Texte intégral
Q- B. Thibault, bonjour. Mais que se passe-t-il ? Vous m'avez oublié ce matin ?
R- Pas du tout. Malheureusement, il y a parfois des problèmes techniques qui viennent se greffer dès lors qu'on se déplace. Nous en sommes victimes ce matin, j'en suis vraiment désolé.
Q- J'ai quelques questions avant de continuer avec vous. Je voudrais simplement lancer un appel à tous les adhérents socialistes : qui allez-vous défendre ce soir ? Avancez vos arguments. On va organiser un petit débat entre militants, ce matin, sur l'antenne de RMC pour savoir quelle est la tendance. Vous, B. Thibault, vous ne vous prononcez pas pour ce soir au PS ?
R- Non, je m'en garderais bien vous l'imaginez. Naturellement, en tant que responsable syndical, j'interfère sur un débat qui est d'abord interne à un parti politique et à ses adhérents.
Q- Vous avez des préférences ou pas ?
R- Si j'en exprimais une, ce serait naturellement interprété pour ce que c'est, à savoir un parti pris, ce que je me garderais bien de faire.
Q- Certains répètent qu'il faut, dans notre démocratie, des syndicats forts et respectés et d'autres avancent l'idée de rendre obligatoire l'adhésion à un syndicat, vous y êtes favorable ou pas ?
R- Non, ce n'est pas dans la conception française. Je crois, et aucun syndicat français ne le souhaite. Nous demeurons attachés à un syndicalisme volontaire. Par contre, pour tous ceux, et c'est vrai qu'ils sont nombreux à dire qu'ils veulent des syndicats forts, y compris parfois les employeurs qui n'ont pas une attitude tout à fait conforme à leurs souhaits, dans leur relation avec leur personnel, mais ceux qui sont attachés réellement à un besoin de renforcer les syndicats, je crois qu'il y a une action tout à fait précise à entreprendre : c'est déjà faire respecter la liberté de pouvoir se syndiquer dans les entreprises. Malheureusement, ce n'est pas souvent le cas dans les entreprises françaises.
Q- Je regarde ce qui se passe un peu à l'étranger, comme beaucoup - maintenant, c'est la grande mode, mais c'est normal parce qu'on trouve de bonnes idées parfois - en Suède par exemple, où le Gouvernement a changé, le nouveau ministre conservateur des Finances a une idée : il va faire payer des amendes aux chômeurs qui ne cherchent pas effectivement d'emploi. Vous n'avez pas vu ça ? Les chômeurs vont être mis à l'amende.
R- Oui, encore faudrait-il qu'ils puissent payer...
Q- 75 euros l'amende !
R- Il faut regarder ce qu'est la réalité du chômage dans chacun des pays. Si les Suédois considèrent qu'ils sont d'abord et avant tout victimes de gens fraudant vis-à-vis du système, ce sont eux qui peuvent l'apprécier. En tout cas, s'agissant de la France, il est un fait qu'on ne peut pas dire, que plusieurs millions de salariés, qui sont chômeurs, reconnus par les pouvoirs publics et les statistiques, ou non reconnus d'ailleurs, qu'il y ait 1,4 millions travailleurs pauvres, c'est-à-dire des salariés qui travaillent mais qui peuvent être en dessous du seuil de pauvreté, on ne peut pas dire que ces gens abusent d'un système dans notre pays.
Q- Regardons le programme UMP pour les élections législatives de 2007 et notamment tout ce qui concerne le travail et le pouvoir d'achat. Alors je lis : "Toute heure supplémentaire et toute RTT convertie en temps de travail seront exonérées de charges sociales et d'impôts sur le revenu". Vous êtes pour ou contre ?
R- Non, ce sont des cotisations sociales. Je sais bien que le patronat et une partie de la droite parlent de charges, il s'agit de cotisations. Et d'ailleurs, un des conflits qui est en train de monter très fort aujourd'hui, c'est l'accumulation des exonérations, des aides qu'ont décidées les Gouvernements qui se sont succédés ces dernières années au détriment des recettes de la Sécurité sociale, sans en compenser d'ailleurs l'équivalent financier. Ce qui met la Sécurité sociale, le bien
commun, dans un embarras de plus en plus difficile à gérer.
