Texte intégral
Monsieur le Secrétaire d'Etat, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
L'AFAST a souhaité placer le sujet de l'énergie au coeur des débats qui animeront les deux journées du colloque qui s'ouvre aujourd'hui. Je pense que pour deux grands pays industriels et énergétiques, comme la France et l'Allemagne, on ne pouvait choisir de meilleur sujet d'actualité.
Je suis donc ravi de vous accueillir dans les locaux du Ministère de l'Economie des Finances et de l'Industrie pour ces débats. J'ai d'ailleurs noté, dans les documents qui m'ont été remis, la grande qualité des intervenants et des participants, ce qui traduit l'importance de ce sujet, et nous assure d'une grande richesse des échanges pour ces deux jours.
Pour contribuer à poser les bases de ces débats, j'aimerais rapidement vous donner des éléments d'information de deux ordres :
- D'une part, rappeler l'ensemble des points sur lesquels je considère que nos vues convergent dans le domaine de l'énergie entre Français et Allemands ;
- D'autre part, évoquer un sujet essentiel et qui sera au coeur de vos échanges, le prix des énergies et notamment de l'électricité.
I. Contrairement à ce que l'on peut parfois lire, la France et l'Allemagne ont beaucoup de point de convergence en ce qui concerne la politique énergétique
Ces points ont été rappelés dans la déclaration commune lors du dernier conseil des ministres franco-allemand du 12 octobre dernier :
1- Nous sommes d'abord pour l'achèvement du marché intérieur de l'énergie, en privilégiant les mesures techniques aux mesures législatives. La France et l'Allemagne considèrent ainsi qu'un nouveau paquet législatif, qui mènerait éventuellement à de nouveaux découpages dans le paysage énergétique, n'est pas nécessaire. Le plus important est d'assurer la disponibilité de l'énergie, notamment le gaz et l'électricité, à des coûts raisonnables pour les entreprises comme les particuliers.
2- Dans ce but, il est par exemple prioritaire de travailler sur de meilleurs échanges d'électricité, ce qui ne requière pas de nouveau texte mais des actions concrètes. C'est ce que nous faisons dans le cadre du Forum du Nord-Ouest, qui place autour de la table les Ministres et acteurs du monde énergétique du Bénélux de la France et de l'Allemagne, pour analyser les problèmes techniques et y apporter des solutions au niveau régional.
3- Nous souhaitons ensuite la mise à l'étude de mécanismes de réaction rapide et concertée en cas de crise gazière, y compris leurs aspects commerciaux. L'Union européenne doit se doter au plus vite de tels plans, à l'image de ce qui existe à l'AIE, en s'appuyant sur les instances existantes, comme le groupe de coordination de la directive sur la sécurité des approvisionnements en gaz de 2004. Il convient de regarder non seulement les infrastructures actuelles mais aussi celles à prévoir, et les conditions commerciales liées aux échanges de quantités en cas de crise.
4- Nous considérons comme primordial l'amélioration de la prospective énergétique en Europe, de façon à identifier les investissements nécessaires pour satisfaire l'équilibre offre-demande à moyen et long terme. Ce point était une demande forte de la France dans le cadre de son mémorandum « Pour une relance de la politique énergétique européenne dans une perspective de développement durable », publié en janvier dernier. Il est important que la France et l'Allemagne donnent l'exemple. Il convient de se doter des outils qui permettent d'identifier les besoins énergétiques à satisfaire à 4 ou 5 ans, à charge ensuite pour chaque Gouvernement de mettre en place le dispositif permettant la réalisation en temps utile des investissements nécessaires.
5- Parallèlement, nos deux pays soutiennent l'étude coûts-bénéfices sur les différentes sources d'énergie demandée par le Conseil européen de mars dernier à la Commission. Là aussi, il s'agit de quelque chose d'important, qui doit permettre de juger les avantages et les inconvénients de chaque source d'énergie au regard des objectifs désormais assignés à la politique énergétique européenne : la sécurité d'approvisionnement, des coûts compétitifs et la durabilité environnementale.
