Texte intégral
Nicolas DEMORAND - Bonjour, monsieur. Jeudi démarre donc à Matignon la Conférence sur l'emploi et les revenus, consacrée essentiellement au thème de la précarité et du pouvoir d'achat. Pourquoi avoir attendu fin 2006 pour aborder ces questions cruciales et sur lesquelles on ne manque pourtant pas d'information depuis longtemps ?
Dominique de VILLEPIN - Alors, d'abord on a beaucoup travaillé sur l'ensemble de ces questions, on a beaucoup progressé ; c'est vrai sur les revenus, c'est vrai sur l'emploi, puisque l'ensemble des dix-huit derniers mois ont été consacré à cette priorité de l'emploi. On a mis en place de nouveaux outils, tel que le contrat "Nouvelles embauches", on a mis en place un service public de l'emploi rénové, on a cherché à mobiliser l'ensemble des outils disponibles, depuis les contrats aidés jusqu'à l'amélioration d'une politique de stage. Donc, dans tous les domaines, on a essayé de pousser le plus loin possible ce qui existait, voire de mettre en place de nouveaux dispositifs. Ce que nous constatons aujourd'hui, c'est trois situations problématiques au sein de la société française. D'abord, il y un certain nombre de Françaises et de Français qui n'accèdent pas ou accèdent difficilement à l'emploi. C'est vrai des jeunes qui ont beaucoup de difficultés à rentrer, pour certains, sur le marché de l'emploi ; c'est vrai des femmes, dont beaucoup sont à temps partiel subi, c'est-à-dire qu'elles aimeraient travailler davantage mais elles ne peuvent pas le faire ; et c'est vrai aussi d'un certain nombre de seniors. Donc, là, il y a des Françaises et des Français qui veulent travailler et qui ont beaucoup de mal à le faire. Et puis, il y a tous les Français qui rencontrent des difficultés dans leur vie quotidienne. Des difficultés, par exemple, pour trouver un logement. Quand vous gagnez 1.500 euros, qu'on vous demande 500 euros de logement, ce n'est pas facile, pas facile de trouver une caution, pas facile de trouver les bonnes garanties. Donc là aussi, il y a des problèmes spécifiques auxquels nous voulons répondre.
Nicolas DEMORAND - Mais c'est un véritable continent, ça, le mal emploi, les sous-revenus, le travail pauvre...
Dominique de VILLEPIN - C'est un continent que nous n'abordons pas sans boussole puisque nous avons eu le rapport du CERC, le rapport de J. Delors, qui a permis d'identifier un certain nombre de ces difficultés. Et puis, nous avons beaucoup travaillé, j'ai rencontré les partenaires sociaux à maintes reprises, identifié beaucoup de pistes. Donc je veux que ce soit à la fois un temps fort du diagnostic, parce que déjà ouvrir les yeux sur des difficultés, c'est beaucoup, mais je veux aussi que ce soit un temps de décisions.
Nicolas DEMORAND - Quelles peuvent être, justement, les décisions de la sphère politique sur des problèmes de ce genre, quand on sait qu'un couple qui vit avec le SMIC est quasiment, quasiment, au seuil de pauvreté, en France ?
Dominique de VILLEPIN - Alors, ça, c'est le troisième problème que nous avons identifié, c'est qu'il faut que le travail paie davantage, et ça, bien sûr, dans un pays démocratique qui reconnaît la place et le rôle du marché, cela passe par une négociation avec les entreprises, avec les branches, en liaison avec les partenaires sociaux. Donc c'est tout cela que nous voulons réactiver. Mais le fait de réunir les partenaires sociaux, d'avoir tout le monde autour d'une table, le fait de partir avec un constat très lucide et très clair, le fait d'avoir tous envie de franchir les obstacles qui sont devant nous, je crois que cela nous permet d'espérer très concrètement, après le 14 décembre, soit d'entamer des négociations tout de suite sur des sujets centraux pour aboutir dans les prochaines semaines et les prochains mois, soit de prendre des mesures concrètes, ce que je souhaite. Moi, je souhaite que nous puissions déboucher, et je ferai des propositions pour déboucher très rapidement sur des mesures concrètes.
