Déclaration de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, sur les défis et priorités de l'Union européenne en matière économique, à Paris le 23 novembre 2006.

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Circonstance : Débat au MEDEF "Envie d'Europe : entrepreneurs, l'Europe c'est nous", à Paris le 23 novembre 2006

Texte intégral

Madame et Messieurs les Députés européens,
Monsieur le Président du MEDEF Ile de France,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi d'abord de vous remercier de votre invitation et de vous féliciter pour cette initiative, qui permet de promouvoir auprès des entreprises de France ce que l'Europe fait de concret pour elles. En plaçant votre réunion sous le thème "envie d'Europe ; entrepreneurs, l'Europe c'est nous" vous avez dit l'essentiel en deux expressions. Oui il est temps de retrouver la fierté et l'envie de faire l'Europe. Il faut savoir ce que l'on veut ! Et oui, pour ça, il faut d'abord et avant tout réaliser que l'Europe "c'est nous", ce n'est pas un corps étranger, c'est nous, c'est le fruit de notre volonté collective. Vous avez donc exprimé l'essentiel dès le titre de votre réunion ! Mais vous êtes allés plus loin par vos travaux.
Avec la stratégie de Lisbonne, dont vous avez parlé au cours de la première table ronde, les Européens cherchent à dynamiser ensemble la croissance et l'emploi : ce sont là les deux préoccupations premières de nos concitoyens, et ce sont aussi les deux défis que chacun d'entre vous s'efforce de relever chaque jour dans son entreprise. Les fonds structurels, qui atteindront 14,3 milliards d'euros en France entre 2007 et 2013, et que vous avez abordés dans la deuxième table ronde, sont une autre illustration de ce que l'Europe fait au quotidien pour la compétitivité et la solidarité au sein du continent. Stratégie de Lisbonne, fonds structurels : voilà deux réponses concrètes à tous ceux qui ne voient que notre contribution au budget européen et oublient ce que l'Europe nous apporte en retour.
Permettez-moi donc, en conclusion de ce séminaire, d'évoquer en quelques mots ce que fait l'Europe pour nous aider à tirer parti de toutes les opportunités de la mondialisation, car je suis convaincue qu'il s'agit là de la nouvelle mission que nous devons, aujourd'hui, donner à la construction européenne.
1. La mondialisation est un fait : elle transforme chaque jour la nature des échanges internationaux et transforme la nature du travail, mais aussi notre vie quotidienne. Or l'Europe est bien l'outil qu'il nous faut pour adapter nos entreprises à la mondialisation : par la taille du grand marché, troisième groupe humain après la Chine et l'Inde, par sa place de première puissance économique mondiale, respectée et écoutée en tant que telle dans les enceintes internationales telles que l'Organisation mondiale du Commerce.
Cette ouverture de l'Europe au monde, la France en bénéficie tous les jours : avec 1 % de la population mondiale, elle est le cinquième exportateur mondial de marchandises, le quatrième exportateur de services, et, au sein de l'OCDE, la 3ème terre d'accueil des investissements étrangers. Le marché intérieur européen, qui représente les 2/3 du chiffre d'affaires de nos entreprises, constitue pour elles une base solide. Les nouveaux Etats membres y contribuent chaque jour davantage : nos exportations y ont quadruplé en 10 ans - ce sont d'ores et déjà des milliers d'emplois qui se sont créés ou ont été maintenus en France. 13 milliards d'exportations par exemple en 2005 : réalisons ce que cela représente en activité et en emplois supplémentaires.