6- Nous démarrons ensemble une coopération renforcée dans le domaine de l'efficacité énergétique, et souhaitons mener rapidement quelques initiatives très concrètes comme :
- annoncer et afficher nos objectifs nationaux en matière d'efficacité énergétique en France et en Allemagne, et amener d'autres partenaires à le faire également, en accord avec les décisions prises au niveau du G8 ;
- promouvoir un nouvel accord international dans le domaine de l'efficacité énergétique, que l'UE, en tant qu'économie la plus efficace du monde, pourrait proposer ;
- mettre en place un groupe de travail franco-allemand pour examiner comment transposer dans le cadre européen l'initiative 1 watt de l'AIE qui vise à éviter la mise sur le marché de tout appareil électrique qui, en veille, consommerait davantage qu'un watt.
7- Nous souhaitons également mener des projets communs de R & D et d'innovation, à approfondir dans le domaine des technologies de l'énergie, en particulier dans le domaine du captage et du stockage du carbone associés à des process de production d'électricité, comme dans les centrales "à charbon propre", ainsi que dans le domaine des biocarburants de 2ème génération.
8- Enfin nous partageons différentes pistes pour renforcer la politique énergétique extérieure de l'Europe, en lien avec la réforme de la politique de voisinage de l'UE, et en particulier concernant les grands fournisseurs de l'Europe que sont notamment la Russie et l'Algérie. Mme MERKEL et M. CHIRAC ont d'ailleurs dernièrement abordé conjointement avec M. POUTINE la relation énergétique que nous avons avec la Russie.
Comme vous le voyez, les sujets sont nombreux, et je pense qu'il est de la responsabilité de deux pays comme les nôtres, au coeur de la construction européenne depuis son origine, de proposer des actions très concrètes en réponse aux questions qui se posent à nous dans le domaine de l'énergie.
Ceci me mène à mon deuxième sujet, la question de l'électricité et de son prix.
II- La France souhaite à travers sa politique, disposer d'une énergie sûre, durable et bon marché.
Quelques constats d'abord :
A. La demande d'énergie ne va pas cesser de croître
Selon l'agence internationale de l'énergie (AIE), dans un scénario « business as usual », la consommation mondiale d'énergie devrait encore augmenter d'environ 60 % d'ici 2030, les 2/3 de cette augmentation devant provenir des pays émergents et en développement.
La satisfaction de cette demande nouvelle d'énergie nécessite, selon l'AIE, des investissements à hauteur de 16 000 milliards de dollars.
B. L'impact sur le climat est certain au niveau de la planète
Selon ce scénario, en 2030, 85 % du surcroît d'énergie consommée dans le monde devrait encore provenir des trois énergies fossiles oe le pétrole, le gaz et le charbon oe et, par voie de conséquence, les émissions de gaz à effet de serre devraient encore augmenter de l'ordre de 60 % par rapport au niveau actuel.
L'AIE précise bien qu'un tel scénario n'est pas durable, et que, s'agissant du rythme des investissements nécessaires, comme de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, « nous ne sommes pas sur la bonne voie ».
Au niveau européen, l'Union européenne, malgré une amélioration globale de son intensité énergétique au cours des années passées, devrait voir sa demande énergétique continuer à augmenter et sa production propre diminuer, en termes relatifs, de sorte que la dépendance énergétique extérieure de l'Europe devrait augmenter de façon importante dans les années qui viennent pour atteindre 70% à l'horizon 2030
Ceci signifie, qu'en dehors des choix qui seront faits en Europe, de très nombreuses nouvelles capacités vont apparaître hors d'Europe et que leur impact sur le climat sera notable au regard de la préférence pour des sources carbonées dans la mise en oeuvre de capacités additionnelles.