Nicolas DEMORAND - Mais lesquelles par exemple ?
Dominique de VILLEPIN - Je prends un exemple : lors des tables rondes avec des femmes à temps partiel, des femmes qui commencent très tôt le matin, qui sont dans des sociétés de nettoyage, qui commencent à 6 heures le matin, qui font un travail en deux temps, qui reprennent leur travail le soir, on constate qu'elles ont énormément de mal à accéder à la formation, on constate qu'elles ont du mal à valider les acquis de l'expérience. Tout cela, il y a des solutions possibles. Il faut, de façon spécifique, prendre l'ensemble de ces sujets et apporter des solutions. J'ai constaté qu'il y avait encore des jeunes qui ne se voyaient proposer aucun stage, qu'il y avait des jeunes qui, alors même qu'ils sont très diplômés - et souvent c'est une exigence pour se voir proposer un emploi -, eh bien n'ont aucune offre d'emploi. Là, je pense qu'il y a des efforts très spécifiques qu'il faut faire et nous ferons des propositions, nous apporterons des réponses. Je prends aussi pour la vie quotidienne...
Nicolas DEMORAND - Mais, par exemple, lesquelles ? Parce que j'ai du mal à imaginer... On connaît, je le disais, depuis longtemps, il y a des travaux de chercheurs en sciences sociales, notamment, qui démontrent bien que le travail pauvre, qui d'abord a existé aux Etats-Unis, commence à exister aujourd'hui et fortement chez nous. Quels sont les leviers, quels leviers avez-vous, en tant qu'homme politique, entre les mains ?
Dominique de VILLEPIN - Les leviers, c'est d'abord la volonté de mettre autour d'une table des gens qui tous ensemble peuvent quelque chose. Quand vous avez d'un côté les syndicats, de l'autre les représentants du Medef, et qu'ils constatent ensemble que les grilles salariales partent de très bas dans les entreprises et en dessous du SMIC, eh bien elles peuvent ensemble faire le constat que ce n'est pas acceptable, et qu'à partir de là, il faut faire différemment. Donc, je crois qu'on peut avoir une approche extrêmement volontariste qui, dès lors que tous les Français, de visu, constatent une situation qui n'est pas acceptable, eh bien on peut trouver ensemble les modalités. Alors, moi, je ne détiens pas seul la clé, je peux mettre sur la table un certain nombre de propositions et accompagner des mesures immédiates. Je pense que dans le domaine de l'aide scolaire, dans le domaine de l'aide ménagère, dans le domaine du logement - parce que le logement est un problème crucial dans la société française -, nous pouvons prendre des mesures d'application immédiate. Je ferai des propositions dans ce sens jeudi.
Nicolas DEMORAND - Travailler plus pour gagner plus, ça vous semble une solution ?
Dominique de VILLEPIN - C'est certainement une solution. Je crois que nous aspirons tous à être davantage responsables de nos vies, nous avons tous dans les mains des capacités, des ambitions. C'est vrai que dès lors qu'on peut décider davantage de son destin, je pense que le bonheur en sort renforcé.
Nicolas DEMORAND - Il y a une polémique constante depuis le mois de septembre sur le pouvoir d'achat des Français, sur ce que S. Royal appelle "la vie chère". Querelle d'indicatif (sic), querelle de mesure, querelle de chiffre... Est-ce que vous allez annoncer un nouvel outil qui pourrait mettre tout le monde d'accord ? Parce le sentiment d'avoir moins de pouvoir d'achat pour la même quantité de travail est un sentiment partagé aujourd'hui.
