Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur général,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Dans le cadre du débat sur le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, je suis heureuse de vous présenter, pour la deuxième fois, le projet de budget de l'Union européenne pour l'année à venir. Ce débat est un rendez-vous important qui doit nous permettre, au-delà des questions budgétaires et financières, de poursuivre l'échange désormais régulier que nous menons ensemble sur l'Union européenne.
Permettez-moi de saluer l'implication et l'intérêt de chacun d'entre vous dans les dossiers européens, comme en témoigne le succès des sessions de sensibilisation que nous organisons avec vous auprès des institutions européennes, et de remercier tout particulièrement M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la Commission des Finances, ainsi que le rapporteur pour avis de la Commission des Affaires étrangères, M. Roland Blum, pour leurs rapports d'excellente qualité. Je tiens aussi à saluer également l'intervention à venir du président de votre Délégation pour l'Union européenne, M. Pierre Lequiller.
Je souhaite aujourd'hui vous présenter dans un premier temps les résultats de l'accord inter-institutionnel du mois de mai sur les perspectives financières 2007-2013. J'évoquerai ensuite le niveau de la contribution de la France au budget communautaire et le projet de budget communautaire pour 2007 dans son état actuel. Je terminerai mon propos sur la question des migrations, sur laquelle je sais que votre rapporteur pour avis s'est plus spécialement penché.
1. Le projet de budget communautaire pour 2007 est le premier budget établi dans le cadre de l'accord sur les nouvelles perspectives financières 2007-2013, dont sont définitivement convenus le Parlement européen, le Conseil et la Commission, le 17 mai dernier.
Rappelons tout d'abord qu'il s'agit d'un bon accord, qui permettra tout à la fois d'assurer la solidarité à l'égard des nouveaux Etats membres, de préserver les politiques communes existantes, notamment la Politique agricole commune, et de lancer ou de renforcer des politiques nouvelles.
Ainsi, le montant total des perspectives financières pour la période 2007-2013 atteindra-t-il 864,3 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit une augmentation de plus de 55 milliards d'euros en euros constants par rapport à la période précédente. Plus de 158 milliards d'euros seront investis dans les nouveaux Etats membres : cela représente plus de 3 points de PIB annuel pour ces pays. C'est ainsi que nous aiderons la modernisation de nos nouveaux partenaires et leur rattrapage économique, qui est le meilleur antidote contre le dumping social. Le cas de l'Espagne démontre amplement que cette politique de solidarité est un succès pour tous.
En outre, le budget consacré aux politiques de croissance sera en forte augmentation : environ 40% en plus pour la recherche par rapport au budget précédent par exemple. Enfin, le futur fonds d'ajustement à la mondialisation permettra de financer la reconversion ou la formation des salariés les plus touchés par la mondialisation. Voilà qui permettra de corriger quelques idées reçues. Avec l'Europe, soyons toujours lucides, mais sachons aussi être justes.
Ce paquet financier 2007-2013 préserve également les intérêts français, notamment en ce qui concerne la PAC et la politique de cohésion dont l'ensemble du territoire français pourra continuer de bénéficier. Le gouvernement y a veillé. La dotation française au titre des fonds structurels s'élève ainsi à 12,7 milliards d'euros sur la période, dont 9,1 milliards d'euros au titre de l'objectif "Compétitivité régionale et emploi", qui concerne l'ensemble de la France métropolitaine, et 2,8 milliards d'euros pour nos départements d'Outre-mer. Par ailleurs, nous recevrons 6,4 milliards d'euros sur 7 ans afin de financer des actions dans le domaine du développement rural. Et nous bénéficierons naturellement aussi de retours sur d'autres politiques, par exemple la recherche ou les grands réseaux, même si ces retours sont toujours très difficiles à chiffrer ex ante.
Enfin, l'accord sur les perspectives financières 2007-2013 pose les bases d'une réforme permettant le financement équitable de l'élargissement de 2004 et des élargissements futurs. En particulier, c'est pour la première fois depuis 1984, une réforme profonde et durable du rabais britannique qui a été agréée, rabais britannique qui aura diminué de 10,5 milliards d'euros sur la période. De surcroît, la participation britannique au financement de l'élargissement est maintenant un acquis définitif, qui perdurera au-delà de 2013.