C. Si l'on regarde la situation au niveau européen, les choix de nouvelles formes d'investissement, en l'état actuel des technologies, privilégient également des sources d'énergie émettrices de CO2 ou dont le coût tire la moyenne des prix vers le haut.
En effet, la mise en oeuvre de nouvelles capacités électriques, dans un contexte de croissance de la demande ainsi qu'un secteur libéralisé, tend à privilégier des capacités de productions faciles et rapides à mettre en oeuvre comme de nouvelles centrales au gaz ou au charbon, ou des éoliennes.
Les unes accroissent notre dépendance envers les pays fournisseurs d'énergie fossiles, les autres sont émettrices de CO2. Au final ces nouvelles centrales mettent à disposition une électricité plus chère qu'à travers d'autres moyens, et tirent ainsi les prix vers le haut.
Dès lors vous comprendrez qu'en France, si le nucléaire occupe une place importante dans notre mix énergétique au côté d'autres formes d'énergie, c'est tout simplement que nous pensons :
- que nous avons besoin de toutes les formes d'énergie pour faire face à la demande, qu'aucune ne doit ainsi être tabou;
- qu'il faut mettre un accent particulier sur les technologies non émettrices de CO2;
- et qu'il faut veiller à garder les prix à un niveau acceptable.
Si nous sommes aussi soucieux du prix de l'énergie, c'est qu'il conditionne la santé économique de nos entreprises et plusieurs facteurs les poussent actuellement à la hausse :
- en premier lieu, la forte hausse du prix des hydrocarbures a eu des effets immédiats sur les prix de l'électricité ;
- en second lieu, un nombre important d'installations de production devront être renouvelées sous vingt ans, et le marché anticipe vraisemblablement à la hausse les prix de l'électricité qu'entraîneront ces nouvelles charges d'investissement pour les électriciens ;
- en troisième lieu, la mise en oeuvre d'un marché des permis d'émissions de gaz à effet de serre, conformément à la directive du 13 octobre 2003, mène les prix de l'électricité à intégrer une composante CO2. Ce qui est plus gênant est que cette composante CO2 est intégrée dans le prix final quand bien même ces quotas sont aujourd'hui alloués gratuitement à de nombreux électriciens ! ou qu'aucun CO2 n'a été relâché pour produire cette énergie !
- en quatrième lieu, l'affichage du choix de sortir du nucléaire, opéré par un certain nombre d'États-membres de l'UE, les conduit à privilégier des moyens de production fossiles dont les coûts seront renchéris par la prise en compte de l'impact CO2. Or, du fait de l'existence d'un marché européen de l'électricité, c'est l'ensemble des États-membres qui absorbe les hausses de prix ainsi engendrées.
Par une succession logique d'effets induits liés à une unique volonté commune, avoir une énergie propre et sûre, nous nous retrouvons aujourd'hui confrontés à un alignement des prix de l'énergie européenne sur les solutions les plus chères et pas nécessairement les moins polluantes.
D. Face à cette situation, nous envisageons quelques pistes de réflexion techniques, dont certaines sont examinées en franco-allemand
En France nous avons développé déjà les deux pistes suivantes :
1- Pour les entreprises électro-intensives un dispositif de consortium, mis en place par la LFR2005, a permis à ces industriels de se regrouper pour investir indirectement, à travers les producteurs d'électricité, dans des moyens de production, et bénéficier en contrepartie, sur de longues périodes, de prix stables fondés le plus possible sur les coûts de production. Ce sont plus de 60 entreprises qui sont concernées (PME comme grands groupes) représentant 20% du marché de l'électricité ouvert à la concurrence ;
2- Pour les PME et PMI, j'ai organisé une table ronde le 15 mai dernier avec les producteurs d'électricité. Elle a permis d'obtenir plusieurs engagements concrets de modération des prix en faveur des entreprises : offres commerciales non indexées à la hausse sur les prix de marché et permettant aux clients de bénéficier des baisses; contrats de plus long terme pour apporter une meilleure visibilité aux clients; renégociation de certains contrats
3- A titre transitoire un mécanisme de retour au tarif pour les entreprises pour une période de deux ans vient d'être adopté par le Parlement. Il s'agit d'un tarif intermédiaire entre le tarif historique et les prix de marché dans l'attente d'une stabilisation de ces derniers à des niveaux plus acceptables pour les entreprises.