Dominique de VILLEPIN - Moi, je l'ai dit extrêmement clairement : je vois bien le sentiment de frustration qu'éprouvent les Français et c'est pour cela que j'ai demandé à ce qu'on établisse un nouvel indicateur. Je crois qu'il faut que nous sortions des polémiques stériles sur le sens de tel ou tel indicateur. Il faut qu'on s'entende sur un indicateur qui traduise la réalité des choses et sur lequel tout le monde, de façon incontestable, puisse s'entendre. Donc, nous travaillons à de nouveaux indicateurs qui permettent de mesurer véritablement le pouvoir d'achat des Français, la réalité de l'inflation. Prendre en compte aussi les nouveaux besoins qui sont apparus parce que c'est vrai qu'on est dans une société différente, quand on voit le coût des forfaits téléphoniques portables, de l'Internet à haut débit, tout cela a changé la nature de la consommation. Nous avons plus de besoins, ce qui fait qu'il y a plus d'exigences au bout du chemin.
Nicolas DEMORAND - Est-ce qu'il faut récupérer des leviers sur la Banque centrale européenne ?
Dominique de VILLEPIN - Je me suis exprimé sur ce sujet. Je crois qu'il y a beaucoup de travail encore dans ce domaine, il y a une responsabilité politique, c'est vrai, à affirmer ; je crois qu'il y a aussi une clarification des rôles. La Banque centrale a une responsabilité première pour lutter contre la hausse des prix, pour lutter contre l'inflation ; il faut clarifier la responsabilité dans le domaine de la politique des changes et c'est en récupérant des marges de manoeuvre et des marges de souveraineté que les Etats pourront faire davantage. De ce point de vue, il faut mieux coordonner les travaux entre l'Eurogroupe et la Banque centrale européenne.
Nicolas DEMORAND - Quand S. Royal en critique son omnipotence ; est-ce qu'il faut revoir ce statut, d'après vous ?
Dominique de VILLEPIN - Je pense qu'il faut remettre les choses sur la table, il faut redéfinir les fonctions de chacun. Je crois que la clé, pour y arriver, c'est la bonne volonté, sachant que tous les Etats, de ce point de vue, ne partagent pas le même sentiment, et c'est la grande difficulté. Quand vous voulez changer les choses, si d'autres, autour de vous, ne partagent pas ce sentiment, c'est plus difficile. Donc il faut que nous trouvions un terrain d'entente. Il y a des Etats qui s'accommodent de la situation actuelle, eh bien il se trouve que pour la France, ce n'est pas une situation favorable. Donc comment fait-on au sein de l'Eurogroupe pour améliorer les choses ? C'est une partie difficile qu'il faut mener au niveau politique.
Nicolas DEMORAND - Le premier forum de l'UMP a eu lieu ce week-end ; c'est la réponse imaginée aux primaires socialistes, pour dire qu'à droite aussi on débat démocratiquement. C'était au CNIT, à La Défense, et vous n'y étiez pas.
Dominique de VILLEPIN - Non, mais je pense que c'est un débat qui était utile.
Nicolas DEMORAND - Et à Lyon, vous y serez, la semaine prochaine - enfin, en fin de semaine... ?
Dominique de VILLEPIN - Je suis chef du Gouvernement, donc nous avons les uns et les autres nos responsabilités. C'est un débat utile, fort bien conduit et conçu par J.-P. Raffarin. Donc je crois qu'il apporte quelque chose, il permet aux sensibilités de s'exprimer, il permet à des propositions d'être précisées, il permet de nouer un débat. Je crois que...
Nicolas DEMORAND - Mais cela ne vous intéresse pas le débat ?
Dominique de VILLEPIN - Alors, bien sûr, mais moi, j'ai mes propres responsabilités...
Nicolas DEMORAND - ... Vous travaillez pendant que les autres parlent ?
Dominique de VILLEPIN - ... Je pense que ce n'est pas ma place. Je suis dans le temps de l'action, je l'ai dit, mais je me réjouis de la conduite de ces débats.
