Interview de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, à RMC le 2 janvier 2007, sur son rôle dans la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, le relèvement du plafond de ressources pour bénéficier de la Couverture maladie universelle (CMU), les sanctions en cas de refus des médicaments génériques et l'extension de l'automédication.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

Q- Notre invité ce matin, X. Bertrand, ministre de la Santé et des Solidarités. Bonjour. Bonne année aussi. Dites-moi, êtes-vous porte-parole de N. Sarkozy ou pas ?
R- Je suis ministre de la Santé et porte-parole du ministère de la Santé.
Q- Non, parce qu'avant les fêtes j'ai entendu dire que vous alliez devenir porte-parole de N. Sarkozy pendant la campagne présidentielle.
R- Vous l'avez entendu. Si c'était le cas, vous l'auriez lu. Donc une chose est certaine, il n'y a pas aujourd'hui de candidat investi, il n'y a donc pas de porte-parole choisi très clairement...
Q- Vous aimeriez ?
R- La question ne se pose pas aujourd'hui.
Q- Non mais ne dites pas la question ne se pose pas ; dites-moi "oui, j'ai envie" ou "non, je n'ai pas envie" !
R- Vous voulez qu'on prenne un pari ?
Q- Oui.
R- Ce matin, je suis sûr que les questions des auditeurs, cela ne va pas être pour savoir quel rôle je peux jouer dans cette campagne, c'est pour savoir, en tant que ministre de la Santé, ce que j'ai à leur répondre aux questions qu'ils vont me poser, voilà ce qui va les intéresser.
Q- X. Bertrand, je vais vous dire, 90% de l'interview va porter sur les questions de santé, mais c'est aussi une question politique qui peut être intéressante, vous en convenez.
R- Alors deux choses sur les 10% qui restent. Je me suis engagé très clairement, au tout début du mois de décembre, aux côtés de N. Sarkozy, parce que je pense que dans cette campagne, les idées que je représente, les idées auxquelles je crois, notamment toute cette partie sociale, la place de la santé dans la campagne, je veux que cela compte. Voilà pourquoi je me suis engagé, je ne me suis pas caché derrière mon petit doigt, pour soutenir N. Sarkozy. Maintenant, quel rôle je peux jouer dans cette campagne, pour moi, ce n'est pas le sujet prioritaire.
Q- Mais vous êtes prêt à devenir porte-parole, si on vous le demande ?
R- Vous pouvez me poser la question de 10.000 façons, quand il y aura un candidat qui sera investi, on verra justement de quelle façon je peux être le plus utile, voilà. Vous n'avez qu'à me réinviter dans quinze jours.
(...)
Q- Un mot avant de parler de santé, mais ça a un rapport avec la santé, puisque vous êtes ministre des solidarités aussi, 1000 mètres carrés, un immeuble près de la Bourse à Paris dans le 2ème arrondissement, qui appartient à une banque, qui est vide et inoccupé depuis trois ans et qui est maintenant squatté à l'initiative de plusieurs associations. Comment regardez-vous cela ?
R- Cela montre aussi que ce droit au logement il ne faut plus qu'il reste virtuel, il ne faut pas qu'il soit proclamé, il faut qu'il devienne une réalité. C'est vrai que c'est un sujet qui est déjà entré dans la campagne. N. Sarkozy l'avait proposé, le président de la République a fixé une échéance, avec un rapport confié à X. Emmanuelli, qui sait de quoi il parle, quand on parle justement de la façon dont on peut et qu'on doit accueillir justement les sans domicile fixe, un rapport très rapidement et ensuite un texte. Il faut que cela devienne une réalité, parce que ce n'est pas seulement un sujet du mois de décembre, ce n'est pas seulement un sujet qu'on doit aborder au moment où l'hiver commence, c'est un sujet sur lequel on ne doit plus fermer les yeux et ce pendant toute l'année. Donc on sait qu'il y a aujourd'hui des situations qui semblent choquantes, parce qu'il y a des locaux qui sont vides, il y a des personnes qui sont à l'extérieur. Le gouvernement a beaucoup fait, mais il faut vraiment aller plus loin encore, c'est là l'enjeu.