Q- Mais exonérer d'impôt sur le revenu toute heure supplémentaire et toute RTT convertie en temps de travail, c'est peut-être une bonne idée ça non ?
R- La bonne idée c'est de réfléchir et d'augmenter les salaires. Et, à ce propos nous allons, la première quinzaine de décembre, relancer une campagne. Nous l'avions fait en juin, nous allons le refaire en décembre, le Gouvernement doit convoquer une conférence sur les revenus et l'emploi à la mi-décembre. Nous voulons que cette conférence entende les revendications salariales. Je crois qu'il faut d'abord augmenter les salaires, il n'est pas juste qu'aujourd'hui on puisse travailler à temps plein et ne pas avoir un niveau de ressources suffisant pour vivre dignement. S'agissant des heures supplémentaires, si vous permettez un autre mot, la majorité actuelle qui nous parle des heures supplémentaires est aussi la même majorité qui a diminué, je le rappelle, le taux de rémunération des heures supplémentaires qui était majoré à 25 %, il fut un temps, et qui a été ramené à 10 %. C'est pour ça que le slogan qui était de M. Raffarin à l'époque, chacun s'en souvient et qui est toujours repris : "Il faut travailler plus pour gagner plus" ; est tout à fait relatif dès lors qu'on a diminué le taux de majoration des heures supplémentaires.
Q- Autre proposition UMP : "chacun pourra choisir l'âge de son départ à la retraite", oui ou non ?
R- C'est tout à fait relatif dans la mesure où déjà avec les mesures qui ont été prises, ce choix naturellement dépend du niveau de ressources assurées lorsqu'on prend sa décision de partir en retraite. Or, les réformes qui se sont succédées ont pour caractéristique de diminuer le niveau de revenus de remplacement, le niveau de la retraite auquel on a droit. Donc, inévitablement, les plus bas revenus notamment vont être progressivement incités à reculer l'âge de départ en retraite, ce qui ne veut pas dire que c'est véritablement sur un choix personnel mais surtout sur une contrainte.
Q- Oui ou non, allez vous accepter que l'on mette sur la table les régimes spéciaux de retraite dans une vaste discussion autour des retraites ?
R- Nous savons que nous avons un rendez-vous en 2008, mais il est d'autant plus nécessaire, il faudrait même réexaminer la question des retraites plus tôt, il y a déjà un rendez-vous fixé en 2008. Et il est évident que dans ce cadre là, l'ensemble des situations devront être mises sur la table.
Q- "Création d'un contrat de travail unique - toujours proposition UMP - à durée indéterminée, un CDI donc, dont les droits pour les salariés augmenteront avec le temps, les entreprises gagneront de la souplesse et salariés de la sécurité, dit l'UMP, grâce à l'assurance salaire et retour à l'emploi.
R- Il n'y a jamais eu de contrat de travail unique, il y a toujours eu par exemple de la saisonnalité. Il y a toujours eu des formes de contrats qu'il a fallu négocier et dont nous aimerions pouvoir continuer à négocier les clauses, permettant de s'adapter, à la fois aux métiers et aux entreprises. Je trouve curieux qu'un parti qui se caractérise par beaucoup de libéralisme, de liberté d'initiative se cale sur un contrat unique dont une des tares serait effectivement la construction de droits sociaux progressifs durant la carrière. On imagine pas ou en tout cas, j'ai du mal à l'imaginer que s'agissant des congés payés, et la protection sociale, tout ça ne puisse s'acquérir qu'au fur et à mesure de son ancienneté et il y a des droits qui doivent être reconnus aux salariés dès lors qu'ils travaillent.
Q- Réforme de la formation professionnelle, et création d'un grand service public de l'emploie en fusionnant l'ANPE et l'Unedic, c'est ce que propose aussi l'UMP. Qu'en pensez-vous ?
R- Nous ne sommes pas favorables, nous l'avons déjà dit, à cette mesure. Il y a sans doute une réflexion à avoir s'agissant du service public de l'emploi mais rien n'indique qu'il faille fusionner ces deux organismes.Source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 16 novembre 2006