Texte intégral
Mesdames et Messieurs, merci de votre présence. Je voudrais d'abord dire combien je suis heureux d'accueillir à nouveau mon homologue et amie Tzipi Livni avec laquelle j'entretiens une relation de confiance et d'amitié. Cette relation est à l'image de ce qui unit nos deux pays, et nos échanges de ce matin sont venus le confirmer une nouvelle fois.
Nous avons eu une discussion approfondie sur la situation au Liban et, en particulier, sur la mise en oeuvre de la résolution 1701. J'ai réitéré, à cette occasion, l'attachement de la France à la sécurité d'Israël. Nous sommes entièrement d'accord, je crois, pour dire qu'il faut travailler à la mise en oeuvre pleine et entière de la résolution 1701, par l'ensemble des parties, condition d'une stabilisation durable de la situation entre Israël et le Liban.
La France prendra toute sa part des efforts diplomatiques qui seront déployés à cet effet. Par ailleurs, nous continuons d'appeler à la libération de tous les prisonniers israéliens, sans conditions et le plus rapidement possible.
La question de la relance du processus de paix en vue d'une solution juste au conflit israélo-palestinien et les questions régionales ont également été évoquées.
J'ai tenu à saluer, en particulier, la mise en oeuvre du cessez-le-feu et les récentes déclarations du Premier ministre israélien Ehud Olmert, invitant les Palestiniens à la relance du dialogue et du processus politique, appelant à des compromis courageux en échange d'une paix durable. Il s'agit de premiers pas positifs qui doivent être consolidés.
Sans se substituer aux parties elles-mêmes, la communauté internationale a la responsabilité d'apporter son appui à cette dynamique ; la France et ses principaux partenaires européens sont mobilisés en ce sens.
Enfin, nous avons bien sûr abordé le sujet de l'Iran avec en particulier la réunion, hier, des directeurs politiques du Groupe des Six. Enfin, le renforcement des relations bilatérales et l'approfondissement du dialogue stratégique entre la France et Israël ont été également évoqués. Je remercie encore Mme Tzipi Livni d'être venue ce matin au quai d'Orsay.
Q - Bonjour. Ce matin, vous avez évoqué les pourparlers concernant l'Iran, je crois que vous avez indiqué qu'il y aurait une résolution établie de façon unie. Hier pourtant, votre propre ministère semblait avoir quelques doutes à ce sujet. Pouvez-vous nous préciser votre position ?
R - Concernant la question du Conseil de sécurité des Nations unies au sujet de l'Iran, comme vous le savez, le 30 mai dernier, avec les Américains, les Européens, les Russes et les Chinois, nous avons fait une proposition ambitieuse et positive aux Iraniens concernant l'énergie nucléaire civile et un certain nombre d'autres sujets économiques, tout en leur demandant la suspension des activités nucléaires sensibles.
Après avoir constaté leur refus, le chef de l'Etat au mois de septembre 2006, à l'Assemblée générale des Nations unies, a même proposé la double suspension : suspension, d'une part, de la dynamique de la communauté internationale pour aller vers des sanctions au Conseil de sécurité des Nations unies et, d'autre part, suspension des activités nucléaires sensibles.
Devant à nouveau le refus de l'Iran, il a été décidé d'aller alors devant le Conseil de sécurité pour voter une résolution qui prendrait des mesures, des sanctions contre l'Iran, dans le cadre de l'article 41, Chapitre VII, de la Charte.
Depuis la date-butoir, le 31 août, nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises et il est donc extrêmement important aujourd'hui de trouver une solution.
Je peux vous dire, en effet, que l'idée de sanctions est acceptée globalement mais je pense qu'il est important de se retrouver ensemble, unis, autour d'un projet de résolution. Comme vous le savez, les Européens ont déposé un texte, il y a plusieurs semaines à New York, au Conseil de sécurité des Nations unies. A partir de ce texte, il y a eu des amendements américains et russes, lesquels ont été pris en considération.
