Texte intégral
Monsieur le Directeur Général
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Merci à l'ESCP-EAP de m'accueillir aujourd'hui pour parler de la mondialisation. C'est pour moi une habitude que de m'entretenir sur la mondialisation avec des étudiants.
Mon intervention d'aujourd'hui revêt un caractère tout particulier :
Parce que je suis honorée d'être reçue dans la plus ancienne des Ecoles de Commerce françaises, qui fut fondée en 1819. A cet égard, je dois dire ma fierté, lorsque je constate les éloges décernés aux écoles de commerce françaises par les observateurs internationaux : je me réfère notamment au FT qui a classé l'ESCP au 3ième rang des master en management européens en 2006.
Parce que L'ESP-EAP est la plus européenne des écoles de commerce, avec ses cinq campus situés au coeur de Paris, Londres, Madrid, Berlin et Turin.
Parce que l'ESP-EAP est une école qui, comme le dit si bien son Directeur Général et ami, Pascal Morand, "reflète et décline la double facette de la mondialisation, celle du village global et celle de la diversité des cultures".
Enfin, parce que je suis venu vous inviter à l'action, car la France a besoin, plus que jamais, de trouver pleinement sa place dans ce monde globalisé et d'y être à l'aise. Face à ce constat, j'ai décidé de faire des propositions et de lancer un groupe de haut niveau dont j'ai confié la présidence à votre Directeur Général, avec pour mission d'identifier des outils et des instruments innovants pour rendre la mondialisation plus humaine et la rendre plus aimable aux Français.
1. Pour les Français, la mondialisation rime de plus en plus avec méfiance
2. La France doit trouver pleinement sa place dans la mondialisation
3. Un triptyque pour construire une mondialisation au service de l'homme et réconcilier les français avec la mondialisation
1. Pour les Français, la mondialisation rime de plus en plus avec méfiance
a. L'ouverture au monde a perdu le sens positif que nous lui avions donné
Pour les philosophes des lumières, l'histoire des progrès et du bonheur, c'était l'histoire de la mondialisation, de l'ouverture vers de nouveaux territoires et d'autres hommes.
La mondialisation est devenue une menace depuis la chute du mur de Berlin. Le malaise concerne tous les anciens pays industrialisés y compris les Etats-Unis, et il a tendance à s'aggraver ! Selon l'Eurobaromètre 2006 qui a interrogé 25000 personnes dans les 25 Etats Membres, 47% des sondés voient dans la mondialisation une menace pour les entreprises et l'emploi. Elle ne constitue une opportunité que pour 37 % des personnes interrogées, c'est-à-dire 20% de moins qu'en 2003 !
Ce malaise est plus fort encore chez les français : selon l'Eurobaromètre 72% des français se sentent menacés et seulement 21 % voient d'abord les opportunités de la mondialisation.
b. Cette situation fait peser le risque de politiques protectionnistes qui seraient préjudiciables à notre développement économique
Depuis les années 60, les politiques d'ouverture ont été essentielles au développement économique de la France, à sa compétitivité et au maintien d'un haut niveau de protection social.
Nous savons d'expérience que les "lignes Maginot" protectionnistes ne sont économiquement pas efficaces et qu'elle sont sources de grandes instabilités géopolitiques: rappelons-nous que le retour au protectionnisme des grandes nations dans les années 30 a amené la deuxième guerre mondiale dans son sillage.
Devant le risque d'appauvrissement voire de marginalisation d'une France qui se refermerait sur elle-même ou resterait statique dans un monde en mouvement, il est urgent de reprendre la main, de nous réapproprier la mondialisation pour mieux la maîtriser et en tirer tous les bénéfices possibles.
2. La France doit trouver pleinement sa place dans la mondialisation
a. Nous avons la responsabilité de rétablir la vérité sur la mondialisation
(i) En rappelant les avantages que la France tire de la mondialisation
La France a exporté plus de 350 milliards d'euros de marchandises en 2005.
Un salarié sur sept travaille dans une filiale de groupe étranger, soit 15 % des emplois, plus que l'effectif de l'ensemble des grandes entreprises du CAC 40 !
Pour les consommateurs, l'ouverture des échanges a permis des gains de pouvoir d'achat via une baisse des prix (- 0.4% par an) qui a compensé la hausse des prix des matières énergétiques.