Nicolas DEMORAND - Vous avez dit à de nombreuses reprises que vous ne diriez pas maintenant si vous êtes ou non candidat. Vous n'avez toujours pas changé de ligne ?
Dominique de VILLEPIN - Non, j'ai dit que j'entendais jusqu'au bout remplir le rôle qui était le mien, c'est-à-dire cette fonction gouvernementale pour trouver des solutions et des réponses aux Français. Je pense qu'on le verra, le 14, on verra le 14 au soir, parce que j'espère bien que nous aurons des propositions très concrètes à faire aux Français. C'est une nécessité dans une démocratie moderne, on ne peut pas toujours avoir des débats pour l'avenir, il faut avoir des débats pour aujourd'hui, et moi, c'est ma responsabilité. Qu'il y ait des débats pour la présidentielle, c'est une chose ; que le chef du gouvernement soit les deux mains dans l'huile pour essayer de faire mieux marcher le moteur, cela me paraît normal.
Nicolas DEMORAND - En 30 secondes, est-ce que vous pouvez au moins nous dire dans quelles conditions vous pourriez être candidat et dans quelles conditions vous pourriez ne pas l'être ?
Dominique de VILLEPIN - Non, N. Demorand, je ne peux rien vous dire de tout ça, pour une raison très simple...
Nicolas DEMORAND - ... Mais pourquoi ?
Dominique de VILLEPIN - Parce que je suis à ma tâche, et je l'ai dit : je veux me consacrer pleinement à la responsabilité qu'est la mienne. Alors, on peut le dire de différentes façons, et c'est vrai qu'on me pose à chaque fois la question sous un angle différent, donc, à chaque fois, j'apporte la même réponse. Vous voyez, j'ai de la suite dans les idées.
Nicolas DEMORAND - Oui, mais c'est pour la robustesse de la démocratie qu'on vous pose la question, non ?
Dominique de VILLEPIN - Mais bien sûr ! Je vous en remercie mais je vous fais la même réponse.
Nicolas DEMORAND - On va réessayer tout à l'heure...source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 13 décembre 2006
Dominique de VILLEPIN - Alors, d'abord on a beaucoup travaillé sur l'ensemble de ces questions, on a beaucoup progressé ; c'est vrai sur les revenus, c'est vrai sur l'emploi, puisque l'ensemble des dix-huit derniers mois ont été consacré à cette priorité de l'emploi. On a mis en place de nouveaux outils, tel que le contrat "Nouvelles embauches", on a mis en place un service public de l'emploi rénové, on a cherché à mobiliser l'ensemble des outils disponibles, depuis les contrats aidés jusqu'à l'amélioration d'une politique de stage. Donc, dans tous les domaines, on a essayé de pousser le plus loin possible ce qui existait, voire de mettre en place de nouveaux dispositifs. Ce que nous constatons aujourd'hui, c'est trois situations problématiques au sein de la société française. D'abord, il y un certain nombre de Françaises et de Français qui n'accèdent pas ou accèdent difficilement à l'emploi. C'est vrai des jeunes qui ont beaucoup de difficultés à rentrer, pour certains, sur le marché de l'emploi ; c'est vrai des femmes, dont beaucoup sont à temps partiel subi, c'est-à-dire qu'elles aimeraient travailler davantage mais elles ne peuvent pas le faire ; et c'est vrai aussi d'un certain nombre de seniors. Donc, là, il y a des Françaises et des Français qui veulent travailler et qui ont beaucoup de mal à le faire. Et puis, il y a tous les Français qui rencontrent des difficultés dans leur vie quotidienne. Des difficultés, par exemple, pour trouver un logement. Quand vous gagnez 1.500 euros, qu'on vous demande 500 euros de logement, ce n'est pas facile, pas facile de trouver une caution, pas facile de trouver les bonnes garanties. Donc là aussi, il y a des problèmes spécifiques auxquels nous voulons répondre.