Même si hier soir, nous n'avons pas encore pu trouver une solution, je pense que nous la trouverons prochainement afin de présenter ensemble un projet de résolution. Comme vous le savez, il s'agit de prendre des mesures contre les activités de prolifération nucléaire d'une part, et contre les programmes balistiques d'autre part, de l'Iran.
Je réitère donc ce que j'ai dit ce matin.
(...)
Je voudrais profiter de votre question concernant le Sud-Liban pour dire un mot de la résolution 1701. Aujourd'hui, il est évident que la cessation des hostilités est respectée, que l'armée libanaise a pu se déployer au Sud aux côtés de la FINUL, qui s'est considérablement renforcée.
C'est un acquis important qu'il faut consolider. Il faut veiller également au respect de l'embargo et, dans le même temps, s'assurer de l'arrêt des survols aériens. Il ne faut pas s'arrêter là et c'est cela mon message : en relançant le processus, nous devons conduire à un règlement politique et à un cessez-le-feu permanent. Nous en avons parlé ce matin et je suis très heureux du climat de confiance qui s'est instauré dans la discussion que nous avons eue ensemble. Les paramètres de ce processus sont connus, ils figurent d'ailleurs en toutes lettres dans la résolution 1701.
Q - Pour en revenir à l'affaire iranienne et pour une question de crédibilité, pour les Européens et pour les Nations unies, l'objectif est d'adopter un texte avant la fin de l'année. Si les Russes continuent de bloquer le processus, notamment sur les mesures individuelles, cela veut-il dire que vous êtes prêts à forcer un vote aux Nations unies, c'est-à-dire à forcer les Russes à s'opposer formellement ?
R - Je ferai deux remarques.
La première est que j'ai toujours pensé que l'efficacité d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies réside dans l'unité du Conseil de sécurité. Il est donc nécessaire de continuer à faire ce que nous faisons d'ailleurs depuis plusieurs mois, c'est-à-dire de trouver un consensus entre nous.
La deuxième chose, c'est que devant le refus iranien, il faut proposer des sanctions qui puissent être décidées par une communauté internationale unie, mais en même temps, qui puissent être proportionnelles et réversibles. Pourquoi ? Parce qu'il s'agit de dire à l'Iran de revenir à la raison, de revenir vers la communauté internationale et de ne pas s'isoler, en rappelant qu'il y a toujours une possibilité, ne serait-ce qu'en développant l'activité nucléaire civile. Et c'est là, justement, que réside toute l'importance de la signature par l'Iran du Traité de non-prolifération.
Q - Monsieur le Ministre, vous dites que vous êtes très satisfait de la déclaration de M. Olmert concernant le cessez-le-feu. Je veux juste espérer que ce cessez-le-feu sera appliqué en Cisjordanie et à Gaza sinon la situation deviendra trop grave.
R - Concernant ce que vous venez de dire sur le cessez-le-feu, nous saluons les déclarations du Premier ministre israélien, M. Olmert. Nous pensons d'ailleurs que c'est un préalable au retour de la confiance et nous pensons aussi qu'il faut maintenant consolider tout cela.
La communauté internationale a une responsabilité qui est de tout faire pour aider à la reprise du processus de paix et au dialogue politique.
Dans ce cadre, la Feuille de route demeure le cadre de référence mais toutefois, je voudrais ajouter une chose : les parties ne doivent pas s'enfermer dans les préalables, ce serait faire le jeu des extrémistes qui, par une action isolée, pourraient à tout moment briser la dynamique actuelle. Il est évident que nous devons rester fidèles aux principes du Quartet qui, comme Mme Livni l'a d'ailleurs rappelé à plusieurs reprises, ce matin, durant notre tête-à-tête, ont été édictés par les Français. Nous y sommes, donc, évidemment, tout à fait attachés.
Un mot enfin pour vous dire que la France et ses principaux partenaires européens souhaite se mobiliser dans une dynamique initiée par la déclaration du Premier ministre israélien afin qu'un cercle vertueux puisse se mettre en place et se substitue à l'escalade dangereuse de la violence que l'on constate à Gaza depuis au moins 5 mois.
