Texte intégral
M. Tronchot - Monsieur Ayrault, bonjour d'abord.
R - Bonjour.
Q - Vous comprenez la colère, on l'a entendu tout à l'heure, de J.-L. Debré, le président de l'Assemblée nationale, suite à un amendement qui est passé au Sénat, furtivement, à l'initiative de M. Charasse, un des vôtres d'ailleurs, qui était ensuite re-toqué en commission paritaire et qui prévoyait l'indexation des indemnisés parlementaires, des députés donc et des sénateurs sur l'inflation ?
R - La colère de J.-L. Debré, je la partage parce que j'exprimais hier la même chose à l'AFP et j'ai demandé aux députés socialistes en commission mixte paritaire, puisqu'on est en fin de budget de l'Etat - là il y a encore quelques amendements - de voter contre et de faire en sorte que la majorité aussi vote contre. Parce que c'est encore un nouvel épisode des aventures de M. Charasse, des fois on se demande s'il est vraiment socialiste. Indexer le traitement des parlementaires sur l'inflation, alors que normalement nous sommes indexés sur les fonctionnaires et les fonctionnaires n'ont même pas ça, donc je trouve ça scandaleux. Et donc c'est pour ça, que ça a été rejeté en vote final à l'Assemblée nationale et tant mieux. S'il y avait quelque chose à faire concernant les élus, ce n'est pas pour les parlementaires, c'est pour tous ces élus locaux de petites communes, qui exercent des responsabilités de plus en plus lourdes et qui n'ont pas de statut. Ça, ça serait une réforme à faire et que nous voulons faire, mais faire ça, là, je trouve qu'il y a un côté indécent et provocateur comme sait souvent malheureusement le faire M. Charasse.
Q - Vous en avez quelques-uns comme ça, de votre camp, monsieur Frêche, monsieur Charasse ?
R - Oui, G. Frêche, moi, je considère qu'il n'a plus sa place au Parti socialiste, après les propos qu'il a tenus et il a récidivé. Et d'ailleurs nous avons nos règles au Parti socialiste, nous avons une sorte de commission des conflits et d'examen des situations de ce type, qui se prononcera, je crois, pour la fin janvier. En tout cas, si on me demandait à moi, la décision, pour moi, il ne devrait plus être membre du Parti socialiste.
Q - Quelques questions d'actualité, monsieur Ayrault, suite à la journée d'hier : B. Mégret appelle à voter maintenant Le Pen, ça vous inspire quel commentaire ?
R - L'extrême droite réunit ses forces pour que Le Pen ait ses signatures, avec le rêve de recommencer ce qui s'est passé le 21 avril 2002. Le Pen au deuxième tour et donc si on avait besoin d'un avertissement supplémentaire du danger de l'extrême droite, là, on en a une nouvelle démonstration.
Q - Le désordre à votre gauche où les communistes et madame Buffet tente de faire une OPA sur ce qui est gauche antilibérale baptisée comme telle ?
R - Ecoutez, moi, je trouve ça assez triste, parce qu'on voit bien que ces mouvements divers, contradictoires, ne sont pas capables de s'entendre sur un projet, sur des propositions et même sur une candidature. Alors est-ce que le Parti communiste n'a pas sa part de responsabilité ? Ça c'est l'affaire des communistes, parce qu'il aurait mieux fait d'être clair dès le début. Les communistes sont-ils avec l'extrême gauche ou sont-ils avec le Parti socialiste ? Il vaut mieux quand même être clair et moi, je pense que maintenant, ce qui est important, c'est que les communistes disent clairement ce qu'ils vont faire pour que les conditions de réussite de la gauche - il faut arrêter de taper sur S. Royal, comme le fait M.-G. Buffet - soient réunies, pour que la gauche, pour que Sarkozy soit battu, c'est ça la responsabilité de la gauche de la gauche.
Q - C'est l'appel que vous lancez à madame Buffet ?
R - Oui, il faut qu'elle soit claire et surtout qu'elle ne se trompe pas de combat. Et qu'elle aille à l'essentiel, c'est le pays qui en a besoin aujourd'hui. Nous ne pouvons pas prendre le risque à nouveau d'une victoire de la droite.
