Interview de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, à "24 tchassa" du 1er décembre 2006 notamment sur l'adhésion de la Bulgarie à l'Union européenne et l'ouverture partielle aux ouvriers bulgares du marché du travail français.

Prononcé le 1er décembre 2006

Intervenant(s) : 

Circonstance : Déplacement en Bulgarie, les 30 novembre et 1er décembre 2006

Média : 24 Tchassa

Texte intégral

Q - La Bulgarie risque-t-elle de devenir un membre de "deuxième classe" de l'Union européenne ? Faut-il instaurer pour elle des clauses de sauvegarde dès son entrée en janvier 2007 ?
R - L'adhésion de la Bulgarie à l'Union européenne est le fruit des efforts courageux que votre pays a mené depuis de nombreuses années, en particulier dans le domaine de la justice, de la lutte contre la corruption et le crime organisé. Nous encourageons la Bulgarie à poursuivre résolument dans cette voie et à tirer le meilleur parti possible des mécanismes de suivi instaurés par la Commission européenne, qui lui permettront d'achever son intégration dans les meilleures conditions. Ces mesures, je vous le rappelle, sont fondées sur les traités. Elles n'ont rien de discriminatoire, et valent d'ailleurs aussi pour la Roumanie. La France, pour ce qui la concerne, n'a pas l'intention de demander une mise en oeuvre des clauses de sauvegarde au 1er janvier prochain, car elle a confiance dans la détermination des autorités bulgares à mettre en oeuvre les réformes encore attendues.
Q - Croyez-vous que la lutte des autorités bulgares contre le crime organisé et la corruption sera plus effective dans le cadre de l'Union ?
R - La perspective de l'adhésion à l'Union européenne aura permis à la Bulgarie d'accélérer les réformes, dans tous les domaines et particulièrement dans celui-ci, où c'était nécessaire. Avec la décision d'adhésion au 1er janvier 2007 et la mise en place de mécanismes d'accompagnement, notamment en matière de justice et de lutte contre la corruption, les pays européens montrent qu'ils comptent sur votre pays pour poursuivre, et même renforcer ce combat. Par ailleurs, en devenant un Etat membre, la participation directe de la Bulgarie à la coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures aidera à créer un contexte favorable pour cela. Il faut en tout cas aller jusqu'au bout de ce travail.
Q - La France a-t-elle peur d'un flux migratoire massif de Bulgares après l'adhésion ? Elle envisage d'ouvrir partiellement son marché du travail pour des ouvriers bulgares et roumains. Quels sont les domaines où les ressortissants des deux pays seront acceptés et sous quelles conditions ?
R - La libre circulation des travailleurs est l'un des principes fondateurs de l'Europe. La France est animée par le souci de traiter également les travailleurs bulgares et les ressortissants des autres nouveaux Etats membres. C'est le plus simple. Nous avons décidé ainsi l'ouverture progressive et maîtrisée du marché du travail français depuis le 1er mai 2006 pour les partenaires qui nous avaient rejoints le 1er mai 2004 et dès le jour de l'adhésion pour nos deux nouveaux partenaires, donc à partir du 1er janvier prochain. C'est en fait un traitement plus favorable, car la Bulgarie n'aura pas à attendre deux ans. En pratique, une soixantaine de métiers seront ouverts parmi sept secteurs d'activités couvrant des pans très larges de notre économie : le bâtiment, l'hôtellerie, l'agriculture, etc.
Q - Il y a des voix au Parlement européen selon lesquelles la vie des réacteurs 3 et 4 de la centrale nucléaire de Kozlodouy pourrait entre prolongée de quelques mois. La France soutiendra-t-elle une telle idée au nom de la stabilité énergétique des Balkans ? Comment jugez-vous le fait qu'une compagnie française - Areva - va participer dans la construction de la centrale nucléaire à Béléné ?
R - La décision de fermer les réacteurs 3 et 4 de la centrale de Kozlodouy au plus tard au 31 décembre 2006 est l'une des conditions importantes pour l' adhésion de la Bulgarie à l'Union européenne. Les choses sont claires et la Bulgarie a accepté cette condition. Le choix de construire une seconde centrale nucléaire est judicieux en matière de politique énergétique, et en adéquation avec l'approche stratégique européenne. Nous l'appuyons. Dans cette perspective, la France est un partenaire actif qui contribue directement à l'amélioration des capacités de production électrique du pays, grâce notamment à la participation d'Alstom à la construction de la centrale thermique de Maritza, et à celle d'Areva au consortium retenu pour la construction de la centrale nucléaire de Béléné.
Q - Dans le processus d'élargissement, les différences sociales au sein de l'Union européenne deviennent de plus en plus grandes. Cet écart entre les pays riches et les pays pauvres n'est-t-il pas dangereux pour l'Union ?
R - Le rapprochement entre tous nos pays, c'est-à-dire la convergence des niveaux de développement économique et social des Etats membres est l'un des objectifs principaux de l'Union. La solidarité entre pays européens aide à atteindre cet objectif grâce aux fonds structurels destinés à toutes les régions en retard de développement. La Bulgarie en bénéficiera largement pendant la période 2007-2013. Ce souci de solidarité est au coeur de la conception qu'a la France de la construction européenne. C'est pourquoi, elle a veillé, lors des négociations sur le budget européen 2007-2013, à ce que les efforts financiers des anciens Etats membres permettent de dégager les fonds nécessaires pour contribuer aux développements économique et social des nouveaux Etats membres. La Bulgarie recevra, pour cette période, 12 milliards d'euros. C'est tout à fait considérable. Les exemples de l'Espagne, de l'Irlande, ou même des dix nouveaux Etats membres entrés en 2004, montrent combien l'adhésion contribue à un développement économique rapide et croissant des nouveaux pays membres.
Q - Quel sera le plus grand défi pour les Bulgares après l'adhésion?
R - A mon sens, vous avez relevé le plus grand défi d'ores et déjà avec l'entrée dans l'Union européenne dès 2007. C'est un moment historique très important qui récompense la transformation de votre pays et concrétise la réunification d'une très large partie de l'Europe. Cependant, tout ne s'achève pas le 1er janvier prochain : membre de l'Union européenne, la Bulgarie devra non seulement poursuivre ses réformes, utiliser judicieusement les fonds structurels pour son développement économique et social, mais aussi renforcer la solidité de l'Union à laquelle elle appartient désormais. Le 1er janvier, c'est un nouvel avenir qui commence !.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 décembre 2006