Il existe une envie intense de France dans le monde: tout le monde a envie d'habiter en France une fois dans sa vie; la "french touch", le savoir faire français et la "marque France" sont appréciés et valorisés dans le monde.
(ii) En "tordant le cou" à certaines idées fausses
L'ouverture aux importations ne détruit pas l'emploi : les pays qui importent le plus par tête (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Japon) sont ceux où le taux de chômage est le plus faible
La circulation des capitaux ne renforce pas le chômage : les IDE créent plus de 30.000 emplois par an, soit deux fois plus que les délocalisations.
(iii) En refusant collectivement de céder à la facilité, c'est-à-dire de nous servir de la mondialisation comme d'un bouc émissaire pour compenser notre incapacité à moderniser notre économie de l'intérieur.
b. Il nous faut également agir pour mieux maîtriser la mondialisation
(i) Nous devons aussi répondre aux préoccupations légitimes de nos citoyens et faire preuve de détermination et d'innovation pour que la mondialisation soit plus juste, plus respectueuse de l'environnement, au service de l'homme.
(ii) Trois lacunes apparaissent très clairement
Les règles du jeu qui ne sont pas toujours justes. La concurrence, qui est le mécanisme essentiel à la base de la créativité et de l'innovation, ne s'exerce pas toujours de manière loyale i.e. dumping voire dumping social en Chine
La gouvernance mondiale est insuffisante en matière sociale, environnementale et des droits de l'homme.
Les actions en faveur des personnes touchées par la mondialisation sont insuffisantes. Le désastre qui a touché le secteur du textile depuis 1995 illustre un échec collectif : comment n'avons-nous pas su nous préparer avec la filière alors que nous savons depuis 1995 que les quotas chinois prendraient fin en 2005?
3. Un triptyque pour une mondialisation au service de l'Homme
Une mondialisation plus humaine, c'est une mondialisation qui met l'homme au coeur de son développement, qui le respecte et qui respecte les valeurs qu'il porte.
a. C'est d'abord une mondialisation responsable
(i) Une mondialisation responsable ce sont des acteurs responsables.
Nous sommes tous des acteurs de la mondialisation : les salariés, les citoyens, les consommateurs, les entreprises et l'Etat doivent agir en acteurs et non en spectateurs
La consommation n'est plus un acte anodin, elle a des conséquences sur le citoyen et le salarié.
Le consommateur doit disposer d'une information claire. Un système d'étiquettes claires et reconnaissables doit informer le consommateur du contenu social et environnemental des produits. Il doit être en mesure de choisir par exemple de ne pas acheter des biens dont la production aurait impliqué des jeunes enfants. Cet étiquetage doit être assorti de labels sociaux et environnementaux crédibles et harmonisés.
(ii) Pour que la mondialisation soit responsable, il faut que chacun de nous soit informés et sensibilisés aux enjeux de la mondialisation. C'est ce que je fais dans les écoles dans lesquelles j'ai fait distribuer des brochures sur la mondialisation destinées à des élèves de CM2 et de 4è.
(iii) Une mondialisation responsable, c'est aussi un Etat responsable qui facilite et accompagne les transitions liées à l'ouverture afin d'en limiter le coût social.
Nous pourrions notamment créer un « fonds français d'adaptation à la mondialisation », dont l'objectif serait de mieux anticiper les effets de la mondialisation sur notre économie et de faciliter la reconversion des salariés des secteurs fragiles touchés par la concurrence internationale.
Je suggère également qu'un mécanisme d'assurance public-privé soit mis en place pour garantir un maintien des rémunérations lors d'un changement d'emploi dû à des restructurations.
b. C'est ensuite, une mondialisation loyale
(i) Une mondialisation loyale nécessite des règles communes qui soient appliquées effectivement
Le libre échange doit être encadré par des règles.
Un commerce loyal, c'est l'assurance que les règles commerciales sont appliquées effectivement, que le dumping est puni, que la propriété intellectuelle est protégée, - la contrefaçon coûte 30.000 emplois en France chaque année.
La contrefaçon et le piratage sont devenus des menaces globales. Des milliers de personnes sont mortes au Niger à cause de vaccins contrefaits et des centaines d'enfants au Bangladesh après avoir absorbé du sirop contenant de l'antigel. La contrefaçon détruit des emplois, décourage les investisseurs et les créateurs mais surtout, aujourd'hui, elle tue.