Nicolas DEMORAND - Mais c'est un véritable continent, ça, le mal emploi, les sous-revenus, le travail pauvre...
Dominique de VILLEPIN - C'est un continent que nous n'abordons pas sans boussole puisque nous avons eu le rapport du CERC, le rapport de J. Delors, qui a permis d'identifier un certain nombre de ces difficultés. Et puis, nous avons beaucoup travaillé, j'ai rencontré les partenaires sociaux à maintes reprises, identifié beaucoup de pistes. Donc je veux que ce soit à la fois un temps fort du diagnostic, parce que déjà ouvrir les yeux sur des difficultés, c'est beaucoup, mais je veux aussi que ce soit un temps de décisions.
Nicolas DEMORAND - Quelles peuvent être, justement, les décisions de la sphère politique sur des problèmes de ce genre, quand on sait qu'un couple qui vit avec le SMIC est quasiment, quasiment, au seuil de pauvreté, en France ?
Dominique de VILLEPIN - Alors, ça, c'est le troisième problème que nous avons identifié, c'est qu'il faut que le travail paie davantage, et ça, bien sûr, dans un pays démocratique qui reconnaît la place et le rôle du marché, cela passe par une négociation avec les entreprises, avec les branches, en liaison avec les partenaires sociaux. Donc c'est tout cela que nous voulons réactiver. Mais le fait de réunir les partenaires sociaux, d'avoir tout le monde autour d'une table, le fait de partir avec un constat très lucide et très clair, le fait d'avoir tous envie de franchir les obstacles qui sont devant nous, je crois que cela nous permet d'espérer très concrètement, après le 14 décembre, soit d'entamer des négociations tout de suite sur des sujets centraux pour aboutir dans les prochaines semaines et les prochains mois, soit de prendre des mesures concrètes, ce que je souhaite. Moi, je souhaite que nous puissions déboucher, et je ferai des propositions pour déboucher très rapidement sur des mesures concrètes.
Nicolas DEMORAND - Mais lesquelles par exemple ?
Dominique de VILLEPIN - Je prends un exemple : lors des tables rondes avec des femmes à temps partiel, des femmes qui commencent très tôt le matin, qui sont dans des sociétés de nettoyage, qui commencent à 6 heures le matin, qui font un travail en deux temps, qui reprennent leur travail le soir, on constate qu'elles ont énormément de mal à accéder à la formation, on constate qu'elles ont du mal à valider les acquis de l'expérience. Tout cela, il y a des solutions possibles. Il faut, de façon spécifique, prendre l'ensemble de ces sujets et apporter des solutions. J'ai constaté qu'il y avait encore des jeunes qui ne se voyaient proposer aucun stage, qu'il y avait des jeunes qui, alors même qu'ils sont très diplômés - et souvent c'est une exigence pour se voir proposer un emploi -, eh bien n'ont aucune offre d'emploi. Là, je pense qu'il y a des efforts très spécifiques qu'il faut faire et nous ferons des propositions, nous apporterons des réponses. Je prends aussi pour la vie quotidienne...
Nicolas DEMORAND - Mais, par exemple, lesquelles ? Parce que j'ai du mal à imaginer... On connaît, je le disais, depuis longtemps, il y a des travaux de chercheurs en sciences sociales, notamment, qui démontrent bien que le travail pauvre, qui d'abord a existé aux Etats-Unis, commence à exister aujourd'hui et fortement chez nous. Quels sont les leviers, quels leviers avez-vous, en tant qu'homme politique, entre les mains ?
