Interview de Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, à RMC le 15 novembre 2006, sur le service civil volontaire.

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Texte intégral

Q- La cohésion sociale - important ! La parité, évidemment important et d'actualité. C. Vautrin, ministre déléguée à la Cohésion sociale et à la Parité est avec nous ce matin. Bonjour.
R- Bonjour.
Q- Merci d'être avec nous, ça fait plaisir de vous recevoir, parce qu'on va parler de choses concrètes. D'abord vous avez une question à poser aux auditeurs de RMC, C. Vautrin.
R- Oui, j'aimerais bien que les auditeurs, qui sont engagés dans des associations, nous disent ce qu'ils en tirent, en quoi est-ce que cela peut être intéressant, parce que de leurs témoignages on peut aider d'autres à s'engager et aller vers la donne associative.
Q- C. Vautrin vous pose cette question, vous répondez, 32.16, rmc info.fr... Le service civil volontaire : journée nationale d'information ce mercredi dans toute la France. Le service civil volontaire, d'abord c'est quoi, C. Vautrin ?
R- C'est la possibilité pour des jeunes de s'engager, de s'engager parce que moi j'en ai assez qu'on dise à longueur de journée : les jeunes ne trouvent pas de boulot, les jeunes n'ont pas envie de se bouger. C'est faux. Il y a énormément de jeunes qui n'ont qu'une envie, c'est de s'engager à côté de chez eux ou au contraire très loin.
Q- S'engager à quoi et comment ?
R- S'engager vers des associations, aussi bien dans l'humanitaire, l'environnemental, tout ce qu'ils peuvent souhaiter, aussi bien dans des associations de proximité. C'est : Je vais voir le Secours Populaire et je vais aider, par exemple des personnes sans abri, comme je vais aider des personnes âgées à côté de chez moi avec Unicité, comme demain je pars avec une ONG en Afrique construire une école. Donc c'est vraiment l'engagement à la carte, sur mesure, c'est aussi bien pour des jeunes diplômés que pour des jeunes qui ne savent plus très bien où ils en sont.
Q- Des jeunes âgés de 16 à 25 ans.
R- 16 à 25 ans révolus, diplômés ou non, et ça je crois que c'est important, parce qu'on peut avoir fait de très brillantes études et se poser la question de se dire, finalement je fais quoi, quel est le sens de ma vie, et d'avoir besoin d'un petit moment où on a un peu besoin de se poser.
Q- Alors je vais où pour m'engager ?
R- Pour m'engager, soit je connais une association avec laquelle j'ai envie de bosser, je vais les voir, soit si je n'ai pas vraiment d'idée, aujourd'hui 15 novembre, je vais à ma préfecture, je vais surtout sur le site, ça sera beaucoup plus simple, je vais sur le site www.service civil volontaire.fr, et là j'ai toutes les adresses possibles dans chaque département, aussi bien d'ailleurs DOM que Métropole, où je sais ce qu'il y a comme réunions d'informations avec les services de l'Etat, les associations, qui expliquent comment ça marche. En deux mots peut-être, le comment ça marche.
Q- Oui, comment ça marche ?
R- C'est donc un engagement pour tous les jeunes entre 16 et 25 ans.
Q- De quelle durée ?
R- 6, 9 ou 12 mois. Ensuite je suis rémunéré, je suis rémunéré 600 euros par mois, ce qui me permet...
Q- 600 euros par mois pendant ces 6, 9 ou 12 mois ?
R- 6, 9 ou 12, ce qui me permet donc de pouvoir faire face aux frais que je peux avoir. Parallèlement à ça, j'ai un tutorat, c'est-à-dire que l'association avec laquelle je vais m'engager va me coacher en quelque sorte. En parallèle, j'aurai une formation sur la République, qu'est-ce que c'est, comment ça fonctionne, comment ça marche. Donc, c'est finalement de l'instruction civique grandeur nature. Et puis, j'ai un accompagnement vers l'insertion professionnelle, parce qu'à terme, l'objectif c'est quand même de trouver un boulot. Je crois que le gros intérêt du service civil volontaire c'est que ça permet aussi de se tester. Je ne suis pas sûr de ce que j'ai envie de faire, eh bien en le faisant dans le bénévolat, je vois effectivement si par exemple j'ai envie d'aller dans le médico-social, ou si au contraire je vais aller par exemple à l'étranger dans une ambassade faire un volontariat administratif, là je vais voir si effectivement je suis vraiment fait pour partir aux antipodes ou pas. Donc c'est vraiment l'engagement...
Q- C'est révélateur.