Q - Aujourd'hui, c'est l'audition du Premier ministre, D. de Villepin, entendu comme simple témoin dans cette affaire Clearstream. C'est la fin d'une histoire ou c'est la fin du chapitre d'une histoire ? Et est-ce que tous les politiques n'ont pas perdu beaucoup dans cette affaire, qu'ils soient de gauche ou de droite d'ailleurs ?
R - Tous les politiques, là, en l'occurrence c'est une affaire qui concerne la majorité. Mais j'entends les citoyens, quand je suis sur le terrain chez moi à Nantes, dans mon département, ça écoeure les gens. Et ça ne grandit pas la politique. Et moi, je ne rentre pas dans les détails de cette ténébreuse affaire que je ne comprends pas. Ce que je sais, c'est que c'est un nouvel avatar des luttes de clans qui existent au sein de la direction de l'UMP et c'est la lutte à mort pour le pouvoir, Villepin/Sarkozy. Et au fond, derrière tout ça, parfois on est prêt à tout faire. Et je trouve ça lamentable et ce n'est pas que ça qui grandit la politique. Donc vivement que cette page soit tournée pour qu'on parle de l'essentiel, c'est-à-dire des Français et de l'avenir de la France.
Q - Remarquez, D. de Villepin a l'air de penser qu'il ne sera pas très occupé dans un an donc, il semble avoir une certaine...
R - ... Je n'en sais rien, vous savez, ce n'est pas ça ma préoccupation.
Q - Monsieur Ayrault, la fusion de GDF/Suez semble dans un moment critique, elle paraît compromise, ça vous fait plaisir j'imagine ?
R - C'est une question extrêmement importante, ce n'est pas que le statut de chez Gaz de France qui est en cause, c'est est-ce que la France se donne les moyens d'avoir une politique énergétique ambitieuse ? Et est-ce que privatiser Gaz de France va le permettre ? Nous, nous pensons que non. Nous avons gagné une première étape avec la décision du Conseil constitutionnel, suite au recours des parlementaires socialistes. Et ça veut dire quoi, concrètement ? Ça veut dire que c'est les Français qui par leur vote vont décider de l'avenir de Gaz de France, que nous ne voulons pas privatiser. Nous, si nous revenons au pouvoir, S. Royal s'est engagée encore il y a deux jours, nous constituons un pôle énergétique public qui aura un rôle important également en Europe pour qu'on puisse peser à la fois sur l'approvisionnement, sur la distribution pour la sécurité, mais aussi sur les tarifs. Parce que si on libéralise tout, qui va payer les entreprises qui déjà sont concernés et puis demain les particuliers qui voient déjà leurs factures explosées ?
Q - Quand vous dites qu'elle s'est engagée devant votre groupe socialiste à l'Assemblée nationale...
R - Absolument !
Q - Elle a dit qu'elle ferait comment ? Elle interromprait le processus, elle re-nationaliserait, ça se passe comment dans ces cas-là ?
R - M. Tronchot, c'est très clair, ce que dit, le Conseil constitutionnel : rien ne peut se faire avant le 1er juillet. Donc la privatisation ne peut pas se faire. Simplement, ce que nous avons dit, et je le répète ici aux responsables de Gaz de France et de Suez, n'engagez rien sur le plan financier - une sorte de protocole, d'échange etc. d'actions - qui contraindrait le futur Gouvernement, si c'est la gauche, à indemniser et que les contribuables paient la facture. Ça serait politiquement, économiquement et moralement inacceptable. Donc moi, je demande que rien ne soit fait pour que les Français aient vraiment entre les mains la décision.
Q - J.-M. Ayrault, que F. Hollande, premier secrétaire du PS donne son avis sur la politique fiscale que S. Royal serait bien inspirée de mener, c'est un crime de lèse-majesté ? Ou il est dans son droit ?
R - Ecoutez, non, parce que moi, je participe toutes les semaines à la direction de campagne, à laquelle participe aussi F. Hollande et je peux vous dire ça se passe vraiment bien. Mais ce qu'a dit F. Hollande sur la fiscalité, c'est dans le projet socialiste, il n'y a vraiment pas de choses nouvelles. On a, depuis, une polémique qui a été lancée par l'UMP, mais moi, je voudrais quand même rappeler, que ce que nous disons c'est que sur les 9 milliards de baisses d'impôts qui ont été décidées depuis 2002, 6 milliards ont profité à 100.000 familles françaises, c'est-à-dire les plus hauts revenus. Et c'est ça que nous voulons changer. Et le fameux bouclier fiscal, parce que quand on entend...
