Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Les débuts d'année sont propices aux voeux et à la prospective. Pour les premiers, à la faveur du nouvel examen de ce texte, je veux souhaiter à chacun d'entre vous, à tous ceux qui vous sont proches, à l'ensemble de celles et ceux qui nous entourent et travaillent dans cette maison des voeux très chaleureux de bonheur et de santé.
Pour ce qui est du second aspect, je ne vais pas dresser un tableau de l'économie de notre pays à l'issue de 9 mois passés à Bercy et à l'orée des mois qui nous conduiront à la fin de la législature. Qu'il me suffise de dire que les grands indicateurs sont, dans l'ensemble, positifs. Le chiffre des créations d'emplois a été en 2000 le plus élevé depuis un siècle. L'inflation s'établit à 1,6 % sur l'année. En dépit de l'atterrissage américain, investissement et consommation, offre et demande, annoncent une croissance solide. Le pouvoir d'achat, renforcé par la baisse des prélèvements, augmentera en 2001. Tout cela rend possible une gestion relativement sereine, mais attentive à la solidarité durable, à la maîtrise des dépenses publiques et à la réduction des déficits publics. L'essentiel est que l'économie recrée de l'emploi et que l'emploi développe désormais l'économie. Nous constatons aussi qu'il n'y a pas d'Etat efficace sans entreprises vivantes et pas d'entreprises prospères sans services publics modernes.
Dans ce contexte, le projet de loi sur l'épargne salariale poursuit, faut-il le rappeler, un triple objectif : généraliser l'accès à l'épargne salariale, faciliter le financement des entreprises, encourager la négociation collective et le dialogue social.
La réforme des modalités de mise en uvre des produits d'épargne salariale dans notre pays était nécessaire. Deux chiffres en témoignent : 97% des salariés des PME, donnée désormais connue, ne bénéficient ni de la participation ni de l'intéressement ; un salarié du secteur privé seulement sur trois peut y prétendre. Au sein même des entreprises qui ont développé des dispositifs d'épargne salariale, les inégalités sont fortes. Une étude de l'INSEE, publiée voici quelques jours, l'a confirmé : moins de 3 millions de salariés du secteur privé et des entreprises publiques, c'est-à-dire à peine un quart d'entre eux, détenaient de l'épargne en entreprise. Démocratiser et simplifier l'accès à l'épargne collective, actuellement peu connue, peu utilisée, est donc important. Sur une base volontaire, des centaines de milliers de salariés auront la possibilité d'accroître leur rémunération globale, de mieux s'associer au devenir de l'entreprise et de concrétiser des projets que le salaire n'autorise pas toujours.
L'entreprise maîtrisera elle aussi sans doute mieux son destin, puisque le nouveau dispositif lui permettra de renforcer ses fonds propres, condition nécessaire pour le développement et la modernisation de notre économie. C'est bien dans ce double avantage au profit du salarié, et de l'entreprise que réside l'esprit de ce projet. Les grandes sociétés françaises, dont 36% des capitaux sont étrangers, y trouveront les outils qui leur permettront de mieux défendre leur indépendance. Les PME, qui connaissent souvent des difficultés pour financer leurs investissements, et les jeunes pousses se verront offrir une ressource plus facile d'accès qui favorisera leur développement. Les instruments stables et sécurisés, dont nous proposons la création, plan d'épargne interentreprises et plan partenarial d'épargne salariale volontaire aux sorties libres et différenciées, constitueront également un atout pour nos grandes entreprises dans la compétition internationale. L'attractivité du site France en sera renforcée. L'investissement, l'activité, l'emploi y trouveront leur compte.
