Texte intégral
Q - Vous rentrez du Darfour, cette région du Soudan ravagée par la guerre civile. On va y revenir. Mais je voudrais d'abord évoquer le sort des quatre alpinistes français qui ont disparu au Népal. Est-ce qu'on en sait plus ce matin sur leur sort ?
R - Depuis le 17 octobre, nous n'avons plus de nouvelles de ces quatre alpinistes, dont deux guides de haute montagne, qui avaient entrepris l'ascension du Mont Paldor. Ils devaient rentrer le 5 novembre dernier. Dès le 9 novembre, à notre demande, un hélicoptère des services de secours népalais a effectué une reconnaissance sur zone. Une deuxième rotation a eu lieu depuis. Ces survols n'ont malheureusement pas permis de trouver des indices. Une équipe de sauvetage doit se rendre sur les lieux demain, jeudi 16 novembre. Un hélicoptère déposera au pied du Mont Paldor cette équipe de huit personnes comprenant deux de leurs proches et six guides népalais expérimentés qui connaissent parfaitement le site. J'espère que l'on pourra les retrouver. Notre ambassade à Katmandou est mobilisée et est en contact permanent avec les familles.
Q - Je disais que vous rentrez du Darfour, cette région du Soudan. On va regarder une carte pour voir précisément où cela se trouve, cette région où sévit une guerre civile terrible. Plus de 200.000 morts, deux millions et demi de déplacés. Est-ce qu'il y a un espoir de paix dans cette région ?
R - La situation y est absolument effrayante. Il s'agit d'une véritable catastrophe humanitaire avec près de 250.000 morts et deux millions et demi de déplacés dans un endroit très aride, grand comme la France.
Le Soudan est le plus grand pays d'Afrique et a des frontières avec neuf autres pays. Il existe un risque politique de voir le Soudan se diviser en deux, mais aussi un risque d'extension de ce conflit vers le Tchad et vers la République centrafricaine. Il s'agit d'un endroit charnière entre le monde arabe et le monde africain. Ce qui est terrible, c'est qu'au Tchad, par exemple, il peut y avoir une extension du conflit entre les Arabes et les non Arabes. Il se joue donc beaucoup de choses là-bas.
Q - Justement, le Tchad et la Centrafrique sont des pays francophones. Est-ce que la France va aider ces pays ? Est-ce que la France va renforcer sa présence militaire pour les aider ?
R - Afin d'écarter le risque d'extension du conflit, j'ai demandé à ce qu'il y ait des forces militaires onusiennes aux frontières entre le Tchad et le Soudan, d'une part, et entre la République centrafricaine et le Soudan, d'autre part. Oui, stabilisons le Soudan et le Darfour, mais stabilisons aussi l'ensemble de la région pour ne pas assister à un effet domino et voir ce continent dériver vers une catastrophe. La France, grâce à l'expérience du président de la République, en défendant l'équilibre entre le monde arabe et le monde africain, entre le monde arabe et le monde occidental, peut jouer un rôle fondamental dans la région. Je l'ai dit au président Béchir, le président soudanais, il faut qu'il accepte une force militaire pour stabiliser le Darfour, dans le cadre de l'Union africaine, avec le soutien logistique des Nations unies.
Q - Pour le moment, personne sur place ne veut de l'ONU.
R - Personne ne veut de l'ONU. C'est la raison pour laquelle je suis allé voir le président Béchir pour lui dire : "Vous ne pouvez pas continuer comme cela. Vous souhaitez que soit uniquement présente l'Union africaine. Soit. Mais il faut que l'Union africaine puisse être soutenue par des hélicoptères, par de la logistique provenant des Nations unies, car sinon nous n'y arriverons pas". Si les bandes de rebelles sont plus fortes que les forces qui doivent stabiliser le Darfour, nous n'y arriverons évidemment pas. Je suis allé sur le terrain, je suis allé dans les camps, j'ai vu l'état dans lequel se trouvent ces enfants et ces femmes. Il y a 200.000 personnes aujourd'hui qui n'ont pas accès aux secours humanitaires. L'acheminement humanitaire ne parvient pas à 200.000 personnes. Il faut que cela cesse. Il faut que l'action humanitaire puisse y revenir. Il faut obliger la communauté internationale à réagir et le président Béchir à accepter cette force mixte entre l'Union africaine et l'ONU.
Q - Sur le dossier irakien, est-ce que la défaite du président Bush aux dernières élections change la donne ?
R - C'est la première fois que l'on voit une discussion au Sénat, à la Chambre des représentants menée par des démocrates qui commencent à dire : "Mais quand allons-nous partir ?". Et c'est un sujet qui va être d'actualité puisque, dans quelques jours au Conseil de sécurité des Nations unies, nous allons parler du renouvellement du mandat de la force internationale multinationale. A titre personnel, je pense que si elle partait tout de suite, ce serait encore pire. Mais il faut aussi un calendrier de retrait de la force multinationale. Il faut surtout que les compétences en matière de sécurité puissent revenir aux Irakiens. Un pays ne dispose pas de la souveraineté, s'il ne dispose pas de la police et de la justice. Il n'y aucune raison que ce soit un pays étranger qui dispose de votre police et de votre justice ; c'est cela la clé de l'Irak aujourd'hui.
