Texte intégral
Lutte Ouvrière n° 1996 du 3 novembre 2006
Une violence criminelle, sous-produit du fonctionnement de la société
Cette fois, le 28 octobre à Marseille, l'incendie d'un bus a grièvement brûlé une jeune femme qui, même si elle survit, gardera d'importantes séquelles. C'est un crime, il n'y a pas d'autre mot, perpétré par des jeunes sans la moindre conscience.
Le groupe d'imbéciles criminels qui a mis le feu à l'autobus voulait se venger, paraît-il, de la conductrice du bus qui ne s'était pas arrêtée entre deux stations pour les prendre. La semaine précédente, par huit fois, d'autres bus ont été incendiés, surtout dans la banlieue parisienne, sans faire, heureusement, de victimes. Mais c'était par chance. Et ceux qui s'adonnent à ce genre d'opérations prennent de toute façon le risque de tuer aveuglément.
C'est un crime inexcusable, même si les jeunes qui agissent ainsi sont issus des quartiers pauvres et même si certains d'entre eux croient ainsi exprimer leur haine de la société. Ceux qu'ils risquent de tuer sont aussi des pauvres comme eux, leurs parents, leurs proches, des gens de leurs quartiers.
La pauvreté n'excuse pas l'inconscience et encore moins de frapper les siens. Car même si, dans la région parisienne, les incendies de bus à Grigny, à Nanterre, à Trappes ou ailleurs n'ont pas provoqué mort ou blessure, lorsque les conducteurs n'osent plus desservir les quartiers concernés, ce sont les femmes et les hommes de ces quartiers qui sont frappés, ce sont eux qui sont contraints de se rendre au travail ou de se déplacer à pied.
C'est à ceux-là que les jeunes qui s'adonnent à ce genre d'opérations rendent la vie encore plus difficile.
Des criminels inconscients et des imbéciles ont toujours existé. Mais pourquoi la multiplication des cas ?
Lorsque, dans certains quartiers populaires, le chômage dépasse le double ou le triple de la moyenne nationale déjà intolérable, lorsque les jeunes de ces quartiers n'ont aucun espoir de trouver du travail, lorsque, depuis leur petite enfance, ils ont été rejetés de toute éducation adaptée et de tout sentiment d'appartenir à la collectivité, tous ne deviennent pas des imbéciles sans conscience, loin de là. Mais il est inévitable que, sur les marges, se constitue une minorité sans règles, sans respect pour les siens, que le mouvement ouvrier a appelé dans le temps le "lumpen-prolétariat". Le mouvement ouvrier a eu, de tout temps, à dénoncer et bien souvent à combattre ce "lumpen-prolétariat". Non seulement ces éléments déclassés empoisonnaient l'existence des travailleurs, mais bien souvent c'est parmi eux que les patrons, voire l'extrême droite, recrutaient leurs hommes de main.
Alors, même s'ils sont issus des quartiers pauvres, ceux-là ne méritent pas plus de sympathie que les terroristes qui, au nom de causes justes ou pas, font exploser une voiture dans une rue populaire très passante ou au milieu d'un marché.
Tout en rejetant ces gens-là, il ne faut cependant pas que ce rejet fasse oublier le terreau sur lequel ce "lumpen-prolétariat" pousse. Il ne faut pas que cela fasse oublier les responsables de cette situation, ceux qui dominent l'économie, qui sacrifiant tout pour le profit sont responsables du chômage, de la misère qui monte et de tous leurs dégâts collatéraux. Mais aussi les dirigeants politiques des deux bords qui, par servilité ou par veulerie à l'égard du patronat, laissent la misère monter, la vie sociale se décomposer et les quartiers populaires se transformer en jungle.
Mais si les quartiers populaires sont engagés dans cette évolution, c'est parce que toute la société, toute l'économie sont une jungle où seuls comptent le rapport de forces, la puissance et l'argent. Les jeunes criminels sont les produits d'un système infiniment plus criminel. Cela ne les excuse pas, mais il ne faut pas l'oublier non plus.
source http://www.lutte-ouvriere.org, le 6 novembre 2006
Lutte Ouvrière n° 1997 du 10 novembre 2006
Le capitalisme en panne
Une ligne à haute tension déconnectée dans le nord de l'Allemagne pour laisser passer un bateau de croisière, et voilà qu'une dizaine de pays d'Europe, quelque dix millions de consommateurs, ont été frappés par une panne d'électricité. La panne a duré moins d'une heure mais, à ce qu'il paraît, on est passé près d'un black-out à l'échelle de l'Europe occidentale.