Nous devons renforcer la lutte contre le dumping social et environnemental. Il est normal que nos partenaires commerciaux cherchent à profiter de la mondialisation, il est injuste et inacceptable qu'ils le fassent au mépris des droits de l'homme, des droits fondamentaux du travail et de la protection de l'environnement.
(ii) Plus de transparence est nécessaire pour promouvoir l'application des règles par nos partenaires commerciaux
Je propose qu'un "Observatoire des pratiques du commerce international et de la mondialisation" évalue les pratiques des principaux acteurs de la mondialisation comme le propose le Sénateur Virapoullé.
Je propose d'aller encore plus loin, et de créer un indicateur mondial indépendant qui classerait les pays en fonction de leur application des règles commerciales (OMC), financières (taux de change), sociales (droits de l'homme, droits fondamentaux du travail) et environnementales (conventions et accords environnementaux). Un tel indicateur pourrait être réalisé par un réseau d'universités et pourrait faire l'objet de publications médiatisées.
c. C'est enfin, une mondialisation durable
(i) La mondialisation doit apporter des réponses globales aux enjeux environnementaux et sociaux mondiaux.
Les accords commerciaux doivent mieux intégrer les préoccupations environnementales
et sociales :
Des clauses sociales et environnementales ambitieuses doivent être intégrées de manière systématique dans les accords commerciaux, en particulier les accords bilatéraux qui seront prochainement lancés avec l'Inde, la Corée du sud et l'Asean.
Participer au combat que le monde engage contre le réchauffement climatique. Nous devons explorer des pistes qui permettront de faire augmenter le prix de ce qui pose problème - en particulier le carbone - plus vite que le niveau de vie, notamment par la taxation du carbone qui comporterait un volet commercial
L'OMC ne doit pas régner seule :
Nous avons besoin d'une Organisation Mondiale de l'Environnement, grâce à laquelle l'environnement fera jeu égal avec le commerce international,
Nous avons besoin du renforcement de l'Organisation Internationale du Travail pour mieux défendre les droits fondamentaux du travail dans le monde.
(ii) L'ouverture commerciale ne doit pas mettre en danger la juste préservation de nos valeurs, de nos préférences collectives.
Ces préférences collectives traduisent des demandes sociales et des choix collectifs : ne pas manger de viande de boeuf nourri aux hormones, soutenir la diversité culturelle, une agriculture multifonctionnelle ou les indications géographiques.
Les citoyens français doivent avoir l'assurance que ces préférences collectives ne seront pas sacrifiées sur l'autel du commerce.
Il est urgent de relancer la réflexion sur les préférences collectives et de rassurer sur les moyens qu'on se donne pour qu'elles ne soient pas remises en cause par le libre-échange !
4. Groupe de haut niveau
J'ai décidé de lancer un groupe de haut niveau, indépendant et international, constitué de représentants du monde de l'entreprise, de l'université et spirituel, qui est chargé d'approfondir les pistes proposées et de me faire des recommandations. Le groupe de haut niveau travaillera de manière indépendante et me remettra ses recommandations en mars prochain.
L'esprit que je souhaite insuffler à cette initiative est celui d'une "ouverture raisonnée", sans candeur ni angélisme, mais délibérément non protectionniste.
5. Conclusion
Nous devons collectivement tout faire pour retrouver cette promesse de bonheur qu'exprimaient les philosophes des lumières s'agissant de la mondialisation, sans tomber dans la naïveté d'un Fukuyama, qui a cru voir dans la mondialisation la fin des conflits et de l'histoire.
La mondialisation ne ferme aucune porte à la France, mais elle lui demande de choisir : choisir sa voie, choisir de maîtriser son avenir en mobilisant ses forces. N'ayons pas peur, la France, avec l'Europe, a tout les atouts nécessaires pour trouver un chemin qui lui sera propre et créer les conditions pour que la mondialisation bénéficie à tous et soit conforme à ses valeurs.
Le train de la mondialisation avance vite. Il est temps d'agir pour la maîtriser, la rééquilibrer, la rendre plus humaine: pour cela il faut une mondialisation plus responsable, loyale et durable, c'est-à-dire, finalement se réapproprier la mondialisation et mieux la maîtriser.