R- C'est exactement le révélateur de talents et de vocations.
Q- Combien de jeunes, aujourd'hui, accomplissent un service civil volontaire ?
R- On vient de le lancer. Je vous rappelle les grandes étapes : c'est le discours du président de la République, 14 novembre, il y a juste 1 an ; on l'a lancé, là, à la rentrée des vacances, il est opérationnel depuis début octobre, on a 2500 jeunes qui sont aujourd'hui dans le système. On a d'ici la fin de l'année 10.000 places pour accueillir des jeunes, et l'idée c'est qu'en année pleine, on tourne à 50.000 jeunes qui s'engagent chaque année.
Q- C'est insuffisant ça.
R- C'est déjà, si vous voulez...
Q- C'est bien, mais c'est insuffisant. On a tous envie, je ne sais pas moi, j'aurais 20 ans aujourd'hui, 21, 22 ans...
R- Vous les avez dans l'esprit, bien évidemment.
Q- Catherine, ça c'est gentil, mais bon, mais même à 35 ans, ou même à 50 ans, même à 60 ans on aurait envie... même à la retraite. C'est probablement des choses - vous avez une très bonne idée Jean-Jacques, on va appeler immédiatement Larcher sur l'emploi des seniors, je pense que ça fait partie, effectivement... L'intérêt c'est quoi ? C'est qu'une société fraternelle et qui tend la main c'est une société qui permet à chacun de prendre sa place, et c'est ça ce qu'on a envie de faire, et c'est ça l'idée de ce service. C'est : vous avez envie de vous engager, on vous accompagne, on vous aide. Je voudrais dire un mot à côté, de deux autres choses qui sont dans ce socle commun, c'est d'un côté les "Cadets de la République", pour des jeunes qui ont envie d'aller vers la police et donc qui arrivent très jeunes, se forment, et un autre très très beau programme, "Défense deuxième chance". Là, c'est quoi ? C'est l'accueil de jeunes qui sont en rupture, en rupture scolaire, qui n'ont aucune formation, et qui se rendent compte après avoir un peu tourné sans trop savoir que faire, qu'ils ont besoin de reprendre la base, savoir lire, écrire, compter, reprendre un peu un rapport aussi avec leur corps, se refaire aussi bien une santé... Vous savez, c'est Montaigne : "la tête bien faite bien pleine", on est bien dans sa tête, on est bien dans son corps, c'est ça défense deuxième chance. Ça marche très bien, on a aujourd'hui plusieurs établissements qui fonctionnent, l'armée encadre dans ses locaux, et ça permet à des jeunes de se reconstruire et de pouvoir aller vers des formations qualifiantes. Ça fait partie de ce socle de service civil volontaire, parce que c'est une base de volontariat. Je suis jeune, je suis dans un quartier, j'ai quitté l'école en seconde, ça ne marchait pas. Ça fait six mois que je tourne, je ne sais pas où aller. Eh bien, aujourd'hui, le 16 novembre, je vais à la Mission locale, je vais sur le site, j'appelle le 39.39, là, c'est quelqu'un qui me répond et qui éventuellement essaye de monter avec moi un bout de parcours.
Q- On donnera tout ça évidemment, on mettra tout ça sur notre blog, pour que vous soyez évidemment informé. Donc l'objectif c'est 50.000 par an. Il faut aller plus loin, ça coûte cher j'imagine, mais il faut aller plus loin, parce que voilà une initiative formidable.
R- Merci de dire que c'est formidable.
Q- Mais non, on le dit quand c'est formidable, quand ce n'est pas bien, on
le dit aussi.
R- Vous savez, tous ceux qui vont s'engager nous pousseront à aller plus loin, si besoin est. Mettons en place, relevons le challenge des 50.000, on continuera après. Moi ce qui m'intéresse c'est ce mouvement de fond, c'est montrer cette capacité qu'on a d'accomplir ce qu'on a envie de faire, parce que c'est aussi ça, rendre un peu d'espoir, ça me paraît indispensable.
Q- Alors ça va plus loin qu'une mission d'intérêt général, vraiment, franchement. Ça permet aux jeunes de développer un sens civique, de découvrir son futur métier, de réussir son insertion professionnelle quand on a fait des études, ou pas d'ailleurs, comme vous le disiez. Faut-il rendre ce service civil obligatoire ? Oui ou non ? Parce que le débat est engagé. Oui ou non, C. Vautrin ?