D'autres sont à l'examen en France, mais nous avons aussi des réflexions au niveau communautaire.
1- Avec nos collègues allemands, belges, néerlandais et luxembourgeois nous réfléchissons par ailleurs à proposer des actions visant à limiter l'impact excessif du marché du CO2 sur la formation des prix de l'électricité. Une des propositions que nous souhaiterions voir aboutir est ainsi la demande d'une révision de la directive quotas qui permettrait d'instaurer une pénalité libératoire afin d'encadrer le marché des quotas de CO2.
2- A plus long terme, une réponse structurelle est nécessaire pour permettre d'assurer une capacité de production suffisante en Europe, à un coût acceptable.
Dominique MAILLARD, Directeur général de l'énergie et des matières premières, vous présentera en détail tout à l'heure, notre outil de planification national des investissements. Son efficacité serait démultipliée par une approche européenne avec des réseaux interconnectés. C'est pourquoi la France a proposé dans le mémorandum que chaque Etat membre se livre à cet exercice, et que l'UE étudie la possibilité d'un exercice européen.
La Commission a fait part de son intention de publier une analyse stratégique de la politique énergétique de l'Union européenne à long terme qui devra permettre d'évaluer la contribution de chaque source d'énergie en terme de sécurité d'approvisionnement, de compétitivité et de durabilité environnementale. Cette analyse permettra aux Etats membres maîtres de l'orientation de leur bouquet énergétique de faire des choix responsables et éclairés, tout en tenant compte de la diversité de leurs situations au regard des diverses sources d'énergie.
Je vous remercie pour votre attention et vous souhaite un fructueux colloque.
Source http://www.indutrie.gouv.fr, le 27 octobre 2006
L'AFAST a souhaité placer le sujet de l'énergie au coeur des débats qui animeront les deux journées du colloque qui s'ouvre aujourd'hui. Je pense que pour deux grands pays industriels et énergétiques, comme la France et l'Allemagne, on ne pouvait choisir de meilleur sujet d'actualité.
Je suis donc ravi de vous accueillir dans les locaux du Ministère de l'Economie des Finances et de l'Industrie pour ces débats. J'ai d'ailleurs noté, dans les documents qui m'ont été remis, la grande qualité des intervenants et des participants, ce qui traduit l'importance de ce sujet, et nous assure d'une grande richesse des échanges pour ces deux jours.
Pour contribuer à poser les bases de ces débats, j'aimerais rapidement vous donner des éléments d'information de deux ordres :
- D'une part, rappeler l'ensemble des points sur lesquels je considère que nos vues convergent dans le domaine de l'énergie entre Français et Allemands ;
- D'autre part, évoquer un sujet essentiel et qui sera au coeur de vos échanges, le prix des énergies et notamment de l'électricité.
I. Contrairement à ce que l'on peut parfois lire, la France et l'Allemagne ont beaucoup de point de convergence en ce qui concerne la politique énergétique
Ces points ont été rappelés dans la déclaration commune lors du dernier conseil des ministres franco-allemand du 12 octobre dernier :
1- Nous sommes d'abord pour l'achèvement du marché intérieur de l'énergie, en privilégiant les mesures techniques aux mesures législatives. La France et l'Allemagne considèrent ainsi qu'un nouveau paquet législatif, qui mènerait éventuellement à de nouveaux découpages dans le paysage énergétique, n'est pas nécessaire. Le plus important est d'assurer la disponibilité de l'énergie, notamment le gaz et l'électricité, à des coûts raisonnables pour les entreprises comme les particuliers.
