Déclaration de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, sur la difficulté des interventions de police et le meurtre d'un adjoint de sécurité, Béziers le 25 janvier 2001.

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Circonstance : Hommage solennel rendu à l'adjoint de sécurité Olivier Recasens, décédé en service le 20 janvier 2001, à Béziers (Hérault)

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Il est des jours où les mots semblent bien dérisoires.
Il est des moments où l'accumulation du chagrin et de l'émotion nous accablent au point de nous désarmer face à la douleur.
Il est des heures où l'incrédulité et la stupeur se mêlent à un sentiment de révolte intérieure.
C'est sous l'emprise d'une profonde indignation et d'une tristesse extrême, que nous sommes rassemblés à Béziers pour honorer la mémoire d'Olivier RECASENS, Adjoint de Sécurité de la Police Nationale, victime du devoir le 20 janvier dernier.
Mes pensées se portent vers vous, Madame, Monsieur, ses parents, sa sur, sa famille et ses proches. Mes pensées se portent également vers ses amis, notamment Christian GRIMONTPONT, élève gardien de la paix. Je vous exprime, au nom du Premier ministre, Monsieur Lionel JOSPIN, au nom de l'ensemble du Gouvernement, en mon nom personnel, au nom de toute la Police Nationale, mes condoléances les plus attristées et le témoignage de notre profonde compassion.
Soyez assurés, dans ces moments si douloureux, du soutien et de la solidarité de tous les policiers, de ceux qui sont présents ici, mais aussi de tous les personnels de la Police Nationale rassemblés, qui observent en ce moment même, à travers toute la France, une minute de silence. Ils partagent votre douloureuse émotion ; ils s'unissent à nous par la pensée.
Soyez assurés aussi du respect de nos concitoyens et de leur sollicitude à votre égard dans cette trop cruelle épreuve.
J'exprime à Monsieur le Préfet de la Région LANGUEDOC-ROUSSILLON, à Monsieur le Directeur Départemental de la Sécurité Publique de l'HERAULT, aux commissaires, aux officiers, aux gradés et gardiens, aux adjoints de sécurité et aux policiers auxiliaires, et plus spécialement aux policiers et aux personnels du Commissariat de BEZIERS, la part personnelle que je prends à leur peine.
A tous, je veux redire que tout sera fait pour que l'auteur de cet acte odieux puisse en répondre devant la justice.
Cette région, ce département ont payé, depuis quelques semaines, un très lourd tribut dans le combat mené par la police nationale et la gendarmerie nationale pour la sécurité de nos concitoyens. Le décès des Lieutenants RIGAUD et PRIOR, le 8 janvier, après ceux de votre collègue de la police judiciaire BAUMONT, le 20 décembre, et du gendarme SOLER, le 22 décembre derniers, sont douloureusement présents à notre esprit.
Toute violence est inacceptable. Elle l'est encore plus quand elle frappe brutalement ceux dont la mission est, au nom de la société et de la République, d'assurer la protection des personnes et des biens.
Le fait d'enlever une vie est intolérable. L'accumulation de ces deuils les rend plus insupportables encore.
La Nation entière partage votre accablement et votre révolte, et demande que tout soit entrepris pour faire cesser cette violence meurtrière. Au-delà de notre accablement, nous devons puiser dans ces épreuves l'énergie et la volonté nécessaires à la poursuite et au renforcement de notre combat contre la criminalité sous toutes ses formes.
La mort est toujours injuste. Elle l'est plus encore quand elle frappe un homme à l'aube de sa vie : Olivier RECASENS était âgé de, seulement, 24 ans.
Olivier était un sportif de tout premier plan puisque, ceinture noire 2ème dan de karaté, il a été champion de l'Hérault, champion du Languedoc Roussillon, et qu'il a terminé 3ème du championnat de France par équipe à l'âge de 20 ans. Il était également passionné de moto et de mécanique automobile.
D'un caractère à la fois dynamique, enjoué et chaleureux, il était animé depuis toujours par une vocation profonde : servir dans la Police Nationale. Il rêvait notamment de rejoindre un Groupe d'Intervention de la Police Nationale.
A cette fin, il a choisi de devenir Adjoint de Sécurité le 3 janvier 2000, il y a à peine plus d'un an. Affecté à la Circonscription de BEZIERS, il s'était parfaitement intégré au sein de ce service, où l'ensemble de ses collègues appréciaient sa bonne humeur, sa disponibilité, et ses authentiques qualités professionnelles et humaines.
