Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, sur la lutte contre le travail des enfants, Paris le 29 novembre 2006.

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Je suis heureux d'être aujourd'hui avec vous pour le lancement de la 2ème Campagne française de lutte contre le travail des enfants, sous l'égide de l'Organisation internationale du travail.
1. Ce soutien s'inscrit, plus largement, dans un accord de coopération entre la France et l'OIT que j'ai renouvelé, en juin 2006, avec Juan Somavia, à Genève pour une nouvelle période de 4 ans.
Ce partenariat engage bien sûr, le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, mais également le ministère des affaires étrangères et le ministère chargé des affaires maritimes. Cet accord de coopération viendra ajouter sur quatre années environ 16 millions d'euros à notre contribution normale à l'OIT. A cette contribution volontaire s'ajoute bien entendu, notre contribution obligatoire qui fait de nous le 6ème contributeur de l'organisation. En 2006, cette contribution était d'environ 12 millions d'euros.
La France entend ainsi concrétiser et confirmer le large appui qu'elle apporte aux travaux de l'Organisation internationale du travail, qui au sein du système des Nations Unies présente une double originalité.
* Celle de porter, avec un succès croissant, la plupart des problématiques du champ social (comptant 179 Etats Membres, elle veille au respect des principes fondamentaux liés à la dignité des travailleurs dans le monde entier).
* Celle d'associer les gouvernements et les partenaires sociaux. - Instituée en 1919 par le Traité de Versailles, l'OIT est en effet la seule organisation internationale tripartite (Etats, employeurs, syndicats).
2. Parmi les actions soutenues dans le cadre de cet accord, je dois souligner l'importance toute particulière que j'attache aux actions en faveur de la lutte contre le travail des enfants.
Seul pays membre de l'OIT à s'être impliqué en 2005 dans une campagne de sensibilisation nationale visant à promouvoir les travaux de l'organisation et son diagnostic sur les atteintes à cette liberté fondamentale, le Ministère du Travail français renouvelle son soutien à la campagne 2006 de l'OIT France avec un co-financement de 65 000euros.
En effet, comme le BIT l'a rappelé, ce sont aujourd'hui 220 millions d'enfants dans le monde qui sont contraints au travail et qui n'ont pas accès à une éducation de base.
Derrière cette implacable réalité statistique, ce sont des générations entières qui débutent un parcours de vie avec leur avenir déjà compromis.
Personne ne peut fermer les yeux. Il faut agir. Agir en droit, agir en fait.
Il faut agir directement dans les pays qui vivent au quotidien ce fléau, c'est l'objectif du Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC), que la France soutient depuis 1995 et qu'elle s'est engagée à continuer à soutenir dans le nouvel accord de coopération conclu avec le BIT.
Ce programme s'appuie sur des diagnostics pluriannuels et sur la mobilisation du collège des employeurs de l'OIT afin d'agir concrètement auprès des donneurs d'ordre qui se fournissent dans les pays émergents dans lesquels le travail des enfants se pratique toujours.
Il faut aussi agir chez nous pour éveiller les consciences citoyennes, c'est l'objectif poursuivi par la Campagne française.
Parmi les membres de l'OIT, l'abolition effective du travail des enfants constitue un des objectifs les plus partagés. Ainsi, la convention n°182 du BIT, sur les pires formes de travail des enfants est celle qui a été la plus rapidement ratifiée depuis la création de l'OIT, en 1919. La convention n° 138 de l'OIT, sur l'âge minimum, a également enregistré une croissance remarquable de ses ratifications. Bien entendu, la France est signataire de ces deux conventions.
Cette dynamique des droits démontre que la mobilisation contre le travail des enfants ne cesse de croître partout dans le monde. C'est une étape indispensable car les droits se doivent d'être concrétisés. Le BIT enregistre des résultats encourageants. Le rapport publié cette année par le Bureau international du travail montre une baisse du travail des enfants dans le monde : -11% entre 2000 et 2004.