2- Dans ce but, il est par exemple prioritaire de travailler sur de meilleurs échanges d'électricité, ce qui ne requière pas de nouveau texte mais des actions concrètes. C'est ce que nous faisons dans le cadre du Forum du Nord-Ouest, qui place autour de la table les Ministres et acteurs du monde énergétique du Bénélux de la France et de l'Allemagne, pour analyser les problèmes techniques et y apporter des solutions au niveau régional.
3- Nous souhaitons ensuite la mise à l'étude de mécanismes de réaction rapide et concertée en cas de crise gazière, y compris leurs aspects commerciaux. L'Union européenne doit se doter au plus vite de tels plans, à l'image de ce qui existe à l'AIE, en s'appuyant sur les instances existantes, comme le groupe de coordination de la directive sur la sécurité des approvisionnements en gaz de 2004. Il convient de regarder non seulement les infrastructures actuelles mais aussi celles à prévoir, et les conditions commerciales liées aux échanges de quantités en cas de crise.
4- Nous considérons comme primordial l'amélioration de la prospective énergétique en Europe, de façon à identifier les investissements nécessaires pour satisfaire l'équilibre offre-demande à moyen et long terme. Ce point était une demande forte de la France dans le cadre de son mémorandum « Pour une relance de la politique énergétique européenne dans une perspective de développement durable », publié en janvier dernier. Il est important que la France et l'Allemagne donnent l'exemple. Il convient de se doter des outils qui permettent d'identifier les besoins énergétiques à satisfaire à 4 ou 5 ans, à charge ensuite pour chaque Gouvernement de mettre en place le dispositif permettant la réalisation en temps utile des investissements nécessaires.
5- Parallèlement, nos deux pays soutiennent l'étude coûts-bénéfices sur les différentes sources d'énergie demandée par le Conseil européen de mars dernier à la Commission. Là aussi, il s'agit de quelque chose d'important, qui doit permettre de juger les avantages et les inconvénients de chaque source d'énergie au regard des objectifs désormais assignés à la politique énergétique européenne : la sécurité d'approvisionnement, des coûts compétitifs et la durabilité environnementale.
6- Nous démarrons ensemble une coopération renforcée dans le domaine de l'efficacité énergétique, et souhaitons mener rapidement quelques initiatives très concrètes comme :
- annoncer et afficher nos objectifs nationaux en matière d'efficacité énergétique en France et en Allemagne, et amener d'autres partenaires à le faire également, en accord avec les décisions prises au niveau du G8 ;
- promouvoir un nouvel accord international dans le domaine de l'efficacité énergétique, que l'UE, en tant qu'économie la plus efficace du monde, pourrait proposer ;
- mettre en place un groupe de travail franco-allemand pour examiner comment transposer dans le cadre européen l'initiative 1 watt de l'AIE qui vise à éviter la mise sur le marché de tout appareil électrique qui, en veille, consommerait davantage qu'un watt.
7- Nous souhaitons également mener des projets communs de R & D et d'innovation, à approfondir dans le domaine des technologies de l'énergie, en particulier dans le domaine du captage et du stockage du carbone associés à des process de production d'électricité, comme dans les centrales "à charbon propre", ainsi que dans le domaine des biocarburants de 2ème génération.
8- Enfin nous partageons différentes pistes pour renforcer la politique énergétique extérieure de l'Europe, en lien avec la réforme de la politique de voisinage de l'UE, et en particulier concernant les grands fournisseurs de l'Europe que sont notamment la Russie et l'Algérie. Mme MERKEL et M. CHIRAC ont d'ailleurs dernièrement abordé conjointement avec M. POUTINE la relation énergétique que nous avons avec la Russie.
Comme vous le voyez, les sujets sont nombreux, et je pense qu'il est de la responsabilité de deux pays comme les nôtres, au coeur de la construction européenne depuis son origine, de proposer des actions très concrètes en réponse aux questions qui se posent à nous dans le domaine de l'énergie.
Ceci me mène à mon deuxième sujet, la question de l'électricité et de son prix.