Q- C'est là ; l'enjeu. Vous êtes donc favorable au droit au logement opposable, si j'ai bien compris.
R- Bien sûr.
Q- Autre chose, une actualité qui vous concerne encore d'un peu plus près, une infirmière a été assassinée il y a une dizaine de jours, on en a très peu parlé dans les médias, nous on en a parlé ici parce que beaucoup d'infirmières et d'infirmiers libéraux ont réagi et ont dit leur indignation, c'est vrai que les médias en ont très peu parlé. Que dit le ministre de la Santé ce matin ?
R- J'ai eu le contact la semaine dernière avec le syndicat auquel appartenait cette infirmière parce que justement c'est une affaire qu'on a connue que très tardivement. Il faut savoir précisément quel est le contexte, quelles sont les conditions dans lesquelles cela s'est passé, c'est un drame parce que c'est vrai que quand vous êtes professionnel de santé, la seule question que vous vous posez, c'est comment on peut, comment on doit soigner justement les personnes, et là c'est quelqu'un qui visiblement dans l'exercice de ses fonctions, a priori, d'après ce que l'on sait, a été victime justement, et dont la famille aujourd'hui souhaite ne pas être importunée, mais j'ai pu avoir le contact avec les autorités locales et aussi avec ce syndicat pour leur dire effectivement qu'on partageait toute leur émotion, et je me permets aussi d'adresser le même message à la famille.
Q- Toute personne qui quitte la France, tout Français qui va s'installer à l'étranger, pour sa retraite par exemple, au Maroc, en Tunisie ou ailleurs, va devoir rendre sa carte Vitale, doit rendre sa carte Vitale.
R- Vous ne trouvez pas cela normal ?
Q- Je vous demande simplement des explications, je ne vais pas dire si c'est normal ou pas normal.
R- Surtout, ce qui est anormal, c'est qu'on aurait dû le faire depuis bien longtemps, et moi j'ai décidé notamment de mieux contrôler...
Q- Ce qui veut dire que certains allaient s'installer à l'étranger et profitaient du système social français.
R- On peut le penser. En revenant en France, donc on fait un choix. On fait un choix, si on décide de quitter la France pour s'installer justement à l'étranger durablement, eh bien on va rendre sa carte Vitale, on n'a plus besoin de sa carte Vitale, eh bien on va tout simplement la rendre. Ce que je souhaite faire avec la mise en place de la carte Vitale avec photo, c'est qu'on gère mieux le système des cartes Vitale. Aujourd'hui vous avez plus de dix millions de cartes Vitale qui ont été imprimées, éditées en double ; cela ne veut pas dire qu'il y a dix millions d'utilisation frauduleuse, mais ça veut dire tout simplement qu'il faut remettre de l'ordre dans le système. Donc, on va mieux contrôler justement avec les photos, qui utilise la carte Vitale, et puis surtout, si on quitte la France, je le répète, eh bien tout simplement on la rendra puisqu'on n'a plus besoin de s'en servir. Ce n'est que de la logique, rien de plus que cela, mais il était temps de mettre un peu plus de logique dans ce système.
Q- Alors, dans le domaine de la santé, je regarde les nouveautés. Depuis hier, le plafond de ressources pour bénéficier d'une aide à l'acquisition d'une Couverture Maladie Complémentaire est relevé.
R- Ce qui veut dire qu'il y a 900 000 personnes de plus qui vont pouvoir bénéficier d'une aide à la complémentaire, ce sont des personnes qui pendant très longtemps, étant au-dessus du seuil de la CMU, n'avaient droit à aucune aide, le président de la République l'avait souhaité, nous avons relevé ce plafond. Il y a aujourd'hui à peu près 3 millions de personnes qui vont pouvoir bénéficier de cette aide à la complémentaire, mais là aussi je ne veux pas que ce soit un droit virtuel, nous devons absolument renforcer l'information de ces personnes qui bien souvent ne savent même pas qu'elles ont droit à cette aide.
