Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des finances,
Monsieur le Rapporteur Général,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Vous êtes aujourd'hui amenés à discuter de la proposition de loi du président Arthuis sur la Banque de France.
Cette proposition répond à une question débattue à plusieurs reprises au cours des dernières années, notamment à l'occasion des lois de finances : il s'agit de l'adaptation de la « gouvernance » de la Banque de France aux réalités de ses missions. C'est, en somme, une étape de la réforme de l'Etat que le Gouvernement et le Parlement ont menée au cours de cette législature.
Dans ce contexte, mon intervention s'articulera en trois points, en abordant d'abord l'organisation que le gouvernement souhaite pour la Banque de France de demain, puis les questions sociales et en venant dans un dernier temps aux missions qu'elle sert ainsi.
Le premier objectif de cette proposition de loi est de doter la Banque de France d'une organisation permettant de piloter efficacement sa modernisation.
Je voudrais remercier le Président Arthuis de cette initiative, et commercer par la replacer dans une perspective historique.
C'est en 1993, dans la suite du Traité de Maastricht, que le législateur a adopté le principe de l'indépendance de la Banque de France pour l'exercice de ses missions de banque centrale. Vous avez alors créé le comité de la politique monétaire pour conseiller le Gouverneur dans ses prises de décision. Le CPM comptait ainsi 9 membres. Parallèlement, le conseil général était composé du CPM et d'un représentant élu des salariés de la Banque.
Avec la mise en place de l'euro, ces principes ont été maintenus. Le CPM a toutefois été réduit à 7 membres. Son rôle a été revu. Vous le savez, les décisions de politique monétaire sont désormais prises dans le cadre de l'Eurosystème. Le CPM s'est donc naturellement concentré sur le conseil et sur les décisions d'application de la politique ainsi arrêtée.
Votre assemblée a souhaité procéder à une nouvelle réforme du CPM dès décembre 2005. A l'issue d'un débat constructif, vous avez retenu l'idée qu'il ne suffisait pas de réduire le nombre des membres du CPM ni même de le supprimer, mais qu'il fallait véritablement réformer la gouvernance de la Banque de France.
Tel est l'objet de la proposition de loi du président de la commission des finances. Le Gouvernement l'accueille très favorablement et propose d'ailleurs de l'enrichir et de la perfectionner par quelques amendements que j'aurai l'honneur de vous présenter au cours du débat.
Pour faire écho à ce que vous venez de dire Monsieur le Président, Monsieur le rapporteur général, l'économie de la proposition consiste, tout simplement, à inverser l'ordre des priorités pour les instances dirigeantes de la Banque de France. Il s'agit bien de mettre l'accent sur la gestion de la Banque.
Aujourd'hui, le conseil général - qui traite des affaires relatives au fonctionnement de la Banque, à sa gestion, à son efficacité - est subordonné au CPM.
Grâce à votre initiative, la gouvernance de la Banque s'ordonnera d'abord autour du conseil général. Car l'enjeu principal aujourd'hui est bien d'administrer un établissement important pour notre économie. Il compte, je le rappelle, plus de 13 000 agents dont le dévouement et le sens du service public font honneur à notre pays. La Banque de France comprend aussi une centaine d'établissements, dont de véritables usines pour la fabrication des billets à Chamalières. Le résultat financier de la Banque est de 2,3 Mdeuros cette année.
Gouvernance moderne donc. Vous avez ainsi prévu que les membres du conseil général puissent exercer des fonctions à l'extérieur de la Banque de France : ceci permettra de faire bénéficier la Banque de leur expérience.
C'est à titre subsidiaire qu'un comité monétaire issu du conseil général continuera de conseiller le Gouverneur et les sous-gouverneurs sur la politique monétaire.
La proposition de loi suggère la nomination de quatre membres désignés directement par les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, outre le Gouverneur, les sous-gouverneurs et le représentant des salariés.
Le Gouvernement est favorable à cette simplification de la procédure de nomination. Je souhaite cependant que la composition du conseil général soit complétée, en retenant également la nomination de deux de ses membres par le Gouvernement. Ceci n'est naturellement ni contraire à l'indépendance de la Banque de France, ni contradictoire avec le souhait de modernisation du président Arthuis et de votre rapporteur.