Les politiques communes mises en oeuvre par l'Europe contribuent aussi à ce dynamisme. Sur la scène internationale, la politique commerciale commune nous aide à défendre nos intérêts commerciaux : intérêts défensifs pour protéger les entreprises européennes contre les pratiques commerciales déloyales ; intérêts offensifs pour leur ouvrir de nouveaux marchés dans les pays tiers, et spécialement les pays émergents. L'Europe contribue aussi à la cohésion sociale et territoriale : les fonds structurels, qui représenteront 308 milliards d'euros dans toute l'Europe entre 2007 et 2013, permettent à ceux qui en ont le plus besoin de revenir dans la course. La politique de cohésion devient dans le prochain budget la première politique de l'Union. La création prochaine d'un fonds d'ajustement à la mondialisation, qui sera doté de 500 millions d'euros par an, et que la France a fortement soutenu, va également dans la bonne direction. Enfin, avec la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi, l'Europe s'est dotée des bons objectifs : relancer les taux d'activité dans les Etats membres, faire les réformes nécessaires, investir massivement dans la recherche et le développement, pratiquer le développement durable. Ce qu'il faut maintenant, c'est appliquer cette stratégie ; le budget communautaire pour 2007-2013, qui atteindra 864 milliards d'euros, en est une bonne illustration ; les dépenses liées à la stratégie de Lisbonne devraient en représenter jusqu'à 30 % de ce montant. Mais il reste encore beaucoup à faire pour reprendre cette stratégie dans nos politiques nationales, nous le savons tous.
Nous nous y efforçons, notamment grâce à l'élaboration des Programmes nationaux de réforme transmis depuis un an à la Commission. Poursuivons nos efforts. Car alors même que la France et les entreprises françaises tirent déjà leur épingle du nouveau jeu économique mondial, nous ne devons pas mésestimer les inquiétudes que la mondialisation suscite parfois. Certains secteurs de notre société redoutent ces évolutions, sans toujours bien les connaître d'ailleurs. D'autres voient que la globalisation de l'économie entraîne une compétition nouvelle où les plus faibles risquent de rester à l'écart. Dans ce contexte, l'Europe a pu apparaître à certains non comme l'outil de notre adaptation à ces réalités nouvelles, mais comme le symbole même des excès de la mondialisation. C'est inexact. Mais il faut en tenir compte.
Nous ne devons pas non plus nous voiler la face sur la réalité de notre performance collective : l'Europe est encore loin d'être la zone la plus compétitive du monde, comme nous nous en étions donné l'objectif en 2000 lors du lancement de la stratégie de Lisbonne. Sa croissance est inférieure sur le long terme à celle de ses concurrents, les délocalisations intra-européennes sont peu nombreuses mais perçues comme menaçantes ; la population européenne est vieillissante : autant d'indicateurs d'une certaine faiblesse de notre continent face au dynamisme de l'économie mondiale et notamment à celui des grands pays émergents. Cette atonie économique fait écho à la langueur politique qui touche l'Europe. De fait, elles ne sont pas étrangères l'une à l'autre.
2. Que devons-nous faire pour répondre à cette nouvelle donne ?
Je crois tout d'abord qu'il faut l'aborder avec deux certitudes. Première certitude, les attentes de nos concitoyens à l'égard de l'Europe sont énormes, nous le voyons chaque jour, qu'il s'agisse de migrations, d'énergie, d'environnement pour ne prendre que trois exemples de l'actualité.
Deuxième certitude : l'Europe est le bon échelon pour traiter ces sujets. Parce que les effets de taille et que les synergies jouent un plus grand rôle dans la phase actuelle de la mondialisation, notre réponse doit être toujours plus européenne. Aucun d'entre nous ne peut espérer s'en sortir seul dans son coin. Bref, l'Europe a du coffre et de la ressource et elle peut nous aider considérablement dans notre nécessaire adaptation économique. Elle est déjà un formidable réservoir de croissance. A nous de l'aider à exploiter toutes ses potentialités pour créer les conditions de la puissance.
L'aider - et nous aider par là-même. Mais comment ? Les réponses sont connues et évoquées depuis un certain temps.
Au plan économique, pour gagner et réussir la mondialisation, l'Europe doit jouer en équipe, c'est évident. Ce jeu en équipe passe par un renforcement de la coordination des politiques économiques, la poursuite de la construction du marché intérieur basé sur des règles, l'harmonisation lorsqu'elle est nécessaire, par exemple en matière fiscale, le renforcement du dialogue de l'eurogroupe avec la BCE, dans le respect de son indépendance. J'ai vu avec beaucoup d'intérêt vos réflexions récentes sur cette question. Vous-mêmes avez certainement relevé avec intérêt également les déclarations du président de l'Eurogroupe et du commissaire Almunia hier à Bruxelles.