La répercussion d'un problème mineur d'un coin du continent sur sa majeure partie est la preuve, dans ce cas par la négative, de l'état d'interdépendance des économies les unes par rapport aux autres. C'est particulièrement vrai pour l'électricité qui ne peut être stockée et où les échanges sont permanents.
Mais pourquoi la panne elle-même ? On pourrait se dire qu'un accident peut toujours arriver. Après tout, si la panne a occasionné de nombreuses gênes -ascenseurs bloqués, trains arrêtés en rase campagne, chauffages éteints-, il n'y a rien eu de catastrophique. Mais quand on en regarde de plus près les causes, cette panne-là en annonce d'autres et, peut-être, de plus graves.
Depuis bien des années, la consommation électrique s'accroît. À celle des entreprises industrielles s'ajoute celle des centres commerciaux, des super et hypermarchés, leur éclairage, leur chauffage, leurs équipements frigorifiques en fonctionnement jour et nuit, sans parler de la publicité. Les usagers particuliers consomment aussi toujours plus parce que c'est une forme d'énergie commode, mais aussi parce qu'ils y sont poussés par l'usage d'une multitude de gadgets plus ou moins utiles. C'est le progrès, pourrait-on se dire. Peut-être. Encore que personne ne maîtrise cette croissance anarchique et, surtout, que l'offre d'électricité ne suit pas en raison du sous-investissement.
Les compagnies qui produisent de l'électricité investissent de moins en moins. Même celles qui, comme EDF, sont nationales, se comportent déjà sur le marché international comme des compagnies privées. Elles préfèrent utiliser leurs profits à racheter des centrales et des réseaux déjà existants ailleurs dans le monde plutôt que de développer les investissements productifs.
Les entreprises d'électricité se comportent comme toutes les grandes entreprises en position dominante : elles préfèrent gagner plus en augmentant les prix mais avec les équipements déjà existants que l'on use jusqu'à la corde.
Bien que la production et la consommation d'électricité des différents pays européens soient interdépendantes, ce sont quand même les autorités nationales qui ont le dernier mot. La contradiction entre l'interdépendance d'un bout à l'autre du continent et le morcellement en autorités nationales est une source de chaos.
Mais il y a pire : le morcellement que l'on introduit en faisant de la distribution de l'électricité un marché, ouvert à la concurrence et à la course au profit. L'électricité devrait être un service public à l'échelle du continent. La course au profit prépare des accidents d'une tout autre ampleur que celui du samedi 4 novembre.
Les États-Unis, pourtant de loin le plus développé et le plus riche des pays capitalistes, ont connu plusieurs pannes géantes, la dernière ayant privé d'électricité New York et près de 50 millions d'Américains.
La panne survenue en 2001 dans le plus riche des États américains, la Californie, avait pour cause directe la concurrence acharnée entre entreprises privées qui, toutes, visaient le profit à court terme au détriment des investissements nécessaires, y compris, à l'instar d'Enron, par l'escroquerie et la fraude.
Le capitalisme américain a bien souvent indiqué l'avenir pour les grands pays européens. La concurrence, la course au profit privé conduisent au chaos. Et ce n'est pas vrai seulement pour l'électricité mais aussi pour l'ensemble de l'économie.
source http://www.lutte-ouvriere.org, le 9 novembre 2006
Lutte Ouvrière n° 1998 du 17 novembre 2006
Ennemi ouvert et faux amis
Dans une longue interview accordée au journal patronal Les Echos, Sarkozy vient de développer son programme économique au cas où il serait élu président de la République en 2007 : «Je veux réconcilier le pays avec le capital.». Sa recette est, au fond, simple: donner encore plus au capital et prendre encore plus aux salariés.
Quelques perles : «On a le droit du travail le plus protecteur», ose-t-il affirmer. Il n'ignore évidemment pas que les gouvernements successifs de gauche comme de droite ont déjà offert au patronat une grande variété de contrats précaires, qui lui permettent de contourner la loi sur les licenciements. Les grandes entreprises et, plus encore, leurs sous-traitants fonctionnent déjà grâce aux intérimaires, licenciables à volonté. Les super et hypermarchés font l'essentiel de leurs profits grâce à un personnel en grande partie à temps partiel non choisi, corvéable à merci.