II- La France souhaite à travers sa politique, disposer d'une énergie sûre, durable et bon marché.
Quelques constats d'abord :
A. La demande d'énergie ne va pas cesser de croître
Selon l'agence internationale de l'énergie (AIE), dans un scénario « business as usual », la consommation mondiale d'énergie devrait encore augmenter d'environ 60 % d'ici 2030, les 2/3 de cette augmentation devant provenir des pays émergents et en développement.
La satisfaction de cette demande nouvelle d'énergie nécessite, selon l'AIE, des investissements à hauteur de 16 000 milliards de dollars.
B. L'impact sur le climat est certain au niveau de la planète
Selon ce scénario, en 2030, 85 % du surcroît d'énergie consommée dans le monde devrait encore provenir des trois énergies fossiles oe le pétrole, le gaz et le charbon oe et, par voie de conséquence, les émissions de gaz à effet de serre devraient encore augmenter de l'ordre de 60 % par rapport au niveau actuel.
L'AIE précise bien qu'un tel scénario n'est pas durable, et que, s'agissant du rythme des investissements nécessaires, comme de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, « nous ne sommes pas sur la bonne voie ».
Au niveau européen, l'Union européenne, malgré une amélioration globale de son intensité énergétique au cours des années passées, devrait voir sa demande énergétique continuer à augmenter et sa production propre diminuer, en termes relatifs, de sorte que la dépendance énergétique extérieure de l'Europe devrait augmenter de façon importante dans les années qui viennent pour atteindre 70% à l'horizon 2030
Ceci signifie, qu'en dehors des choix qui seront faits en Europe, de très nombreuses nouvelles capacités vont apparaître hors d'Europe et que leur impact sur le climat sera notable au regard de la préférence pour des sources carbonées dans la mise en oeuvre de capacités additionnelles.
C. Si l'on regarde la situation au niveau européen, les choix de nouvelles formes d'investissement, en l'état actuel des technologies, privilégient également des sources d'énergie émettrices de CO2 ou dont le coût tire la moyenne des prix vers le haut.
En effet, la mise en oeuvre de nouvelles capacités électriques, dans un contexte de croissance de la demande ainsi qu'un secteur libéralisé, tend à privilégier des capacités de productions faciles et rapides à mettre en oeuvre comme de nouvelles centrales au gaz ou au charbon, ou des éoliennes.
Les unes accroissent notre dépendance envers les pays fournisseurs d'énergie fossiles, les autres sont émettrices de CO2. Au final ces nouvelles centrales mettent à disposition une électricité plus chère qu'à travers d'autres moyens, et tirent ainsi les prix vers le haut.
Dès lors vous comprendrez qu'en France, si le nucléaire occupe une place importante dans notre mix énergétique au côté d'autres formes d'énergie, c'est tout simplement que nous pensons :
- que nous avons besoin de toutes les formes d'énergie pour faire face à la demande, qu'aucune ne doit ainsi être tabou;
- qu'il faut mettre un accent particulier sur les technologies non émettrices de CO2;
- et qu'il faut veiller à garder les prix à un niveau acceptable.
Si nous sommes aussi soucieux du prix de l'énergie, c'est qu'il conditionne la santé économique de nos entreprises et plusieurs facteurs les poussent actuellement à la hausse :
- en premier lieu, la forte hausse du prix des hydrocarbures a eu des effets immédiats sur les prix de l'électricité ;
- en second lieu, un nombre important d'installations de production devront être renouvelées sous vingt ans, et le marché anticipe vraisemblablement à la hausse les prix de l'électricité qu'entraîneront ces nouvelles charges d'investissement pour les électriciens ;
- en troisième lieu, la mise en oeuvre d'un marché des permis d'émissions de gaz à effet de serre, conformément à la directive du 13 octobre 2003, mène les prix de l'électricité à intégrer une composante CO2. Ce qui est plus gênant est que cette composante CO2 est intégrée dans le prix final quand bien même ces quotas sont aujourd'hui alloués gratuitement à de nombreux électriciens ! ou qu'aucun CO2 n'a été relâché pour produire cette énergie !