Source http:www.exporter.gouv.fr, le 15 décembre 2006
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Merci à l'ESCP-EAP de m'accueillir aujourd'hui pour parler de la mondialisation. C'est pour moi une habitude que de m'entretenir sur la mondialisation avec des étudiants.
Mon intervention d'aujourd'hui revêt un caractère tout particulier :
Parce que je suis honorée d'être reçue dans la plus ancienne des Ecoles de Commerce françaises, qui fut fondée en 1819. A cet égard, je dois dire ma fierté, lorsque je constate les éloges décernés aux écoles de commerce françaises par les observateurs internationaux : je me réfère notamment au FT qui a classé l'ESCP au 3ième rang des master en management européens en 2006.
Parce que L'ESP-EAP est la plus européenne des écoles de commerce, avec ses cinq campus situés au coeur de Paris, Londres, Madrid, Berlin et Turin.
Parce que l'ESP-EAP est une école qui, comme le dit si bien son Directeur Général et ami, Pascal Morand, "reflète et décline la double facette de la mondialisation, celle du village global et celle de la diversité des cultures".
Enfin, parce que je suis venu vous inviter à l'action, car la France a besoin, plus que jamais, de trouver pleinement sa place dans ce monde globalisé et d'y être à l'aise. Face à ce constat, j'ai décidé de faire des propositions et de lancer un groupe de haut niveau dont j'ai confié la présidence à votre Directeur Général, avec pour mission d'identifier des outils et des instruments innovants pour rendre la mondialisation plus humaine et la rendre plus aimable aux Français.
1. Pour les Français, la mondialisation rime de plus en plus avec méfiance
2. La France doit trouver pleinement sa place dans la mondialisation
3. Un triptyque pour construire une mondialisation au service de l'homme et réconcilier les français avec la mondialisation
1. Pour les Français, la mondialisation rime de plus en plus avec méfiance
a. L'ouverture au monde a perdu le sens positif que nous lui avions donné
Pour les philosophes des lumières, l'histoire des progrès et du bonheur, c'était l'histoire de la mondialisation, de l'ouverture vers de nouveaux territoires et d'autres hommes.
La mondialisation est devenue une menace depuis la chute du mur de Berlin. Le malaise concerne tous les anciens pays industrialisés y compris les Etats-Unis, et il a tendance à s'aggraver ! Selon l'Eurobaromètre 2006 qui a interrogé 25000 personnes dans les 25 Etats Membres, 47% des sondés voient dans la mondialisation une menace pour les entreprises et l'emploi. Elle ne constitue une opportunité que pour 37 % des personnes interrogées, c'est-à-dire 20% de moins qu'en 2003 !
Ce malaise est plus fort encore chez les français : selon l'Eurobaromètre 72% des français se sentent menacés et seulement 21 % voient d'abord les opportunités de la mondialisation.
b. Cette situation fait peser le risque de politiques protectionnistes qui seraient préjudiciables à notre développement économique
Depuis les années 60, les politiques d'ouverture ont été essentielles au développement économique de la France, à sa compétitivité et au maintien d'un haut niveau de protection social.
Nous savons d'expérience que les "lignes Maginot" protectionnistes ne sont économiquement pas efficaces et qu'elle sont sources de grandes instabilités géopolitiques: rappelons-nous que le retour au protectionnisme des grandes nations dans les années 30 a amené la deuxième guerre mondiale dans son sillage.
Devant le risque d'appauvrissement voire de marginalisation d'une France qui se refermerait sur elle-même ou resterait statique dans un monde en mouvement, il est urgent de reprendre la main, de nous réapproprier la mondialisation pour mieux la maîtriser et en tirer tous les bénéfices possibles.
2. La France doit trouver pleinement sa place dans la mondialisation
a. Nous avons la responsabilité de rétablir la vérité sur la mondialisation
(i) En rappelant les avantages que la France tire de la mondialisation
La France a exporté plus de 350 milliards d'euros de marchandises en 2005.
Un salarié sur sept travaille dans une filiale de groupe étranger, soit 15 % des emplois, plus que l'effectif de l'ensemble des grandes entreprises du CAC 40 !
Pour les consommateurs, l'ouverture des échanges a permis des gains de pouvoir d'achat via une baisse des prix (- 0.4% par an) qui a compensé la hausse des prix des matières énergétiques.
