Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, sur la stratégie OCDE pour l'emploi, Paris le 16 novembre 2006.

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Je suis heureux d'être parmi vous ce matin pour ouvrir ce colloque sur la réévaluation de la stratégie OCDE pour l'emploi.
Je voudrais, tout d'abord, remercier Monsieur Angel GURRIA, nouveau secrétaire général de l'OCDE depuis juin dernier, pour le travail approfondi et tout à fait remarquable mené depuis deux ans par son l'organisation. Ce travail a conduit à cette « réévaluation » de la stratégie pour l'emploi que vous allez analyser, discuter et tenter d'en tirer les enseignements les plus pertinents pour notre pays.
Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour m'excuser à nouveau de n'avoir pu participer à la conférence de TORONTO le 16 juin. J'ai néanmoins eu le plaisir d'assister à la présentation faite par M. Angel GURRIA lors du récent G8-emploi, le mois dernier, à Moscou où nous avons plus longuement échangé en bilatéral.
Je voudrais remercier également les personnels de la DARES, et notamment son Directeur, pour l'organisation de ce colloque.
En 1994, l'OCDE formule un ensemble de dix recommandations, regroupées dans ce qu'il est convenu d'appeler la Stratégie de l'OCDE pour l'emploi, en vue de lutter contre un chômage élevé et persistant dont souffraient nombres de pays, notamment les pays européens. Ce travail précurseur a fourni un cadre de référence utile pour l'analyse économique du marché du travail et a largement influencé la conception et la mise en oeuvre des politiques de l'emploi par les pays membres.
Dix ans après, le temps était venu d'en tirer les premiers enseignements, d'intégrer les nouvelles connaissances accumulées et les leçons des différentes expériences menées par les pays membres. Des résultats incontestablement positifs ont été enregistrés. La montée du chômage qui semblait inexorable a été stoppée, voire inversée, dans nombreux de pays. Beaucoup reste naturellement encore à faire, avec des difficultés résiduelles importantes. Je pense notamment aux jeunes, aux travailleurs peu qualifiés ou aux seniors, du moins pour la France. Parallèlement, les défis à relever pour améliorer le fonctionnement du marché du travail se sont diversifiés. De nouvelles priorités ont émergé. Pour contrer les effets liés vieillissement de la population, la hausse des taux d'activité est devenue une priorité absolue dans la plupart des pays - et la France n'y échappe pas même si elle bénéficie d'une démographie plus dynamique que la plupart des autres pays européens. La mondialisation de la production et des échanges et l'évolution de plus en plus rapide des technologies requièrent, par ailleurs, une capacité d'adaptation renforcée des personnes mais aussi des entreprises.
En réponse à l'invitation des Ministres de l'emploi, et notamment de François FILLON, l'OCDE a préparé une nouvelle version de la stratégie pour l'emploi affinée, enrichie et plus complète. Elle s'organise en quatre piliers qui couvrent :
la mise en oeuvre de politiques macroéconomiques saines,
le développement des incitations à l'activité et à la recherche d'emploi,
la suppression des obstacles à la création d'emploi,
et, quatrième pilier, le développement des qualifications et des compétences. Jean-Philippe COTIS et John MARTIN, que je tiens à saluer ici, en présenteront la logique et le contenu dans quelques instants sous l'oeil avisé de Messieurs Blanchard, Layard et Malinvaud qui apporteront de premiers et forts commentaires.
Chacun des piliers fera ensuite l'objet d'une séance spécifique qui permettra, je le souhaite de tout coeur, de confronter les points de vue sur le diagnostic présenté par l'OCDE et de tirer des enseignements aussi clairs et pratiques - pragmatiques - que possible pour la France.
Je me limiterais à faire deux remarques.
Tout d'abord, - j'ai eu l'occasion de le dire au G8 à Moscou -, je note le caractère plus équilibré et plus complet de l'ensemble des recommandations.
Ensemble plus équilibré qui reconnaît qu'il n'y a pas de voie unique vers l'amélioration des performances du marché du travail. Je note sur ce point une évolution assez sensible par rapport à la première édition de la stratégie. Ainsi, il est reconnu que plusieurs combinaisons peuvent conduire à de bons résultats, même si - et je l'ai bien compris - tous les experts ne partagent pas cet avis. Les séances qui vont se succéder pendant ces deux journées permettront peut-être d'éclairer ce point. Il me semble tout à fait important que cette stratégie puisse s'adapter à la situation particulière de chaque pays et aux priorités sociales qu'il s'est donné. Comme vos travaux le soulignent, Monsieur le Secrétaire Général, l'essentiel réside naturellement la cohérence du programme d'action.
Le rapport de l'OCDE identifie deux approches qui ont pu donner de bons résultats au cours de la période récente.
Une approche que l'on pourrait qualifier d'inspiration « anglo-saxonne », qui combine une plus grande flexibilité des marchés et un Etat relativement moins engagé au plan social.
Une approche dite de « flex-sécurité » mise en oeuvre notamment dans les pays d'Europe du nord. Cette approche repose sur un équilibre différent dans lequel la négociation sociale joue un plus grand rôle : une réglementation de l'emploi plus protectrice, un système de prestations sociales plus étendu mais assorti de contreparties réelles en termes de productivité et d'adaptation des salariés et de recherche d'emploi pour ceux qui en sont privés. Le Commissaire SIPDLA, au nom de la Commission européenne, présentera un rapport technique sur ce sujet au printemps 2007 devant le Conseil des Ministres de l'emploi.