Mais cela ne suffit pas. Aux «entreprises qui réclament moins d'incertitude sur la durée des procédures de licenciement», Sarkozy promet un contrat unique qui rendrait le licenciement plus facile pour tous.
«C'est le travail qui crée le travail», pontifie Sarkozy. Et de s'en prendre à la politique «qui a consisté à vouloir partager le travail au lieu d'en créer davantage». Jusqu'à nouvel ordre, ce sont les entreprises, c'est-à-dire leurs patrons, qui peuvent créer les emplois qu'ils ne créent pas ! Mais pas pour Sarkozy. Lui, il s'en prend aux travailleurs de ne pas créer eux-mêmes leurs propres emplois.
Il a aussi un petit couplet sur les chômeurs : «Il faut faire en sorte que le demandeur d'emploi ne puisse pas refuser plus de trois offres d'emploi.» En somme, que le chômeur soit obligé d'accepter n'importe quel emploi à n'importe quel prix.
Et, bien sûr, pour Sarkozy, il en est qui partent trop tôt à la retraite. Est-ce la promesse de repousser à 70 ans l'âge de la retraite ? Pour les patrons, il y a en revanche «l'exonération totale des charges sociales et des impôts sur les heures supplémentaires». Façon de dire aux patrons : ne créez pas d'emplois et usez jusqu'aux limites du possible les travailleurs.
Sarkozy annonce d'autant plus clairement la couleur que l'électorat qu'il vise se recrute pour l'essentiel parmi les privilégiés grands et petits, à qui il ne déplaît pas qu'on écrase plus encore les travailleurs, pour en extraire encore plus.
À gauche, c'est du côté des salariés que les candidats cherchent leur électorat. Et ce qui est frappant, c'est l'extrême prudence sur le plan social des trois candidats à la candidature du PS. Mis à part la promesse de Fabius d'augmenter le smic, mais dans des proportions guère différentes de ce que serait son augmentation automatique, il n'y a aucun engagement dont les salariés pourraient s'emparer et le rappeler à l'élu(e). Leur programme, on ne le connaîtra vraiment qu'une fois l'un d'entre eux élu, s'il l'est.
Voilà à quoi se résume pour nous la confrontation électorale prochaine: pile, je gagne, face, tu perds. Avec la droite reconduite au pouvoir, c'est le patronat qui gagne. Avec la gauche, il ne perdra rien.
Les élections à venir permettront aux travailleurs, au mieux, d'exprimer ce qu'ils pensent de leurs ennemis ouverts et de leurs faux amis. Mais, pour arrêter les coups que le patronat leur porte, ce n'est pas sur les urnes qu'ils peuvent compter !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 16 novembre 2006
Lutte Ouvrière n° 1999 du 24 novembre 2006
Royal peut gagner la présidentielle,
mais promet-elle de changer le sort des classes populaires ?
Ainsi donc, les adhérents du Parti Socialiste ont choisi Ségolène Royal comme candidate de leur parti pour l'élection présidentielle. À en croire les sondages, le Parti Socialiste a choisi la candidate qui aurait le plus de chances de l'emporter à cette élection.
On pourrait, bien sûr, se réjouir que Ségolène Royal l'emporte à la présidentielle car cela signifierait la défaite de Sarkozy.
Le gouvernement de droite, au pouvoir depuis quatre ans, a tellement accumulé de mesures antiouvrières, il a tellement aidé le grand patronat à aggraver le sort des travailleurs, il a manifesté si ouvertement son mépris à l'égard du monde du travail que l'électorat populaire a de bonnes raisons de vouloir s'en débarrasser. Et Sarkozy incarne cette droite antipopulaire dans sa variante la plus brutale, avec sa démagogie faite pour plaire à l'électorat lepéniste.
Mais l'électorat populaire peut-il pour autant espérer que Ségolène Royal répondrait à ses besoins les plus élémentaires ? Est-ce qu'il peut espérer qu'elle mettrait fin au chômage, ou même seulement qu'elle le ferait reculer de façon significative ? Est-ce que, avec elle à la présidence, les travailleurs ne vivraient plus sous la menace permanente d'un plan de licenciements ou d'une délocalisation qui les transforme en chômeurs puis en pauvres ?
Est-ce que les jeunes auront l'espoir de commencer autrement leur vie active qu'en galérant de période de chômage en emploi mal payé ou en stages pas payés du tout ?