Q - Vous n'êtes pas contre les baisses d'impôts, mais affectées différemment c'est ça ?
R - On ne touchera pas à ce qui concerne les classes moyennes et les classes populaires, parce que c'est elles qui sont les plus défavorisées.
Q- Mais il n'y a pas de projet de baisse d'impôt pour eux ?
R - On ne propose pas de baisser les impôts, mais on ne propose pas de remettre en cause ce que ces catégories-là, les classes moyennes et les catégories populaires, ont pu obtenir, encore que les catégories populaires souvent ne paient pas l'impôt sur le revenu et elles sont taxées par ailleurs, donc il faut plus de justice fiscale. Par exemple moins taxer le travail et plus le capital et la rente. Mais le bouclier fiscal, on a l'impression quand on entend ça que ça concerne tous les Français. Vous avez combien de Français sont concernés par le bouclier fiscal ? 10.000 foyers fiscaux français et ça, c'est l'injustice de la politique fiscale du Gouvernement et quand F. Hollande dit qu'on va changer ça, je pense qu'il a profondément raison.
Q - Oui, mais quand il dit qu'on va créer une nouvelle CSG, ce n'est pas forcément très populaire ça, pardonnez-moi, moi, mais S. Royal, ça ne doit pas lui plaire forcément ?
R - Je crois qu'il faudra mettre sur la table la question de l'avenir du financement de notre système de retraite. Et on sait qu'en 2008, il y a un rendez-vous. Il y a un rendez-vous pour je dirais continuer à assurer la pérennité du financement de notre système de retraite. C'est un rendez-vous que tout le monde aura, que ce soit la majorité actuelle ou nous. Et donc à ce moment-là, la question du financement, ce qui reste à résoudre, la question du financement des retraites notamment des femmes qui ont été très mal traitées par la réforme Fillon, ou la non prise en compte de la pénibilité de l'espérance de vie, tout ça devra être mis dans la négociation. Et la question qui se posera c'est ce que nous devons financer, notamment la dépendance, qui va coûter de plus en plus cher, qui paiera ? Moi, je vois ce que propose à droite, on propose d'augmenter la TVA ; F. Hollande met dans le débat qui sera négocié avec les partenaires sociaux, l'éventuelle augmentation de la CSG, d'un peu de CSG qui concerne tous les revenus et pas seulement ceux du travail, notamment ceux du capital, il le met dans le débat, ça fait partie des orientations du Parti socialiste...
Q - Donc il y a une harmonie, il y a une complémentarité entre F. Hollande et S. Royal et absolument pas d'opposition ni de concurrence...
R - Moi, je ne vois pas de divergence, en tout cas je vous le dis, ce n'est pour parler la langue de bois. Je suis là toutes les semaines, je suis à leur côté et on va encore se voir dans quelques instants. Franchement, ce que nous voulons, c'est mettre toutes nos forces en mouvement pour gagner cette bataille politique extrêmement importante pour la France.
Q - Le journal Le Point laisse entendre que N. Sarkozy, pourrait vouloir augmenter la redevance. Et vous ?
R - Mais vous savez ce qu'il propose, N. Sarkozy ? D'augmenter la TVA, je viens de le dire, il propose aussi de supprimer les droits de mutation, les droits de succession pour les patrimoines élevés. Cela veut dire plus de Français qui s'enrichissent, et puis moins d'argent pour redistribuer. Parce que moi, j'écoute ce que dit N. Sarkozy, de meeting en meeting, j'analyse attentivement ce qu'il dit. A chaque catégorie à laquelle il s'adresse, il fait une promesse de plus. Quand vous additionnez à la fin, alors là c'est infaisable. Moi, je crois que le devoir du politique, c'est de dire la vérité.
Q - Vous faites des promesses aussi. Quand S. Royal dit hier soir, " il y aura des CDI pour tout le monde. " C'est quoi ?
