Interview de M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, à France info le 15 novembre 2006, sur le programme de l'UMP pour l'élection présidentielle de 2007, en matière de délinquance et sur la candidature de Jean-Marie Le Pen.

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Média : France Info

Texte intégral

Q- Dans le projet de loi sur la prévention de la délinquance, les députés UMP viennent de rejeter l'idée de peines plancher pour les récidivistes. N'est-ce pas un cinglant désaveu pour N. Sarkozy ?
R- Loin s'en faut. Voilà maintenant trois ans que j'ai déjà défendu cette idée aux côtés de N. Sarkozy, lorsque j'étais député, j'avais déposé une proposition de loi, cosignée par 180 députés. Ils sont aujourd'hui, je pense, très largement majoritaires derrière cette idée, mais il y a un désaccord de Matignon, un désaccord de la Chancellerie. Donc, il n'est pas question pour nous d'aller semer en quelque sorte, le trouble à l'intérieur du Gouvernement...
Q- C'est-à-dire, que c'est vraiment l'alliance D. de Villepin - P. Clément, a eu raison de la volonté de N. Sarkozy ?
R- Non, mais...Je veux simplement dire que, ce texte de loi sur la prévention de la délinquance est en lui-même très fort ; il y a déjà eu une première lecture au Sénat, il a été voulu par N. Sarkozy, et on voit bien qu'il y a aujourd'hui une situation qui nécessite qu'il y ait des sanctions lisibles. Or ce qui se passe à l'assemblée, c'est que grâce au fait que l'on ait rouvert le débat sur les peines plancher, nous allons avoir une évolution à l'assemblée nationale, avec de nouveaux amendements, qui permettront que les sanctions soient plus lisibles, et qu'il y ait une certitude de la sanction, et surtout de la part des juges la nécessité de motiver les sanctions qui seront proposées. C'est donc une avancée, sachant que, si nous en arrivons là, c'est au conditionnel, je dis bien "serait", et rien n'est terminé, vous savez combien N. Sarkozy est ouvert au débat parlementaire. Et puis, il y a le projet de l'UMP, qui indique clairement, pour la France d'après en quelque sorte, que nous sommes attachés au principe des peines plancher.
Q- Alors, vous nous dites donc à travers ce projet que, si N. Sarkozy est président, et qu'il a une majorité en 2007, les peines plancher, reviendront devant l'assemblée nationale, et on les fera ?
R- Bien évidemment, et je répète que, tout ce qui n'est pas dit aujourd'hui, ne risque pas d'être fait après, c'est pour cela qu'il faut tout dire aujourd'hui.
Q- De la même manière, l'UMP, dans son projet, veut réformer l'ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs, et les députés aujourd'hui disent : "c'est beaucoup plus compliqué, il faut aller doucement". Après 2007, si Sarkozy est président, on réforme l'ordonnance ?
R- Mais nous avons proposé un projet de rupture ; il y aura demain un Conseil national avec encore des possibilités d'amender, et dans ce domaine, nous savons que les Français sont attachés à ce que, à l'égard de la délinquance des mineurs, sachant que les mineurs d'aujourd'hui ne sont pas les mineurs de 1945, il y a plus de violence, plus d'actes de barbarie. Faut-il encore faire référence à ce qui s'est passé à Marseille, et à ce bus incendié, à cette jeune femme, qui est encore aujourd'hui entre la vie et la mort ? Ces actes de barbaries, les Français ne les supportent plus ! Surtout lorsqu'ils sont les actes de multi, multi,multi récidivistes ! Il faut donc la certitude de la sanction, y compris pour des mineurs, notamment de 16 à 18 ans. Il faut notamment que l'excuse de minorité ne soit qu'une exception.
Q- C'est la cinquième loi depuis 2002 dans le domaine de la délinquance...
R- Oui.
Q- Or en un an, on a encore eu une augmentation de 6,6 % des violences aux personnes. N'est-ce pas le signe que la politique de Sarkozy est un échec ?
R- Non, globalement, l'insécurité a chuté de près de 9% depuis 2002...
Q- Pas sur les violences aux personnes.
R- Sur les violences aux personnes, elle a malheureusement augmenté, c'est clair. Et quelque part, lorsque N. Sarkozy démontre que le taux d'interpellation, le taux d'élucidation, est de près de 15% supérieur à ce qu'il était avant 2002, et qu'en même temps, dans la colonne sanctions, on voit que celle-ci reste systématiquement vide... ! Lorsque un délinquant ressort pour la 25ème fois, la 30ème fois, avec une simple admonestation d'un tribunal, et qu'il rentre en faisant le V de la victoire dans sa cité, nos concitoyens ne le supportent plus ! Voilà pourquoi, N. Sarkozy exige qu'en matière de chaîne pénale, il y ait une parfaite cohérence entre l'interpellation qui est faite par les policiers, et la sanction qui est prise par les juges.
Q- "Les Français, n'ont pas besoin de thérapie de choc", a encore déclaré hier, à Toulouse, D. de Villepin. C'est encore une fois, une opposition à la rupture de N. Sarkozy ?
