Interview de M. Bernard Van Craeynest, président de la CFE CGC à BFM le 5 octobre 2006, sur la situation sociale et économique, EADS et Airbus.

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Média : BFM

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Hedwige Chevrillon : (...) Beaucoup d'actualités à voir avec vous. Il y a la loi sur la participation qui est en discussion actuellement à l'Assemblée nationale, puis il y a le plan drastique qu'a infligé à AIRBUS son nouveau patron Christian STREIFF. On n'en connaît pas encore tous les détails évidemment, notamment les détails en terme de suppression d'emploi. Est-ce que vous, qui connaissez très bien ce secteur de l'aéronautique, en plus votre syndicat est très présent dans les entreprises qui travaillent autour d'AIRBUS, est-ce que vous êtes inquiet ? Est-ce que vous avez un petit peu plus d'informations ?
Bernard van Craeynest : Pour l'instant, non. Nous sommes, effectivement, inquiets parce que précisément on ne connaît pas le détail du plan de suppression des effectifs, mais ce que je veux souligner c'est que, nous, nous croyons en l'entreprise qui a montré qu'elle était capable de performances et de succès tout à fait remarquables. Ce qui est en train de se produire, c'est un aléa de parcours, un incident...
HC : Un " aléa ", un " incident ", ou alors c'est presque une remise en cause du modèle EADS et AIRBUS ?
BVC : C'est un autre problème qui est récurrent depuis plusieurs années. Cette espèce de bicéphalisme à la direction de l'entreprise et le mariage des cultures allemande et française. Mais, je crois que ce qu'il faut retenir, c'est que l'entreprise est tout à fait performante, elle a parfaitement su démontrer son excellence, elle est donc capable de rebondir. Les nouveaux dirigeants, nommés depuis 3 mois, auxquels nous faisons confiance d'ailleurs parce qu'ils sont montrés dans le passé leur capacité à gérer, y compris des situations de crise. Nous leur faisons confiance, mais nous ne leur faisons pas un chèque en blanc. Nous voulons qu'ils nous démontrent, au-delà de ce qu'il vienne de faire depuis 3 mois pour arriver à une opération vérité, je pense que nous y sommes enfin parvenus et nous connaissons maintenant l'ampleur de la tâche à accomplir, il va falloir qu'ils s'appuient sur le personnel qui a permis cette réussite d'AIRBUS et sur ses représentants dont la CFE-CGC, pour faire en sorte de ne pas "jeter le bébé avec l'eau du bain" et de retrouver confiance et démontrer ainsi qu'AIRBUS est tout à fait capable de traverser cette crise.
HC : Ce qui est assez frappant, c'est que cette opération vérité de Christian STREIFF, on a le sentiment que tout le monde découvre un peu la cacophonie managériale et presque informatique lorsqu'on a appris, alors c'est un petit pan, mais quand même assez important, que les concepteurs informatiques étaient différents, le logiciel informatique entre l'usine de Hambourg et l'usine de Toulouse. Donc, vous n'avez jamais été alerté, vous, de remonter en tant que syndicaliste, par ces dysfonctionnements ?
BVC : Le problème, c'est que nous voyons qu'il y a 2 mondes qui étaient sans doute trop cloisonnés, d'une part en Allemagne, d'autre part en France, qu'il n'y a pas de mécanisme d'alerte pour vérifier que chacun applique bien les décisions et les programmes prévus. C'est sans doute cela qu'il faut corriger. Effectivement, c'est devant l'adversité qu'on démontre sa capacité à tirer les leçons du passé et cet incident pour rebondir et repartir de l'avant. Je crois qu'aujourd'hui cette crise peut être salutaire si, effectivement, on est en capacité d'appliquer les process qui vont permettre de redresser la barre.
HC : Donc, en résumé, vous, vous donnez plutôt non pas un chèque en blanc, mais en même temps vous faites plutôt crédit à la nouvelle direction d'AIRBUS ?
BVC : Oui, à condition que celle-ci sache faire en sorte d'éviter d'autres erreurs qui ont été commises par exemple chez BOEING. Je vous rappelle que le principal concurrent d'AIRBUS, par le passé, a connu une très grave crise de qualité et délais de livraison également vis-à-vis de ses clients. Cette crise résultait du fait qu'à l'américaine, face à la difficulté, BOEING avait énormément licencié. Lorsque les commandes sont revenues, il n'y avait plus les ressources humaines et les compétences pour faire face à ces nouveaux programmes de production. Donc, je crois qu'il est très important de montrer qu'il y a, effectivement, un obstacle important à franchir, mais que c'est en s'appuyant sur les hommes et les femmes, qui ont fait le succès d'AIRBUS depuis plus de 20 ans, qu'on va redresser la barre et qu'on va être en capacité de voler vers de nouveaux succès.
HC : En deux mots, le projet de loi sur la participation est en débat depuis hier à l'Assemblée nationale. Plutôt un projet de loi positif pour la CFE-CGC ?
BVC : Si cela se traduit dans les faits, c'est-à-dire dans les entreprises par l'application effectivement d'une volonté de tenir compte de l'esprit gaullien qui préside à ces mécanismes depuis 1967, c'est-à-dire pas seulement une participation financière, mais également une participation à la gestion. Si les salariés sont associés, si les 8 millions de salariés qui, aujourd'hui, ne perçoivent pas d'intéressement et de participation en perçoivent enfin, je dis : oui. Mais, ce que je souhaite aussi, c'est que le MEDEF, les représentants patronaux, tiennent compte d'un certain nombre d'incitations qui sont prévues puisqu'on parle de formation des salariés aux mécanismes économiques, notamment pour les sensibiliser sur l'intérêt de l'actionnariat salarié, puis également sur le fait qu'on puisse associer plusieurs entreprises sur des intéressements de projet de manière à réduire les écarts qui existent entre les grands donneurs d'ordre et les sous-traitants.
HC : Ça serait une bonne idée. Merci Bernard Van CRAEYNEST. On aura l'occasion d'en reparler lors de la discussion de ce projet de loi, donc qui a commencé hier. Je rappelle que vous êtes le président du syndicat CFE-CGC. Source http://www.cfecgc.org, le 10 octobre 2006