Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, sur la participation des migrants présents en France au développement de leur pays d'origine, à Paris le 27 octobre 2006.

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Circonstance : Clôture du Forum des jeunes issus des migrations, à Paris le 27 octobre 2006

Texte intégral

Monsieur le Président du FOJIM, Cher Idrissa diabira,
Monsieur le Président du FORIM (Forum des Organisations de Solidarité internationale issues des Migrations),
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Lorsque j'ai été sollicitée par les organisateurs de ce deuxième Forum national de la Jeunesse issue des migrations, j'ai spontanément apporté mon soutien à cette rencontre. En effet, un an après les événements graves qui ont secoué les banlieues, il nous revient sans aucun doute de continuer à manifester notre volonté d'écoute et de dialogue. Je crois aussi qu'il appartient au gouvernement d'ouvrir des perspectives nouvelles, et notamment dans le domaine de la solidarité internationale qui fait partie de vos axes de réflexion, et dont je souhaite plus particulièrement m'entretenir aujourd'hui avec vous.
Il me semble tout d'abord essentiel de mieux vous associer aux initiatives qui sont actuellement portées par notre pays sur la scène internationale au profit des pays du Sud, et je pense tout particulièrement au codéveloppement dont vous avez largement débattu aujourd'hui. Il se trouve en effet que c'est mon ministère, celui de la Coopération, qui est à l'origine de cette démarche nouvelle visant à faire participer les migrants présents en France au développement de leur pays d'origine.
Au moment où je vous rejoins pour la clôture de votre forum, c'est donc un véritable appel que je veux vous adresser à vous, jeunes issus des migrations : pour vous dire que vous avez naturellement toute votre place dans les actions de codéveloppement que nous cherchons à intensifier ; pour vous dire aussi que vos projets en la matière m'intéressent, que je suis prête à les soutenir en y apportant la contribution de mon ministère, et que votre mobilisation autour du codéveloppement peut nous aider à en faire l'instrument privilégié d'une approche globale et équilibrée des flux migratoires.
Il ne s'agit pas pour notre pays de chercher à empêcher toute forme d'immigration, ce qui serait d'ailleurs totalement illusoire, et même contre-productif compte tenu de nos besoins avérés. L'enjeu consiste plutôt à faire en sorte que ces migrations internationales soient une source d'enrichissement équitablement répartie entre pays du Nord et pays du Sud. C'est notre intérêt commun de ne pas subir le phénomène migratoire, mais d'agir ensemble pour qu'il contribue au bien-être global : selon la Banque mondiale, l'apport des migrants au revenu mondial avoisinera 800 milliards de dollars en 2025 ; à nous d'agir de concert pour en partager les retombées.
La prise de conscience du lien entre migration et développement est encore récente, mais elle est bien réelle. J'en veux pour preuve la conférence euro-africaine de Rabat, qui s'est tenue en juillet dernier, et qui a réuni pour la première fois les pays sources, les pays de transit, et les pays de destination des migrants, dans la recherche de solutions concertées. J'y ai d'ailleurs plaidé, au nom de la France, en faveur de cette voie prometteuse qu'est le codéveloppement, que je défends aussi à Bruxelles très régulièrement, afin de mobiliser en sa faveur nos partenaires de l'Union européenne. En effet, c'est en changeant d'échelle que nous parviendrons à des résultats de plus grande envergure.
Mais, pour aborder cette notion plus concrètement, en quoi tout cela peut-il vous concerner, vous, jeunes issus des migrations ?
Tout simplement parce que le principe même du codéveloppement repose sur l'implication des migrants eux-mêmes, ou de leurs familles : nous avons donc besoin de votre mobilisation.
Mais cette mobilisation, pour quoi faire ?
D'emblée, je tiens à réaffirmer devant vous que le codéveloppement ne se confond pas avec une politique d'aide au retour des immigrés, comme on l'entend parfois.
Ce sont en revanche deux axes principaux qui sont mis en avant par mon ministère au titre du codéveloppement : le développement local, d'une part, et la mobilité des compétences, d'autre part.
S'agissant d'abord du développement local, nous accompagnons financièrement les projets montés par les associations de migrants installés en France, et destinés à participer au développement socio-économique et culturel des pays d'origine. C'est ce que nous faisons depuis plusieurs années au Mali, où nous avons accompagné des projets menés par des jeunes de la deuxième génération, en partenariat avec des associations de jeunes du Mali. Et c'est pour faire monter en puissance ce dispositif, que nous avons prévu pour 2007 un programme-cadre de codéveloppement, qui élargira les possibilités de financement de ce type d'initiatives à une trentaine d'autres pays du Sud, prioritairement francophones et désireux de s'engager sur cette voie.
Par ailleurs, et s'agissant de la mobilité des compétences, nous voulons proposer aux migrants les plus qualifiés qui souhaitent demeurer en France où ils sont installés, de transmettre leurs compétences soit au travers de missions de formation de courte durée effectuées dans leur pays d'origine, soit par l'enseignement à distance rendu possible par les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Dans cet esprit, nous finançons d'ores et déjà l'intervention d'assistants techniques issus de la diaspora pour contribuer à l'essor de leur pays d'origine. Par ailleurs, plusieurs accords relatifs aux échanges de jeunes professionnels ont été conclus avec le Maroc, le Sénégal et la Tunisie, afin de permettre une mobilité des jeunes vers des entreprises françaises ayant des implantations dans les pays d'origine de leurs parents.
Telles sont donc les différentes actions que mon ministère est en mesure de soutenir, et d'accompagner. Naturellement, je serai très heureuse de pouvoir en faire bénéficier le FOJIM.
Je tiens d'ailleurs à saluer publiquement votre engagement, résolument tourné vers l'action : en rejetant ainsi la facilité du discours victimaire, en vous prenant en main pour rechercher des solutions aux défis posés par la double appartenance culturelle qui est la vôtre, vous forcez du même coup la société française à modifier son regard sur sa jeunesse issue de l'immigration, et vous contribuez à ouvrir les yeux et les esprits.
Permettez-moi donc de vous adresser mes très sincères encouragements : c'est en effet par de telles actions que vous témoignez très concrètement de votre engagement citoyen, et que vous contribuez à valoriser l'identité plurielle de notre pays. Ce faisant, vous allez aussi à l'encontre de certaines analyses simplistes, tendant à enfermer la jeunesse issue des migrations dans des rôles prédéfinis.
J'ai la conviction que c'est à travers de telles actions et de tels comportements responsables qu'une intégration réussie est possible.
C'est d'ailleurs sur cette notion de responsabilité que je souhaite conclure. Votre démarche, celle du FOJIM, témoigne en effet d'un grand sens des responsabilités, en privilégiant la recherche de solutions concertées au véritable défi du "vivre ensemble" que suppose l'appartenance à une même communauté nationale. Loin du repli communautaire ou religieux, vous privilégiez une approche résolument laïque et républicaine, conforme aux valeurs incarnées par la France.
C'est donc cette voie-là que je souhaite vous encourager à poursuivre, en vous assurant du soutien du gouvernement pour mener à bien vos propositions et vos projets.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 octobre 2006