Est-ce que les classes populaires pourront espérer qu'au moins dans ce qui est du domaine de l'État, il y aura des changements significatifs ? Par exemple assez de crédits pour la construction de logements convenables, à la portée d'un salaire ouvrier, pour résoudre le problème du logement ? S'attaquerait-elle aux promoteurs immobiliers pour enrayer les hausses des loyers qui sont catastrophiques pour bien des ménages des classes populaires ?
Est-ce qu'on peut espérer que l'État donnera à l'Éducation nationale les moyens d'embaucher suffisamment d'instituteurs d'écoles maternelles et d'écoles primaires, permettant aux écoles des quartiers populaires d'assurer une éducation adaptée à tous ?
Malheureusement, on connaît par avance la réponse, et on sait que c'est non.
Ségolène Royal prétend incarner une rupture avec le passé. Elle a cependant été ministre, aussi bien sous Jospin que déjà à l'époque de Mitterrand. On ne peut vraiment pas dire, ni de l'un ni de l'autre, qu'ils ont gouverné en faveur des classes populaires ni qu'ils ont protégé les travailleurs un tant soit peu contre les coups du grand patronat.
Le passé est le passé, pourrait-on se dire. Mais les quelques changements que Ségolène Royal a proposés jusqu'à présent ne vont nullement dans le sens des intérêts des travailleurs. Elle ne promet même pas d'annuler les mesures les plus antiouvrières du gouvernement de droite en place, ce qui serait un minimum. Et surtout elle se garde bien d'annoncer quelque mesure de contrainte que ce soit pour obliger les patrons à utiliser leurs profits élevés de façon utile pour la société, en premier lieu en sauvegardant les emplois. Comment pourrait-elle alors répondre aux problèmes criants qu'affrontent les classes populaires ?
L'élection présidentielle est dans cinq mois. Ségolène Royal aurait le temps de prendre les engagements qu'elle n'a pas pris jusqu'à présent.
Il faudra en tout cas que Ségolène Royal sache que, si les classes populaires haïssent Sarkozy, elles se méfient aussi des bonimenteurs qui ne prennent aucun engagement concret. Cela, les classes populaires pourraient bien le lui rappeler, avant même de voter pour elle.
source http://www.lutte-ouvriere.org, le 23 novembre 2006
Une violence criminelle, sous-produit du fonctionnement de la société
Cette fois, le 28 octobre à Marseille, l'incendie d'un bus a grièvement brûlé une jeune femme qui, même si elle survit, gardera d'importantes séquelles. C'est un crime, il n'y a pas d'autre mot, perpétré par des jeunes sans la moindre conscience.
Le groupe d'imbéciles criminels qui a mis le feu à l'autobus voulait se venger, paraît-il, de la conductrice du bus qui ne s'était pas arrêtée entre deux stations pour les prendre. La semaine précédente, par huit fois, d'autres bus ont été incendiés, surtout dans la banlieue parisienne, sans faire, heureusement, de victimes. Mais c'était par chance. Et ceux qui s'adonnent à ce genre d'opérations prennent de toute façon le risque de tuer aveuglément.
C'est un crime inexcusable, même si les jeunes qui agissent ainsi sont issus des quartiers pauvres et même si certains d'entre eux croient ainsi exprimer leur haine de la société. Ceux qu'ils risquent de tuer sont aussi des pauvres comme eux, leurs parents, leurs proches, des gens de leurs quartiers.
La pauvreté n'excuse pas l'inconscience et encore moins de frapper les siens. Car même si, dans la région parisienne, les incendies de bus à Grigny, à Nanterre, à Trappes ou ailleurs n'ont pas provoqué mort ou blessure, lorsque les conducteurs n'osent plus desservir les quartiers concernés, ce sont les femmes et les hommes de ces quartiers qui sont frappés, ce sont eux qui sont contraints de se rendre au travail ou de se déplacer à pied.
C'est à ceux-là que les jeunes qui s'adonnent à ce genre d'opérations rendent la vie encore plus difficile.
Des criminels inconscients et des imbéciles ont toujours existé. Mais pourquoi la multiplication des cas ?
