Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur le bilan du quinquennat en matière de politique de l'emploi et de relations internationales, sur l'augmentation de l'activité parlementaire et sur son souhait de maintenir un véritable bicamérisme, Paris le 4 janvier 2007.

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Circonstance : Présentation des voeux des assemblées constitutionnelles à Monsieur le Président de la République, à l'Elysée le 4 janvier 2007

Texte intégral

Monsieur le Président de la République,
Il me revient, une nouvelle fois, l'honneur - et le plaisir - de vous présenter les voeux du Sénat de la République. C'est - vous le savez - avec chaleur et sincérité que j'exprime à cet instant, à titre personnel et au nom de l'ensemble de mes collègues Sénatrices et Sénateurs, tous les voeux que nous formons pour vous-même et pour tous ceux qui vous sont chers.
Je le fais avec sérénité, et avec ambition pour la France, sans céder à la fébrilité que ce millésime 2007 a pu faire naître - m'a-t-il semblé - dans certains esprits.
Le Sénat, vous le savez, inscrit son action - et sa sagesse - dans la durée, tout en s'adaptant constamment pour rester ouvert à toutes les évolutions de la société et assumer au mieux la mission que lui confie la Constitution dont vous êtes, Monsieur le Président de la République, le garant.
Cet agréable rituel républicain revêt cependant, cette année, un sens particulier et une dimension institutionnelle singulière, dans la mesure où 2007 marquera le terme du premier quinquennat de la Ve République et constituera, ainsi, une nouvelle étape dans le fonctionnement de nos institutions.
Mais les échéances qui rythment naturellement notre vie démocratique ne sauraient détourner notre attention de la tâche qui nous est confiée. Elle ne sauraient davantage ralentir, en quoi que ce soit, le rythme des actions entreprises. Nous restons au contraire pleinement concentrés sur l'action, déterminés à mener à bien les projets en cours, et vigilants et attentifs aux évolutions qui s'amorcent.
D'abord, bien sûr, parce que des orages subits peuvent à tout moment, si nous n'y prenons garde, compromettre les meilleures récoltes, les plus patiemment préparées.
Mais, surtout, parce que la France ne peut attendre.
L'esprit de 2006 - celui de l'action au service de nos concitoyens - doit continuer à souffler sur les premiers mois de 2007. Nous devons mettre pleinement à profit cette « période complémentaire » qui nous est en quelque sorte offerte.
La lutte pour l'emploi ne peut attendre. La bataille contre le chômage de masse, dont vous avez voulu qu'elle soit la priorité du gouvernement, est aussi, nous le savons, la priorité absolue des Français.
Cette politique volontariste est en train de porter ses fruits. Après des lustres de dégradation et d'impuissance, nous avons enfin repris la bonne direction. Nous sommes à nouveau entrés dans un « cercle vertueux » : depuis maintenant plus de vingt mois, l'emploi s'améliore dans notre pays, y compris pour les catégories les plus sensibles, les jeunes et les chômeurs de longue durée. Le taux de chômage est passé de plus de 10 % à moins de 8,7 % de la population active - soit, et ce n'est pas une mince satisfaction, quelque 350 000 demandeurs d'emploi en moins !
Nous pouvons désormais viser raisonnablement de passer sous le seuil des 2 millions de demandeurs d'emploi et sous la barre des 8 %. Le chômage sera ainsi revenu à son niveau le plus bas depuis plus de vingt ans. Mais ne nous y trompons pas : ce combat doit être gagné jour après jour, pied à pied, j'allais dire emploi par emploi.
C'est pourquoi le gouvernement est à la tâche. C'est pourquoi nous devons continuer à relayer ses efforts, quotidiennement, dans nos départements d'élection : je sais de quoi je parle. Et c'est le devoir et l'honneur de tout responsable politique de rester constamment à la barre.
