Entretien de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, dans le quotidien espagnol "La Vanguardia" du 21 décembre 2006 sur la réforme institutionnelle, la politique de l'énergie et la politique de sécurité et de défense de l'Union européenne.

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Circonstance : Déplacement en Espagne, le 21 décembre 2006

Média : La Vanguardia

Texte intégral

Q - L'Allemagne va assurer la présidence de l'Union européenne à partir du 1er janvier et la France élira un nouveau président au mois de mai. 2007 sera-t-elle une année décisive pour l'Europe ?
R - Je pense que oui, et pas seulement en ce qui concerne la réforme des institutions communautaires. 2005 a été une année difficile, en raison du rejet par la France et les Pays-Bas de la Constitution européenne. 2006 a été l'année de la consolidation du projet européen, car le budget prévisionnel pour 2007-2013 et le programme de recherche et développement ont été approuvés, et les bases d'une politique énergétique ont été posées. 2007 marquera, je le crois, la relance de l'Europe. Je sais qu'une telle relance est possible.
Q - Pour quelles raisons ?
R - Pour différentes raisons. Concernant la réforme institutionnelle, il existe déjà un consensus. En ce sens, il appartient à l'Allemagne, qui assurera la présidence au premier semestre 2007, de commencer à chercher des solutions, petit à petit. Mais il faut également définir de nouveaux projets politiques qui répondent aux inquiétudes des Européens. Je pense aux domaines de l'emploi, de l'immigration, de l'énergie ou de la sécurité, dans toutes ses dimensions. Il s'agit de politiques concrètes auxquelles la France a choisi d'accorder la priorité depuis déjà plusieurs mois.
Q - Cette volonté de répondre aux attentes des citoyens n'est pourtant pas nouvelle.
R - La différence est qu'il existe aujourd'hui un consensus pour passer à l'action. Les chefs d'Etat ou de gouvernement des Vingt-sept souhaitent profiter de la célébration du 50ème anniversaire de la signature du Traité de Rome le 25 mars prochain pour rendre publique une déclaration politique importante qui ne se contentera pas de passer en revue ce qu'a accompli l'Union européenne en cinquante ans. Il s'agira de ne pas faire une simple déclaration de principe, mais de pouvoir donner un nouvel élan à la construction européenne.
Q - Que pensez-vous de l'initiative espagnole consistant à réunir en janvier à Madrid les pays qui ont ratifié la constitution européenne pour faire une analyse de la situation ?
R - Il nous faut conserver un esprit d'ouverture et faire preuve de pragmatisme. Nous, les Vingt-sept, sommes tous conscients du fait qu'une solution n'est possible que si nous la trouvons ensemble. C'est une question que j'ai abordée à de nombreuses occasions avec mon homologue espagnol, M. Albert Navarro, secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes. Si cette réunion débouche sur des ébauches de solution, alors nous y sommes favorables. Mais il faudra compter avec les travaux qu'accomplira la Présidence allemande entre le 25 mars et la fin du mois de juin. L'objectif des Vingt-sept est qu'un nouveau traité soit entré en vigueur au moment où auront lieu les élections européennes en 2009, et je vous rappelle que pour cela, le traité aura dû être ratifié au préalable.
Q - Que doit faire l'Europe pour cesser de jouer les "belles au bois dormant" face au nouveaux défis posés par la mondialisation ?
R - L'Europe doit apprendre à devenir un acteur global de la mondialisation. Pour cela, nous devons être capables d'adopter les mesures nécessaires qui lui permettront de renforcer sa présence, ses moyens et sa capacité d'action collective pour pouvoir répondre aux nouveaux défis politiques, économiques et sociaux. Mais nous devons également définir de nouveaux objectifs qui répondent aux aspirations des Européens.
Q - Tandis que nous parlons des réponses collectives à donner aux nouveaux défis, comme celui de l'énergie par exemple, Gaz de France signe un accord bilatéral avec Gazprom en vue d'acheminer le combustible russe en France.
R - L'objectif est de passer des relations bilatérales à une politique européenne plus intégrée. Plutôt que de faire négocier vingt-sept pays, l'Europe doit parler d'une seule voix. En septembre, notre Premier ministre, M. Dominique de Villepin, a proposé de créer un mécanisme adapté doté d'un représentant spécial qui coordonnera son action avec Javier Solana, le responsable de la Politique extérieure et de sécurité européenne.
Q - Et qu'en est-il de la politique de sécurité et de défense dans laquelle l'Union européenne fait ses tout premiers pas ?
R - La France est favorable à une politique étrangère et de défense européenne. En avril, nous avons fait une proposition concrète pour faire des progrès supplémentaires, en marge du Traité constitutionnel. Nous souhaitons, par exemple, que soit créé le poste de ministre des Affaires étrangères européen. Nous pouvons et nous devons progresser dans ces domaines.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 janvier 2007