Lorsque, dans certains quartiers populaires, le chômage dépasse le double ou le triple de la moyenne nationale déjà intolérable, lorsque les jeunes de ces quartiers n'ont aucun espoir de trouver du travail, lorsque, depuis leur petite enfance, ils ont été rejetés de toute éducation adaptée et de tout sentiment d'appartenir à la collectivité, tous ne deviennent pas des imbéciles sans conscience, loin de là. Mais il est inévitable que, sur les marges, se constitue une minorité sans règles, sans respect pour les siens, que le mouvement ouvrier a appelé dans le temps le "lumpen-prolétariat". Le mouvement ouvrier a eu, de tout temps, à dénoncer et bien souvent à combattre ce "lumpen-prolétariat". Non seulement ces éléments déclassés empoisonnaient l'existence des travailleurs, mais bien souvent c'est parmi eux que les patrons, voire l'extrême droite, recrutaient leurs hommes de main.
Alors, même s'ils sont issus des quartiers pauvres, ceux-là ne méritent pas plus de sympathie que les terroristes qui, au nom de causes justes ou pas, font exploser une voiture dans une rue populaire très passante ou au milieu d'un marché.
Tout en rejetant ces gens-là, il ne faut cependant pas que ce rejet fasse oublier le terreau sur lequel ce "lumpen-prolétariat" pousse. Il ne faut pas que cela fasse oublier les responsables de cette situation, ceux qui dominent l'économie, qui sacrifiant tout pour le profit sont responsables du chômage, de la misère qui monte et de tous leurs dégâts collatéraux. Mais aussi les dirigeants politiques des deux bords qui, par servilité ou par veulerie à l'égard du patronat, laissent la misère monter, la vie sociale se décomposer et les quartiers populaires se transformer en jungle.
Mais si les quartiers populaires sont engagés dans cette évolution, c'est parce que toute la société, toute l'économie sont une jungle où seuls comptent le rapport de forces, la puissance et l'argent. Les jeunes criminels sont les produits d'un système infiniment plus criminel. Cela ne les excuse pas, mais il ne faut pas l'oublier non plus.
source http://www.lutte-ouvriere.org, le 6 novembre 2006
Lutte Ouvrière n° 1997 du 10 novembre 2006
Le capitalisme en panne
Une ligne à haute tension déconnectée dans le nord de l'Allemagne pour laisser passer un bateau de croisière, et voilà qu'une dizaine de pays d'Europe, quelque dix millions de consommateurs, ont été frappés par une panne d'électricité. La panne a duré moins d'une heure mais, à ce qu'il paraît, on est passé près d'un black-out à l'échelle de l'Europe occidentale.
La répercussion d'un problème mineur d'un coin du continent sur sa majeure partie est la preuve, dans ce cas par la négative, de l'état d'interdépendance des économies les unes par rapport aux autres. C'est particulièrement vrai pour l'électricité qui ne peut être stockée et où les échanges sont permanents.
Mais pourquoi la panne elle-même ? On pourrait se dire qu'un accident peut toujours arriver. Après tout, si la panne a occasionné de nombreuses gênes -ascenseurs bloqués, trains arrêtés en rase campagne, chauffages éteints-, il n'y a rien eu de catastrophique. Mais quand on en regarde de plus près les causes, cette panne-là en annonce d'autres et, peut-être, de plus graves.
Depuis bien des années, la consommation électrique s'accroît. À celle des entreprises industrielles s'ajoute celle des centres commerciaux, des super et hypermarchés, leur éclairage, leur chauffage, leurs équipements frigorifiques en fonctionnement jour et nuit, sans parler de la publicité. Les usagers particuliers consomment aussi toujours plus parce que c'est une forme d'énergie commode, mais aussi parce qu'ils y sont poussés par l'usage d'une multitude de gadgets plus ou moins utiles. C'est le progrès, pourrait-on se dire. Peut-être. Encore que personne ne maîtrise cette croissance anarchique et, surtout, que l'offre d'électricité ne suit pas en raison du sous-investissement.
Les compagnies qui produisent de l'électricité investissent de moins en moins. Même celles qui, comme EDF, sont nationales, se comportent déjà sur le marché international comme des compagnies privées. Elles préfèrent utiliser leurs profits à racheter des centrales et des réseaux déjà existants ailleurs dans le monde plutôt que de développer les investissements productifs.
Les entreprises d'électricité se comportent comme toutes les grandes entreprises en position dominante : elles préfèrent gagner plus en augmentant les prix mais avec les équipements déjà existants que l'on use jusqu'à la corde.
Bien que la production et la consommation d'électricité des différents pays européens soient interdépendantes, ce sont quand même les autorités nationales qui ont le dernier mot. La contradiction entre l'interdépendance d'un bout à l'autre du continent et le morcellement en autorités nationales est une source de chaos.