R - Ça c'est la réforme du Code du Travail, qui fera l'objet de négociations. On va relancer la démocratie sociale, ce n'est pas uniquement le Gouvernement qui va décider. Mais donner plus de sécurité dans le travail au salarié, et notamment ceux qui sont dans une situation précaire, aux travailleurs pauvres, ceux qui n'ont même pas un temps plein, ceux qui n'ont même pas assez d'argent pour se loger, quand on parle des Sans domicile fixe, vous savez qu'il n'y a pas que les gens qui sont totalement exclus, vous avez des gens qui ont un travail, qui ne peuvent pas se payer un logement, donc la question de l'accès au logement, à la fois par un revenu stable, par une sécurité du travail et par une garantie mutuelle, pour qu'il n'y ait pas des cautions multiples à payer pour avoir un logement et la construction de logements sociaux, c'est une priorité. Donc nous, nous disons et nous avons des priorités dans notre projet, nous ne disons pas à toutes les catégories "vous aurez satisfaction sur tout", parce que c'est infaisable. Vous ne pouvez pas, si vous voulez être honnête, dire que d'un côté, il y a la dette à résoudre et les déficits de l'autre côté, il faut faire plus pour l'école, faire plus pour la justice pour tout et puis en même temps, faire comme N. Sarkozy baisser les impôts, supprimer les droits de succession. Ça ne marche pas. Et quand monsieur Breton dit " il n'y aura pas d'impôt en 2008 " vous croyez que les Français le croient ? Ils se moquent du monde tout simplement.
Q - Oui, ça je ne suis pas sûr qu'effectivement ils le croient. D'un mot et c'est ma dernière question sur la première affiche de madame Royal, il est inscrit " Pour que ça change fort ". Cela veut dire quoi ? Quelle est la différence avec une "rupture" comme on l'entend à droite ?
R - Quand on change vraiment, concrètement, fort, parce qu'il y en a mare des promesses, des grands mots, des grandes déclarations. Et hier soir, j'étais avec elle à Illkirch-Graffenstaden, il y avait dans la salle beaucoup de jeunes, beaucoup de jeunes, beaucoup d'hommes et de femmes de milieu populaire, et dans cette région, on souffre beaucoup et ce n'est pas un hasard, qu'elle a choisi comme première région la seule région qui n'a pas donné une majorité à la gauche aux dernières régionales, donc elle est dans un combat, on sait qu'il sera difficile, mais on veut le réussir et on veut le réussir pour redonner à la France un espoir et la remettre debout et soutenir aussi, et c'est ce qu'elle a dit hier soir, les Français qui se battent.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 27 décembre 2006
R - Bonjour.
Q - Vous comprenez la colère, on l'a entendu tout à l'heure, de J.-L. Debré, le président de l'Assemblée nationale, suite à un amendement qui est passé au Sénat, furtivement, à l'initiative de M. Charasse, un des vôtres d'ailleurs, qui était ensuite re-toqué en commission paritaire et qui prévoyait l'indexation des indemnisés parlementaires, des députés donc et des sénateurs sur l'inflation ?
R - La colère de J.-L. Debré, je la partage parce que j'exprimais hier la même chose à l'AFP et j'ai demandé aux députés socialistes en commission mixte paritaire, puisqu'on est en fin de budget de l'Etat - là il y a encore quelques amendements - de voter contre et de faire en sorte que la majorité aussi vote contre. Parce que c'est encore un nouvel épisode des aventures de M. Charasse, des fois on se demande s'il est vraiment socialiste. Indexer le traitement des parlementaires sur l'inflation, alors que normalement nous sommes indexés sur les fonctionnaires et les fonctionnaires n'ont même pas ça, donc je trouve ça scandaleux. Et donc c'est pour ça, que ça a été rejeté en vote final à l'Assemblée nationale et tant mieux. S'il y avait quelque chose à faire concernant les élus, ce n'est pas pour les parlementaires, c'est pour tous ces élus locaux de petites communes, qui exercent des responsabilités de plus en plus lourdes et qui n'ont pas de statut. Ça, ça serait une réforme à faire et que nous voulons faire, mais faire ça, là, je trouve qu'il y a un côté indécent et provocateur comme sait souvent malheureusement le faire M. Charasse.
Q - Vous en avez quelques-uns comme ça, de votre camp, monsieur Frêche, monsieur Charasse ?
R - Oui, G. Frêche, moi, je considère qu'il n'a plus sa place au Parti socialiste, après les propos qu'il a tenus et il a récidivé. Et d'ailleurs nous avons nos règles au Parti socialiste, nous avons une sorte de commission des conflits et d'examen des situations de ce type, qui se prononcera, je crois, pour la fin janvier. En tout cas, si on me demandait à moi, la décision, pour moi, il ne devrait plus être membre du Parti socialiste.