La mondialisation non plus n'attendra pas nos échéances nationales. Cette évolution fondamentale des relations économiques internationales ne laisse aucun répit. Cette intégration globale se poursuit quotidiennement, et le commerce - à commencer par les échanges de services - représente une part croissante du produit intérieur brut mondial. Or, ce combat économique est sans merci et, souvent, sans alliés.
Là encore, les résultats acquis dans la lutte contre le chômage iront de pair avec de nouvelles ambitions pour la France - en termes de pouvoir d'achat de nos concitoyens, d'amélioration de notre productivité et donc d'atouts pour notre pays dans la compétition économique internationale, au moment où des pays émergents, comme la Chine ou l'Inde, cessent aujourd'hui d'être à la périphérie, pour devenir les moteurs principaux de l'économie mondiale.
Les tensions dans le monde n'attendront pas davantage. Il n'y aura pas de pause pour nos soldats engagés, au Liban, en Afghanistan, en Afrique, ou ailleurs dans le monde sur d'autres théâtres de conflits, et auxquels je veux ici rendre hommage au nom du Sénat.
C'est pourquoi aussi nous devons garder, à tout moment, à la France la force de la voix que vous lui avez donnée, Monsieur le Président de la République, sur la scène internationale. Vous avez ainsi préservé notre pays d'erreurs stratégiques que d'autres ont commises et auxquels les faits et l'histoire ont déjà donné tort. Les multiples dangers qui pèsent aujourd'hui sur le monde, en particulier au Proche et au Moyen-Orient, ne sauraient s'accommoder d'une France atone, impuissante et a fortiori absente.
Nous devons, pour la même raison, maintenir notre effort de défense en nous appuyant sur l'exécution, pour la première fois complète et intégrale, de la loi de programmation militaire et en donnant à nos forces armées, modernisées et professionnalisées, les moyens de défendre efficacement nos valeurs partout où elles sont appelées à le faire.
L'Europe non plus ne saurait attendre plus longtemps. Certes, malgré les doutes et les préoccupations - légitimes - qu'elle suscite, l'Union européenne fonctionne. L'adoption des perspectives budgétaires pour la période 2007-2013 ou la modification de la directive sur les services l'illustrent bien.
Mais nous savons aussi que les Français ont eu le sentiment d'être confrontés à des élargissements successifs trop rapides, mal maîtrisés et finalement préjudiciables à notre projet européen.
Le temps presse désormais. Parce que notre ambition et notre dessein européens demeurent, en dépit des difficultés de l'heure, au moment où nous nous préparons à célébrer le cinquantième anniversaire du Traité de Rome. Et parce qu'un monde équilibré a besoin - c'est ma conviction- d'une Europe reposant sur une véritable construction politique.
Dans cette perspective, la présidence allemande de l'Union, qui vient de s'ouvrir le 1er janvier, peut représenter une opportunité dont nous devons nous saisir.
Mais je l'ai dit : l'année 2007, qui achèvera la dernière année du premier quinquennat, doit être aussi l'occasion pour les pouvoirs constitués, et singulièrement pour le Parlement, de jeter un regard rétrospectif sur la première expérience d'une réforme qui n'a pas encore produit toutes ses conséquences.
Le quinquennat accélère le temps démocratique. Le programme d'action du pouvoir exécutif est rythmé par cette nouvelle exigence, qui s'impose désormais aussi aux débats du Parlement.
Nous avons en particulier déjà eu l'occasion, les uns et les autres, à maintes reprises, de regretter certaines conséquences de cette nouvelle donne qui favorise une inflation législative dommageable et conduit parfois à une loi déclarative plus qu'à une loi strictement normative.
Cette accélération du temps démocratique ne saurait tourner à la précipitation. L'accélération répond à une aspiration légitime de nos concitoyens. La précipitation renverrait au désordre prévisible de nos institutions.