Il existe une envie intense de France dans le monde: tout le monde a envie d'habiter en France une fois dans sa vie; la "french touch", le savoir faire français et la "marque France" sont appréciés et valorisés dans le monde.
(ii) En "tordant le cou" à certaines idées fausses
L'ouverture aux importations ne détruit pas l'emploi : les pays qui importent le plus par tête (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Japon) sont ceux où le taux de chômage est le plus faible
La circulation des capitaux ne renforce pas le chômage : les IDE créent plus de 30.000 emplois par an, soit deux fois plus que les délocalisations.
(iii) En refusant collectivement de céder à la facilité, c'est-à-dire de nous servir de la mondialisation comme d'un bouc émissaire pour compenser notre incapacité à moderniser notre économie de l'intérieur.
b. Il nous faut également agir pour mieux maîtriser la mondialisation
(i) Nous devons aussi répondre aux préoccupations légitimes de nos citoyens et faire preuve de détermination et d'innovation pour que la mondialisation soit plus juste, plus respectueuse de l'environnement, au service de l'homme.
(ii) Trois lacunes apparaissent très clairement
Les règles du jeu qui ne sont pas toujours justes. La concurrence, qui est le mécanisme essentiel à la base de la créativité et de l'innovation, ne s'exerce pas toujours de manière loyale i.e. dumping voire dumping social en Chine
La gouvernance mondiale est insuffisante en matière sociale, environnementale et des droits de l'homme.
Les actions en faveur des personnes touchées par la mondialisation sont insuffisantes. Le désastre qui a touché le secteur du textile depuis 1995 illustre un échec collectif : comment n'avons-nous pas su nous préparer avec la filière alors que nous savons depuis 1995 que les quotas chinois prendraient fin en 2005?
3. Un triptyque pour une mondialisation au service de l'Homme
Une mondialisation plus humaine, c'est une mondialisation qui met l'homme au coeur de son développement, qui le respecte et qui respecte les valeurs qu'il porte.
a. C'est d'abord une mondialisation responsable
(i) Une mondialisation responsable ce sont des acteurs responsables.
Nous sommes tous des acteurs de la mondialisation : les salariés, les citoyens, les consommateurs, les entreprises et l'Etat doivent agir en acteurs et non en spectateurs
La consommation n'est plus un acte anodin, elle a des conséquences sur le citoyen et le salarié.
Le consommateur doit disposer d'une information claire. Un système d'étiquettes claires et reconnaissables doit informer le consommateur du contenu social et environnemental des produits. Il doit être en mesure de choisir par exemple de ne pas acheter des biens dont la production aurait impliqué des jeunes enfants. Cet étiquetage doit être assorti de labels sociaux et environnementaux crédibles et harmonisés.
(ii) Pour que la mondialisation soit responsable, il faut que chacun de nous soit informés et sensibilisés aux enjeux de la mondialisation. C'est ce que je fais dans les écoles dans lesquelles j'ai fait distribuer des brochures sur la mondialisation destinées à des élèves de CM2 et de 4è.
(iii) Une mondialisation responsable, c'est aussi un Etat responsable qui facilite et accompagne les transitions liées à l'ouverture afin d'en limiter le coût social.
Nous pourrions notamment créer un « fonds français d'adaptation à la mondialisation », dont l'objectif serait de mieux anticiper les effets de la mondialisation sur notre économie et de faciliter la reconversion des salariés des secteurs fragiles touchés par la concurrence internationale.
Je suggère également qu'un mécanisme d'assurance public-privé soit mis en place pour garantir un maintien des rémunérations lors d'un changement d'emploi dû à des restructurations.
b. C'est ensuite, une mondialisation loyale
(i) Une mondialisation loyale nécessite des règles communes qui soient appliquées effectivement
Le libre échange doit être encadré par des règles.
Un commerce loyal, c'est l'assurance que les règles commerciales sont appliquées effectivement, que le dumping est puni, que la propriété intellectuelle est protégée, - la contrefaçon coûte 30.000 emplois en France chaque année.
La contrefaçon et le piratage sont devenus des menaces globales. Des milliers de personnes sont mortes au Niger à cause de vaccins contrefaits et des centaines d'enfants au Bangladesh après avoir absorbé du sirop contenant de l'antigel. La contrefaçon détruit des emplois, décourage les investisseurs et les créateurs mais surtout, aujourd'hui, elle tue.