En parallèle de l'accord sur les perspectives financières, le taux de contribution de la France au fonds européen de développement (10ème FED), doté de 22,6 milliards d'euros, sera abaissé de près de 5 points, ce qui aura pour effet une économie pour le budget national de près d'1 milliard d'euros sur 7 ans.
Pour l'avenir, comme vous le savez, l'accord prévoit un rendez-vous à partir de 2008-2009 pour préparer le budget de l'après 2013. Cette réflexion devra bien sûr se faire dans le respect des engagements pris jusqu'en 2013 inclus. Il reviendra au Conseil européen de prendre, à l'unanimité, les décisions qui s'avèreront nécessaires.
Ce rendez-vous de 2008-2009 est un élément de la réflexion plus générale sur l'avenir de l'Union élargie. Ne prétendons pas que tout est parfait, loin s'en faut. Nous devons bien sûr chercher les moyens de mieux adapter l'Union européenne au monde d'aujourd'hui, comme l'ont fait les chefs d'Etat et de gouvernement au sommet informel de Lahti le 20 octobre, en abordant les questions de migrations, d'énergie et d'innovation. Ce qui vaut pour les politiques vaut naturellement pour le futur budget européen.
Et sans doute faudra-t-il, à terme, doter ce budget d'une ressource propre véritablement européenne pour clore enfin ces marchandages récurrents entre pays européens sur qui finance quoi et pour combien. Je sais que votre Commission des Finances et votre Délégation pour l'Union européenne y travaillent déjà avec M. Alain Lamassoure, ancien ministre et député européen, dans le cadre des travaux communs entre le Parlement européen et les Parlements nationaux. Je suis cette réflexion avec attention et j'en attends beaucoup.
2. J'en viens maintenant au projet de budget de l'Union européenne pour l'année 2007.
2.1. Permettez-moi d'abord d'évoquer la contribution française au budget communautaire. En 2007, elle devrait s'établir à 18,7 milliards d'euros, contre 17,8 milliards d'euros pour 2006, selon la prévision d'exécution dont nous disposons. Cette hausse du prélèvement s'explique, pour l'essentiel, par la conjugaison de la mise en oeuvre du nouveau cadrage financier et par l'achèvement progressif des programmes de la période 2000-2006. La France sera ainsi en 2007, derrière l'Allemagne et comme les années précédentes, le deuxième contributeur du budget communautaire, dont elle finance 16 % du total.
Mais la France est également la deuxième bénéficiaire du budget derrière l'Espagne, avec des retours estimés à 13,5 milliards d'euros en 2005, dernière année disponible. Ces chiffres, insuffisamment connus, méritent d'être diffusés. Voilà pourquoi, à la demande du Premier ministre, Dominique de Villepin, Nicolas Sarkozy, Christian Estrosi et moi-même travaillons à ce que nos concitoyens soient mieux informés sur les aides européennes. A partir du 1er janvier 2007, chaque fois qu'un projet aura vu le jour en partie grâce à des financements européens, un dispositif d'information le signalera : affichage de l'aide pour tous les projets et site Internet spécifique dans chaque région.
Au total, si l'on raisonne en solde net, c'est-à-dire en calculant la différence entre notre contribution brute et nos retours, la France est contributrice nette au budget européen à hauteur de 2,9 milliards d'euros (soit 0,17 % du RNB). Et ce solde net devrait passer en moyenne à 0,37 % de notre RNB sur la période 2007-2013, c'est-à-dire environ 109 euros par an et par habitant. Cet investissement est raisonnable. Mais surtout, et je voudrais insister sur ce point, chaque fois que nous parlons du solde net, il faut préciser que le raisonnement comptable n'est pas le bon : il faut aussi tenir compte de tous les autres gains. Gains économiques d'abord grâce à l'existence d'un grand marché européen, qui accroît nos exportations et développe l'activité et donc l'emploi ; gains politiques aussi, qui sont sans prix, grâce à l'enracinement de la paix et de la démocratie dans l'ensemble du continent européen.
