Interview de M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique, à RTL le 24 octobre 2006, sur le portrait de Jacques Chirac, président de la République, donné à la télévision et sur le climat préélectoral à l'UMP.

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Circonstance : Film "Chirac" de Patrick Rotman (archives et témoignages), diffusé sur France 2 les 23 et 24 octobre 2006

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Bonjour C. Jacob.
Bonjour.
Q- Vous avez regardé, hier, le premier volet que France 2 consacrait au portrait de J. Chirac. Avez-vous retrouvé "le Chirac" que vous connaissez depuis longtemps, C. Jacob ?
R- Ah, je trouve que c'est à la fois réducteur et un peu caricatural.
Q- En quoi ?
R- C'est-à-dire, qu'il y a toute une partie - ce qui fait le J. Chirac qu'on connaît aujourd'hui qui est, pour moi, un homme d'exception - parce qu'il a cette double qualité qui est assez rare dans la vie politique, c'est à la fois d'avoir une stature internationale incontestée, incontestable, et en même temps d'être profondément humaniste ; c'est-à-dire d'aimer profondément et sincèrement les gens. Or - et toute la construction de cet homme - on ne la retrouve pas dans ce passage. Or, c'est ça qui est intéressant à découvrir sur l'homme. Or, ça, c'est zappé. On a l'impression qu'on nous prépare l'attaque de ce soir.
Q- La stature internationale, on la verra sans doute un peu mieux ce soir puisqu'on verra le Président, ce soir...
R- Mais elle n'est pas de rien. Elle n'arrive pas. La stature internationale, c'est vingt ans de construction, d'apprentissage de la scène publique internationale ; et tout ça, on ne le voit pas.
Q- Alors, on ne voit pas tout effectivement dans un portrait. On voit beaucoup le désir de pouvoir d'un homme et son cynisme, notamment la chute de la première partie, hier soir, est terrible et cruelle : c'est-à-dire que J. Chirac a organisé la victoire de F. Mitterrand.
R- Oui, alors, vous savez, tout ça, c'est d'abord trente ans, j'ai envie de dire de bobines de film, où on découpe soigneusement quelques images et ensuite, on fait du copié-collé et avec ça, on fait dire tout et n'importe quoi, avec quelques témoignages de gens qui ne figurent pas au rang des premiers amis de J. Chirac dans le reportage. C'est caricatural et c'est très réducteur, et ça ne reflète pas sa personnalité. Vous savez, quand on travaille au quotidien avec J. Chirac, qu'on le voit fonctionner, jour après jour, c'est-à-dire celui qui a le souci de la voix de la France sur la scène internationale, qui est un J. Chirac profondément réformateur - la réforme de la Sécu, la réforme des retraites, le plan Handicap, la création d'une nouvelle branche de la Sécurité sociale - tout cela, ça ne vient pas comme par enchantement ; c'est-à-dire c'est un homme qui se construit au fur et à mesure, et ça bizarrement, on le zappe. C'est-à-dire qu'on veut en faire la caricature de ce que l'on veut que soient les hommes Politiques. Eh bien, ce n'est pas ça Chirac.
Q- Ça, ça n'y est pas dans le portrait, d'accord. Mais je reviens à ma question. La scène de 1981 où une partie des dirigeants du RPR organise un vote pour F. Mitterrand, ça pour vous, C. Jacob, ça reste toujours un tabou ?
R- Non, ça ne reste pas un tabou.
Q- On ne peut pas le reconnaître ?
R- Ça n'est pas un tabou. Tout d'abord parce que ça n'est pas la volonté, ça n'est pas l'engagement de J. Chirac. On l'entend bien dans sa déclaration : il y a effectivement une campagne. Il y a eu une campagne très dure...
Q- ... "Que chacun vote, selon sa conscience".
R- Oui, simplement il explique, il justifie parfaitement son vote en fonction des valeurs et de l'action qui a toujours été la sienne dans la vie politique. Et donc ça, je crois que ça reste tout à fait inattaquable. Ensuite, il y a énormément de rancoeurs. D'ailleurs, dans les témoignages, à part quelques-uns, mais la plupart sont quand même teintés d'une certaine rancoeur ou d'une certaine amertume. Et on voit bien, le décalage qu'il y a dans l'approche, c'est-à-dire la sensibilité, l'humanisme de J. Chirac et la caricature qu'on veut faire du film.
