne.
Pour conclure, je souhaite remercier la Société internationale d'épidémiologie environnementale (ISEE) et la Société internationale d'analyse des expositions (ISEA) qui sont à l'origine de ce congrès ainsi que l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail pour avoir organisé pour la France cette conférence internationale.
J'ai constaté la qualité et la diversité de vos travaux. Nous devons poursuivre dans cette voie car de nouveaux défis s'ouvrent à nous. C'est en encourageant la recherche aux niveaux national et international, en favorisant les travaux et les échanges au sein de la communauté scientifique, c'est en créant des mécanismes de veille et d'alerte au service des pouvoirs publics, que nous accroîtrons nos capacités d'expertise et que nous parviendrons à définir sur la durée une politique de santé environnementale et de santé au travail performante.Source http://www.cohesionsociale.gouv.fr, le 8 septembre 2006