Q- La CMU, alors il y a eu ce débat autour de la CMU, avec certains médecins qui ne veulent plus soigner les patients CMU, on a parlé un temps de sanctions et puis vous n'avez pas voulu les sanctionner ces médecins, pourquoi ?
R- Non non, attendez, merci de me permettre de remettre les pendules à l'heure. Parce qu'il n'a jamais été question de refuser les sanctions, elles existent, et elles n'étaient pas appliquées. Vous savez pourquoi ? Parce qu'il y a aujourd'hui très peu de plaintes, parce qu'un patient qui est à la CMU, qui se voit refuser l'accès chez un médecin, qu'est-ce qu'il fait ? Il ne porte pas plainte auprès du Conseil de l'Ordre, comme il en a le droit, il va tout simplement chercher un autre médecin en priorité.
Q- Mais parce qu'il ne sait pas qu'il faut porter plainte, parce qu'il n'est pas informé ou qu'il n'a pas les moyens de porter plainte.
R- Voilà, je suis parti de ce constat-là. A partir de ce moment-là nous avons décidé que les plaintes, auprès du Conseil de l'Ordre, seraient ouvertes également à toutes les associations qui représentent justement ces patients, et que nous allons également remettre à chacun des patients qui est à la CMU, une fiche, simple, claire, lui expliquant ses droits et quelles sont ses possibilités de recours si à un moment ou à un autre il se voit opposer un refus parce qu'il est à la CMU. Une chose est certaine, c'est qu'il faut dépasser l'indignation, il faut voir exactement pourquoi...
Q- Ses droits et ses devoirs.
R- Les droits et les devoirs c'est pour tout le monde, pas seulement pour les patients qui sont à la CMU.
Q- Je suis d'accord, mais pour eux aussi.
R- Oui, pour eux aussi, comme pour tout le monde, et aussi pour les professionnels de santé. Donc, nous sommes aussi en train de regarder exactement quelles sont, non pas les excuses - il n'y a pas d'excuses à refuser un patient -, mais les explications avancées par certains médecins, pour régler tous les sujets techniques qui pouvaient être avancés. J'ai su le faire, notamment avec les dentistes, voilà de ça quelques mois, aujourd'hui il semble qu'on ait beaucoup moins de problèmes, eh bien il faut avoir un travail de fond. Donc maintenant sur les sanctions, quelles sont-elles ? Il y a les avertissements, les blâmes et les suspensions d'activité, ce qui veut dire qu'un médecin qui refuse des patients à la CMU, se voit suspendre dans son activité. Donc, ne disons pas qu'il n'y a pas de sanctions ! Maintenant nous avons des rendez-vous réguliers, parce que dire les choses c'est bien, suivre leur application c'est encore mieux, tous les 3 mois réunion de travail avec tous les acteurs, les associations, et si jamais ça ne suffit pas, eh bien on remettra de nouvelles sanctions dans l'arsenal disponible, et je ne sais pas si vous avez vu, mais la semaine dernière les médecins et la Sécurité sociale ont mis en musique exactement ce que nous avions décidé. Donc ça bouge. Parce qu'une chose est certaine, le refus d'accès aux soins est inacceptable, mais il ne s'agit pas seulement de le dire, il faut aussi veiller à ce que ça ne se reproduise plus.
Q- Les pharmaciens peuvent refuser le tiers payant pour les patients qui refusent des médicaments génériques.
R- Dans les endroits où le générique ne marche pas.
Q- Notamment en région parisienne ?
R- Oui, ça été fait d'ailleurs. On s'est aperçu qu'aujourd'hui nous avons un taux de générique...
Q- Où est-ce qu'on en est avec les génériques ?
R- Eh bien, nous avons tenu les objectifs, on avait dit qu'à la fin de l'année 2006 il faudrait être à 70% de taux de génériques. Quand les génériques sont disponibles, on y est, ce qui montre bien que le générique, ça marche ; c'est aussi ça qui nous permet de faire des économies. Mais il y a aussi des endroits sur le territoire où le générique ne marche pas aussi fort. Alors, on va renforcer l'information et puis c'est vrai que le pharmacien pourra, là où le générique ne marche pas aussi fort, décider de supprimer le tiers payant. Là où ça s'est passé, ça s'est plutôt bien passé, mais par contre les résultats ont été au rendez-vous.
