Interview de Mme Ségolène Royal, députée PS et candidate à l'élection présidentielle de 2007, à "La Voix du Nord" le 19 janvier 2007, sur certains points de sa campagne électorale, notamment un réajustement éventuel des 35 heures, sur la polémique concernant la politique fiscale et sur la politique du logement social.

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Média : La Voix du Nord

Texte intégral

Q - Votre campagne semble marquer le pas. Les sondages sont moins bons. Certains parlent de « trou d'air » et demandent un changement de méthode...
R - Je suis très au clair sur ma méthode et sur mes valeurs et, en même temps, toujours à l'écoute. Je déduis de ce que j'entends aujourd'hui qu'il y a encore un besoin d'explication sur le sens de ma démarche, mais certainement pas une demande de renoncement. Dans la crise démocratique que traverse le pays, essentiellement une crise du résultat, avec un gros doute sur la crédibilité des responsables politiques, le fait de prendre le temps de débattre avec les Français sur ce qui est important pour eux, tout en égrenant des propositions au fur et à mesure, donne de la crédibilité à ce que je dirai globalement, lorsque cette phase de débat sera arrivée à son terme.
Q - Cette visite dans le Nord, vous en attendez une relance de votre campagne ?
R - Mais ma campagne n'est pas « délancée » ! Elle est peut-être moins médiatique. Nous en sommes à deux mille réunions participatives dont je tirerai un premier bilan lundi. Il faut que cette phase de débat s'épanouisse pleinement.
Q - Aujourd'hui à Lille, vous allez rencontrer Martine Aubry. Le temps des tensions et des petites phrases est oublié ?
R - Elle m'a invitée à la mairie, je suis heureuse de la rencontrer à l'occasion du débat participatif sur le logement qui se déroule ce soir à Roubaix. Cela montre que le rassemblement est en mouvement.
Q - Est-ce qu'elle peut avoir une place dans votre campagne ?
R - Il n'y a que ceux qui ne comprennent pas la démarche participative qui prétendent ne pas être associés à la campagne. Tout le monde est invité à animer des débats, tout le monde est utile. Il faut que chacun se demande ce qu'il peut faire pour cette campagne. J'ai besoin du soutien de tous notamment pour recueillir la parole des Français.
Q - Les 35 heures ont été un sujet de friction entre vous et Martine Aubry. Comment comptez vous rouvrir le sujet ?
R - On en discutera avec les organisations de salariés et d'employeurs. Ce que je veux, c'est que les entreprises aient l'agilité pour conquérir des marchés extérieurs. Si on veut lutter contre les délocalisations, il faut développer les exportations vers les marchés émergents.
Q - Cette "agilité" est-elle compatible avec le projet du PS qui veut revenir sur les assouplissements aux 35 heures votés par la droite ?
R - On verra. Je ne m'interdis rien dans ce domaine. Les 35 heures constituent un progrès social important et ont créé des emplois, mais elles ont aussi créé un certain nombre de problèmes. Je veux que le socialisme soit le socialisme du réel : nous devons regarder les choses en face. Ce n'est pas se désavouer que de réajuster certaines réformes pour gommer leurs effets négatifs. C'est cela aussi la rénovation de la politique. La politique, ce n'est pas tout noir ou tout blanc.
Q - Après la polémique sur les impôts, on se demande où vous-même placez la barre des hauts revenus ?
R - La réponse n'est pas si simple. Pour un même revenu, le niveau de vie n'est pas le même pour ceux qui sont propriétaires ou pas, qui ont beaucoup d'enfants ou pas, des personnes à charge ou pas. Ce n'est pas un chiffre qui donne la réalité du pouvoir d'achat. Il faut être à la fois prudent et faire en sorte que la fiscalité soit juste et soit aussi un outil du développement économique et social. La première étape, c'est de lutter contre toutes les formes de gaspillage. Un euro dépensé doit être un euro utile.
Q - Votre imposition au titre de l'ISF a fait les gros titres et on vous soupçonne d'avoir cherché à y échapper...
R - À titre personnel, je suis bien en dessous du seuil de l'ISF. J'ai publié, la première, notre patrimoine commun et j'ai fait la totale clarté sur le sujet. Je vois que c'est plus flou de la part d'autres candidats. Contrairement aux attaques diffusées sur l'Internet, je ne fraude pas. C'est un expert comptable qui a fait l'évaluation des biens de sorte que leur valeur déclarée soit irréprochable : le nouveau procès qui m'était fait hier sur une prétendue sous-évaluation était une fois de plus mensonger. Il est vraiment temps de sortir des attaques personnelles pour débattre sur le fond.
Q - Ce sera le cas ce soir à Roubaix sur le logement. Mais en quoi votre politique serait-elle différente de celle de Jean-Louis Borloo qui dit piloter le plus gros effort depuis la guerre ?
R - Ce n'est pas vrai. La preuve c'est que les Français se sentent tirés vers le bas. Ceux qui occupent aujourd'hui les logements sociaux, c'est parce qu'ils n'ont plus accès aux logements aux prix du marché. 70 % des logements neufs construits ne sont accessibles qu'à 20 % de la population. Il y a donc bien un problème de maîtrise des loyers, de construction insuffisante de logements sociaux, de non-respect du quota de 20 % de logements sociaux par commune. Il faut un service public de la caution comme on l'a déjà fait dans certaines régions. Je souhaite aussi que l'État transfère aux régions les moyens d'engager un programme massif de logements pour les étudiants et les jeunes travailleurs.
Je veux aussi faciliter l'accession à la propriété. Par exemple en permettant aux familles qui paient régulièrement leurs loyers de devenir propriétaires de leur logement au bout de 15 ans, pour une somme très modique. Par ailleurs, je propose qu'aucun permis de construire ne soit délivré s'il n'intègre pas des équipements d'énergie renouvelable. Cela contribuera à la baisse des charges locatives.
Q - Après son "dérapage" sur François Hollande, pourrez-vous continuer à travailler avec Arnaud Montebourg ?
R - Arnaud Montebourg a eu un écart de langage inutilement blessant. J'ai donc décidé de le suspendre pendant un mois de ses fonctions de porte-parole, même si je lui conserve ma confiance.