Interview de M. Bernard van Craeynest, président de la CFE-CGC, à France Bleu le 19 décembre 2006, sur les objectifs de la CFE-CGC et la réforme de la représentativité syndicale.

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Média : France Bleu

Texte intégral


Olivier Daude : Vous êtes le président de la CFE-CGC, Confédération Française de l'Encadrement, Confédération Générale des Cadres et avec vous, on a eu envie de revenir sur, oh c'est l'histoire du serpent de mer, sur le projet de réforme de la représentativité syndicale, le mot est lâché, dans un avis rendu jeudi dernier. Il a mis évidemment la puce à l'oreille, le Conseil Economique et Social s'est prononcé de façon assez claire en faveur de la remise en cause du monopole syndical. Evidemment, on va en reparler de cette réforme, pourquoi et comment, voilà qui fait en tout cas concrètement courir des risques à une formation comme la votre, pas la seule, mais en tout cas, il en était largement question lors de votre 28ème congrès qui s'est au début...
Bernard van Craeynest : 33ème.
OD : 33ème exactement. Eh bien moi, j'avais 28, alors 33 déjà tant mieux. Il s'est tenu en tout début du mois qui d'ailleurs à vu votre réélection pour trois ans je crois ?
BVC : Absolument !
OD : Bravo, déjà. Mais alors pour la suite vous l'appréhendez cette réforme ou pas ?
BVC : On l'appréhende simplement en considérant que le problème est posé autour d'un faible taux de syndicalisation récurrent dans notre pays malgré l'augmentation de l'offre puisqu'on voit apparaître depuis quelques années de nouveaux syndicats dans le paysage. Cependant, le fait de considérer qu'on va conforter la légitimité des acteurs à tout niveau, je vous rappelle qu'on négocie, aussi bien au niveau national interprofessionnel, que dans les branches, les conventions collectives...
OD : Tout à fait !
BVC : Et également dans les entreprises, qu'on va conforter donc cette légitimité au travers d'une élection de représentativité, nous considérons, nous, que c'est sans doute un élément nécessaire mais pas suffisant. Tout simplement parce qu'on ne s'attaque pas au coeur du problème. Le coeur du problème, c'est le faible taux de syndicalisation, c'est le faible nombre de salariés qui se sentent impliqués dans l'évolution des conditions de travail et dans le collectif parce que ce à quoi nous assistons aujourd'hui, depuis un certain nombre d'années et encore plus actuellement c'est le démontage convention par convention, entreprise par entreprise, du collectif existant. On dénonce les accords d'entreprise, on dénonce les conventions collectives et on va de plus en plus vers une relation individualisée de gré à gré entre l'employeur et le salarié dans laquelle bien entendu un certain nombre vont très convenablement tirer leur épingle du jeu, parce qu'il y en a toujours qui sont heureusement très performants. Simplement ce que nous disons c'est que, il devient de plus en plus difficile dans le monde actuel d'être performant durant quarante et quelques années de carrière. Et c'est pourquoi, il nous semble indispensable de sauvegarder les éléments collectifs et pour ça, il nous apparaît utile que les salariés se rendent compte que, élire par définition c'est confier un mandat à quelqu'un, encore faut-il qu'il y ait des candidats. Or, les militants syndicaux sont également frappés par le papy boum et donc nous ce que nous disons c'est que, si on y prend garde dans dix ans, on pourra faire toutes les plus belles élections du monde, on pourra faire les plus belles lois du monde sur le dialogue social, s'il n'y a plus personne autour de la table pour le nourrir ce dialogue social nous aurons un vrai problème.
OD : Or, c'est passionnant, on va y revenir évidemment dans les prochaines minutes, on a bien fait de vous inviter Bernard VAN CRAEYNEST, parce que là, la problématique est évidemment posée. Rappelons quand même pour celles et ceux qui nous écoutent sur quelles bases aujourd'hui s'assoit, j'allais dire, la représentativité syndicale. Rappelons qu'historiquement il y a quand même cinq grandes confédérations syndicales qui font parties d'un club assez fermé à la porte duquel frappent d'autres syndicats émergeants notamment Sud pour ne parler que d'eux. Syndicats qui bénéficient, exactement, d'une présomption irréfragable de représentativité, alors en clair ça veut dire quoi ? C'est que personne ne peut contester leur représentativité, au nom de quoi d'ailleurs ? Historiquement ?
BVC : Tout simplement d'un arrêté du gouvernement de l'époque qui a été pris le 31 mars 1966...
OD : Tout à fait !