Q- Et vous, selon votre conscience, vous avez voté quoi au deuxième tour de l'élection présidentielle de 1981 ?
R- Ah j'ai voté - c'était la première fois que je votais d'abord - j'ai voté, sans état d'âme pour V. Giscard d'Estaing. J'ai voté au premier tour pour J. Chirac. Ensuite, je l'ai fait également en 1988 et après, j'ai eu la joie de le faire à deux tours de suite.
Q- Dans ce premier volet consacré à J. Chirac, hier soir, on voit N. Sarkozy jeune. Aujourd'hui, C. Jacob, pensez-vous qu'il y a beaucoup de points de commun entre J. Chirac quand il était sa tentative de conquête du pouvoir et N. Sarkozy ?
R- Non. Non, parce que les hommes sont différents, parce que le contexte est différent, parce que les rapports entre les hommes sont différents. On est avec un J. Chirac qui est Premier ministre à 42 ans, avec des relations très conflictuelles avec V. Giscard d'Estaing qui fait qu'à un moment, J. Chirac dit : "Je n'ai pas les moyens de mener ma politique, donc, je quitte le Gouvernement". Le contexte, l'époque, les hommes sont très différents. Et vouloir établir des ressemblances ne présente aucun intérêt, enfin ne correspond, en tout cas, pas à la réalité.
Q- Un propos rapporté anonymement dans la presse d'un ministre, il y a vingt jours, a suscité une certaine émotion. C'était un ministre qui disait : "Au second tour de l'élection présidentielle, entre N. Sarkozy et S. Royal, je vote S. Royal". Et ce propos, C. Jacob, on vous l'a souvent attribué...
R- Non, non. On ne me l'a pas souvent attribué. Ecoutez, tout d'abord, c'est une ânerie sans nom qui n'a d'équivalent dans sa stupidité que ceux qui l'ont inventée et colportée...
Q- Ce serait un de vos collègues, paraît-il ?
R- Non. Absolument pas. Ecoutez, moi j'ai vu les gens de l'entourage de N. Sarkozy puisque le reportage, c'était ça, en disant que c'était colporté par eux, qui m'ont dit "absolument pas, on sait très bien que ce genre de propos, je n'ai pas pu les tenir". Et je crois, très objectivement, que personne ne les a tenus, si vous voulez le fond de mon avis.
Q- Donc, on a inventé le propos ?
R- On l'a inventé. On l'a colporté parce que ça fait partie des petites bassesses... de temps en temps, avec lesquels quelques uns aiment bien s'amuser...
Q- Et puis, pour vous, C. Jacob, il n'y a pas d'équivoque : si N. Sarkozy est le candidat de l'UMP, vous voterez pour N. Sarkozy ?
R- Sans aucune équivoque. Si N. Sarkozy est en situation et au deuxième tour, est celui qui représente les valeurs qui sont les nôtres, je n'ai aucun état d'âme sur le sujet. Non seulement, je voterais mais je ferais campagne.
Q- Vous voyez le débat du jour, C. Jacob : S. Royal souhaite que des jurys de citoyens puissent évaluer, voire peut-être sanctionner l'action des responsables politiques. Qu'est-ce que vous en pensez ?
R- Je pense qu'A. Duhamel l'a très bien dit : c'est le summum de la démagogie, c'est-à-dire, c'est non seulement le déni de la vie politique, c'est-à-dire l'incapacité à décider, l'incapacité à trancher. C'est même l'incapacité à avoir des convictions. En clair, c'est : je suis votre chef, donc je vous suis.
Q- Et ça, la démagogie, S. Royal en a le monopole ?
R- Elle n'en a peut-être pas le monopole mais je pense que s'il y avait une Coupe du Monde, elle arriverait, dans tous les cas, en tête.
Q- Elle serait en finale, on dirait...
R- Non seulement, elle serait en finale, mais elle serait gagnante. Il y aurait quelqu'un d'autre avec elle !
[Rires]
C. Jacob, ministre de la Fonction Publique, était l'invité de RTL, ce matin. Bonne journée.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 25 octobre 2006