Déclaration de M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, sur la nécessité de développer une politique extérieure à long terme, au niveau européen, pour s'assurer une plus grande sécurité d'approvisionnement en matière d'énergie, Bruxelles le 20 novembre 2006.

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Circonstance : Conférence sur le thème : Une politique extérieure européenne en matière d'énergie pour une plus grande sécurité d'approvisionnement, tenue à Bruxelles le 20 novembre 2006.

Texte intégral

Pour avoir une politique extérieure, il faut une vision partagée par tous les pays d'Europe et elle ne saurait être efficace, sans s'appuyer sur quelques principes.
* En premier lieu, l'Europe doit se doter des instruments nécessaires en matière de prospective énergétique. Nos partenaires énergétiques sont très sensibles à la question de la sécurité de la demande. Ils nous entendent en effet prôner la diversification des sources d'énergie, la diversification des fournisseurs et s'interrogent sur l'évolution des besoins de l'Europe à moyen terme. Premier principe, l'Europe doit être en mesure de donner de la visibilité à ses fournisseurs et la France souscrit à la proposition de la Commission d'un nouvel accord international sur l'efficacité énergétique.
Mais cette visibilité, nous n'avons pas de raison de ne pas la demander aussi à nos fournisseurs, a fortiori à nos principaux fournisseurs, comme la Russie et l'Algérie, qui seront confrontés au nécessaire renouvellement de leurs gisements. C'est d'ailleurs ce qu'a présenté M. Barroso concernant la Russie.
* Et ceci m'amène au deuxième principe, notre politique extérieure doit être fondée sur des relations de confiance et ceci repose d'abord sur des relations de long terme. C'est fondamental.
L'énergie requiert des investissements très lourds. J. Solana l'a souligné plus tôt. C'est pourquoi nous devons privilégier des partenariats de long terme, et en matière de fourniture d'énergie, nous devons privilégier les contrats de long terme. La réalisation d'infrastructures communes avec nos proches voisins, je pense à des gazoducs avec le Maghreb, avec la Russie, doit être soutenue par l'Europe car elle permet de créer une interdépendance durable entre l'Europe et ses voisins.
Je voudrais rappeler à nos fournisseurs, dont beaucoup sont ici représentés, que nous souhaitons une politique extérieure basée sur la réciprocité, le bénéfice mutuel entre l'Europe et ses fournisseurs. C'est la demande de Mme Ferrero Waldner. L'énergie est cruciale pour la compétitivité de nos économies et le niveau de vie de nos concitoyens. Elle représente une ressource économique stratégique pour ses fournisseurs. Nous devons bien entendu préserver une relation client-fournisseur équilibrée. Nous devons aussi travailler à un développement économique croisé.
Et je suis persuadé qu'il s'agit plus d'opportunités à saisir ensemble que de contraintes à s'imposer.
Mais ceci n'exclut pas la concurrence entre opérateurs, au niveau de la production ou de la distribution. C'est mon 3ème principe.
Je souhaiterais également rappeler que l'essentiel des investissements qui sont à réaliser, sont le fait du secteur privé. Alors que les États ont longtemps assumés eux-mêmes de construire des interconnexions, de conclure des contrats de transit ou d'approvisionnement. Les opérateurs ont leur propre stratégie qui ne coïncide plus nécessairement avec les objectifs de sécurité d'approvisionnement que l'Europe et chaque États poursuit. En outre, ils sont livrés à une concurrence, particulièrement forte ces dernières années, pour l'accès aux ressources.
C'est pourquoi, comme cela vient d'être souligné par notre collègue allemand, je crois au besoin d'une approche régionale complémentaire à l'action de l'UE, c'est mon 4ème principe. Il est plus facile pour un petit nombre de pays européens et leurs proches voisins de s'entendre sur des projets industriels communs. Cette approche aurait du sens s'agissant des relations entre l'arc latin de l'UE et les pays du Maghreb.
Nous devons aussi, et c'est d'ailleurs ce à quoi nos opérateurs s'emploient, travailler à la prévention des crises.
L'Europe peut compter sur l'AIE, qui a montré son efficacité après le passage de l'ouragan Katrina. Bien qu'elle ait su faire preuve d'ouverture notamment à l'égard des grands consommateurs que sont la Russie, la Chine, l'Inde, l'agence reste aujourd'hui fermée aux pays non membres de l'OCDE. L'AIE n'est par ailleurs pas interdite aux pays producteurs. Je trouverai pour ma part utile que les mécanismes de sécurité développés par l'AIE puissent être transposés chez nos fournisseurs (stocks de sécurité, ajustement de la production). Je suis prêt à plaider pour qu'ils aient pour cela un statut d'associé dans l'Agence.
* Je crois également que la politique extérieure doit donner une priorité à la promotion de l'efficacité énergétique, et la France est très engagée dans ce domaine.
* Tout cela doit se traduire sur le plan institutionnel. Tout d'abord, nous pensons que l'Europe doit pouvoir s'exprimer d'une seule voix et demander le respect de quelques principes. La France a proposé que l'Europe se dote d'un représentant spécial énergie. Ce représentant serait placé auprès du Haut Représentant et du Commissaire en charge de l'énergie, travaillerait sur un mandat du Conseil énergie et lui rendrait compte de son action.
Mais toutes les directives existantes ne font pas une politique de l'énergie. Il manque, en intra-européen, la visibilité, l'approche régionale, et nous aurons à y revenir entre nous, et, vers l'extérieur, il manque au moins dans un partenariat d'intérêt réciproque le travail stratégique de long terme sur la base d'un diagnostic partagé.
En résumé, renforcer la politique extérieure suppose:
- une plus grande visibilité de la part des pays d'Europe et de nos fournisseurs, sur l'offre et la demande ;
- des relations de confiance sur le long terme, qui puissent réaliser une communauté d'intérêt ;
- une concurrence entre opérateurs, au niveau de la production ou de la distribution, avec une clarification du rôle des Etats ;
- une approche régionale complémentaire de celle de l'UE ;
- une meilleure coordination sur le plan institutionnel pour que l'Europe parle d'une seule voix, notamment en cas de crise.
Si nous avons beaucoup à faire pour parvenir à une vraie politique extérieure, je suis sûr que c'est vraiment notre intérêt collectif d'y arriver. Intérêt collectif à nous pays de l'Union, et à vous, nos voisins, nos fournisseurs, nos meilleurs partenaires.
Merci

source http://www.industrie.gouv.fr, le 2 janvier 2007