Certes, certains progrès ont été accomplis. Je me plais ainsi à souligner que, grâce au volontarisme du gouvernement, nous avons pu relever, au cours de l'année parlementaire écoulée, une très substantielle amélioration du taux d'application des lois votées, passé de 16 % en 2004-2005 à 30 % en 2005-2006.
Mais les institutions de la Ve République, ainsi adaptées aux exigences du temps présent par la mise en place du quinquennat, exigent aussi, plus que jamais, un équilibre, garant de leur stabilité et de leur pérennité.
Le Sénat, lui-même consolidé et rénové par l'auto-réforme qu'il a mise en oeuvre en 2003, est précisément en mesure de constituer cet indispensable pôle d'équilibre dans le bon fonctionnement de nos institutions.
Au-delà des enseignements que nous devrions savoir tirer de l'Histoire, je veux redire ma conviction profonde sur la nécessité, que je crois vitale pour notre démocratie, de maintenir un véritable bicamérisme, fondé sur deux assemblées législatives à part entière, mais différenciées.
C'est précisément cette différence qui fonde l'existence du Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales et des Français établis hors de France. C'est cette altérité qui légitime et nourrit l'efficacité du bicamérisme, système parlementaire que l'exemple français a puissamment contribué à développer sur tous les continents. Rappellerai-je que l'on dénombre aujourd'hui plus de 80 Parlements bicaméraux dans le monde ?
Le Sénat, dont chacun salue le sérieux et la qualité des travaux, s'impose à mon sens à la fois comme source d'équilibre institutionnel et comme garant d'une loi mieux écrite. Et chacun sait qu'une loi bien rédigée, c'est une loi durable, facteur essentiel de l'indispensable stabilité juridique.
Enfin, au-delà même de son travail législatif et de son activité de contrôle, les nombreuses initiatives que j'ai souhaité prendre depuis 1998 - comme les stages d'immersion des sénateurs dans les entreprises ou l'opération Talents des Cités - sont venues renforcer l'ouverture du Sénat et la capacité des sénateurs, élus de terrain, à appréhender les attentes de nos concitoyens et les évolutions de notre société.
La réforme du Sénat que j'ai initiée en 2003 a permis de faire émerger une assemblée rajeunie, féminisée et plus représentative de la diversité politique de notre pays.
Les travaux de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat, conduits au cours de l'année écoulée par la Conférence des Présidents, illustrent également notre volonté de faire évoluer les conditions du travail parlementaire, dans le respect des sensibilités de chacun, en privilégiant le dialogue.
Cette méthode sénatoriale, qui privilégie le consensus, le respect et la mesure sur l'affrontement, l'invective et la démagogie, constitue en quelque sorte la « marque de fabrique », j'allais dire « l'appellation d'origine contrôlée » d'une assemblée d'autant plus indispensable que le pacte républicain et la foi en la politique semblent se déliter.
Je me tiendrai naturellement toujours aux avant-postes pour promouvoir le Sénat de la République, législateur avisé, contrôleur vigilant de l'action gouvernementale, mais aussi synonyme de défense des territoires et éclaireur de l'avenir. Par sa valeur démocratique, son efficacité et sa profonde modernité, le Sénat a aujourd'hui, plus que jamais, un rôle déterminant à jouer dans l'équilibre de nos institutions.
Monsieur le Président de la République, c'est au nom de ce Sénat garant d'une démocratie moderne, représentant de la diversité territoriale et pôle d'équilibre institutionnel, que j'ai l'honneur de vous présenter - ainsi qu'à votre épouse, à qui j'adresse mes hommages respectueux - mes voeux les plus chaleureux !
Monsieur le Président de la République, c'est aussi en mon nom personnel que vous me permettrez, en cette circonstance solennelle, de redire avec force et simplicité mon attachement, ma fidélité et mon amitié à l'homme qui incarne depuis douze ans une certaine idée de la France, une France écoutée et respectée, une France moderne et offensive, une France solidaire et fraternelle.
Source http://www.senat.fr, le 8 janvier 2007