BVC : Donc, on peut considérer qu'effectivement en bientôt quarante et un le paysage a considérablement évolué. Mais ce que j'observe c'est que depuis cette date là aucun gouvernement et pourtant on en a changé fréquemment notamment depuis vingt cinq ans ne s'est attaqué à ce simple arrêté qui peut être balayé du jour au lendemain, remplacé ou mieux conforté dans une loi car là, effectivement, ça conférerait une dimension un peu plus durable et forte.
OD : Pourquoi, ils ne l'ont pas fait, parce que le sujet est sensible, délicat ?
BVC : Je pense qu'effectivement il n'y a pas eu de véritables volontés sans doute parfois par manque de courage ou parce que d'aucun pensé qu'ils allaient sans doute ouvrir la boîte de pandore. Nous ce que nous disons, c'est que, c'est vrai qu'il y a de nouveaux syndicats, vous en avez cité un, il y en a un autre qui frappe très fort à la porte qui s'appelle l'UNSA, eh bien on doit en tenir compte. Mais pour autant ce que nous observons c'est que ça n'a pas augmenté le nombre de syndiqués, c'est ça qui nous semble extrêmement préoccupant. Et ce que nous voulons, nous, à la CFE-CGC c'est qu'on prenne conscience de tout cela pour que - c'est pas une question de querelle de boutique - il y ait véritablement une prise de conscience collective qui fasse que les salariés se disent : " Mais bon sang, nous qui sommes capables de nous mobiliser pour des grandes causes, comme le Téléthon, comme lorsqu'il y a une catastrophe naturelle pour faire de l'humanitaire, là de quoi s'agit-il ? De notre vie quotidienne, de ce qui nous préoccupe pendant une grande partie de notre vie à laquelle on consacre beaucoup de temps physique, mais aussi de nos pensées, eh bien ça vaut peut-être le coup de se mobiliser. Alors on peut toujours discuter de l'offre, est-elle bonne ? Est-elle suffisante ? Devrait-elle être élargie ? Pourquoi pas, mais en attendant le problème de fond c'est de savoir ce qui va donner l'envie aux salariés de devenir acteurs de leur destin.
OD : Alors comment on avance dans la réflexion, la CFE-CGC, encore une fois on va en reparler Bernard VAN CRAEYNEST, mais pardonnez-moi d'insister quand on parle aujourd'hui de monopole syndical ça vous parait excessif ou pas, franchement ?
BVC : Ah, c'est vrai que les cinq confédérations dont la notre bénéficient depuis 1966 de cette fameuse présomption irréfragable que vous évoquiez qui nous donne deux avantages importants. L'un la possibilité d'avoir accès à toutes les négociations collectives et deux le monopole de présentation au premier tour des élections professionnelles. Ca fait partie des sujets dont on peut tout à fait discuter. Le soucis c'est que, vous savez qu'il y a 30 000 entreprises de plus de 50 salariés dans ce pays, ça veut donc dire qu'il y en a près de 2 millions de moins de 50 salariés et dans toutes ces entreprises où va-t-on chercher les candidats pour les présenter ? Je rappelle également que sur les 120 000 élus représentants du personnel dans les entreprises, il y en a 22% qui sont sans étiquette, c'est-à-dire qu'ils n'appartiennent à aucune organisation syndicale. On est entrain de parler de la représentativité des organisations syndicales, donc ce que nous disons, c'est comment fait-on pour faire en sorte qu'il y ait une mobilisations pour que, quelle que soit la méthode, il y ait effectivement des porteurs potentiels de mandats.
OD : Je vais vous laisser développer, mais concrètement, encore une fois, pour que les choses soient bien claires pour ceux qui nous écoutent Bernard VAN CRAEYNEST, si demain on décide la réformer, si on décide réformer les règles qui régissent actuellement la représentativité syndicale, si on se bat, c'est une des pistes suggérées par certains candidats à la présidentielle d'ailleurs et pas seulement, si on se base sur les seuls scores aux élections prud'homales, que risque par exemple la CFE-CGC pour bien comprendre ?
BVC : Ah en l'état rien puisque dans la vie du...
OD : Vous avez fait 7 % je crois aux dernières ?
BVC : Absolument en décembre 2002 nous avons fait un peu plus de 7% toutes sections confondues. Je vous rappelle qu'il y a cinq sections : agriculture, commerce, industrie, encadrement, activités diverses pour ces élections prud'homales et la grande discussion que nous avons eue au Conseil Economique et Social, a porté autour, entre autres, suite au rapport de Raphaël Hadas-Lebel, du seuil de représentativité au-delà duquel on déclare une organisation représentative. Et on a parlé précisément de 5%, alors ça ne veut pas dire que...