Q - Un départ des Américains, aujourd'hui, c'est envisageable ?
R - En tout cas, il faut un calendrier. Il y a un occupant, un occupé. Il faut que l'Irak puisse vivre souverainement. C'est ce que la France a toujours dit.
Q - Donc pour vous, les Américains en Irak, c'est une occupation ?
R - Il y a une force multinationale qui est aujourd'hui en Irak, l'Irak est un pays souverain. A partir de là, il faut bien qu'à un moment donné, ils partent. Je crois qu'il faut un calendrier. Et pour la première fois il y a une discussion en cours aux Etats-Unis. Vous savez, un tiers de la population américaine soutient aujourd'hui la force, la présence américaine en Irak. Je crois que maintenant, il est nécessaire d'avoir un calendrier de retrait. C'est à eux à le dire. Il faut surtout que la sécurité revienne aux Irakiens. Il y a une situation proche de la guerre civile en Irak, il ne faut pas l'oublier, avec 120 morts par jour.
Q - Sur le Proche-Orient, on parle d'un gouvernement d'union nationale en Palestine. Est-ce que cela, ça change la donne aussi ?
R - Si véritablement il y a un début de gouvernement d'union nationale. On voit bien que le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et le Premier ministre issu du Hamas, se parlent. Il faut être prudent, car cette annonce n'est pas encore officielle. Si c'était le cas, et si ce gouvernement devait respecter les trois demandes de la communauté internationale, en particulier, l'arrêt de la violence et la reconnaissance d'Israël, il faudrait immédiatement reprendre l'aide directe au peuple palestinien. Entre la poussée de l'armée israélienne d'un côté, le fait qu'il y ait un chômage énorme parmi les jeunes, une crise économique et sociale de l'autre, tous les ingrédients sont réunis. Quand on voit l'Iran, l'Irak, l'Afghanistan et le Liban, tout est là pour que le Proche et le Moyen-Orient explosent. Il faut donc tout faire, et la France fera tout, pour l'éviter, en particulier en demandant l'organisation d'une conférence internationale sur le conflit israélo-palestinien. Le président Chirac l'a demandée. Il faut que les deux parties reprennent confiance. C'est la seule solution. C'est à nous à faire en sorte qu'ils se resserrent la main.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 novembre 2006
R - Depuis le 17 octobre, nous n'avons plus de nouvelles de ces quatre alpinistes, dont deux guides de haute montagne, qui avaient entrepris l'ascension du Mont Paldor. Ils devaient rentrer le 5 novembre dernier. Dès le 9 novembre, à notre demande, un hélicoptère des services de secours népalais a effectué une reconnaissance sur zone. Une deuxième rotation a eu lieu depuis. Ces survols n'ont malheureusement pas permis de trouver des indices. Une équipe de sauvetage doit se rendre sur les lieux demain, jeudi 16 novembre. Un hélicoptère déposera au pied du Mont Paldor cette équipe de huit personnes comprenant deux de leurs proches et six guides népalais expérimentés qui connaissent parfaitement le site. J'espère que l'on pourra les retrouver. Notre ambassade à Katmandou est mobilisée et est en contact permanent avec les familles.
Q - Je disais que vous rentrez du Darfour, cette région du Soudan. On va regarder une carte pour voir précisément où cela se trouve, cette région où sévit une guerre civile terrible. Plus de 200.000 morts, deux millions et demi de déplacés. Est-ce qu'il y a un espoir de paix dans cette région ?
R - La situation y est absolument effrayante. Il s'agit d'une véritable catastrophe humanitaire avec près de 250.000 morts et deux millions et demi de déplacés dans un endroit très aride, grand comme la France.
Le Soudan est le plus grand pays d'Afrique et a des frontières avec neuf autres pays. Il existe un risque politique de voir le Soudan se diviser en deux, mais aussi un risque d'extension de ce conflit vers le Tchad et vers la République centrafricaine. Il s'agit d'un endroit charnière entre le monde arabe et le monde africain. Ce qui est terrible, c'est qu'au Tchad, par exemple, il peut y avoir une extension du conflit entre les Arabes et les non Arabes. Il se joue donc beaucoup de choses là-bas.
Q - Justement, le Tchad et la Centrafrique sont des pays francophones. Est-ce que la France va aider ces pays ? Est-ce que la France va renforcer sa présence militaire pour les aider ?