Passionné par sa fonction, il s'était préparé et présenté au concours de gardien de la paix en octobre 2000. Le 18 janvier dernier, il apprenait sa réussite. Sa joie de voir se réaliser son avenir professionnel au service des autres, il n'aura pu en profiter que pendant deux jours.
La disparition d'Olivier RECASENS, irréparable pour tous ceux qui l'aimait, pour ses parents, sa sur et ses proches, laisse également un grand vide au sein du Commissariat de BEZIERS qui l'avait adopté comme l'un des siens.
Ce deuil nous rappelle que, au-delà de la diversité et de la richesse des différents corps qui la composent, la Police Nationale constitue une famille unie et solidaire face au danger. Les adjoints de sécurité, tous les policiers de tous grades vivent et ressentent profondément cette unité.
Les adjoints de sécurité attirent des jeunes parmi les meilleurs ; ils apportent à la Police Nationale jeunesse et dynamisme, contribuent à insuffler un esprit nouveau dans le travail quotidien des services et à rendre plus fort et plus vivant encore le lien qui unit la police et la Nation.
Olivier RECASENS était de ceux-là, un jeune homme de haute qualité, reconnu comme tel par ses camarades, et par ses collègues.
Nos concitoyens savent, bien sûr, que les policiers exercent un métier difficile. Ils mesurent aujourd'hui combien le risque est présent, dans chaque mission, derrière chaque appel téléphonique, à chaque coin de rue. Ils réalisent le courage et l'altruisme qui animent les fonctionnaires de police qui, nuit et jour, partout, sont engagés en première ligne pour assurer leur sécurité.
Les policiers exercent leurs missions, toujours délicates et souvent dangereuses, avec sang-froid, savoir-faire, courage et abnégation.
Dans leur métier, comme l'actualité tragique nous le rappelle, le risque est partout présent.
Il ne l'est pas seulement dans les interventions jugées difficiles ; il surgit, sous les formes les plus inattendues et dramatiques, lors d'interventions en apparence des plus banales.
Le 20 janvier dernier, Olivier RECASENS régulait la circulation sur les lieux d'un accident de la route pour assurer la sécurité des autres.
Puisse son sacrifice aider à prendre conscience que, sans les fonctionnaires de police, il n'y aurait ni liberté, ni démocratie, ni cohésion sociale.
A prendre conscience aussi que, si le travail des policiers doit se faire dans le respect scrupuleux de la loi et de la déontologie, il doit aussi cesser de faire l'objet de suspicion, de dénigrements, ou de défiance. Pour l'exercice de cette mission, ces hommes et ces femmes méritent d'avoir, et doivent avoir l'estime et le soutien de tous.
La police ne peut vaincre seule dans sa lutte quotidienne contre l'insécurité. Son action doit être portée, amplifiée et relayée par l'ensemble du corps social, des institutions, des citoyens.
Ce nouveau drame doit conduire la Nation à renforcer encore la considération qu'elle porte à ceux qui, au nom de la République et de ses valeurs, sont en charge de la sécurité publique.
Ce nouveau drame doit conduire la Nation à renforcer le soutien qu'elle doit apporter à chacun des fonctionnaires de la police nationale, et à être attentive à ce que ceux-ci aient tous les moyens d'exercer leurs missions.
La Nation et le peuple français doivent aujourd'hui hommage et reconnaissance à Olivier RECASENS, qui leur a fait don de sa jeunesse.
La Nation lui rend hommage. A titre exceptionnel, Olivier RECASENS a été nommé gardien de la paix à titre posthume.
La citation à l'Ordre de la Nation, la citation à l'Ordre National du Mérite, la médaille d'honneur de la Police Nationale, la médaille d'or pour acte de courage et de dévouement, qui viennent de lui être décernées à titre posthume, sont le juste témoignage de cette reconnaissance de la Nation.
Me faisant l'interprète de tous ceux qui, dans les Commissariats de France, s'associent à notre recueillement, je m'incline à nouveau devant la douleur des proches d'Olivier RECASENS et vous assure, Madame, Monsieur, ainsi qu'à votre famille et à vos proches, de nos sentiments de respect, d'estime et d'affection.

(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 26 janvier 2001)