Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, sur la coopération décentralisée, à l'Assemblée nationale le 25 janvier 2007.

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Circonstance : Débat public sur la proposition de loi sur l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements, à l'Assemblée nationale le 25 janvier 2007

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le gouvernement se réjouit que vienne aujourd'hui en séance publique - dans une niche UMP - la discussion de la proposition de loi, déposée à l'origine par M. le sénateur Thiollière, tendant à introduire dans le code général des collectivités territoriales des dispositions nouvelles permettant de compléter et de préciser notre droit de la coopération décentralisée.
Le texte qui vous est proposé aujourd'hui est issu d'une étroite collaboration entre le gouvernement et le parlement pour permettre aux collectivités territoriales françaises de nouer des partenariats avec d'autres autorités locales étrangères, sans risque juridique.
Depuis longtemps, en effet, les collectivités territoriales françaises ont manifesté leur souhait de pouvoir développer une action extérieure, en Europe mais aussi à destination des pays en développement ou des pays émergents. Elles le font dans le respect des engagements de la France, et en s'appuyant sur leurs compétences et leurs savoirs-faire pour nouer des relations durables, qui mettent en jeu un large éventail d'acteurs de leurs territoires.
Dans ce cadre, elles conduisent des programmes de coopération utiles et complémentaires à l'action menée par l'Etat, comme vous l'avez d'ailleurs souligné, Monsieur le Rapporteur, dans votre excellente analyse. C'est pourquoi mon ministère soutient résolument ces initiatives.
A l'occasion de cet examen par votre Assemblée, je voudrais donc souligner devant vous, d'abord, l'apport de ce texte pour rendre juridiquement plus sûres les actions de coopération décentralisée, puis resituer cette proposition dans le cadre plus large du dispositif que ce gouvernement a mis en place pour accompagner et soutenir l'action extérieure des collectivités territoriales.
La loi du 6 février 1992 qui a autorisé la signature, par les collectivités territoriales françaises, de conventions avec d'autres autorités locales, avait omis de préciser quel type d'action pouvait y être intégré ; en particulier, elle n'avait pas fait mention de l'aide au développement que pouvaient apporter les collectivités territoriales. De même, le législateur de 1992 n'avait pas songé à donner un socle juridique aux nombreuses subventions accordées par les collectivités territoriales au moment de catastrophes naturelles, au titre de l'aide humanitaire d'urgence.
C'est d'ailleurs l'impressionnante mobilisation française qui a suivi le tsunami dans l'océan indien, en décembre 2004, qui avait motivé la proposition initiale du sénateur-maire Michel Thiollière.
Pour sa part, le gouvernement avait saisi le conseil d'Etat pour évaluer les risques encourus par les collectivités territoriales du fait de l'imprécision du cadre législatif existant. Dans son rapport adopté en assemblée générale le 7 juillet 2005, celui-ci avait conclu à la nécessité de modifier la loi pour éviter des annulations au motif de défaut d'intérêt local à agir, comme certains tribunaux administratifs l'avaient déjà fait en première instance. Je précise que ces décisions ont fait l'objet d'appels, toujours en cours d'instruction à ce jour.
C'est donc le fruit de cette réflexion collective, qui a abouti au texte adopté à l'unanimité au Sénat le 27 octobre 2005, et qui vous est aujourd'hui proposé. Cette proposition reprend mot pour mot les formulations suggérées par le Conseil d'Etat. Elle ouvre donc désormais explicitement la possibilité pour les collectivités territoriales de mener des actions d'aide au développement, dès lors qu'elles auront été prévues par convention entre les deux partenaires locaux.
En tant que ministre en charge de la coopération, je veux me féliciter de cette importante avancée, car je sais tout l'apport de nos collectivités territoriales au développement des pays du Sud, en particulier dans l'Afrique francophone. Ce sont en effet près de 50 millions d'euros par an qui sont apportés par les collectivités territoriales à l'effort consenti par la France en matière d'aide publique au développement.
Avec ce texte, les subventions accordées après des catastrophes naturelles seront également légalisées. Pour autant, les collectivités territoriales prennent de plus en plus conscience que leur rôle est souvent plus efficace au travers d'un accompagnement dans la durée pour la reconstruction, comme elles sont nombreuses à l'avoir décidé en faveur de l'Indonésie, de l'Inde ou du Sri Lanka, plutôt que par de simples dons aux associations caritatives.
Pour toutes ces raisons, le gouvernement appelle de ses voeux l'adoption de cette proposition par votre Assemblée, dans des termes identiques à ceux du sénat. Ceci permettrait en effet une adoption définitive du texte avant la fin de cette législature, ce qui viendrait l'ajouter à tout le dispositif de soutien et d'accompagnement à l'action extérieure de nos collectivités territoriales, que je me suis attachée à rénover et à développer.
Sur le plan juridique d'abord, ce texte a été précédé de la loi dite Oudin-Santini sur le financement innovant de la coopération dans le domaine de l'eau et de l'assainissement, dans la limite de 1 % du budget des collectivités territoriales dans ces secteurs. Nous avons également inclus dans notre droit interne la notion de district européen, qui permet d'associer des collectivités étrangères à des syndicats mixtes de droit français.
S'agissant par ailleurs du dialogue et de la concertation entre l'Etat et les collectivités territoriales, je tiens à rappeler que le gouvernement a rénové la composition de la commission nationale de la coopération décentralisée, qui est désormais pleinement opérationnelle, et que j'ai réunie le 3 octobre 2006, pour la première fois depuis trois ans. A cette occasion, de nouveaux chantiers ont pu être engagés, telles la mise en place de commissions de coordination pour la Chine, le Brésil et les pays émergents ; ou encore l'instauration de groupes de travail sur la coopération décentralisée et les communautés de migrants, notamment.
Enfin, notre dispositif de cofinancement a été réformé, à la suite d'une large consultation avec les associations de collectivités territoriales, afin de le rendre plus simple, plus lisible, mais aussi pour en faire un instrument au service de nouveaux partenariats entre l'Etat et les collectivités.
Le nouveau dispositif favorise l'appui institutionnel, le développement durable, la mutualisation, et l'intégration des jeunes. Il s'appuie pour se faire sur trois appels à projets, proposant notamment une contractualisation sur trois ans avec les principales collectivités territoriales présentes à l'étranger, et en privilégiant des démarches coordonnées. J'attends de cette réforme une meilleure articulation de l'action des collectivités entre elles, mais aussi avec l'Etat, grâce à la prise en compte de leurs actions dans les documents cadres de partenariat que le gouvernement met en place avec tous les pays de notre zone de solidarité prioritaire. J'espère par la même occasion répondre au souci, que je sais partagé par les élus locaux, d'une meilleure coordination, dans le respect de l'autonomie des collectivités territoriales.
C'est donc sur des bases nouvelles, solides et dynamiques que s'exerce désormais la coopération décentralisée, dans un climat de confiance entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Dans un monde globalisé, où les enjeux de développement territorial ne peuvent s'envisager sans ouverture vers l'extérieur, je crois au rôle de nos collectivités. C'est donc avec plaisir que je vois aboutir cette proposition avant la fin de la législature, car je sais que cette sécurité juridique était attendue, et qu'elle permettra à de nombreuses collectivités territoriales d'apporter leur contribution - toujours appréciée - à notre politique d'aide au développement.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 janvier 2007