Mais il y a pire : le morcellement que l'on introduit en faisant de la distribution de l'électricité un marché, ouvert à la concurrence et à la course au profit. L'électricité devrait être un service public à l'échelle du continent. La course au profit prépare des accidents d'une tout autre ampleur que celui du samedi 4 novembre.
Les États-Unis, pourtant de loin le plus développé et le plus riche des pays capitalistes, ont connu plusieurs pannes géantes, la dernière ayant privé d'électricité New York et près de 50 millions d'Américains.
La panne survenue en 2001 dans le plus riche des États américains, la Californie, avait pour cause directe la concurrence acharnée entre entreprises privées qui, toutes, visaient le profit à court terme au détriment des investissements nécessaires, y compris, à l'instar d'Enron, par l'escroquerie et la fraude.
Le capitalisme américain a bien souvent indiqué l'avenir pour les grands pays européens. La concurrence, la course au profit privé conduisent au chaos. Et ce n'est pas vrai seulement pour l'électricité mais aussi pour l'ensemble de l'économie.
source http://www.lutte-ouvriere.org, le 9 novembre 2006
Lutte Ouvrière n° 1998 du 17 novembre 2006
Ennemi ouvert et faux amis
Dans une longue interview accordée au journal patronal Les Echos, Sarkozy vient de développer son programme économique au cas où il serait élu président de la République en 2007 : «Je veux réconcilier le pays avec le capital.». Sa recette est, au fond, simple: donner encore plus au capital et prendre encore plus aux salariés.
Quelques perles : «On a le droit du travail le plus protecteur», ose-t-il affirmer. Il n'ignore évidemment pas que les gouvernements successifs de gauche comme de droite ont déjà offert au patronat une grande variété de contrats précaires, qui lui permettent de contourner la loi sur les licenciements. Les grandes entreprises et, plus encore, leurs sous-traitants fonctionnent déjà grâce aux intérimaires, licenciables à volonté. Les super et hypermarchés font l'essentiel de leurs profits grâce à un personnel en grande partie à temps partiel non choisi, corvéable à merci.
Mais cela ne suffit pas. Aux «entreprises qui réclament moins d'incertitude sur la durée des procédures de licenciement», Sarkozy promet un contrat unique qui rendrait le licenciement plus facile pour tous.
«C'est le travail qui crée le travail», pontifie Sarkozy. Et de s'en prendre à la politique «qui a consisté à vouloir partager le travail au lieu d'en créer davantage». Jusqu'à nouvel ordre, ce sont les entreprises, c'est-à-dire leurs patrons, qui peuvent créer les emplois qu'ils ne créent pas ! Mais pas pour Sarkozy. Lui, il s'en prend aux travailleurs de ne pas créer eux-mêmes leurs propres emplois.
Il a aussi un petit couplet sur les chômeurs : «Il faut faire en sorte que le demandeur d'emploi ne puisse pas refuser plus de trois offres d'emploi.» En somme, que le chômeur soit obligé d'accepter n'importe quel emploi à n'importe quel prix.
Et, bien sûr, pour Sarkozy, il en est qui partent trop tôt à la retraite. Est-ce la promesse de repousser à 70 ans l'âge de la retraite ? Pour les patrons, il y a en revanche «l'exonération totale des charges sociales et des impôts sur les heures supplémentaires». Façon de dire aux patrons : ne créez pas d'emplois et usez jusqu'aux limites du possible les travailleurs.
Sarkozy annonce d'autant plus clairement la couleur que l'électorat qu'il vise se recrute pour l'essentiel parmi les privilégiés grands et petits, à qui il ne déplaît pas qu'on écrase plus encore les travailleurs, pour en extraire encore plus.
À gauche, c'est du côté des salariés que les candidats cherchent leur électorat. Et ce qui est frappant, c'est l'extrême prudence sur le plan social des trois candidats à la candidature du PS. Mis à part la promesse de Fabius d'augmenter le smic, mais dans des proportions guère différentes de ce que serait son augmentation automatique, il n'y a aucun engagement dont les salariés pourraient s'emparer et le rappeler à l'élu(e). Leur programme, on ne le connaîtra vraiment qu'une fois l'un d'entre eux élu, s'il l'est.