OD : Là, vous vous maintiendriez ?
BVC : On n'est pas, on ne court par le risque de chuter en dessous, mais nous, on espère bien au contraire passer quelques steppes au-dessus et en l'occurrence au-delà de 10. Donc dans l'immédiat on ne risque rien et c'est bien pour ça qu'on se dit que là, il y a un vrai enjeu et qu'il mérite d'être mis en avant pour qu'il y ait un débat qui nous permette encore une fois de trouver des pistes et des solutions qui nous permettent de sauvegarder ce tissu collectif qui nous semble essentiel pour la cohésion sociale de ce pays.
OD : On va y revenir dans la deuxième partie de cette rencontre évidemment Bernard VAN CRAEYNEST, ce qui explique aussi d'ailleurs c'est l'objectif, l'un des objectifs que vous vous êtes fixé pour ce nouveau mandat, trois ans puisque vous avez été reconduit dans vos fonctions de président de la CFE-CGC, de passer de 160 000 à 200 000 adhérents déclarés ?
BVC : Oui et encore je considère que c'est un objectif tout à fait raisonnable parce que, il est bien évident que nous représentons les techniciens, agents de maîtrise, ingénieurs, cadres en particulier et on devrait, si nous avions un taux de syndicalisation nettement plus fort dans ce pays de l'ordre de 50% de la population salariale, on devrait viser les 500 milles sans problème.
OD : Bernard VAN CRAEYNEST, c'était notre invité ce soir, président de la CFE-CGC. On va en reparler évidemment de la vie syndicale, la représentativité syndicale dans les toutes prochaines minutes, juste avant l'info et l'info trafic tout d'abord. (...) Si vous nous rejoigniez, évidemment, vous êtes les biens venus, notre invité ce soir Bernard VAN CRAEYNEST, président de la Confédération Française de l'Encadrement, la Confédération Générale des Cadres, voilà, je l'ai bien descendu. C'est la représentativité syndicale dont il est question et alors à vous écouter Bernard VAN CRAEYNEST, on a presque envie de dire que, finalement c'est presque pas la bonne question en réalité c'est une réforme à la limite oui pourquoi pas, mais la question est mal formulée, mal posée. Interrogeons-nous d'abord, c'est ce que vous disiez, il y a quelques instants et j'aimerais que vous développiez, sur la faiblesse, l'anémie pour ne pas dire, du taux de syndicalisation aujourd'hui en France, à quoi ça tient ?
BVC : A, plusieurs facteurs...
OD : Vous avez commencé à répondre...
BVC : Oui, à plusieurs facteurs, déjà à, je dirais l'histoire sociale de notre pays qui a fait que, au début du 20ème siècle contrairement aux pays d'Europe du Nord qui sont souvent cités en exemple, comme des modèles avec des taux de syndicalisation très élevés, nous nous avons fait le choix de distinguer l'aspect purement revendicatif de l'aspect que l'on appellera syndicalisme de service. C'est-à-dire ce qu'on connaît en Belgique, en Suède, au Danemark où pour bénéficier d'un certain nombre de services comme l'accès aux prestations chômage, à de la formation ou à de la prévoyance, il vaut mieux être syndiqués. En France, ce n'est pas le cas, qu'on soit syndiqué ou non on bénéficie des accords collectifs signés. Puis, il y a d'autres éléments qui malheureusement ont concouru à ce faible taux de syndicalisation, c'est d'une part la très mauvaise image de marque des syndicats qui ont été considérés comme des organisations plutôt politisées, plutôt éloignées des préoccupations des salariés...
OD : Fauteurs de troubles sociaux.
BVC : Fauteurs de troubles sociaux. Et puis j'ajouterais un élément non négligeable qui est l'attitude du patronat qui n'encourage pas, c'est le moins qu'on puisse dire. Nous avons malheureusement trop d'exemples qui se traduisent entre autres par le nombre de délégués syndicaux ou d'élus du personnel qui sont victimes de licenciement chaque année, de l'ordre de 20 000, il est clair...
OD : On les croyait protégés pourtant ?
