Interview de Mme Marie-George Buffet, députée PCF et candidate à l'élection présidentielle 2007, à LCI le 8 janvier 2007, sur ses objectifs pour l'élection présidentielle, ses relations avec le parti socialiste, la question du logement social et sur la place de l'écologie dans l'action politique.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

Q- "Soumission", dit F. Bayrou, "humiliation", pour P. Devedjian, le voyage de S. Royal en chine soulève des critiques. On lui reproche à a fois d'être une simple touriste et de ne pas parler assez des droits de l'homme. La défendez-vous ?
R- Je n'ai pas à défendre S. Royal, elle est assez grande pour le faire elle-même. Je crois que ce voyage était utile, parce que la Chine est aujourd'hui une des grandes puissances au monde. Je pense qu'il faut à la fois regarder ce qu'est le développement économique de la Chine, comment la Chine fait reculer la misère dans ce pays, mais également, il faut à chaque fois réfléchir et poser des questions sur les droits humains, sur la démocratie. Pourquoi ? Parce que la Chine a besoin de développement de la démocratie pour réussir, justement, son formidable défi de faire en sorte que chaque homme, chaque femme dans ce pays puisse avoir les moyens de vivre correctement. On ne peut pas développer un pays sans qu'il y ait l'intervention des hommes et des femmes eux-mêmes. On est payé pour le savoir quand même, l'histoire l'a montré.
Q- La priorité d'un candidat ou d'une candidate à la présidentielle ne doit pas être de rester en France et de se concentrer sur les problèmes des Français ?
R- Il faut bien sûr se concentrer sur les problèmes des Français. Je vais tenir des milliers de rencontres dans les entreprises, dans les quartiers populaires, mais il faut aussi avoir une opinion sur la situation internationale. On sait bien qu'aujourd'hui, si l'on veut bien vivre en France, il faut que l'on vive mieux en Afrique, en Asie. Le monde, aujourd'hui, c'est la mondialisation capitaliste ; moi, je suis pour une mondialisation qui soit une mondialisation de coopération, d'échange. Et pour cela, il faut aussi aller en effet à la rencontre d'autres peuples.
Q- Vous êtes officiellement candidate à la présidentielle, 32 meetings : un meeting le 23 janvier au Zénith, à Paris... Etes-vous la candidate du PC ou des collectifs antilibéraux ?
R- Non, je ne fais pas d'OPA sur les collectifs antilibéraux. Nous n'avons pas été capables de nous mettre d'accord sur une candidature commune, je le regrette, surtout que les collectifs, en majorité, avaient choisi ma candidature mais c'est comme cela... Je ne suis pas la candidate du PCF parce que je veux continuer cette démarche de rassemblement, c'est le choix des communistes. Nous ne voulons pas rassembler autour de nous, nous voulons construire un rassemblement...
Q- Alors que dites-vous à J. Bové, à C. Autain pour les faire revenir, les rassembler, que leur proposez-vous ?
R- Je leur dis que c'est une candidature ouverte, c'est une candidature de la gauche populaire, antilibérale. J'ai quitté mes fonctions de secrétaire nationale du PCF pour me consacrer à ce rassemblement. L'important, aujourd'hui, c'est d'y aller tous ensemble. Vous savez, les hommes et les femmes qui souffrent, qui sont menacés de licenciement, qui ont des difficultés dans les fins de mois, ils ne sont pas en train de regarder l'intérêt partisan d'untel ou untel, ils ont envie que cette gauche antilibérale qui les a rassemblés sur le "non" à la Constitution européenne, que cette gauche antilibérale aille de l'avant. Donc je crois qu'il faut maintenant tous travailler ensemble.
Q- R. Hue a obtenu 3,37 % en 2002 ; vous êtes considérée comme une petite candidate, quel score visez-vous ?
R- Moi, je vise à construire une nouvelle majorité à gauche parce que je veux une gauche de responsabilité, une gauche de pouvoir. Je ne vise pas à être une gauche de contestation, une petite gauche. Donc je vise le plus score possible parce que je pense qu'aujourd'hui, pour battre la droite, il faut la battre, c'est une urgence, et je ne veux surtout pas que N. Sarkozy prenne les clefs de la République. Pour battre la droite, il faut une gauche qui prenne vraiment des réformes fortes contre les logiques libérales.
Q- Mais vous n'avez pas l'impression que le jeu est résumé à Sarkozy- Ségolène et éventuellement Le Pen ?
R- Oui, je suis un peu scandalisée lorsque j'ai lu l'interview de monsieur Namias hier, qui dit qu'il y aura à TF1 de grandes émissions, avec S. Royal, avec N. Sarkozy, des émissions un peu moins grandes avec Le Pen et Bayrou et puis que les autres candidats n'existeraient plus, ou seraient regroupés dans une émission de seconde zone, comme si aujourd'hui...
Q- Est-ce que ce n'est pas la règle de l'élection : vous êtes là pour faire valoir quelques idées à la marge ?
R- Non, ce n'est pas mon but ! Mon but, c'est vraiment d'aller vers une dynamique populaire, citoyenne, d'aller vers une nouvelle majorité à gauche. Donc j'estime - il y a encore quinze semaines de campagne électorale - que tous les candidats doivent être considérés de la même manière...
Q- Mais quand les candidats de la gauche de la gauche sont forts, eh bien L. Jospin a été éliminé en 2002 du deuxième tour !
