Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
La France dispose d'un système de soins performant, qui est même considéré comme le meilleur au monde ; ce n'est pas moi qui l'indique, c'est l'OMS. Et je suis convaincu que nous avons vraiment amélioré la qualité de notre système de soins en soutenant l'innovation thérapeutique, en rendant la prise en charge des patients mieux coordonnée et plus cohérente, en favorisant les complémentarités entre secteur privé et secteur public, et surtout en veillant à garantir à l'ensemble de nos concitoyens l'égalité d'accès à des soins de qualité.
Toutefois, notre système de soins présente encore deux faiblesses que nous voulons résolument enrayer : la mortalité prématurée élevée (trop de décès avant 65 ans), et les inégalités de santé trop importantes entre les catégories socioéconomiques, les femmes et les hommes et les différentes régions. Nous savons que cette mortalité prématurée, mais aussi une part importante de ces inégalités de santé, relèvent de cinq facteurs de risques principaux : le tabac, l'alcool, les facteurs nutritionnels, le suicide et les accidents de la circulation.
Il n'y a aucune fatalité à ce que ces facteurs de risque perdurent. Nous avons toujours résolument lutté contre eux, et nous continuons dans cette direction, en favorisant clairement une politique de prévention énergique. Nous avons l'un des meilleurs systèmes de soins en matière de soins curatifs, je veux que nous devenions l'un des meilleurs systèmes en matière de prévention.
Je crois que la prévention constitue un changement de vision majeure dans le système de soins : le patient y devient en effet véritablement acteur de sa propre santé, sans attendre que les symptômes se manifestent pour aller chez le médecin.
La prévention est plébiscitée par les patients.
Et je ne m'adonnerai aujourd'hui ni à de l'auto dénigrement, ni à de l'autosatisfaction : il y a des choses qui sont faites en matière de prévention, et ce n'est pas aujourd'hui que l'on va commencer. Mais je veux que ces Assises Nationales de la Prévention marquent un point de départ en termes de méthode : en donnant pour la première fois à l'ensemble des acteurs de notre système de soins la parole, qu'il s'agisse des professionnels de santé, des institutionnels et des usagers, elles permettront de faire utilement le point sur les avancées en matière de prévention tout en dessinant de nouvelles perspectives. Je me réjouis que plus de 150 associations de patients aient été conviées à ces journées qui donneront, j'en suis convaincu, une réelle impulsion à la prévention en France. Pour trouver de nouvelles thématiques, avec de nouveaux acteurs, de nouvelles actions, avec des moyens nouveaux que je serai toujours prêt à consacrer à la prévention.
Je remercie le Docteur Toussaint et l'ensemble des membres du Comité d'orientation de la qualité des travaux qui sont au fondement de ces journées.
Vous vous dîtes peut-être, il s'agit d'un n-ième discours. Non : ces Etats Généraux n'auraient en ce cas aucun intérêt. Ce que je veux, au contraire, c'est que sans tabou, sans auto-censure, vous puissiez avancer des propositions novatrices et tirer un bilan constructif de ce qui a été fait, ou de ce qui n'a pas été fait.
I- Vous le savez, la politique de santé que nous menons est d'ores et déjà résolument tournée vers la prévention.
L'OCDE vient de présenter une comparaison internationale des dépenses des programmes de prévention. Selon l'OCDE, notre pays se classe en 6ème position. Le total des dépenses de prévention, y compris celles incluses dans la consommation de soins, atteint en 2005, 12 Milliards d'Euros, soit 0,7 % du PIB, pour 10,5 Md d'Euros en 2002.
Je ne laisserai donc personne dire que rien n'est fait en matière de prévention. Mais ce que je veux ; c'est que nous puissions faire plus et mieux.
Les lois promulguées en 2004 (santé publique, assurance maladie), en jetant les bases de la réforme de notre système de santé, permettent de renforcer concrètement la prévention. A la suite, cinq plans stratégiques de santé publique ont été décidés. Le Plan cancer, le plan santé-environnement et le plan maladies rares ont été d'ores et déjà mis en oeuvre ; le plan violence, comportements à risques et conduites addictives et le plan maladies chroniques et qualité de vie seront lancé d'ici la fin de l'année.
De plus, 100 objectifs, comprenant 415 propositions d'actions de prévention, ont été définis, ciblant les grandes pathologies (cancers, maladies infectieuses...) les principaux déterminants de la santé (alcool, tabac, environnement...) ou des population cibles (périnatalité, jeunes...). Les trois chantiers présidentiels (sécurité routière, cancer, handicap) font également appel à des démarches ambitieuses de prévention.