C'est, pour le gouvernement, une manière d'affirmer tout le prix qu'il attache à l'efficacité de la gestion de cette grande institution financière publique. Je rappelle que la Banque de France exerce pour le compte du gouvernement d'importantes missions, notamment le traitement du surendettement ou la tenue du compte du Trésor, qui est le compte bancaire de l'Etat !
Je souhaite donc que deux membres, désignés par le Gouvernement, siègent au conseil général sans toutefois avoir vocation à siéger au comité monétaire. En revanche, ils augmenteront le poids des personnalités qualifiées au conseil général. Ils lui apporteront leur expérience en matière de gestion administrative ou financière.
Vous proposez également de modifier le droit du travail applicable aux agents de la Banque
A ce sujet, je souhaite vous indiquer que le gouvernement partage pleinement votre analyse. Ainsi, pour me référer à l'exposé des motifs de votre proposition de loi lui-même, nous approuvons votre démarche qui vise à clarifier les modalités d'application du code du travail à la Banque de France. Vous entendez, en particulier, tenir compte de la différence intrinsèque de statut de la Banque avec les entreprises du secteur concurrentiel. Vous tenez, bien entendu, à garantir le respect des droits fondamentaux du travail.
Notre débat nous permettra j'en suis persuadée d'examiner le texte dans cet objectif, tout en tenant compte des souhaits de concertation préalable que le Président de la République a exprimés la semaine passée devant le Conseil Economique et Social.
Votre proposition de loi prend également plusieurs mesures qui redéfinissent les missions de la Banque de France.
Le Gouvernement les approuve. Je souhaite les compléter par une réforme de la supervision bancaire qui est exercée par les services de la Banque.
Je rappelle que la proposition de loi retient dans ses articles 2, 3, et 4 plusieurs mesures significatives :
elle place dans le champ des missions fondamentales de la Banque de France l'établissement de la balance des paiements.
Ceci signifie que l'Etat n'aura plus à prendre en charge financièrement cette mission comme il le fait pour d'autres (le surendettement par exemple).
Le gain pour le budget de l'Etat sera de 16 Meuros par an.
Naturellement cette mission exercée par la Banque conformément à nos engagements européens sera assurée grâce à des moyens que le conseil général définira et avec des efforts de productivité maintenus.
Je souhaite dire ici que cette modification du champ des missions actuellement effectuées pour le compte de l'Etat n'est qu'une première étape. Il faudra la compléter notamment pour introduire une contractualisation dynamique entre l'Etat et la Banque de France et faire évoluer le dispositif de remboursement à l'euro près actuel. Mais nous avons besoin de temps et de concertation pour finaliser cette seconde réforme.
la proposition de loi élargit également les obligations d'échanges d'information entre les entreprises et la Banque de France, et les possibilités de diffusion dans l'Espace économique européen.
Cette mesure permettra à la Banque de France de faire reconnaître son outil de cotation des entreprises au titre des « organismes externes de crédit » tels que définis de façon communautaire. Les banques dans toute l'Europe pourront donc utiliser cet outil pour mesurer le risque, et développer ainsi sur des bases solides le crédit aux entreprises que nous souhaitons vivement encourager.
Enfin, la supervision bancaire étant l'une des missions principales de la Banque de France, le gouvernement souhaite, à l'occasion de cette discussion, soumettre à votre approbation les dispositions législatives indispensables à l'application du nouveau ratio de solvabilité issu des négociations dites de Bâle II. Ce nouveau ratio sera en effet applicable dès le 1er janvier 2007.
J'aurai l'occasion de vous présenter plus amplement ces mesures au cours de notre débat, mais d'ores et déjà, je voudrais souligner que ce projet est extrêmement structurant pour notre système bancaire. Il a évidemment fait l'objet d'une très large consultation des acteurs économiques qui attendent à présent son entrée en vigueur.
En conclusion, je tiens à féliciter et remercier à la fois le Président Arthuis qui est l'auteur de la proposition de la loi, inlassable promoteur de la modernisation de la Banque de France, ainsi que votre rapporteur général de la commission des finances, avec qui un travail de grande qualité a pu être mené pour préparer cette séance.
Vous parvenez, en quelques articles, à donner à cette institution vieille de plus de 200 ans les moyens de s'adapter encore plus efficacement à son temps. Que votre assemblée en soit, une fois encore, remerciée.
Source http://www.exporter.gouv.fr, le 18 octobre 2006