Le renforcement du rôle de la négociation collective dans le champ de l'épargne, axe fort d'un texte qui n'avance pas sur le chemin de l'économie avec des illères sociales, doit être bénéfique au développement du dialogue dans l'entreprise. Si elle n'est pas quantitativement mesurable, l'information est un facteur de production comme le capital et le travail, la qualité des relations entre salariés et employeurs un indice déterminant de la vitalité des entreprises, mais aussi de la satisfaction des salariés dans l'accomplissement de leurs missions. Désormais, à l'obligation annuelle de négocier sur la durée et l'organisation du travail, nous proposons d'ajouter celle qui concerne la mise en place de l'épargne salariale. Le rôle accru des partenaires sociaux aidera à faire reculer, toutes les inégalités, celles que j'évoquais face à l'épargne salariale, celles plus générales héritées du siècle d'où nous venons et que le siècle vers lequel nous allons devra voir diminuer. Leurs représentants sauront, j'en suis convaincu, agir pour que tous les salariés de l'entreprise, salariés nouveaux ou anciens, jeunes et plus âgés, cadres et non cadres, puissent bénéficier d'un accès aux plans d'épargne. La volonté exprimée par les organisations syndicales d'entamer, dès la publication de loi, des négociations sur l'épargne salariale dans les entreprises, prouve, s'il en était encore besoin, la nécessité de la réforme et le bien fondé de la concertation entreprise en amont de la conception de ce texte.
Je tiens de nouveau à saluer la qualité du travail de votre rapporteur, M. Jean-Pierre Balligand, démiurge avec Jean-Baptiste de Foucauld de ce projet, l'apport décisif de votre rapporteur pour avis, M. Pascal Terrasse. Je veux également rappeler le travail collectif mené, lors de la première lecture, par les groupes de la majorité plurielle, notamment, les groupes communiste et socialiste qui ont permis, outre des améliorations formelles importantes, de renforcer sur le fond l'assise de ce texte et l'équilibre général du projet de loi. Je sais l'importance que les verts dans leur propre pluralité ont accordé au volet solidaire de cette Loi. Je souhaite enfin évoquer l'attitude constructive des députés de l'opposition qui, tout en marquant leurs désaccords avec certaines dispositions du texte, ce qui est bien légitime en démocratie, avaient su contribuer, par leurs interventions et leurs remarques, à la précision du dispositif qu'ils n'ont toutefois pas approuvé. Cette nouvelle lecture permettra, je la conçois pour ma part ainsi, de rétablir l'équilibre que nous avions su construire ensemble lors de la discussion en première lecture. Je suis certain que vous parviendrez, que nous parviendrons à ce résultat à l'issue de vos travaux. Pour cela, il vous faudra redonner au texte de ce projet de loi une forme correspondant aux objectifs simples et prioritaires qui sont les nôtres et non à ceux, plus étrangers à nos valeurs, que la majorité sénatoriale a voulu lui assigner. Nul n'a l'intention ici de créer des fonds de pension.
Les sénateurs n'ont pas voulu s'inscrire dans la logique de l'épargne salariale et du renforcement de la démocratie sociale. Certes, et je leur en donne acte, plusieurs des dispositions adoptées par vos collègues de la Haute Assemblée ont amélioré le projet de loi. Néanmoins, il faut reconnaître que le texte qui revient devant vous diffère grandement de celui que vous aviez adopté. Même son titre n'a pas survécu à la tourmente qui semblait régner dans les sages travées du Palais du Luxembourg lors de l'examen de cette loi. Ainsi, la majorité sénatoriale a-t-elle voulu réduire ce texte à un projet de loi sur l'épargne retraite. La position du Gouvernement n'a pas changé. Nous sommes attachés au système de la répartition. L'affectation d'une partie des recettes tirées de l'attribution des licences de téléphonie mobile de nouvelle génération, dites UMTS, va en ce sens.
Mesdames et Messieurs les députés, je sais, avec François Patriat, Secrétaire d'Etat aux PME, et avec Guy Hascouet, Secrétaire d'Etat à l'économie solidaire, pouvoir compter sur la représentation nationale pour redonner à ce texte, son équilibre, sa dimension sociale et solidaire. Il passera ensuite à nouveau devant le Sénat puis reviendra devant vous en lecture définitive à la fin de ce mois ou au début du prochain. Ainsi, avant la fin de l'hiver, il pourra devenir loi de la République et permettre de créer dans les entreprises, notamment les plus petites d'entre-elles, de meilleures relations sociales qui associeront davantage les salariés à leur gestion tout en favorisant une meilleure rétribution de leur travail et à une bonne allocation des ressources pour financer l'activité. Proposer sans imposer, ouvrir des possibles sans créer de contraintes inutiles, garantir les traditions du monde du travail, articuler politique économique de l'emploi et gestion démocratique du social, ce sont des idées que nous défendons. L'épargne salariale est donc une réforme utile, c'est une réforme nécessaire. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de lui apporter votre soutien.
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 18 janvier 2001)