BVC : Ils sont protégés, ils font l'objet d'une procédure particulière en cas de licenciement. Pour autant, ils sont exposés comme les autres et même si parfois ça se termine sur le bureau des services du ministère du Travail pour l'autorisation finale, si je puis dire, ils sont l'objet de procédures comme les autres salariés. Donc, il est clair que, on est face à un vrai problème de reconnaissance du fait syndical. Lorsque le patronat nous dit et nous partageons qu'il est important qu'il y ait des acteurs et qu'il y ait des représentants syndicaux pour nourrir le dialogue social encore faut-il les encourager dès le départ, c'est-à-dire dans l'entreprise lorsqu'ils se présentent à une élection ou lorsqu'une organisation syndicale leur confie un mandat.
OD : Est-ce qu'il n'y a pas là aussi, ce qu'on observe, finalement, entre la société civile et la classe politique, j'allais dire, la classe dirigeante, un écart, un fossé qui s'est creusé justement d'année en année, entre, j'allais dire, les directions des grandes centrales syndicales et puis la base ?
BVC : Oui, ça malheureusement c'est le résultat de la complexification de notre vie quotidienne. Nous abordons des sujets au niveau national et européen de plus en plus complexes qui nécessitent beaucoup d'expertises et beaucoup de temps pour les négocier, alors que nos collègues dans les entreprises sont confrontés à des préoccupations beaucoup plus terre à terre et que l'on comprend aisément quand il s'agit de savoir à quelle sauce on va être mangé le lendemain, si on va bénéficier d'une promotion ou non, d'une formation, si on va être muté. C'est à cela que s'attachent nos collègues. Donc il est bien évident que le discours national que l'on entend à longueur d'années sur les problèmes des retraites, sur les problèmes de la protection sociale, sur les difficultés que l'on a pour négocier la reconduction d'une convention sur l'assurance chômage, ça ne parle pas directement à la vie quotidienne des salariés. Et puis surtout, comme je vous le disais tout à l'heure, comme il y a une faible présence syndicale en entreprise, il y a plus d'un salarié sur deux dans ce pays qui n'a jamais l'occasion de voter pour un représentant, un élu du personnel parce qu'il n'y a pas d'acteurs syndicaux dans les entreprises où ils sont. Parce qu'elles ont moins de 10 salariés ou même si elles ont plus de 10 salariés et qu'elles sont soumises à une obligation d'organiser des élections de délégués du personnel, par exemple, et bien, il y en a, il y a certaine entreprises qui ne négocient même pas le protocole d'accord pré-électoral ou même s'il est négocié, il y a souvent carence de candidats ou même si, il y a des candidats et des élus, comme je vous le disais tout à l'heure, il y en a quand même près d'un quart qui sont sans étiquette, qui sont donc livrés à eux-mêmes. Parce que, encore une fois compte tenu de la matière complexe qu'est le code du travail et les accords collectifs aujourd'hui, il vaut mieux s'accrocher à une structure avec des experts et des juristes pour être en capacité de rétablir l'équilibre face à la loi, face à des patrons qui ont des moyens de leur côté avec leur chambre syndicale patronale pour conduire leurs affaires.
OD : Alors c'est une piste j'imagine, sur laquelle vous travaillez ?
BVC : Absolument, absolument...
OD : C'est un levier ça ?
BVC : Nous souhaitons bien entendu faire en sorte que les salariés, comme je vous le disais tout à l'heure, prennent conscience de l'intérêt qu'il y a à devenir acteur de leur destin et nous avons lancé un peu un pavé dans la mare en ce qui nous concerne en disant que bien entendu, conformément à la tradition française et aux textes depuis la constitution jusqu'à un certain nombre de lois, il ne s'agit pas de remettre en cause le socle que constitue la loi, les accords inter-professionnels, les conventions collectives, accords de branche, mais lorsqu'il y a négociations dans l'entreprise eh bien lorsque cette négociation apporte un plus aux salariés, comme un accord salarial, un accord d'intéressement, un accord de prévoyance collective, nous avons proposé que le produit de ces accords soit réservé aux adhérents des organisations syndicales. De manière à provoquer le débat et à encourager la représentation syndicale dans les entreprises....
OD : C'est une prime à la carte ça ? C'est une prime à la carte ?
BVC : Ecoutez ça va s'en doute provoquer quelques débats pour justement qu'on fasse en sorte que, on sorte du système qui fait que, finalement en faisant profiter des accords à tout le monde, on est dans un système où on a malgré tout crée d'énormes inégalités, d'énormes écarts entre différentes branches professionnelles et différentes entreprises liés à leur taille, liés à leur relation donneur d'ordres / sous traitants.