Dominique de VILLEPIN - Les leviers, c'est d'abord la volonté de mettre autour d'une table des gens qui tous ensemble peuvent quelque chose. Quand vous avez d'un côté les syndicats, de l'autre les représentants du Medef, et qu'ils constatent ensemble que les grilles salariales partent de très bas dans les entreprises et en dessous du SMIC, eh bien elles peuvent ensemble faire le constat que ce n'est pas acceptable, et qu'à partir de là, il faut faire différemment. Donc, je crois qu'on peut avoir une approche extrêmement volontariste qui, dès lors que tous les Français, de visu, constatent une situation qui n'est pas acceptable, eh bien on peut trouver ensemble les modalités. Alors, moi, je ne détiens pas seul la clé, je peux mettre sur la table un certain nombre de propositions et accompagner des mesures immédiates. Je pense que dans le domaine de l'aide scolaire, dans le domaine de l'aide ménagère, dans le domaine du logement - parce que le logement est un problème crucial dans la société française -, nous pouvons prendre des mesures d'application immédiate. Je ferai des propositions dans ce sens jeudi.
Nicolas DEMORAND - Travailler plus pour gagner plus, ça vous semble une solution ?
Dominique de VILLEPIN - C'est certainement une solution. Je crois que nous aspirons tous à être davantage responsables de nos vies, nous avons tous dans les mains des capacités, des ambitions. C'est vrai que dès lors qu'on peut décider davantage de son destin, je pense que le bonheur en sort renforcé.
Nicolas DEMORAND - Il y a une polémique constante depuis le mois de septembre sur le pouvoir d'achat des Français, sur ce que S. Royal appelle "la vie chère". Querelle d'indicatif (sic), querelle de mesure, querelle de chiffre... Est-ce que vous allez annoncer un nouvel outil qui pourrait mettre tout le monde d'accord ? Parce le sentiment d'avoir moins de pouvoir d'achat pour la même quantité de travail est un sentiment partagé aujourd'hui.
Dominique de VILLEPIN - Moi, je l'ai dit extrêmement clairement : je vois bien le sentiment de frustration qu'éprouvent les Français et c'est pour cela que j'ai demandé à ce qu'on établisse un nouvel indicateur. Je crois qu'il faut que nous sortions des polémiques stériles sur le sens de tel ou tel indicateur. Il faut qu'on s'entende sur un indicateur qui traduise la réalité des choses et sur lequel tout le monde, de façon incontestable, puisse s'entendre. Donc, nous travaillons à de nouveaux indicateurs qui permettent de mesurer véritablement le pouvoir d'achat des Français, la réalité de l'inflation. Prendre en compte aussi les nouveaux besoins qui sont apparus parce que c'est vrai qu'on est dans une société différente, quand on voit le coût des forfaits téléphoniques portables, de l'Internet à haut débit, tout cela a changé la nature de la consommation. Nous avons plus de besoins, ce qui fait qu'il y a plus d'exigences au bout du chemin.
Nicolas DEMORAND - Est-ce qu'il faut récupérer des leviers sur la Banque centrale européenne ?
Dominique de VILLEPIN - Je me suis exprimé sur ce sujet. Je crois qu'il y a beaucoup de travail encore dans ce domaine, il y a une responsabilité politique, c'est vrai, à affirmer ; je crois qu'il y a aussi une clarification des rôles. La Banque centrale a une responsabilité première pour lutter contre la hausse des prix, pour lutter contre l'inflation ; il faut clarifier la responsabilité dans le domaine de la politique des changes et c'est en récupérant des marges de manoeuvre et des marges de souveraineté que les Etats pourront faire davantage. De ce point de vue, il faut mieux coordonner les travaux entre l'Eurogroupe et la Banque centrale européenne.
Nicolas DEMORAND - Quand S. Royal en critique son omnipotence ; est-ce qu'il faut revoir ce statut, d'après vous ?