L'Europe, membre du Quartet estime avoir un rôle particulier à jouer.
Vous savez qu'elle est particulièrement impliquée au sein de la FINUL renforcée, ce qui lui donne des responsabilités. Bien évidemment, il ne s'agit pas de se substituer aux parties mais de contribuer au dépassement des blocages actuels par des gestes concrets et par des incitations positives.
Q - Avez-vous abordé avec votre homologue israélien, l'initiative italo-franco-espagnole et dans quelle mesure cela peut-il aider pour relancer le processus de paix ? Avez-vous abordé en particulier, la question du déploiement ultérieur des observateurs en Cisjordanie et à Gaza ?
R - Nous avons évoqué cela et j'ai expliqué à mon homologue l'importance que représente pour nous le processus de paix. Comme je viens de le dire, nous pensons que l'Union européenne peut avoir un rôle tout à fait spécifique d'abord parce qu'il nous paraît essentiel de dire que la confiance manque entre les parties, même s'il faut souligner qu'il y a de la part d'Ehud Olmert et de Mahmoud Abbas, une véritable volonté de se parler. Je souhaite surtout, que du côté palestinien, il puisse y avoir rapidement un nouveau gouvernement et la possibilité d'une reconnaissance des trois principes du Quartet. A partir de là, on pourrait assister à une relance du processus de paix.
L'Union européenne, en particulier, l'Espagne, l'Italie et la France peuvent jouer un rôle important, associés à la présidence de l'Union européenne, ce qui paraît évident.
Q - Est-il vrai que la France, en tant que membre du E3+3, a dit aux Russes, hier soir, qu'elle souhaitait qu'une résolution soit adoptée concernant l'Iran avant la fin de l'année ? Si c'est exact, dans l'éventualité où cette résolution ne serait pas votée, que ferez-vous ?
R - Cela mérite, en effet, une réunion ministérielle, au moins par téléphone, maintenant que les directeurs politiques se sont rencontrés.
Cela nous permettra de faire le point très rapidement sur ce projet de résolution concernant l'Iran. En tout cas, nous sommes en contact permanent.
J'ai rencontré M. Lavrov en marge de la réunion ministérielle de l'OSCE, à Bruxelles, lundi et j'ai eu l'occasion de parler longuement de cette résolution avec lui. Hier, nous avons reçu son directeur politique. J'aurai l'occasion de vous dire, dans quelques jours, quelle est notre position.
Concernant votre première question, sommes-nous pressés ou non ? Eh bien oui, nous le sommes, car je crois qu'il en va de la crédibilité du Conseil de sécurité des Nations unies. Sommes-nous prêts à aller jusqu'aux sanctions ? La réponse est oui et nous allons trouver une solution commune pour être unis dans le cadre d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.
Laissez-moi parler avec mes collègues afin que je puisse vous rendre compte exactement des dates.
Q - Avant le mois de janvier ?
R - Très prochainement.
Q - Il paraît que vous vous rendrez très bientôt en Chine, quel message apporterez-vous au gouvernement chinois, notamment concernant la crise du nucléaire en Iran et de la Corée du Nord ?
R - Concernant la Chine, c'est avec un très grand plaisir que je repartirai dans ce pays. D'abord pour consolider nos relations bilatérales qui sont de plus en plus importantes, tout particulièrement sur le plan économique et plus précisément sur un plan technologique. De plus, ce sera en effet, l'occasion de parler des grands sujets qui sont à l'ordre du jour du Conseil de sécurité : les sujets africains comme le Soudan et le Darfour, et évidemment, le sujet de l'Iran.
Je dois dire que nous travaillons en étroite collaboration avec la Chine sur tous ces sujets. Que ce soit à l'AIEA ou au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, depuis deux ans maintenant, nous agissons ensemble pour que la fermeté et l'unité de la communauté internationale vis-à-vis de l'Iran prévalent. Nous continuerons donc dans ce sens.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 décembre 2006