Mais, de grands efforts - de tous : autorités publiques, entreprises, société civile - restent encore à accomplir pour aider les pays à concrétiser leurs engagements en faveur de la lutte contre le travail des enfants. Certains pays d'Afrique notamment connaissent encore des difficultés importantes. C'est la raison pour laquelle, l'aide volontaire de la France, dont je parlais il y a un instant est orientée en particulier vers cette région.
La campagne française de sensibilisation participe à l'effort collectif et je suis heureux de m'y associer et d'aider ainsi à sensibiliser nos concitoyens à un objectif qui parle d'abord au coeur, mais aussi à la raison.
Comme je l'ai déjà indiqué, il serait d'ailleurs important que nous puissions définir, avec le BIT, les moyens qui permettent aux Français, sensibilisés par la Campagne française, d'être, très pratiquement, associés à des actions de lutte contre le travail des enfants.
C'est avec les Français que je souhaite aujourd'hui, à l'occasion du lancement de la campagne française de lutte contre le travail des enfants, réaffirmer solennellement notre engagement collectif à participer pleinement aux efforts qui restent encore à accomplir pour parvenir à un avenir sans travail des enfants, base d'un développement juste et durable. ° °
3. A partir de cette cause si juste et si évidente pour laquelle nous menons campagne aujourd'hui, je voudrais élargir le champ de notre réflexion et de notre ambition. En effet, au-delà de la question du travail des enfants, ce sont bien l'ensemble des normes fondamentales du travail qui sont en jeu.
Avec l'adoption, en 1998, de la Déclaration sur les principes et droits fondamentaux de l'homme au travail, le BIT a largement contribué à la reconnaissance et à la promotion des règles essentielles pour la dignité de l'homme au travail.
A côté de l'abolition effective du travail des enfants, la Déclaration de 1998 reconnaît l'importance déterminante de la liberté d'association, de la reconnaissance effective du droit de négociation collective, de l'élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire et de l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession.
La Déclaration de 1998 trace ainsi la voie que nous devons emprunter, dans tous les pays du monde, pour que le travail devienne synonyme de progrès pour tous et non plus d'asservissement pour certains. C'est l'objectif du travail décent.
Adopter cet objectif, c'est poser la question de la dimension sociale de la mondialisation, c'est poser la question de la sécurité économique et sociale de nos compatriotes, comme des travailleurs de tous les pays, dans un monde ouvert.
C'est donc plaider pour une régulation sociale de ces marchés. Comment ne pas prendre en compte dans nos relations commerciales et économiques, la mise en oeuvre effective et le respect, par tous les partenaires, des normes fondamentales de l'OIT et notamment de l'interdiction du travail des enfants ? Nous devons le faire pour construire une mondialisation juste, dans une compétition loyale, qui profite à tous.
C'est aujourd'hui un enjeu fondamental des politiques. C'était le thème d'une conférence à laquelle je participais à Berlin il y a une semaine auprès de Mme Merkel et du vice-chancelier Müntefering et l'Allemagne devrait en faire un objectif privilégié de sa Présidence.
C'est aussi pourquoi j'estime, comme vous-même, cher Jean Daniel, qu'il est particulièrement opportun que cette campagne, désormais annuelle, porte, successivement et en fonction de la saisonnalité des « rapports globaux », sur chacun des 4 Droits fondamentaux de la Déclaration.
Un dernier mot de conclusion, plus personnel cette fois. Et c'est à vous qu'il s'adresse, Monsieur le Directeur.
Cher Jean-Daniel, nous savons que vous allez bientôt quitter ces fonctions à la direction du bureau de Paris du BIT. Je voulais vous remercier chaleureusement du travail accompli au cours de ces années. Le lancement de cette campagne est un dernier témoignage de votre engagement. Témoignage d'une grande activité mise au service de cette utopie réaliste et nécessaire que constituent le développement et l'action du BIT dans le monde.
Merci particulièrement à vous, Jean-Daniel.
Merci à tous ceux qui participent à cette campagne de sensibilisation contre le travail des enfants.Source http://www.cohesionsociale.gouv.fr, le 4 décembre 2006