Voilà à quoi se résume pour nous la confrontation électorale prochaine: pile, je gagne, face, tu perds. Avec la droite reconduite au pouvoir, c'est le patronat qui gagne. Avec la gauche, il ne perdra rien.
Les élections à venir permettront aux travailleurs, au mieux, d'exprimer ce qu'ils pensent de leurs ennemis ouverts et de leurs faux amis. Mais, pour arrêter les coups que le patronat leur porte, ce n'est pas sur les urnes qu'ils peuvent compter !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 16 novembre 2006
Lutte Ouvrière n° 1999 du 24 novembre 2006
Royal peut gagner la présidentielle,
mais promet-elle de changer le sort des classes populaires ?
Ainsi donc, les adhérents du Parti Socialiste ont choisi Ségolène Royal comme candidate de leur parti pour l'élection présidentielle. À en croire les sondages, le Parti Socialiste a choisi la candidate qui aurait le plus de chances de l'emporter à cette élection.
On pourrait, bien sûr, se réjouir que Ségolène Royal l'emporte à la présidentielle car cela signifierait la défaite de Sarkozy.
Le gouvernement de droite, au pouvoir depuis quatre ans, a tellement accumulé de mesures antiouvrières, il a tellement aidé le grand patronat à aggraver le sort des travailleurs, il a manifesté si ouvertement son mépris à l'égard du monde du travail que l'électorat populaire a de bonnes raisons de vouloir s'en débarrasser. Et Sarkozy incarne cette droite antipopulaire dans sa variante la plus brutale, avec sa démagogie faite pour plaire à l'électorat lepéniste.
Mais l'électorat populaire peut-il pour autant espérer que Ségolène Royal répondrait à ses besoins les plus élémentaires ? Est-ce qu'il peut espérer qu'elle mettrait fin au chômage, ou même seulement qu'elle le ferait reculer de façon significative ? Est-ce que, avec elle à la présidence, les travailleurs ne vivraient plus sous la menace permanente d'un plan de licenciements ou d'une délocalisation qui les transforme en chômeurs puis en pauvres ?
Est-ce que les jeunes auront l'espoir de commencer autrement leur vie active qu'en galérant de période de chômage en emploi mal payé ou en stages pas payés du tout ?
Est-ce que les classes populaires pourront espérer qu'au moins dans ce qui est du domaine de l'État, il y aura des changements significatifs ? Par exemple assez de crédits pour la construction de logements convenables, à la portée d'un salaire ouvrier, pour résoudre le problème du logement ? S'attaquerait-elle aux promoteurs immobiliers pour enrayer les hausses des loyers qui sont catastrophiques pour bien des ménages des classes populaires ?
Est-ce qu'on peut espérer que l'État donnera à l'Éducation nationale les moyens d'embaucher suffisamment d'instituteurs d'écoles maternelles et d'écoles primaires, permettant aux écoles des quartiers populaires d'assurer une éducation adaptée à tous ?
Malheureusement, on connaît par avance la réponse, et on sait que c'est non.
Ségolène Royal prétend incarner une rupture avec le passé. Elle a cependant été ministre, aussi bien sous Jospin que déjà à l'époque de Mitterrand. On ne peut vraiment pas dire, ni de l'un ni de l'autre, qu'ils ont gouverné en faveur des classes populaires ni qu'ils ont protégé les travailleurs un tant soit peu contre les coups du grand patronat.
Le passé est le passé, pourrait-on se dire. Mais les quelques changements que Ségolène Royal a proposés jusqu'à présent ne vont nullement dans le sens des intérêts des travailleurs. Elle ne promet même pas d'annuler les mesures les plus antiouvrières du gouvernement de droite en place, ce qui serait un minimum. Et surtout elle se garde bien d'annoncer quelque mesure de contrainte que ce soit pour obliger les patrons à utiliser leurs profits élevés de façon utile pour la société, en premier lieu en sauvegardant les emplois. Comment pourrait-elle alors répondre aux problèmes criants qu'affrontent les classes populaires ?
L'élection présidentielle est dans cinq mois. Ségolène Royal aurait le temps de prendre les engagements qu'elle n'a pas pris jusqu'à présent.
Il faudra en tout cas que Ségolène Royal sache que, si les classes populaires haïssent Sarkozy, elles se méfient aussi des bonimenteurs qui ne prennent aucun engagement concret. Cela, les classes populaires pourraient bien le lui rappeler, avant même de voter pour elle.
source http://www.lutte-ouvriere.org, le 23 novembre 2006