OD : C'est effectivement un pavé dans la mare. On en reparle tout de suite ! (...) Revenons un peu sur ce pavé dans la mare que vous avez lancé à la CFE-CGC Bernard VAN CRAEYNEST. Donc pour ceux qui nous rejoindraient, on parle de la représentativité syndicale et puis au-delà de la représentativité syndicale dont un certain nombre de candidats à la présidence d'ailleurs se saisissent à tour de rôle, encore une fois, jeudi dernier, le Conseil Economique et Social rendait un avis, justement, se prononçant en faveur de la remise en cause, de ce qu'on appelle, de ce que d'aucun appelle le monopole syndical, vous venez donc, vous, jetez un pavé dans la mare, c'est à moyen terme, j'allais dire, en disant : bien voilà, maintenant quand on aura négocié eh bien ceux qui profiteront finalement de l'accord négocié, obtenu, en profiteront directement ceux qui sont syndiqués. C'est énorme !
BVC : Oui, enfin c'est énorme, je rappelle simplement que, on ne dit cela que pour le produit des négociations d'entreprises...
OD : Oui, oui pour l'instant !
BVC : On ne remet pas en cause la loi, les accords nationaux qu'ils soient inter-professionnels ou de branches, mais c'est simplement pour montrer que, contrairement à l'imagerie populaire bien ancrée, le syndicalisme ça ne produit pas que des grèves, que des barricades, que des blocages de transports, ça produit un certain nombre d'avantages pour les salariés, là où il peut librement exercer son rôle. C'est-à-dire, là où il y a de la négociation collective dans quelques entreprises, malheureusement trop peu à notre goût. En général, celles où il y a le plus grand nombre de salariés. Et on veut qu'il y ait un débat autour du fait que, à notre sens nous avons de nouvelles générations qui arrivent sur le marché du travail, qui n'ont pas eu dans leur formation initiale beaucoup d'éléments sur l'histoire sociale de notre pays, et comment tout ça c'est construit notamment au sortir de la seconde guerre mondiale, et qui auraient peut-être tendance à considérer que ce qui existe aujourd'hui et bien c'est immuable, c'est acquis, ça va perdurer, ça va traverser les tempêtes quelles qu'elles soient. Non, malheureusement, non ! Comme je le disais au début de notre entretien nous constatons tous les jours qu'il y a des remises en cause, des dénonciations de conventions collectives et d'accords et si on y prend garde et bien on se retrouvera très prochainement dans une relation non plus avec des gardes-fous collectifs mais avec une relation individualisée de gré à gré employeur / salarié. Il n'y aura plus de code du travail, ça sera simplement le code du commerce qui s'appliquera et bon forcément il y en a qui s'en sortiront très bien, d'autres pour lequel ça sera nettement plus difficile. Et c'est de cela dont nous voulons parler pour montrer les avantages que ça peut représenter.
OD : On en reparlera bien évidemment avec vous Bernard VAN CRAEYNEST, mais s'agissant de la jeune génération tenez qui aujourd'hui débouche sur le marché du travail, il y en a quand même à qui ça arrive, heureusement, est-ce que le tableau n'est pas plus noir que ça ? Est-ce que non seulement on ne se dit pas : " c'est immuable, ça ne bougera pas, les acquis sont les acquis ". Est-ce que ce n'est pas plus simplement : " après tout je m'en fou, l'essentiel c'est mon business, c'est ma vie, c'est ma carrière, et peut importe les autres ! " Une espèce de quant à soi, qu'on observe quand même ?
BVC : Il est évident que, il y a un développement de l'individualisme sans doute renforcé par le fait que malheureusement on laisse les jeunes un peu trop livrés à eux-mêmes. A la fois pour leur orientation dans leur formation initiale, mais aussi pour leur insertion durable dans l'emploi, c'est un vrai parcours du combattant et c'est pour ça d'ailleurs qu'au congrès de la CFE-CGC, il y a une dizaine de jours, j'ai proposé que nos jeunes pré-retraités, retraités, soient dans les unions départementales à disposition de ces jeunes pour les guider, pour leur expliquer ce qu'est le monde du travail, quels sont ses codes, comment tout cela fonctionne de manière à recréer une solidarité inter-générationnelle et un lien qui permette d'être efficace pour montrer quels sont les parcours pour les jeunes générations.
OD : Merci Bernard VAN CRAEYNEST, je rappelle que vous êtes président de la confédération française de l'encadrement et de la confédération générale des cadres. La représentativité syndicale, on en reparlera, pourquoi pas avec vous une toute prochaine fois ?
BVC : Avec plaisir, je vous remercie. Source http://www.cfecgc.org, le 27 décembre 2006