Q- Alors, l'automédication, on en a parlé la semaine dernière...
R- La médication familiale.
Q- La médication familiale. Vous voulez favoriser cette médication familiale...
R- Elle existe déjà.
Q- Elle existe déjà. Alors, j'ai une question toute simple, faut-il autoriser la vente de certains médicaments en grandes surfaces ?
R- Non.
Q- Non. Là vous êtes catégorique, c'est non ?
R- Ah oui, ce n'est pas la première fois que je suis catégorique, j'aime bien les choses claires. Pourquoi ? Parce qu'un médicament ce n'est pas un produit comme un autre, et que vous devez absolument, quand vous prenez un médicament...
Q- Non, mais dans d'autres pays, cela existe, ce n'est pas une raison ?
R- Oui, ce n'est pas parce que cela existe aux Etats-Unis ou en Angleterre, qu'on doit copier bêtement ce qui se passe aux Etats-Unis ou en Angleterre. Moi je crois que quand on a un problème de santé, il faut se tourner soit vers le médecin, soit vers le pharmacien. Ne vous soignez pas tout seul avec votre armoire à pharmacie. Donc, l'automédication, la médication familiale, ça existe, je vois notamment au lendemain des fêtes, quand vous avez besoin de faciliter la digestion, vous n'allez pas forcément aller chez le médecin. Donc, ce que je veux, c'est mieux l'encadrer, mieux l'organiser, et donner plus d'informations médicales sur justement les médicaments. Si vous trouvez quel es notices aujourd'hui sont claires, vous avez de la chance, moi je ne trouve pas qu'elles soient suffisamment claires. Maintenant, je ne veux plus des prix des médicaments non remboursés qui explosent, qui varient parfois du simple au triple, donc dans ce que je veux faire sur l'automédication, je veux aussi donner des garanties que les prix ne joueront plus au yo-yo, encore que le yo-yo, c'est souvent uniquement à la hausse, je ne veux plus de ça, je veux mieux organiser les choses, mais je veux aussi le dire clairement, parce que le sujet avait été évoqué, l'automédication, cela ne veut pas dire déremboursement, il n'y a pas de déremboursement prévu, il n'y aura pas de déremboursement, parce que ce n'est pas cela qui m'intéresse, refiler en quelque sorte le bébé de l'Assurance maladie aux patients. Ce n'est pas ça qui réglera le problème de l'Assurance maladie, je n'ai pas besoin de cela pour réussir la réforme.
Q- Un Français dépense chaque année 28 euros environ pour se soigner seul, contre 43 euros pour un Anglais et 47 euros pour un Italien, plus de 60 euros pour un Allemand.
R- C'est ça.
Q- Il y a quand même encore du chemin à faire...
R- Et donc, avant de développer, mieux organiser l'automédication.
Q- Bien. Donc un meilleur encadrement de cette pratique. Je regarde encore, les opticiens peuvent renouveler les lunettes sans ordonnance pour les plus de 16 ans...
R- Ça aussi, c'est une forme de bon sens et de logique. Cela fait longtemps que c'était demandé, eh bien, ce sera possible dès cette année.
Q- Le forfait journalier hospitalier passe de 15 à 16 euros, somme à la charge du patient ou de sa mutuelle, pas d'augmentation future prévue, non ?
R- Non, c'était prévu depuis 2004 avec la réforme. Il faut savoir que c'est très loin de couvrir la réalité des soins non médicaux à l'hôpital, les 16 euros correspondent à une petite partie des 80 euros que représentent aujourd'hui les soins qui ne sont pas ceux liés à une intervention à l'hôpital. Les tarifs des 1250 cliniques privées baissés de 3,1% par le gouvernement en septembre pour trois mois retrouvent leur niveau d'origine. Comme indiqué, comme dit à l'époque.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 3 janvier 2007