- en quatrième lieu, l'affichage du choix de sortir du nucléaire, opéré par un certain nombre d'États-membres de l'UE, les conduit à privilégier des moyens de production fossiles dont les coûts seront renchéris par la prise en compte de l'impact CO2. Or, du fait de l'existence d'un marché européen de l'électricité, c'est l'ensemble des États-membres qui absorbe les hausses de prix ainsi engendrées.
Par une succession logique d'effets induits liés à une unique volonté commune, avoir une énergie propre et sûre, nous nous retrouvons aujourd'hui confrontés à un alignement des prix de l'énergie européenne sur les solutions les plus chères et pas nécessairement les moins polluantes.
D. Face à cette situation, nous envisageons quelques pistes de réflexion techniques, dont certaines sont examinées en franco-allemand
En France nous avons développé déjà les deux pistes suivantes :
1- Pour les entreprises électro-intensives un dispositif de consortium, mis en place par la LFR2005, a permis à ces industriels de se regrouper pour investir indirectement, à travers les producteurs d'électricité, dans des moyens de production, et bénéficier en contrepartie, sur de longues périodes, de prix stables fondés le plus possible sur les coûts de production. Ce sont plus de 60 entreprises qui sont concernées (PME comme grands groupes) représentant 20% du marché de l'électricité ouvert à la concurrence ;
2- Pour les PME et PMI, j'ai organisé une table ronde le 15 mai dernier avec les producteurs d'électricité. Elle a permis d'obtenir plusieurs engagements concrets de modération des prix en faveur des entreprises : offres commerciales non indexées à la hausse sur les prix de marché et permettant aux clients de bénéficier des baisses; contrats de plus long terme pour apporter une meilleure visibilité aux clients; renégociation de certains contrats
3- A titre transitoire un mécanisme de retour au tarif pour les entreprises pour une période de deux ans vient d'être adopté par le Parlement. Il s'agit d'un tarif intermédiaire entre le tarif historique et les prix de marché dans l'attente d'une stabilisation de ces derniers à des niveaux plus acceptables pour les entreprises.
D'autres sont à l'examen en France, mais nous avons aussi des réflexions au niveau communautaire.
1- Avec nos collègues allemands, belges, néerlandais et luxembourgeois nous réfléchissons par ailleurs à proposer des actions visant à limiter l'impact excessif du marché du CO2 sur la formation des prix de l'électricité. Une des propositions que nous souhaiterions voir aboutir est ainsi la demande d'une révision de la directive quotas qui permettrait d'instaurer une pénalité libératoire afin d'encadrer le marché des quotas de CO2.
2- A plus long terme, une réponse structurelle est nécessaire pour permettre d'assurer une capacité de production suffisante en Europe, à un coût acceptable.
Dominique MAILLARD, Directeur général de l'énergie et des matières premières, vous présentera en détail tout à l'heure, notre outil de planification national des investissements. Son efficacité serait démultipliée par une approche européenne avec des réseaux interconnectés. C'est pourquoi la France a proposé dans le mémorandum que chaque Etat membre se livre à cet exercice, et que l'UE étudie la possibilité d'un exercice européen.
La Commission a fait part de son intention de publier une analyse stratégique de la politique énergétique de l'Union européenne à long terme qui devra permettre d'évaluer la contribution de chaque source d'énergie en terme de sécurité d'approvisionnement, de compétitivité et de durabilité environnementale. Cette analyse permettra aux Etats membres maîtres de l'orientation de leur bouquet énergétique de faire des choix responsables et éclairés, tout en tenant compte de la diversité de leurs situations au regard des diverses sources d'énergie.
Je vous remercie pour votre attention et vous souhaite un fructueux colloque.
Source http://www.indutrie.gouv.fr, le 27 octobre 2006