Je ne vous surprendrais pas en vous disant ma préférence pour la seconde approche. Elle me semble en effet mieux correspondre aux principes de notre préférence sociale, même s'il ne s'agit évidement pas de « calquer » un quelconque modèle. C'est avant tout la méthode qui compte. Telle est en tous les cas la voie que nous avons voulu suivre dans notre démarche pour améliorer le fonctionnement de notre marché du travail, au travers de la modernisation du service public de l'emploi qui s'inscrit dans une logique de droits et devoirs réaffirmés.
d'un côté, un service public de l'emploi plus efficace, moins cloisonné, grâce notamment au rapprochement de l'ANPE et de l'UNEDIC, et qui met en oeuvre un accompagnement renforcé du demandeur d'emploi. L'entretien mensuel concerne déjà plus de 900 000 demandeurs d'emploi ; le délai entre l'inscription et le premier entretien professionnel est en train de passer au maximum à 5 jours, et moins d'un jour dans plus de 150 sites.
de l'autre, la réaffirmation des devoirs du demandeur d'emploi, notamment celui de s'engager activement dans la recherche d'un emploi. Nous avons pour cela réformé le système de suivi de la recherche d'emploi, avec l'instauration d'un système de sanctions à la fois plus efficace, plus juste et plus pédagogique. Les premiers résultats montrent d'ailleurs que cette réforme est sur la voie de la réussite.
Ensuite, cette nouvelle stratégie constitue un ensemble plus complet qui met notamment l'accent sur l'amélioration des qualifications et des compétences qui font désormais l'objet d'un pilier à part entière. Je me réjouis ainsi de voir reconnue l'importance de la formation tout au long de la vie. Peut-être, avons-nous trop longtemps cherché en France à protéger les emplois et pas suffisamment les personnes. La création du droit individuel à la formation, du contrat de professionnalisation, le développement de la VAE devrait nous amener à une gestion plus harmonieuse des parcours professionnels en donnant aux travailleurs la capacité d'évoluer et de s'adapter aux changements de l'économie.
Peut-être pourrions-nous aller plus loin dans les recommandations s'agissant de la formation des hommes et des femmes. L'éducation, l'orientation et la formation professionnelle sont en effet essentiels pour assurer une insertion professionnelle des jeunes rapide et durable.
Ma seconde remarque porte sur l'importance de ce que j'appellerai « l'économie politique de la réforme ».
Le rapport de l'OCDE souligne, avec justesse, que les réformes ne peuvent être mise en oeuvre et produire les résultats escomptés sans l'adhésion préalable des acteurs. Il me semble en effet - c'est du moins le cas en France, mais aussi dans d'autres pays européens que - que la concertation avec les partenaires sociaux est essentielle dans l'élaboration des normes et des réformes sociales.
L'exemple du Plan senior présenté au printemps dernier symbolise cette bonne pratique. Fruit d'une large concertation avec les partenaires sociaux, ce plan comprend un ensemble de mesures visant à changer les mentalités (c'est d'ailleurs la première fois qu'une action en faveur des seniors intègre la dimension de la communication), au maintien des seniors dans l'emploi et aménagements des fins de carrières.
C'est d'ailleurs cette méthode que nous souhaitons systématiser dans le projet de loi sur le dialogue social.
Je me réjouis, à ce titre, de la tenue de la séance terminale sur le thème de la flexibilité et la sécurisation des trajectoires professionnelles avec la participation de représentants des partenaires sociaux, membres du Conseil d'orientation pour l'emploi.
S'agissant de l'économie politique de la réforme, je souhaite ajouter que la réflexion en amont gagnerait, me semble t'il, à être plus ancrée dans la réalité institutionnelle, politique et sociale. Une analyse théorique, parfois trop « désincarnée », négligeant les conditions de mise en oeuvre concrètes, peut parfois conduire à des mesures susceptibles de produire des effets pervers, finalement contraires aux objectifs qu'elles poursuivent.
Souci de la mise en oeuvre, donc. Souci également de bien organiser la phase de transition entre deux équilibres. Je sais que les économistes sont, fort justement, préoccupés par l'efficacité à long terme. Mais ce qui ce passe aujourd'hui et demain est tout aussi important que ce qui se passe après-demain. Car, n'oublions que derrière les concepts, aussi puissants et construits soient-ils, il y a des hommes et des femmes. Gardons toujours cela à l'esprit. C'est une exigence humaine et sociale. Je le répète, il faut savoir concilier le temps économique, social et politique. N'oublions pas que l'acceptation des réformes est également une condition nécessaire de leur succès.
L'acceptation de la mondialisation et des vastes mutations qu'elle induit est un point majeur qui préoccupe tous les responsables politiques. Cette acceptation passe, certes, par une meilleure compréhension par l'opinion des avantages qu'elle apporte et nous avons notre part à jouer dans cette pédagogie. Mais elle passe aussi par une réelle prise en compte des déséquilibres qu'elle engendre et de l'urgence à les corriger en ajoutant une dimension sociale au marché mondial. Construire cette dimension sociale, tel est l'enjeu des grandes institutions internationales comme l'Organisation internationale du travail, autour des normes fondamentales et du travail décent. L'OCDE doit prendre sa part dans cette réflexion et apporter à cette entreprise sa capacité d'analyse, sa crédibilité économique, ses recommandations. Il y va désormais de la confiance de nos populations dans le fonctionnement de l'économie mondialisée.
Pour conclure, je voudrais remercier tous les personnes, économistes français et étrangers, représentants des partenaires sociaux qui ont bien voulu accepter de participer à animer ces séances. Enrichir les analyses de l'OCDE, éclairer les choix et la conduite des réformes utiles pour notre pays. Voila un vaste programme pour ces deux journées que je vous souhaite studieuses, mais aussi conviviales.
Je vous remercie.Source http://www.cohesionsociale.gouv.fr, le 20 novembre 2006