Une des innovations majeures de la loi de Santé Publique est que chaque objectif est assorti d'indicateurs mesurables et évaluables. Je me félicite que le premier rapport de suivi de ces indicateurs vienne d'être transmis au Parlement et fasse partie des documents qui vous ont été distribués. C'est donc également la première fois que vous, acteurs nationaux et régionaux, vous disposez d'un état des lieux complet, région par région, de ce qui va mieux ou de ce qui ne va pas. J'ai souhaité que vous disposiez de ce texte, qui montre en toute transparence l'état ou l'évolution de sujets qui sont au coeur de nos préoccupations. J'attire en particulier votre attention sur les cartographies qui ont été réalisées sur la base de certains de ces indicateurs et qui mettent en évidence les disparités régionales. Je sais qu'un atelier est consacré aux inégalités de santé. C'est notre devoir collectif de parvenir à les réduire.
Ces chiffres confortent non seulement les efforts que nous menons, notamment en matière de lutte contre le cancer, contre le VIH ou contre les risques infectieux, mais nous invitent à aller encore plus loin, et ce notamment grâce à une nouvelle impulsion donnée à la politique de prévention.
Il est cependant évident que ce constat doit être approfondi et traduit dans des actions concrètes. J'attends de mes services et de vous-mêmes que vous partiez de ces résultats pour me proposer les suites qu'il convient de lui donner.
La lutte contre les comportements à risque est déjà largement engagée. Je pense bien entendu en premier lieu à l'interdiction totale de fumer dans les lieux publics qui nous permettra de diminuer le tribut lié à la consommation de tabac et qui nous concerne tous, que nous soyons fumeur ou non-fumeur : je le rappelle, sur les 66 000 morts par an dont le tabac est responsable, le tabagisme passif en fait plus 5000. L'aide financière que nous apporterons aux fumeurs dans l'achat de patchs et de produits anti-nicotiniques est le gage de notre volontarisme en matière de lutte contre le tabagisme.
Vous connaissez également mon engagement sur la prévention de l'alcoolisme, notamment chez les femmes enceintes. Il s'est traduit par la publication le 3 octobre dernier de l'arrêté sur le « syndrome d'alcoolisation foetale » qui obligera les producteurs de boisson alcoolisée à placer un pictogramme sur leurs produits, afin d'avertir les femmes attendant enceintes du danger que constitue la consommation d'alcool.
La prévention, c'est aussi le Plan National Nutrition Santé 2 que j'ai présenté le 6 septembre dernier : grâce à des chartes signées avec l'ensemble des industriels alimentaires, nous pourrons avoir une action concrète sur la composition nutritionnelle des aliments en fixant en partenariat avec eux des objectifs quantifiables de réduction de gras, de sel et de sucre, et nous pourrons proposer à l'ensemble des consommateurs une information nutritionnelle précise et lisible grâce à l'étiquetage obligatoire. Or on le sait bien : une mauvaise alimentation est à l'origine d'obésité et de graves troubles de santé (maladies cardio-vasculaires...)
La prévention, c'est aussi le remboursement de l'ostéodensitométrie depuis le 1er juillet 2006, dont entre 2,5 et 3 millions de personnes vont pouvoir bénéficier. C'est également la mise en place des consultations bucco dentaires gratuites pour les enfants de 6 ans et de 12 ans, avec une prise en charge intégrale des soins par l'Assurance Maladie.
C'est également le préservatif à 20 centimes d'euros que nous avons lancé pour endiguer les infections sexuellement transmissibles et le SIDA.
Amplifier le mouvement de prévention passe aussi par le renforcement du dépistage. C'est ce que nous avons fait avec la généralisation du dépistage organisé du cancer du sein pour les femmes âgées de 50 à 74 ans et celle du dépistage du cancer colo-rectal.
Ce mouvement de prévention sera renforcé grâce à la plus grande coordination apportée par la mise en place du médecin traitant et par la création du DMP, clefs de voûte de la réforme de l'Assurance Maladie. Ce dossier médical personnel que j'ai présenté le mois dernier comporte d'ailleurs un volet prévention qui doit permettre d'inscrire les actes de prévention dans la pratique quotidienne de l'ensemble de nos concitoyens.
II- Les Assises nationales nous permettent d'aller au-delà, en mobilisant autour de ces sujets essentiels l'ensemble de la société civile, et en lançant un véritable débat citoyen sur la place de la prévention. J'attends de l'ensemble des acteurs ici présents des propositions concrètes permettant de faire vivre la prévention dans le quotidien des Français.
