Déclaration de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur l'art et la culture afghane, l'héritage archéologique et les relations culturelles avec l'Afghanistan, Paris le 5 décembre 2006.

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Je suis particulièrement heureux de vous accueillir ici à Paris, au Musée Guimet. Et je suis particulièrement ému d'inaugurer à vos côtés, Monsieur le Vice-Ministre, cette exposition exceptionnelle, en ayant une pensée toute particulière pour Son Excellence Abdul Karim Khoram, ministre de la Culture, de la Jeunesse et de l'Information, et pour l'ensemble des membres de la délégation afghane retenue à Kaboul par les intempéries. Je vous saurais gré de leur transmettre mon message personnel de chaleureuse amitié.
Je n'oublie pas que mon premier voyage en tant que ministre de la Culture et de la Communication fut pour me rendre à Kaboul, il y a deux ans et demi, pour y voir renaître les lumières du cinéma l'Ariana.
En Afghanistan, comme ailleurs, il a fallu le courage du « peuple des ombres », de tous ceux qui, au cours de l'histoire, ce sont dressés, avec la force de leur conscience, de leur détermination, les armes à la main, pour refuser la fatalité, pour combattre contre l'obscurantisme, pour préserver et transmettre leur patrimoine, leur mémoire, leurs racines, en un mot, la culture qui forge, au long des siècles, la liberté et l'identité d'un peuple.
Tout comme votre cinéma, au coeur de votre capitale, a pu renaître de ses cendres, grâce notamment au soutien des cinéastes français, les quelque 220 objets, généreusement prêtés par le Musée National de Kaboul, s'ajoutant au fonds propre du Musée Guimet, vont nous permettre de découvrir, ou de redécouvrir ici pendant quelques mois, l'exceptionnelle richesse de l'histoire et des civilisations de l'Afghanistan.
La solide amitié entre nos deux pays s'est elle-même construite sur cette force de la culture, héritage de l'histoire, lien entre les générations et ciment de la paix, dans un monde où la paix est sans cesse à défendre contre les forces de la haine, de la violence et de la destruction. Un monde où toutes les civilisations savent qu'elles sont mortelles, sans avoir pour survivre besoin de détruire autour d'elle celles et ceux qui ne leur ressemblent pas.
Aussi n'est-ce pas un hasard si, dès le début des années vingt, des liens indéfectibles de connaissance et d'amitié entre la France et l'Afghanistan se sont noués sur le terrain de l'archéologie, qui nous permet de retrouver ensemble les traces de civilisations anciennes et, en étudiant les vestiges du passé, de partir à la rencontre de peuples disparus, de leurs cultures, de leurs croyances, de leurs modes de vie, de leur environnement, de leurs créations. Ce sont ces chemins de lumières que nous ouvrent les trésors retrouvés qui sont proposés ici à nos regards et à nos esprits. Ces mondes nous font plus que rêver. Car ils forment la trame de nos identités, de nos racines, de nos origines. En nous invitant au voyage dans l'espace et dans le temps, sur les routes d'Afghanistan, qui ont toujours été au carrefour des cultures et des civilisations, au coeur des échanges entre les mondes de l'orient et de l'occident, cette exposition nous permet non seulement de révéler une histoire prodigieuse et prestigieuse, elle nous amène sur les traces de cette formidable aventure, qu'est l'aventure humaine, qui s'est toujours construite sur le dialogue et les échanges entre les hommes, plus forts et plus nourris que les fractures et que les guerres qui les séparent.
Je tiens à vous dire combien le Président de la République, M. Jacques Chirac, aurait souhaité inaugurer cette exposition mais ses engagements internationaux l'en ont empêché. Toutefois, je sais qu'il compte la visiter dès que possible. Entre temps, il m'a chargé de remercier le gouvernement de l'Afghanistan et tout particulièrement le Président Karzaï qui a pris la décision, en accord avec le Parlement afghan, que le musée Guimet soit le lieu où puisse être présentée pour la première fois une partie de ces trésors du Musée de Kaboul, sauvés des destructions, après de longues années passées en lieu sûr, alors que le monde entier pouvait craindre qu'ils soient pillés et détruits à tout jamais.
Les objets de la ville gréco-bactrienne d'Ai-Khanoum, ceux de Begram, carrefour de la Route de la soie à l'époque de la grande dynastie kouchane, les trésors des tombes nomades de Tillia Tépé, témoignent de la diversité des courants artistiques et culturels qui ont forgé, au fil des siècles, l'identité de l'Afghanistan.
La France est fière d'avoir participé, dès 1922, avec la création de la Délégation Archéologique Française en Afghanistan (DAFA), à la mise au jour du glorieux passé de l'Afghanistan. C'est en effet à la DAFA, en liaison avec les autorités archéologiques afghanes, que l'on doit la fouille de sites prestigieux comme Bamiyan, Begram, Hadda, Surkh Kotal ou encore Ai Khanoum.
Ce patrimoine archéologique a malheureusement payé un lourd tribut à la période de guerre et de troubles qu'a traversée l'Afghanistan. La destruction des bouddhas de Bamiyan reste dans toutes les mémoires, comme un acte de la barbarie humaine. Bien d'autres sites ont été détruits ou pillés. Le Musée national de Kaboul et ses collections ont subi des dommages irréparables.
Cependant, grâce à un patient travail de restauration entrepris avec l'aide d'institutions étrangères, au premier rang desquels le musée Guimet, les Afghans ont pu préserver une partie significative de leur héritage archéologique, dont les plus beaux exemples nous sont dévoilés aujourd'hui.
C'est, en effet, la première fois que ces objets sortent d'Afghanistan et qu'ils sont exposés au public. L'initiative en revient au Président Karzaï et au Président Chirac, qui tenaient l'un et l'autre à ce que la primeur de cette exposition soit réservée à la France et au Musée Guimet, en témoignage des liens d'amitié qui unissent depuis longtemps nos deux peuples.
Depuis la chute du régime des taliban, comme vous le savez, la France s'est engagée résolument, aux côtés du Gouvernement afghan et de la communauté internationale, dans le processus de stabilisation et de reconstruction de l'Afghanistan. Ce processus passe résolument par la culture.
C'est pourquoi, fidèle à son attachement à la diversité, notre pays accorde une grande importance aux relations culturelles dans sa coopération avec l'Afghanistan. Le centre culturel français de Kaboul et la Délégation archéologique française ont repris leurs activités. Le Théâtre du Soleil d'Ariane Mnouchkine et les Ateliers documentaires VARAN apportent leur soutien à la jeune création afghane. J'ai évoqué le cinéma ARIANA, reconstruit grâce à de généreux donateurs français ; la chaîne ARTE a financé la réhabilitation de l'auditorium du Lycée Esteqlal, l'Institut national de l'audiovisuel contribue à la sauvegarde des archives audiovisuelles afghanes. Il est essentiel, en effet, que le peuple Afghan puisse renouer avec sa mémoire et sa riche tradition culturelle, car ce sont des éléments fondamentaux de l'unité nationale, aujourd'hui plus nécessaire que jamais.
Je tiens à remercier tous nos amis afghans qui ont rendu possible cette exposition, à commencer par le Gouvernement et le Parlement, le Ministère de la culture, de l'information et de la jeunesse et le Musée national de Kaboul. Je remercie également le Musée Guimet et son Président, Jean-François Jarrige, pour cette remarquable exposition, qui donne au monde l'image d'un Afghanistan glorieux, retrouvant progressivement ses racines pour regarder son avenir avec confiance.
Je vous remercie.Source http://www.culture.gouv.fr, le 7 décembre 2006