2.2. Le projet de budget communautaire pour 2007, qui sera le premier à 27 Etats membres, a été adopté par le Conseil de l'Union européenne en première lecture le 14 juillet dernier. Le Parlement européen se prononcera en première lecture le 26 octobre, dans trois jours. Une seconde lecture par le Conseil est prévue le 21 novembre puis par le Parlement européen en décembre. Par conséquent, des changements peuvent, comme chaque année, intervenir entre le présent projet de budget et sa version finale.
Au total, c'est un projet de budget de 125,7 milliards d'euros en crédits d'engagement et de 114,6 milliards d'euros en crédits de paiement qui a été proposé par le Conseil pour 2007, soit une hausse de 3,7 % des engagements et de 2,3 % des paiements par rapport à 2006. Le projet de budget s'établit ainsi à 1,08 % du revenu national brut de l'Union en crédits d'engagements.
Les dépenses en faveur de la croissance et de la compétitivité (rubrique 1A) s'élèvent à 8,8 milliards d'euros soit une hausse de 11,3 % par rapport à 2006. Au sein de cette rubrique, les dépenses consacrées à la recherche sont majoritaires, avec une dotation de 5,4 milliards d'euros. Par ailleurs, conformément à ce qu'ont décidé les chefs d'Etat ou de gouvernement, la BEI mettra en place dès 2007 une facilité de financement pour la recherche, qui permettra de soutenir jusqu'à 30 milliards d'euros de projets supplémentaires.
Les autres volets de la rubrique 1A sont également en forte progression par rapport à 2006 : + 27 % pour l'éducation (qui recouvre notamment les bourses Erasmus et Leonardo), + 18 % pour les réseaux transeuropéens, + 52 % pour le programme innovation-compétitivité, qui bénéficie notamment aux PME.
- Les actions structurelles (rubrique 1B) sont dotées d'une enveloppe de 45,5 milliards d'euros, soit une augmentation de près de 15 % par rapport à 2006, ce qui en fait le deuxième poste du budget de l'Union, avec 36,2 % des dépenses. Cette politique bénéficie aux nouveaux Etats membres, mais aussi à l'ensemble des régions de l'Union.
- La rubrique 2 regroupe l'ensemble des dépenses en matière de ressources naturelles. Pour les dépenses agricoles de marché, le projet de budget prévoit une enveloppe de 42,95 milliards d'euros, soit une légère baisse des crédits de 0,84 % par rapport à l'année 2006. Il convient cependant de rappeler que le niveau des dépenses allouées à l'agriculture sera réexaminé sur la base de la lettre rectificative agricole présentée par la Commission avant la 2ème lecture du budget par le Conseil. Par ailleurs, toujours sur la rubrique 2, les crédits consacrés au développement rural augmentent de 3 % et l'instrument financier en faveur de l'environnement LIFE + voit ses moyens croître de 15 %.
- Les actions concernant la justice et les affaires intérieures (rubrique 3A) augmentent de 150 % par rapport au budget précédent, à périmètre constant, c'est-à-dire en dehors des facilités Schengen et Kaliningrad qui expiraient fin 2006. La priorité au sein de ce budget est accordée à la protection des frontières et la gestion des flux migratoires, qui concentrent plus de la moitié des crédits. J'y reviendrai plus loin.
- Les crédits consacrés à la mise en oeuvre des programmes Culture, Media, Jeunesse, Santé et Protection des Consommateurs, qui figurent sous la rubrique 3B s'établissent à 587 millions d'euros, ce qui correspond globalement à une diminution de 4,06 % par rapport au niveau 2006, même si les crédits de paiement progressent, eux de 3,79 %.
- Les actions extérieures (rubrique 4) se voient dotées d'un budget de 6,6 milliards d'euros. La forte baisse apparente par rapport à l'année 2006 s'explique par un effet de périmètre lié à la sortie de cette rubrique à partir de 2007 des crédits destinés à la Bulgarie et la Roumanie. Neutralisée de cet effet, la rubrique 4 progresse de 1,4 %. Comme nous le demandions, les crédits consacrés à la PESC, soit 159,2 millions d'euros, connaissent une hausse significative (+ 55 % par rapport à 2006), conformément aux dispositions du nouvel accord inter-institutionnel.