R - Afin d'écarter le risque d'extension du conflit, j'ai demandé à ce qu'il y ait des forces militaires onusiennes aux frontières entre le Tchad et le Soudan, d'une part, et entre la République centrafricaine et le Soudan, d'autre part. Oui, stabilisons le Soudan et le Darfour, mais stabilisons aussi l'ensemble de la région pour ne pas assister à un effet domino et voir ce continent dériver vers une catastrophe. La France, grâce à l'expérience du président de la République, en défendant l'équilibre entre le monde arabe et le monde africain, entre le monde arabe et le monde occidental, peut jouer un rôle fondamental dans la région. Je l'ai dit au président Béchir, le président soudanais, il faut qu'il accepte une force militaire pour stabiliser le Darfour, dans le cadre de l'Union africaine, avec le soutien logistique des Nations unies.
Q - Pour le moment, personne sur place ne veut de l'ONU.
R - Personne ne veut de l'ONU. C'est la raison pour laquelle je suis allé voir le président Béchir pour lui dire : "Vous ne pouvez pas continuer comme cela. Vous souhaitez que soit uniquement présente l'Union africaine. Soit. Mais il faut que l'Union africaine puisse être soutenue par des hélicoptères, par de la logistique provenant des Nations unies, car sinon nous n'y arriverons pas". Si les bandes de rebelles sont plus fortes que les forces qui doivent stabiliser le Darfour, nous n'y arriverons évidemment pas. Je suis allé sur le terrain, je suis allé dans les camps, j'ai vu l'état dans lequel se trouvent ces enfants et ces femmes. Il y a 200.000 personnes aujourd'hui qui n'ont pas accès aux secours humanitaires. L'acheminement humanitaire ne parvient pas à 200.000 personnes. Il faut que cela cesse. Il faut que l'action humanitaire puisse y revenir. Il faut obliger la communauté internationale à réagir et le président Béchir à accepter cette force mixte entre l'Union africaine et l'ONU.
Q - Sur le dossier irakien, est-ce que la défaite du président Bush aux dernières élections change la donne ?
R - C'est la première fois que l'on voit une discussion au Sénat, à la Chambre des représentants menée par des démocrates qui commencent à dire : "Mais quand allons-nous partir ?". Et c'est un sujet qui va être d'actualité puisque, dans quelques jours au Conseil de sécurité des Nations unies, nous allons parler du renouvellement du mandat de la force internationale multinationale. A titre personnel, je pense que si elle partait tout de suite, ce serait encore pire. Mais il faut aussi un calendrier de retrait de la force multinationale. Il faut surtout que les compétences en matière de sécurité puissent revenir aux Irakiens. Un pays ne dispose pas de la souveraineté, s'il ne dispose pas de la police et de la justice. Il n'y aucune raison que ce soit un pays étranger qui dispose de votre police et de votre justice ; c'est cela la clé de l'Irak aujourd'hui.
Q - Un départ des Américains, aujourd'hui, c'est envisageable ?
R - En tout cas, il faut un calendrier. Il y a un occupant, un occupé. Il faut que l'Irak puisse vivre souverainement. C'est ce que la France a toujours dit.
Q - Donc pour vous, les Américains en Irak, c'est une occupation ?
R - Il y a une force multinationale qui est aujourd'hui en Irak, l'Irak est un pays souverain. A partir de là, il faut bien qu'à un moment donné, ils partent. Je crois qu'il faut un calendrier. Et pour la première fois il y a une discussion en cours aux Etats-Unis. Vous savez, un tiers de la population américaine soutient aujourd'hui la force, la présence américaine en Irak. Je crois que maintenant, il est nécessaire d'avoir un calendrier de retrait. C'est à eux à le dire. Il faut surtout que la sécurité revienne aux Irakiens. Il y a une situation proche de la guerre civile en Irak, il ne faut pas l'oublier, avec 120 morts par jour.
Q - Sur le Proche-Orient, on parle d'un gouvernement d'union nationale en Palestine. Est-ce que cela, ça change la donne aussi ?
R - Si véritablement il y a un début de gouvernement d'union nationale. On voit bien que le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et le Premier ministre issu du Hamas, se parlent. Il faut être prudent, car cette annonce n'est pas encore officielle. Si c'était le cas, et si ce gouvernement devait respecter les trois demandes de la communauté internationale, en particulier, l'arrêt de la violence et la reconnaissance d'Israël, il faudrait immédiatement reprendre l'aide directe au peuple palestinien. Entre la poussée de l'armée israélienne d'un côté, le fait qu'il y ait un chômage énorme parmi les jeunes, une crise économique et sociale de l'autre, tous les ingrédients sont réunis. Quand on voit l'Iran, l'Irak, l'Afghanistan et le Liban, tout est là pour que le Proche et le Moyen-Orient explosent. Il faut donc tout faire, et la France fera tout, pour l'éviter, en particulier en demandant l'organisation d'une conférence internationale sur le conflit israélo-palestinien. Le président Chirac l'a demandée. Il faut que les deux parties reprennent confiance. C'est la seule solution. C'est à nous à faire en sorte qu'ils se resserrent la main.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 novembre 2006