R- Qu'est-ce qui a fait que L. Jospin a été battu ? C'est parce que - j'étais ministre - nous n'avons pas répondu aux attentes populaires. Nous avons été sanctionnés parce que les gens ont eu l'impression que la gauche n'était pas vraiment à gauche, ne répondait à leurs aspirations. Si nous voulons que la gauche réussisse, et pour moi, la réussite de la gauche c'est de battre la droite en avril, mais c'est de la battre durablement, qu'elle ne revienne pas cinq ans plus tard. Et pour cela, il faut une gauche du changement, une gauche, qui, cette fois-ci, réponde aux exigences populaires.
Q- Si votre stratégie fonctionne, M.-G. Buffet ministre de la présidente Royal, c'est tout à fait envisageable ?
R- Si la gauche est portée par madame Royal comme elle la porte aujourd'hui, c'est-à-dire une politique qui ne sort pas de ce que l'on a fait entre 1997 et 2002, et qui, donc, va à l'échec comme en 1997 et 2002, non, je ne serai pas ministre de madame Royal.
Q- Vous avez signé la charte des Enfants de Don Quichotte ; le Gouvernement a pris la mesure du problème, disent-ils... Etes-vous d'accord ?
R- Non, pas tout à fait parce que je pense que le droit opposable, pour qu'il rentre dans la vie, il faut construire beaucoup de logements sociaux, il faut interdire les expulsions locatives qui vont recommencer le 15 mars...
Q- La gauche n'a pas fait beaucoup de logements sociaux entre 1997 et 2002...
R- Mais c'est pour cela que nous avons été sanctionnés, donc il ne faut pas recommencer. Il faut imposer que le loyer ne représente pas plus de 20 % des revenus des familles. C'est tout cela qui fera le droit opposable. Je vais vous prendre un exemple : dans ma ville de Stains, il y a 72 % de logements sociaux. La mairie va encore avec différents programmes, avec différents offices, construire près de 1.000 logements supplémentaires. Il y a pourtant encore 1.700 demandeurs de logements ! Alors on va dire c'est le maire se Stains qui est responsable ? Non, ce n'est pas le responsable, lui, il fait son, boulot par rapport au logement social, mais dans des villes voisines, il n'y a pas le même nombre de logements sociaux. Donc je crois que le droit opposable, il faut l'exercer en direction de l'Etat ! Je pense qu'il faut qu'il y ait un grand service public du logement, et c'est l'Etat qui est responsable de la satisfaction de ce besoin de logement social !
Q- Et pour les SDF, dans l'urgence, le Gouvernement promet des réponses aujourd'hui...
R- Dans l'urgence, il faut en effet, par exemple, réquisitionner des logements vides, la loi le permet, pour loger ces hommes, ces femmes, tout de suite, qu'on les mette dans les conditions de se reconstruire, de pouvoir petit à petit regagner la possibilité d'avoir un emploi, parce que la question, c'est aussi non seulement qu'ils aient un toit, mais qu'ils aient demain un emploi leur permettant de vivre dignement.
Q- Vous vous adressez aussi aux écologistes ; que dire à N. Hulot pour qu'il ne se présente pas et qu'il ne vienne pas rogner des voix par une candidature qui n'est pas complètement ( ?).
R- C'est son choix et son choix sera respectable...
Q- Vous craignez quand même... ?
R- J'ai envie de dire qu'il faut que... L'écologie est une question centrale et elle doit être portée par une politique. Lorsque l'on privatise l'énergie, quelque part, on fait mal à l'écologie. Lorsque l'on privilégie le transport routier au détriment du fret par la SNCF, c'est une politique contre l'écologie. Donc je pense qu'en développant une politique qui soit une politique pour une nouvelle croissance, une politique qui permet de faire reculer le productivisme et de respecter le développement durable, je pense qu'on fait oeuvre d'écologie.
Q- Seriez-vous choquée par la nomination de J.-L. Debré à la tête du Conseil constitutionnel ?
R- Quelque part, oui, parce que ce serait quand même mettre les hommes en place pour préparer l'avenir...
Q- ...Vous avez l'impression que J. Chirac gère sa fin de règne en casant tous ses amis ?
R- C'est un peu le sentiment qu'il donne quand même.
Q- L'Archevêque de Varsovie a été poussé à la démission pour ses activités avec la police, du temps du régime communiste ; qu'en pensez-vous ?
R- Autant je respecte l'engagement des hommes et des femmes qui ont essayé de construire une réponse avec les Partis communistes d'alors, autant nous savons que les atteintes aux libertés, qui ont été le cas dans ces pays, ont fait que ces pays ont échoué et que tout s'est effondré
comme un château de cartes en 1989. Donc je trouve que c'est normal qu'il ait démissionné.
Q- L'Udf présentera une femme pour la mairie de Paris, M. de Sarnez ; le PCF ne dit rien, vous n'avez pas de candidat, la mairie de Paris ne vous intéresse pas ?
R- Pour l'instant, nous sommes en train de participer à la gestion de la mairie de Paris. Nous avons été sur une liste d'union, avec toutes les sensibilités de gauche. Nous ne sommes pas pour l'instant sur les municipales, nous sommes en train, tout simplement, à Paris, aux côtés de ceux et celles qui luttent, nos élus sont à côté de ceux qui luttent et puis nous sommes engagés dans la campagne des présidentielles à Paris comme ailleurs.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, 8 janvier 2007