R- Je crois qu'il ne faut pas qu'on mélange des choses qui ne sont pas les mêmes. Là, on est sur l'engagement, sur "je réfléchis à ce que je veux faire". La notion du service obligatoire, d'abord on n'est pas sur la même échelle, une classe d'âge c'est 600.000 jeunes, ce n'est pas du tout la même approche, et on sait bien qu'aujourd'hui le côté obligatoire a un certain nombre de difficultés. Enfin, on se souvient tous de la fin de la conscription obligatoire : y allaient ceux qui n'arrivaient pas à se faire pistonner pour ne pas partir, pour être très clair. En même temps, on sait tous que la conscription obligatoire avait aussi l'avantage de permettre à un certain nombre de pouvoir, à ce moment-là, se reconstruire eux aussi, et il y avait une mixité et un brassage social qui était important.
Q- Alors, est-ce que vous êtes, vous, favorable à un service civil obligatoire, franchement ?
R- Pour l'instant, aujourd'hui, je suis sur "réussissons cette démarche". Je ne veux pas mélanger les sujets, qui pour moi ne sont pas les mêmes.
Q- Non mais d'accord, mais vous êtes oui ou non favorable à ce service civil obligatoire ?
R- Aujourd'hui, je pense qu'il faut regarder quelles déclinaisons on peut avoir, ce n'est probablement pas du systématique, je pense qu'il faut regarder...
Q- Donc vous êtes contre l'obligation de service civil ?
R- Ce n'est pas noir ou blanc, vous le savez comme moi, je ne veux pas être dans la réduction...
Q- Vous ne pouvez pas dire "je"...
R- Si, ce que je peux dire, c'est qu'on a le droit d'ouvrir des débats et on a le droit de ne pas immédiatement apporter une réponse en terme de noir ou
blanc.
Q- Donc vous voulez dire, aujourd'hui on ne peut pas mettre en place un service civil obligatoire ?
R- Déjà, il y a un problème budgétaire....
Q- 600.000 jeunes, ça coûterait une fortune.
R- Il y a un problème budgétaire énorme, il y a un problème d'évolution de la défense qui fait qu'aujourd'hui, la défense est une armée de métiers professionnels, on voit bien ce que sont les opérations extérieures aujourd'hui. Ce n'est pas du tout le même métier. En revanche, qu'on ait une démarche d'accompagnement, de mixité, c'est ce qu'on fait là avec le service civil volontaire. Déjà, réussissons cette étape-là et on va voir ce qu'on fait. Moi je crois qu'il ne faut pas mélanger les objectifs.
Q- Il y a un vrai débat d'ailleurs au sein de l'UMP, entre N. Sarkozy qui
est favorable à un service civil obligatoire et F. Fillon qui trouve que ça
coûte trop cher.
R- Ça coûte très cher.
Q- Que disent nos auditeurs, Philippe.
Q- P. Dufreigne : Le débat également se poursuit sur Internet, www.rmc info.fr, sur notre chat. Beaucoup de gens se prononcent en faveur d'un service civil obligatoire. J'ai Patrick par exemple : le service civil doit devenir obligatoire, ça serait justement aller dans le sens de plus de cohésion sociale entre les gens des quartiers et les gens qui viennent d'autres horizons. Par ailleurs, c'est l'objet de la consultation SMS ce matin et on a plus de 80% des gens qui se prononcent en faveur d'un service obligatoire.
R- Mais un service civil.
Q- P. Dufreigne : Civil, oui.
R- Donc on voit bien que nos concitoyens, et ça on l'entend assez régulièrement, ce qu'ils souhaitent c'est qu'on pousse les jeunes à s'engager pour la société, ce qui nous ramène...
Q- Droits et devoirs...
R- Bien sûr, ce qui nous ramène sur le fond du problème : c'est qu'est-ce qu'on met dans le service obligatoire ? Est-ce que le service obligatoire c'est, je suis, tel qu'on l'a connu, dans une caserne à faire une activité...
Q- A rien faire.
R- Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.
Q- Non, non, moi j'ai fait mon service militaire...
R- Pas moi, comme vous l'imaginez ; à une activité militaire, ou est-ce qu'on est sur un engagement vis-à-vis de la société ? C'est là, et c'est ce débat-là, moi, qui m'intéresse, parce que je crois que c'est vers ça qu'il faut qu'on aille, et avec la démarche de service civil volontaire, on est déjà dans : "Je pousse à m'engager pour la société".
Vous êtes ministre de la Cohésion sociale, et la cohésion sociale c'est essentiel dans ce pays, on va parler des handicapés avec Fabien dans un
instant, qui a une question à vous poser, on va parler de la délinquance
aussi, du mariage homo, enfin de quantité de sujets. Vous êtes sur
RMC.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 15 novembre 2006