Nous devons renforcer la lutte contre le dumping social et environnemental. Il est normal que nos partenaires commerciaux cherchent à profiter de la mondialisation, il est injuste et inacceptable qu'ils le fassent au mépris des droits de l'homme, des droits fondamentaux du travail et de la protection de l'environnement.
(ii) Plus de transparence est nécessaire pour promouvoir l'application des règles par nos partenaires commerciaux
Je propose qu'un "Observatoire des pratiques du commerce international et de la mondialisation" évalue les pratiques des principaux acteurs de la mondialisation comme le propose le Sénateur Virapoullé.
Je propose d'aller encore plus loin, et de créer un indicateur mondial indépendant qui classerait les pays en fonction de leur application des règles commerciales (OMC), financières (taux de change), sociales (droits de l'homme, droits fondamentaux du travail) et environnementales (conventions et accords environnementaux). Un tel indicateur pourrait être réalisé par un réseau d'universités et pourrait faire l'objet de publications médiatisées.
c. C'est enfin, une mondialisation durable
(i) La mondialisation doit apporter des réponses globales aux enjeux environnementaux et sociaux mondiaux.
Les accords commerciaux doivent mieux intégrer les préoccupations environnementales
et sociales :
Des clauses sociales et environnementales ambitieuses doivent être intégrées de manière systématique dans les accords commerciaux, en particulier les accords bilatéraux qui seront prochainement lancés avec l'Inde, la Corée du sud et l'Asean.
Participer au combat que le monde engage contre le réchauffement climatique. Nous devons explorer des pistes qui permettront de faire augmenter le prix de ce qui pose problème - en particulier le carbone - plus vite que le niveau de vie, notamment par la taxation du carbone qui comporterait un volet commercial
L'OMC ne doit pas régner seule :
Nous avons besoin d'une Organisation Mondiale de l'Environnement, grâce à laquelle l'environnement fera jeu égal avec le commerce international,
Nous avons besoin du renforcement de l'Organisation Internationale du Travail pour mieux défendre les droits fondamentaux du travail dans le monde.
(ii) L'ouverture commerciale ne doit pas mettre en danger la juste préservation de nos valeurs, de nos préférences collectives.
Ces préférences collectives traduisent des demandes sociales et des choix collectifs : ne pas manger de viande de boeuf nourri aux hormones, soutenir la diversité culturelle, une agriculture multifonctionnelle ou les indications géographiques.
Les citoyens français doivent avoir l'assurance que ces préférences collectives ne seront pas sacrifiées sur l'autel du commerce.
Il est urgent de relancer la réflexion sur les préférences collectives et de rassurer sur les moyens qu'on se donne pour qu'elles ne soient pas remises en cause par le libre-échange !
4. Groupe de haut niveau
J'ai décidé de lancer un groupe de haut niveau, indépendant et international, constitué de représentants du monde de l'entreprise, de l'université et spirituel, qui est chargé d'approfondir les pistes proposées et de me faire des recommandations. Le groupe de haut niveau travaillera de manière indépendante et me remettra ses recommandations en mars prochain.
L'esprit que je souhaite insuffler à cette initiative est celui d'une "ouverture raisonnée", sans candeur ni angélisme, mais délibérément non protectionniste.
5. Conclusion
Nous devons collectivement tout faire pour retrouver cette promesse de bonheur qu'exprimaient les philosophes des lumières s'agissant de la mondialisation, sans tomber dans la naïveté d'un Fukuyama, qui a cru voir dans la mondialisation la fin des conflits et de l'histoire.
La mondialisation ne ferme aucune porte à la France, mais elle lui demande de choisir : choisir sa voie, choisir de maîtriser son avenir en mobilisant ses forces. N'ayons pas peur, la France, avec l'Europe, a tout les atouts nécessaires pour trouver un chemin qui lui sera propre et créer les conditions pour que la mondialisation bénéficie à tous et soit conforme à ses valeurs.
Le train de la mondialisation avance vite. Il est temps d'agir pour la maîtriser, la rééquilibrer, la rendre plus humaine: pour cela il faut une mondialisation plus responsable, loyale et durable, c'est-à-dire, finalement se réapproprier la mondialisation et mieux la maîtriser.
Source http:www.exporter.gouv.fr, le 15 décembre 2006