Texte intégral
Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs les Conseillers à l'Assemblée des Français à l'étranger,
Mes chers Compatriotes,
Chers Amis,
C'est un grand moment pour moi que celui de me trouver parmi vous ce soir, et cela à un double titre.
D'abord parce que le Liban possède une longue tradition d'amitié et de fraternité réciproques avec la France et venir ici, à Beyrouth, c'est tout simplement, quelque part, au fond du coeur, sentir les liens de filiation qui nous rapprochent tant de cette terre.
Ensuite parce que cela me permet d'adresser à travers vous un message de solidarité à nos 17.000 compatriotes qui connaissent des difficultés dans ce pays une nouvelle fois meurtri par la guerre.
Je voudrais aussi vous transmettre les amitiés de Nicolas Sarkozy.
Il m'a demandé de vous exprimer son attachement à ce que soit préservée la relation riche tissée au fil des siècles entre nos deux pays et de vous rappeler combien il tenait à l'unité et au respect de l'intégrité du Liban.
Il m'a fait part des espoirs que suscitent chez lui les efforts collectifs en faveur de la paix.
Quant à moi, j'imagine ce qu'a pu être votre inquiétude comme à chaque fois qu'une période trouble menace le bon ordonnancement d'une vie patiemment construite.
La France fera ce qu'il faut pour ne pas transformer cette inquiétude en un sentiment d'isolement.
Monsieur l'Ambassadeur, j'ai été particulièrement sensible à votre accueil et ai pris note de l'évolution de la situation que vous m'avez décrite.
J'ai bien conscience que le risque, ici, est une constante de la vie quotidienne des uns et des autres et je mesure les interrogations de mes compatriotes qui éprouvent à la fois une légitime crainte de l'avenir et un attachement viscéral à ce pays, dans cet "Orient compliqué" comme le disait si bien le général de Gaulle.
Certains qui ont voulu servir ici, l'ont payé de leur vie, nous le savons, et en ce moment précis, je pense bien évidemment en particulier à notre ambassadeur Louis Delamarre, assassiné le 4 septembre 1981 et aux cinquante-huit hommes qui ont perdu la vie dans l'attentat du Drakkar, le 23 octobre 1983.
La cérémonie de tout à l'heure au monument aux morts fut très émouvante.
Elle nous a rappelé à notre fragilité face aux réalités mouvantes et incontrôlables du monde.
Le Liban a une nouvelle fois été pris en otage, otage de la guerre et de l'incompréhension.
Pourtant vous avez fait le choix de rester sur ce sol, dont, au fond de vous-même, vous savez qu'il ne vous est pas fondamentalement hostile.
Pour ceux qui ont voulu regagner la France, l'ambassade a organisé, pour eux et pour les français de passage, une "aide au départ volontaire".
Ce sont quelque 14.000 ressortissants français, mais aussi européens, qui ont pu bénéficier d'une aide au retour, sur Chypre et la Turquie dans un premier temps, puis sur la France.
Je tiens à remercier les conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger, les associations et tous les bénévoles, français et libanais, qui ont pris part à cette opération et qui ont été pour beaucoup dans sa réussite.
Je tiens aussi à saluer ici le dévouement et la compétence des agents de l'ambassade qui ont su, par leur organisation et leur travail, mener à bien cette opération complexe et lourde.
Mais mon intime conviction me fait penser que beaucoup de ceux qui sont partis reviendront et que l'appel du Liban restera malgré tout le plus fort.
"Quand on a vécu au Liban, affirme Amin Maalouf, la première religion que l'on a, c'est la religion de la coexistence".
De fait, le pays des cèdres possède depuis des siècles l'art consommé de cultiver, mais surtout de se nourrir des différences entre ses communautés.
On en compte pas moins de 17 aujourd'hui !
Et si le Liban est toujours debout, c'est bien le signe que cette mosaïque constitue un élément identitaire que les aléas de la guerre ne peuvent atteindre.
Le pacte national de 1943 comme les Accords de Taëf de 1989 qui partagent les pouvoirs entre les communautés chrétiennes et musulmanes ne font que confirmer cet esprit.
On peut y voir une source de tension, mais aussi un ferment de paix.
Pour l'heure, je tiens à vous dire que je comprends votre angoisse devant les incertitudes du temps présent, je comprends vos craintes pour vos proches, je comprends votre peur de perdre tout ce que vous avez construit, je comprends l'angoisse des parents face à une scolarité bouleversée, que je mesure d'autant mieux que j'ai visité un établissement scolaire aujourd'hui.
La situation nous permet cependant, je le crois, de garder espoir.
Parce que la France a placé son intervention sous le double signe de l'équilibre et de la confiance.
Equilibre, voulu par le président Jacques Chirac, puisque la résolution 1701, adoptée l'été dernier à l'initiative de la France, et à l'unanimité du Conseil de sécurité des Nations unies, affirme le droit d'Israël à la sécurité comme le droit du Liban à exercer sa pleine souveraineté sur l'ensemble de son territoire.
Confiance à l'égard des Libanais, puisque cette résolution prévoit d'appuyer le déploiement de l'armée libanaise au sud du pays grâce au renforcement de la FINUL.
C'est en définitive sur une attitude de respect que se fonde l'approche diplomatique du gouvernement, et je crois que c'est la seule solution pour garantir aux uns et aux autres le retour de la sécurité.
Sans vouloir pêcher par excès de naïveté, j'y crois d'autant plus qu'un certain nombre de pays musulmans ont fait part à la communauté internationale de leur intention d'apporter leur contribution au service de la paix.
Cela ne peut qu'accroître, nous l'espérons, les chances de réussite du dispositif mis en place et faire obstacle aux tentatives de déstabilisation.
Dans l'immédiat le gouvernement apportera toute son aide à ceux de nos compatriotes qui sont dans l'épreuve et prendra toute sa part dans les efforts de reconstruction engagés par la communauté internationale.
Au-delà de l'obligation morale, c'est aussi un message d'avenir que nous devons adresser à la fois aux Français et aux Libanais.
Ce faisant, nous consoliderons ainsi ce pont séculaire entre nos deux peuples et entre nos deux Nations.
Pour un Liban toujours plus proche de la France.
Vive le Liban,
Vive la France,
Vive l'amitié Franco-libanaise !source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 octobre 2006