Dominique de VILLEPIN - Je pense qu'il faut remettre les choses sur la table, il faut redéfinir les fonctions de chacun. Je crois que la clé, pour y arriver, c'est la bonne volonté, sachant que tous les Etats, de ce point de vue, ne partagent pas le même sentiment, et c'est la grande difficulté. Quand vous voulez changer les choses, si d'autres, autour de vous, ne partagent pas ce sentiment, c'est plus difficile. Donc il faut que nous trouvions un terrain d'entente. Il y a des Etats qui s'accommodent de la situation actuelle, eh bien il se trouve que pour la France, ce n'est pas une situation favorable. Donc comment fait-on au sein de l'Eurogroupe pour améliorer les choses ? C'est une partie difficile qu'il faut mener au niveau politique.
Nicolas DEMORAND - Le premier forum de l'UMP a eu lieu ce week-end ; c'est la réponse imaginée aux primaires socialistes, pour dire qu'à droite aussi on débat démocratiquement. C'était au CNIT, à La Défense, et vous n'y étiez pas.
Dominique de VILLEPIN - Non, mais je pense que c'est un débat qui était utile.
Nicolas DEMORAND - Et à Lyon, vous y serez, la semaine prochaine - enfin, en fin de semaine... ?
Dominique de VILLEPIN - Je suis chef du Gouvernement, donc nous avons les uns et les autres nos responsabilités. C'est un débat utile, fort bien conduit et conçu par J.-P. Raffarin. Donc je crois qu'il apporte quelque chose, il permet aux sensibilités de s'exprimer, il permet à des propositions d'être précisées, il permet de nouer un débat. Je crois que...
Nicolas DEMORAND - Mais cela ne vous intéresse pas le débat ?
Dominique de VILLEPIN - Alors, bien sûr, mais moi, j'ai mes propres responsabilités...
Nicolas DEMORAND - ... Vous travaillez pendant que les autres parlent ?
Dominique de VILLEPIN - ... Je pense que ce n'est pas ma place. Je suis dans le temps de l'action, je l'ai dit, mais je me réjouis de la conduite de ces débats.
Nicolas DEMORAND - Vous avez dit à de nombreuses reprises que vous ne diriez pas maintenant si vous êtes ou non candidat. Vous n'avez toujours pas changé de ligne ?
Dominique de VILLEPIN - Non, j'ai dit que j'entendais jusqu'au bout remplir le rôle qui était le mien, c'est-à-dire cette fonction gouvernementale pour trouver des solutions et des réponses aux Français. Je pense qu'on le verra, le 14, on verra le 14 au soir, parce que j'espère bien que nous aurons des propositions très concrètes à faire aux Français. C'est une nécessité dans une démocratie moderne, on ne peut pas toujours avoir des débats pour l'avenir, il faut avoir des débats pour aujourd'hui, et moi, c'est ma responsabilité. Qu'il y ait des débats pour la présidentielle, c'est une chose ; que le chef du gouvernement soit les deux mains dans l'huile pour essayer de faire mieux marcher le moteur, cela me paraît normal.
Nicolas DEMORAND - En 30 secondes, est-ce que vous pouvez au moins nous dire dans quelles conditions vous pourriez être candidat et dans quelles conditions vous pourriez ne pas l'être ?
Dominique de VILLEPIN - Non, N. Demorand, je ne peux rien vous dire de tout ça, pour une raison très simple...
Nicolas DEMORAND - ... Mais pourquoi ?
Dominique de VILLEPIN - Parce que je suis à ma tâche, et je l'ai dit : je veux me consacrer pleinement à la responsabilité qu'est la mienne. Alors, on peut le dire de différentes façons, et c'est vrai qu'on me pose à chaque fois la question sous un angle différent, donc, à chaque fois, j'apporte la même réponse. Vous voyez, j'ai de la suite dans les idées.
Nicolas DEMORAND - Oui, mais c'est pour la robustesse de la démocratie qu'on vous pose la question, non ?
Dominique de VILLEPIN - Mais bien sûr ! Je vous en remercie mais je vous fais la même réponse.
Nicolas DEMORAND - On va réessayer tout à l'heure...source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 13 décembre 2006