Point de presse de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur l'urgence d'un règlement de la crise du Darfour en raison des risques humanitaire, politique (division du Soudan) et régional (déstabilisation des pays voisins, Tchad et République centrafricaine) et sur la nécessité du déploiement d'une force internationale pour sécuriser le Darfour, Khartoum le 13 novembre 2006.

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Circonstance : Voyage de Ph. Douste-Blazy en Egypte et au Soudan du 11 au 13 novembre 2006 : déplacement au Darfour le 13

Texte intégral

Aujourd'hui, nous voyons bien que, dans ces camps, la question la plus importante est celle de la sécurité. Vous voyez ici, sur ce tarmac, à côté de nous, un bombardier des années 50-55 qui bombarde de temps en temps des villages habités. Et puis, il y a, à cinq kilomètres du camp, des Janjawid qui viennent aussi très régulièrement attaquer le camp.
Tous ces éléments concourent à une catastrophe. Il faut arriver le plus vite possible à un accord politique. Il faut que les Nations unies s'entendent avec l'Union africaine et avec le gouvernement soudanais pour que la raison puisse revenir et que ces exactions cessent.
Q - L'Union africaine, c'est parce qu'ils vous ont dit qu'ils manquaient de moyens ?
R - L'Union africaine, on voit bien aujourd'hui que, si elle a des hommes - je rappelle qu'elle en a 5.000 ou 6.000 alors que l'ONU avait projeté d'en déployer 20.000 - elle est totalement sous-équipée, en particulier en terme d'hélicoptères. Elle est sous-équipée en matériels et en moyens d'organisation. Il faut donc doter la force de l'Union africaine de la logistique des Nations unies. Comme cela, le gouvernement soudanais sera satisfait parce que cela restera une force de l'Union africaine que nous aurons, par ailleurs, su rendre plus efficace. C'est la seule solution que la France préconise ici.
Q - Le gouverneur du nord avait quand même l'air un petit peu sceptique. Il parlait de complot, d'agenda caché...
R - Le gouvernement soudanais est persuadé que la communauté internationale, et en particulier les plus grandes puissances, ont un agenda caché et souhaitent faire tomber le gouvernement. J'ai dit que ce n'était pas le sujet. Le sujet, c'est le risque humanitaire avec déjà 300.000 morts et plus de deux millions et demi de personnes déplacées dans une région, le Darfour, qui est grande comme la France et qui est très aride. Le deuxième risque, c'est un risque politique de division du Soudan. Et enfin, il existe un risque régional avec les répercussions immédiates sur le Tchad et la République centrafricaine.
La meilleure solution pour sécuriser le Darfour, c'est de conforter immédiatement l'Union africaine. Il faut donc donner un appui logistique des Nations unies à l'Union africaine.
Le gouvernement soudanais peut accepter cela. Nous travaillons tous à l'en convaincre. Tout à l'heure, à cinq kilomètres du camp où nous étions, il y avait des Janjawid qui viennent régler des comptes à l'intérieur même du camp. Ces personnes n'ont rien. Il y a des rebelles qui viennent s'affronter pour tout prendre. Il y a des convois humanitaires qui sont rançonnés.
On ne peut pas continuer comme cela. La seule solution, c'est d'expliquer au gouvernement soudanais, ce que j'ai fait, qu'il faut accepter des forces de l'Union africaine avec une logistique des Nations unies, en mettant aussi des forces des Nations unies à la frontière entre le Soudan et le Tchad et à la frontière entre la République centrafricaine et le Soudan. C'est indispensable.
Q - Etait-ce votre principale mission au cours de ce voyage, c'est-à-dire jouer un peu les pompiers internationaux et éteindre cet incendie qui menace dans les pays qui vous préoccupent que sont la Centrafrique et le Tchad ?
R - Il faut avant tout penser au Soudan et dans le Soudan, au Darfour. Mais il faut éviter aussi que cette crise ne puisse s'externaliser vers le Tchad ou vers la République centrafricaine. C'est la raison pour laquelle il faut que le gouvernement soudanais accepte, je le lui ai dit, le plus vite possible, une force africaine qui puisse être évidemment rendue plus efficace par la logistique des Nations unies et qui puisse faire la jonction au niveau des frontières du Tchad et de la République centrafricaine.
Q - (Au sujet du rôle de la communauté internationale)
R - Il est nécessaire de faire partager cette vision avec l'ensemble des membres du Conseil de sécurité. C'est ce que nous allons faire à Addis-Abeba avec Kofi Annan, les 16 et 17 novembre, associés à d'autres pays voisins parce qu'il y a un risque de voir cette région entière tomber dans une guerre entre Arabes et non-Arabes. Le Soudan, qui est le plus grand pays africain, est voisin de neuf autres pays et se situe à la charnière entre le monde arabe et le monde africain. Il est urgent d'agir le plus vite possible.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 novembre 2006