Q - Quelques questions d'actualité, monsieur Ayrault, suite à la journée d'hier : B. Mégret appelle à voter maintenant Le Pen, ça vous inspire quel commentaire ?
R - L'extrême droite réunit ses forces pour que Le Pen ait ses signatures, avec le rêve de recommencer ce qui s'est passé le 21 avril 2002. Le Pen au deuxième tour et donc si on avait besoin d'un avertissement supplémentaire du danger de l'extrême droite, là, on en a une nouvelle démonstration.
Q - Le désordre à votre gauche où les communistes et madame Buffet tente de faire une OPA sur ce qui est gauche antilibérale baptisée comme telle ?
R - Ecoutez, moi, je trouve ça assez triste, parce qu'on voit bien que ces mouvements divers, contradictoires, ne sont pas capables de s'entendre sur un projet, sur des propositions et même sur une candidature. Alors est-ce que le Parti communiste n'a pas sa part de responsabilité ? Ça c'est l'affaire des communistes, parce qu'il aurait mieux fait d'être clair dès le début. Les communistes sont-ils avec l'extrême gauche ou sont-ils avec le Parti socialiste ? Il vaut mieux quand même être clair et moi, je pense que maintenant, ce qui est important, c'est que les communistes disent clairement ce qu'ils vont faire pour que les conditions de réussite de la gauche - il faut arrêter de taper sur S. Royal, comme le fait M.-G. Buffet - soient réunies, pour que la gauche, pour que Sarkozy soit battu, c'est ça la responsabilité de la gauche de la gauche.
Q - C'est l'appel que vous lancez à madame Buffet ?
R - Oui, il faut qu'elle soit claire et surtout qu'elle ne se trompe pas de combat. Et qu'elle aille à l'essentiel, c'est le pays qui en a besoin aujourd'hui. Nous ne pouvons pas prendre le risque à nouveau d'une victoire de la droite.
Q - Aujourd'hui, c'est l'audition du Premier ministre, D. de Villepin, entendu comme simple témoin dans cette affaire Clearstream. C'est la fin d'une histoire ou c'est la fin du chapitre d'une histoire ? Et est-ce que tous les politiques n'ont pas perdu beaucoup dans cette affaire, qu'ils soient de gauche ou de droite d'ailleurs ?
R - Tous les politiques, là, en l'occurrence c'est une affaire qui concerne la majorité. Mais j'entends les citoyens, quand je suis sur le terrain chez moi à Nantes, dans mon département, ça écoeure les gens. Et ça ne grandit pas la politique. Et moi, je ne rentre pas dans les détails de cette ténébreuse affaire que je ne comprends pas. Ce que je sais, c'est que c'est un nouvel avatar des luttes de clans qui existent au sein de la direction de l'UMP et c'est la lutte à mort pour le pouvoir, Villepin/Sarkozy. Et au fond, derrière tout ça, parfois on est prêt à tout faire. Et je trouve ça lamentable et ce n'est pas que ça qui grandit la politique. Donc vivement que cette page soit tournée pour qu'on parle de l'essentiel, c'est-à-dire des Français et de l'avenir de la France.
Q - Remarquez, D. de Villepin a l'air de penser qu'il ne sera pas très occupé dans un an donc, il semble avoir une certaine...
R - ... Je n'en sais rien, vous savez, ce n'est pas ça ma préoccupation.
Q - Monsieur Ayrault, la fusion de GDF/Suez semble dans un moment critique, elle paraît compromise, ça vous fait plaisir j'imagine ?
R - C'est une question extrêmement importante, ce n'est pas que le statut de chez Gaz de France qui est en cause, c'est est-ce que la France se donne les moyens d'avoir une politique énergétique ambitieuse ? Et est-ce que privatiser Gaz de France va le permettre ? Nous, nous pensons que non. Nous avons gagné une première étape avec la décision du Conseil constitutionnel, suite au recours des parlementaires socialistes. Et ça veut dire quoi, concrètement ? Ça veut dire que c'est les Français qui par leur vote vont décider de l'avenir de Gaz de France, que nous ne voulons pas privatiser. Nous, si nous revenons au pouvoir, S. Royal s'est engagée encore il y a deux jours, nous constituons un pôle énergétique public qui aura un rôle important également en Europe pour qu'on puisse peser à la fois sur l'approvisionnement, sur la distribution pour la sécurité, mais aussi sur les tarifs. Parce que si on libéralise tout, qui va payer les entreprises qui déjà sont concernés et puis demain les particuliers qui voient déjà leurs factures explosées ?