R- Non, absolument pas. Cela ne s'adresse pas à N. Sarkozy. D'ailleurs, demain, il y aura notre Conseil national, où je sais que D. de Villepin est annoncé. Il aura l'occasion d'exprimer sa vision, ses idées, devant les membres du Conseil national. Nous sommes une formation politique ouverte, où nous avons une culture du débat. Je dis qu'il est intéressant qu'une personnalité comme D. de Villepin alimente le débat.
Q- Il a alimenté le débat par exemple, dans un domaine qui vous concerne, c'est le péage urbain, puisque vous êtes ministre de l'aménagement du territoire. Il est pour, A. Juppé, maire de Bordeaux, est plutôt contre. Vous, si vous êtes maire de Nice - d'ailleurs, en avez-vous envie ? -, mettrez-vous un péage urbain à Nice ?
R- D'abord, aujourd'hui, le président du Conseil général des Alpes-Maritimes, n'a pas l'intention de changer de casquette. Ceci étant, la problématique des déplacements et des transports pour laquelle j'ai proposé dans mon département des solutions innovantes, fait partie des propositions de l'UMP et dans notre programme.
Q- Il n'y a pas le péage urbain dans le projet de l'UMP. Faut-il l'ajouter, est-ce une bonne idée ?
R- Non, mais globalement, nous devons avoir une vision plus large de toutes ces choses-là. Que D. de Villepin, fasse une proposition pour les mois qui viennent, c'est une chose, mais que nous ayons une vraie vision écologique de développement durable pour notre pays, avec une nouvelle politique de report des transports, de la route vers le fleuve, vers le rail, vers la mer, avec une volonté de réduire l'émission des gaz à effet de serre beaucoup ambitieuse que celle qui a été exprimée, avec une fiscalité adaptée bien évidemment à tous ceux qui produisent de la pollution, c'est l'ambition de l'UMP. Je dois dire que, ce que propose D. de Villepin peut s'inscrire dans ce débat très offensif de l'écologie au sein de l'UMP. C'est une étape.
Q- Un écolo, un Vert, ici, D. Cohn-Bendit, hier, disait : "Sarkozy est ringard face à S. Royal". Que lui répondez-vous ?
R- Je dis simplement que, N. Sarkozy, qui est d'ailleurs plus jeune, mais en même temps, plus expérimenté, fait partie de ces hommes politiques modernes, de cette nouvelle génération, tout comme, sans doute, un peu S. Royal. On voit bien que les Françaises et les Français aspirent à une nouvelle génération d'hommes et de femmes politiques. Ils l'incarnent chacun dans leur camp, avec...
Q- Cela vous arrangerait qu'elle soit candidate du PS, quand même, vous avez envie que
ce soit elle ?
R- ...avec un avantage pour N. Sarkozy, c'est qu'il est plus talentueux, il est plus expérimenté, il est dans l'action, et de toute évidence, Mme Royal est plus une femme de spectacle.
Q- Vous parlez d'expérience, B. Chirac, dans Le Nouvel Observateur, dit : "J'aimerais bien que mon mari repart pour un cinquième mandat, moi je suis prête". Que répondez-vous à la présidente ?
R- Je ne ferais aucun commentaire sur les intentions de J. Chirac.
Q- Vous avez peur ?
R- Je ne fais aucun commentaire.
Q- A titre personnel, souhaitez-vous que J.-M. Le Pen ait les 500 signatures pour que l'élection ressemble à une vraie élection, ou qu'il soit éliminé par cette règle ?
R- Je souhaite que la démocratie s'applique pleinement. Je ne demande qu'une chose c'est que, M. Le Pen puisse avoir ses signatures, parce que je ne veux pas qu'un certain nombre de ses électeurs puissent être privés de concourir. Ceci étant, je n'imagine pas un seul instant, qu'un élu de l'UMP puisse lui apporter sa signature.
Q- Il se débrouille tout seul ?
R- Et puis, je vais vous dire plus encore ; ce qui compte, c'est qu'un grand nombre d'électeurs qui nous avaient quitté et qui ont rejoint M. Le Pen, un peu par désespoir, un peu parce que nous étions enfermés ces dernières années dans la pensée unique, dans le politiquement correct, prennent conscience aujourd'hui, que les vraies réponses à leurs inquiétudes, c'est N. Sarkozy qui peut les apporter. Qu'ils rejoignent nos rangs, ainsi la candidature de M. Le Pen deviendra inutile.
Q- J.-P. Raffarin, a rejeté la proposition de N. Sarkozy de lui succéder à la présidence de l'UMP quand il sera candidat. Regrettez-vous le nies de J.-P. Raffarin, et faut-il demander à A. Juppé, du coup, de présider l'UMP ?
R- Je considère simplement que, pour l'heure, N. Sarkozy, qui a fait exploser l'UMP en en faisant une grande formation politique, moderne, dans ce XXIème siècle... Vous vous rendez compte, il a été élu par 100.000 militants ! 100.000 ! Aujourd'hui, il a porté cette formation politique à 300.000 adhérents ! Vous pensez que ces militants ont adhéré simplement pour l'UMP, ou aussi pour soutenir, quelque part, N. Sarkozy, en regardant en lui l'homme de défis, l'homme d'avenir, l'homme du changement pour notre pays. A partir de là, c'est à lui qu'il appartiendra de décider, si il doit continuer à présider ou pas l'UMP.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 15 novembre 2006