Ces assises marquent en effet une étape importante d'un processus qui a déjà mobilisé de nombreux experts aux côté de l'administration de la santé. Un diagnostic et un certain nombre de pistes d'améliorations sont contenus dans le rapport présenté par J.F Toussaint, et seront débattus avec tous les participants.
Il me paraît fondamental que ce débat, qui par nature nous concerne toutes et tous, sorte du seul cadre des professionnels et des institutionnels.
Ainsi, ces assises seront poursuivies par des forums régionaux et locaux organisés sous l'égide des Conférences régionales de santé.
Il est en effet important que chaque acteur de santé soit mieux informé. C'est la condition essentielle pour qu'il puisse relayer cette culture de la prévention auprès de ses patients. Mais je le sais, les médecins pratiquent depuis longtemps la prévention. Ainsi, la médecine de ville doit être fortement associée au mouvement, en se fondant sur les deux dispositions législatives des lois de 2004 concernant le médecin traitant et les consultations de prévention. Mais ce qui importe maintenant pour les médecins, c'est d'alléger leurs tâches administratives afin de libérer du temps médical pour qu'ils puissent avoir le temps de faire des consultations supplémentaires de prévention.
Ces consultations de prévention ont commencé à se mettre en place mais encore modestement. Un examen personnalisé en classe de cinquième est en cours d'expérimentation. Depuis mars 2006, la négociation conventionnelle entre l'assurance maladie et les médecins libéraux a enfin abordé le champ de la prévention en ciblant d'abord quelques actions : « iatrogénie médicamenteuse chez les personnes âgées » ; « prévention du cancer du sein » ; « accompagnement des patients diabétiques ». Et nous nous sommes engagés, dans le cadre du plan solidarités grand âge, à ce que, dès 2007, toute personne de plus de 70 ans bénéficie d'une consultation gratuite de prévention.
La commission d'orientation suggère d'amplifier le nombre et la fréquence de ces "rendez vous santé", et de baliser ainsi un parcours de prévention aux différents âges de la vie. C'est une orientation très prometteuse, pour faire gagner la politique de prévention en lisibilité et donc en efficacité. Je vous invite à réfléchir tout particulièrement à cette question. Je demande également que vous réfléchissiez tous ensemble à la création d'une consultation de prévention gratuite pour les moins de 35 ans.
Je voudrais aussi que l'ensemble des professionnels et des représentants des usagers de notre système de soins réfléchissent aujourd'hui à la question de la prise en charge par les employeurs d'un certain nombre d'actes de prévention. Je pense notamment à la maladie du dos, ce mal de ce siècle.
Je voudrais aussi qu'ensemble nous nous interrogions davantage sur les actes de prévention avec les actions de prévention à développer avec les collectivités locales et les complémentaires santé.
Les forums seront aussi l'occasion de partager les actions de prévention déjà mises en oeuvre ou en expérimentation. Dans votre dossier, vous trouverez quelques exemples qui pourront alimenter votre réflexion. Sans pour autant les citer tous, permettez-moi de relever tout particulièrement les nombreuses actions locales sur la nutrition, les centres de santé innovants, les actions pilotes menées par certains établissements scolaires, les initiatives en environnement et au travail. Je vous sollicite tous, dans ces états généraux, pour réfléchir à la façon de les reconnaître, d'en susciter de nouveaux et d'en transposer les réussites. Notre pays est déjà riche de belles initiatives, mais ce qui manque c'est la coordination entre elles. Ces Assises nationales sont l'occasion de justement dessiner des liens entre elles.
Un rapport général de vos assises nationales me sera remis fin novembre et une synthèse de l'ensemble des forums régionaux sera remise avant la fin du premier trimestre 2007. Ils serviront de fondement à la nouvelle impulsion que je veux donner à la politique de prévention et à son inscription définitive dans nos politiques de santé.
La prévention tient au changement de comportement de nos concitoyens. La mobilisation de l'ensemble de la société civile est donc plus que jamais nécessaire.
Ces Etats Généraux, c'est vous qui devez en faire une réussite, pour améliorer la santé de nos concitoyens, pour diminuer la mortalité précoce, et surtout pour changer le rapport de nos concitoyens à leur propre santé.
Je ne sais pas si nous aurons à faire à des évolutions, ou à une révolution.
Ces Etats Généraux, aidez-nous à les mettre en oeuvre.
source http://www.sante.gouv.fr, le 17 octobre 2006