L'adaptation économique de l'Union européenne passe aussi par l'accélération de la politique européenne d'innovation et de recherche. L'Union européenne ne consacre en effet à ses dépenses de R&D qu'un peu moins de 2 % de son PIB, contre plus de 2,5 % pour les Etats-Unis et de 3 % pour le Japon. Nous sommes conscients des efforts qu'il reste à produire, tant sur les dépenses privées que sur les dépenses publiques. Mais nous nous sommes engagés dans la bonne direction : en France, au niveau national, la loi de programme sur la recherche adoptée en avril prévoit un effort de 19,4 milliards d'euros supplémentaires entre 2005 et 2010. Au niveau européen, le budget de la recherche de l'Union dépassera 54 milliards d'euros pour la période 2007-2013, soit une augmentation annuelle de plus de 36 % par rapport à 2006.
Nous devrons aussi améliorer les règles européennes en matière d'innovation, y compris en matière de brevets, et je sais que c'est une préoccupation majeure de votre organisation : au Conseil européen de Lahti en octobre, le président de la République a fait des propositions pour sortir du blocage actuel et prendre appui sur le cadre communautaire pour unifier le contentieux des brevets en Europe. Il faut maintenant aller de l'avant sur ce dossier puisque nos partenaires ont fait bon accueil à cette proposition.
De même, chacun est maintenant conscient de la nécessité d'une mise en place aussi rapide que possible de l'Europe de l'énergie, avec trois objectifs principaux : la sécurité d'approvisionnement, la compétitivité, le respect de l'environnement. Depuis un an, la France a formulé, la première, et continue de formuler des propositions pour avancer sur ce dossier. Le Premier ministre a ainsi proposé la création d'un représentant spécial de l'Union européenne en matière énergétique, car chacun aujourd'hui mesure la nécessité de parler d'une voix unique avec nos grands fournisseurs.
Enfin, nous devons également muscler nos entreprises plongées au coeur de la mondialisation. Cela passe par l'évolution du droit de la concurrence, qui doit aller de pair avec la mise en place de véritables champions européens de taille mondiale. Cela passe aussi par le soutien aux PME - c'est tout le sens du projet de Small Business Act européen que soutient la France.
Pour accélérer la réalisation de ces objectifs économiques, l'adaptation institutionnelle devra également être menée à son terme : l'Europe devra bien sûr se donner les moyens de fonctionner mieux. Elle devra aussi apprendre à mieux cibler son action vers des objectifs structurants préparant l'avenir.
Madame et Messieurs les Députés européens,
Monsieur le Président du MEDEF Ile de France,
Mesdames, Messieurs,
La mondialisation est une donnée économique que nous ne pouvons nier. Il n'est pas question d'ériger l'Europe en forteresse pour prétendre la mettre à l'abri des grands courants de la mondialisation. Ce serait vain. Il s'agit au contraire de s'appuyer sur elle pour nous aider à y trouver toute notre place. Chaque fois qu'il a dû le faire, le gouvernement français a fait ce choix, qui est le choix de l'Europe et de la responsabilité : sur le budget européen pour les années 2007-2013, lors de la conférence ministérielle de l'OMC à Hongkong, où les 25, unis, ont accepté de renoncer à terme aux subventions agricoles à l'exportation, lors de la négociation sur la directive services, qui a été réécrite, comme elle devait l'être, pour promouvoir le marché intérieur dans le respect des droits sociaux. Je vous félicite d'avoir organisé cette réunion-débat pour montrer ce que l'Europe peut nous offrir si nous en saisissons l'opportunité. Et je compte sur votre enthousiasme et votre dynamisme à tous pour faire, ensemble, le choix de l'envie d'Europe.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 novembre 2006