Q - Quand vous dites qu'elle s'est engagée devant votre groupe socialiste à l'Assemblée nationale...
R - Absolument !
Q - Elle a dit qu'elle ferait comment ? Elle interromprait le processus, elle re-nationaliserait, ça se passe comment dans ces cas-là ?
R - M. Tronchot, c'est très clair, ce que dit, le Conseil constitutionnel : rien ne peut se faire avant le 1er juillet. Donc la privatisation ne peut pas se faire. Simplement, ce que nous avons dit, et je le répète ici aux responsables de Gaz de France et de Suez, n'engagez rien sur le plan financier - une sorte de protocole, d'échange etc. d'actions - qui contraindrait le futur Gouvernement, si c'est la gauche, à indemniser et que les contribuables paient la facture. Ça serait politiquement, économiquement et moralement inacceptable. Donc moi, je demande que rien ne soit fait pour que les Français aient vraiment entre les mains la décision.
Q - J.-M. Ayrault, que F. Hollande, premier secrétaire du PS donne son avis sur la politique fiscale que S. Royal serait bien inspirée de mener, c'est un crime de lèse-majesté ? Ou il est dans son droit ?
R - Ecoutez, non, parce que moi, je participe toutes les semaines à la direction de campagne, à laquelle participe aussi F. Hollande et je peux vous dire ça se passe vraiment bien. Mais ce qu'a dit F. Hollande sur la fiscalité, c'est dans le projet socialiste, il n'y a vraiment pas de choses nouvelles. On a, depuis, une polémique qui a été lancée par l'UMP, mais moi, je voudrais quand même rappeler, que ce que nous disons c'est que sur les 9 milliards de baisses d'impôts qui ont été décidées depuis 2002, 6 milliards ont profité à 100.000 familles françaises, c'est-à-dire les plus hauts revenus. Et c'est ça que nous voulons changer. Et le fameux bouclier fiscal, parce que quand on entend...
Q - Vous n'êtes pas contre les baisses d'impôts, mais affectées différemment c'est ça ?
R - On ne touchera pas à ce qui concerne les classes moyennes et les classes populaires, parce que c'est elles qui sont les plus défavorisées.
Q- Mais il n'y a pas de projet de baisse d'impôt pour eux ?
R - On ne propose pas de baisser les impôts, mais on ne propose pas de remettre en cause ce que ces catégories-là, les classes moyennes et les catégories populaires, ont pu obtenir, encore que les catégories populaires souvent ne paient pas l'impôt sur le revenu et elles sont taxées par ailleurs, donc il faut plus de justice fiscale. Par exemple moins taxer le travail et plus le capital et la rente. Mais le bouclier fiscal, on a l'impression quand on entend ça que ça concerne tous les Français. Vous avez combien de Français sont concernés par le bouclier fiscal ? 10.000 foyers fiscaux français et ça, c'est l'injustice de la politique fiscale du Gouvernement et quand F. Hollande dit qu'on va changer ça, je pense qu'il a profondément raison.
Q - Oui, mais quand il dit qu'on va créer une nouvelle CSG, ce n'est pas forcément très populaire ça, pardonnez-moi, moi, mais S. Royal, ça ne doit pas lui plaire forcément ?
R - Je crois qu'il faudra mettre sur la table la question de l'avenir du financement de notre système de retraite. Et on sait qu'en 2008, il y a un rendez-vous. Il y a un rendez-vous pour je dirais continuer à assurer la pérennité du financement de notre système de retraite. C'est un rendez-vous que tout le monde aura, que ce soit la majorité actuelle ou nous. Et donc à ce moment-là, la question du financement, ce qui reste à résoudre, la question du financement des retraites notamment des femmes qui ont été très mal traitées par la réforme Fillon, ou la non prise en compte de la pénibilité de l'espérance de vie, tout ça devra être mis dans la négociation. Et la question qui se posera c'est ce que nous devons financer, notamment la dépendance, qui va coûter de plus en plus cher, qui paiera ? Moi, je vois ce que propose à droite, on propose d'augmenter la TVA ; F. Hollande met dans le débat qui sera négocié avec les partenaires sociaux, l'éventuelle augmentation de la CSG, d'un peu de CSG qui concerne tous les revenus et pas seulement ceux du travail, notamment ceux du capital, il le met dans le débat, ça fait partie des orientations du Parti socialiste...