- La cinquième rubrique concerne les dépenses administratives, qui s'élèvent à 6,8 milliards d'euros, soit une progression maîtrisée à 3,4 % cette année pour une Union passée à 27.
Voilà pour la présentation, dans son état actuel, du projet de budget 2007. Vous le voyez, il reflète les priorités de l'accord sur les perspectives financières.
3. Permettrez- moi enfin d'aborder la question des migrations que votre rapporteur pour avis a évoquée dans son rapport. Comme vous le savez, ce sujet figurait à l'ordre du jour du Conseil européen informel de la semaine dernière.
Depuis le début de l'année, l'Espagne, l'Italie, Malte et la Grèce font face à un afflux important de clandestins. J'étais moi-même à Malte vendredi, quelques jours à peine après l'opération Frontex, à laquelle la France a participé. Ce problème des migrations, par son ampleur et par ses conséquences, appelle une réponse européenne. Celle-ci passe tout d'abord par un renforcement de la coopération opérationnelle entre les Etats membres. C'est en particulier la vocation de l'agence Frontex dont les moyens, humains et matériels, doivent être renforcés.
Par ailleurs, chacun sait que tous les Etats membres devront mieux coordonner leurs mesures nationales ; c'est particulièrement vrai au sein de l'espace Schengen, qui a supprimé les contrôles aux frontières intérieures, ce qui signifie que, lorsque les Etats prennent des décisions internes dans ce domaine, cela a forcément des effets sur les autres Etats membres de l'espace Schengen. C'est pourquoi il est nécessaire de se doter en la matière d'une véritable discipline commune.
En outre, cette réponse européenne requiert une meilleure utilisation des moyens financiers. Plus précisément, le programme-cadre sur la solidarité et la gestion des flux migratoires de la rubrique 3A finance quatre fonds pour un total de 4 milliards d'euros sur la période 2007-2013, fonds destinés respectivement à améliorer les contrôles aux frontières, à soutenir les efforts d'accueil des demandeurs d'asile et réfugiés, à favoriser l'intégration et à aider au retour. Par ailleurs, nous mobiliserons une partie des instruments d'aide extérieure pour inciter à une bonne coopération en matière de gestion des flux migratoires : c'est un peu plus d'1 milliard d'euros supplémentaires qui pourrait être concerné.
C'est cette approche globale qui a été définie par le Conseil européen de décembre 2005 et qui repose sur une collaboration dynamique entre les pays d'origine, de transit et de destination. C'est également la philosophie qui a inspiré, en juillet dernier, la Conférence ministérielle euro-africaine de Rabat sur la migration et le développement, démarche qui sera étendue à d'autres routes migratoires, par exemple l'Afrique orientale, d'abord avec la conférence de Tripoli entre l'Union européenne et l'Union africaine de fin novembre qui sera également consacrée aux migrations et au développement.
Au total, sur les questions migratoires, l'Union européenne dispose d'une méthode - agir ensemble à 25 et de façon solidaire -, d'une stratégie globale au niveau européen et d'un plan d'action arrêté à Rabat qui permet de traiter conjointement contrôle des frontières et coopération au développement ; elle dispose enfin de moyens financiers et matériels renforcés. Ce sont autant d'éléments nécessaires à l'émergence d'une véritable politique européenne des migrations.
Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur général, Messieurs les Rapporteurs, Mesdames et Messieurs les Députés,
Nous célèbrerons le 25 mars prochain le cinquantième anniversaire du Traité de Rome, qui a fondé le marché commun et l'Europe telle que nous la connaissons. Depuis cinquante ans, malgré des hauts et des bas, la construction européenne a constamment progressé. Nous savons bien aujourd'hui quelles sont les interrogations de nos concitoyens à son égard. Mais nous savons aussi quelles sont leurs attentes. Et nous savons que la meilleure manière d'y répondre, c'est l'action. L'action efficace au service de nos peuples. Le budget européen est le reflet de cette volonté. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir voter aujourd'hui le prélèvement sur recettes au profit de l'union européenne au titre de son budget 2007.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 octobre 2006