Q - Donc il y a une harmonie, il y a une complémentarité entre F. Hollande et S. Royal et absolument pas d'opposition ni de concurrence...
R - Moi, je ne vois pas de divergence, en tout cas je vous le dis, ce n'est pour parler la langue de bois. Je suis là toutes les semaines, je suis à leur côté et on va encore se voir dans quelques instants. Franchement, ce que nous voulons, c'est mettre toutes nos forces en mouvement pour gagner cette bataille politique extrêmement importante pour la France.
Q - Le journal Le Point laisse entendre que N. Sarkozy, pourrait vouloir augmenter la redevance. Et vous ?
R - Mais vous savez ce qu'il propose, N. Sarkozy ? D'augmenter la TVA, je viens de le dire, il propose aussi de supprimer les droits de mutation, les droits de succession pour les patrimoines élevés. Cela veut dire plus de Français qui s'enrichissent, et puis moins d'argent pour redistribuer. Parce que moi, j'écoute ce que dit N. Sarkozy, de meeting en meeting, j'analyse attentivement ce qu'il dit. A chaque catégorie à laquelle il s'adresse, il fait une promesse de plus. Quand vous additionnez à la fin, alors là c'est infaisable. Moi, je crois que le devoir du politique, c'est de dire la vérité.
Q - Vous faites des promesses aussi. Quand S. Royal dit hier soir, " il y aura des CDI pour tout le monde. " C'est quoi ?
R - Ça c'est la réforme du Code du Travail, qui fera l'objet de négociations. On va relancer la démocratie sociale, ce n'est pas uniquement le Gouvernement qui va décider. Mais donner plus de sécurité dans le travail au salarié, et notamment ceux qui sont dans une situation précaire, aux travailleurs pauvres, ceux qui n'ont même pas un temps plein, ceux qui n'ont même pas assez d'argent pour se loger, quand on parle des Sans domicile fixe, vous savez qu'il n'y a pas que les gens qui sont totalement exclus, vous avez des gens qui ont un travail, qui ne peuvent pas se payer un logement, donc la question de l'accès au logement, à la fois par un revenu stable, par une sécurité du travail et par une garantie mutuelle, pour qu'il n'y ait pas des cautions multiples à payer pour avoir un logement et la construction de logements sociaux, c'est une priorité. Donc nous, nous disons et nous avons des priorités dans notre projet, nous ne disons pas à toutes les catégories "vous aurez satisfaction sur tout", parce que c'est infaisable. Vous ne pouvez pas, si vous voulez être honnête, dire que d'un côté, il y a la dette à résoudre et les déficits de l'autre côté, il faut faire plus pour l'école, faire plus pour la justice pour tout et puis en même temps, faire comme N. Sarkozy baisser les impôts, supprimer les droits de succession. Ça ne marche pas. Et quand monsieur Breton dit " il n'y aura pas d'impôt en 2008 " vous croyez que les Français le croient ? Ils se moquent du monde tout simplement.
Q - Oui, ça je ne suis pas sûr qu'effectivement ils le croient. D'un mot et c'est ma dernière question sur la première affiche de madame Royal, il est inscrit " Pour que ça change fort ". Cela veut dire quoi ? Quelle est la différence avec une "rupture" comme on l'entend à droite ?
R - Quand on change vraiment, concrètement, fort, parce qu'il y en a mare des promesses, des grands mots, des grandes déclarations. Et hier soir, j'étais avec elle à Illkirch-Graffenstaden, il y avait dans la salle beaucoup de jeunes, beaucoup de jeunes, beaucoup d'hommes et de femmes de milieu populaire, et dans cette région, on souffre beaucoup et ce n'est pas un hasard, qu'elle a choisi comme première région la seule région qui n'a pas donné une majorité à la gauche aux dernières régionales, donc elle est dans un combat, on sait qu'il sera difficile, mais on veut le réussir et on veut le réussir pour redonner à la France un espoir et la remettre debout et soutenir aussi, et c'est ce qu'elle a dit hier soir, les Français qui se battent.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 27 décembre 2006